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Jean Chouzenoux
Le marché du vin au Québec comparé à celui de la France, qu’en pense l’intelligence artificielle?
Depuis la quinzaine d’années où je suis installé à Nice, il m’est arrivé à quelques reprises de vous parler des différences entre le Québec et la France à propos de l’offre de vin qui s’offre aux consommateurs. J’ai donc demandé à l’IA ce qu’elle en pensait.
Texte généré par l’IA (après une requête de ma part)
Le grand paradoxe vinicole : une plongée dans deux mondes
La culture du vin, profondément ancrée dans nos sociétés, se manifeste de manière radicalement différente entre le Québec et la France. Cette analyse approfondie révèle les subtilités, les contradictions et les réalités méconnues de ces deux approches distinctes.
L'expérience client : une question de culture
Le modèle québécois repose sur une structure centralisée où la SAQ règne en maître incontesté. Avec ses 400 succursales disséminées à travers la province, elle offre une expérience standardisée, mais sophistiquée. Chaque visite devient une exploration mondiale du vin, même dans les plus petites succursales qui maintiennent un minimum de 400 références différentes. Par ailleurs, les épiciers offrent une panoplie de vins produits ou importés et embouteillés au Québec. De plus, la SAQ délègue à 400 agences québécoises la possibilité de vendre les produits de son catalogue.
En France, l'expérience d'achat prend une dimension plus intime et locale. Les cavistes indépendants créent une relation personnalisée avec leur clientèle. Avec son réseau d’environ 500 succursales, Nicolas est la chaîne incontournable de France. On y retrouve une offre d’environ 400 produits, dont un tronc commun d’une centaine de marques. Chaque boutique reflète avant tout l'identité de sa région, privilégiant quasi exclusivement les productions locales… du Bourgogne à Beaune, du Bordeaux à St-Émilion. Dans ces commerces aux superficies variantes mais rarement immenses, on retrouve parfois jusqu’à 1000 produits. Rares sont les vins étrangers sur les rayons et ce sont généralement les mêmes que l’on retrouve partout.
Le paradoxe de l'accessibilité
La centralisation québécoise, souvent critiquée, révèle un avantage inattendu : une démocratisation sans précédent de l'accès aux vins du monde entier. Les succursales Sélection de la SAQ proposent jusqu'à 2500 marques différentes issues d’une cinquantaine de pays. Une diversité rare, même à l'échelle mondiale.
Contrairement aux idées reçues, le modèle français présente des limitations surprenantes. Dans les hypermarchés, pourtant principaux points de vente pour le consommateur moyen, la section des vins étrangers se limite parfois à une trentaine de références. Cette réalité contraste fortement avec l'image romantique des caves françaises débordant de trésors vinicoles. Ainsi, le consommateur lambda fera généralement ses emplettes de vins et spiritueux en même temps qu’il fera son épicerie dans un hypermarché Carrefour, Leclerc ou Casino. Là aussi la sélection est adaptée à la région, ce qui est somme toute normal dans un pays producteur. Inversement, l’amateur averti se retrouve inévitablement au royaume de la frustration. Il devra réfréner sa soif d’une sélection de vins d’Alsace à Dijon, d’une offre diversifiée de Beaujolais à Biarritz ou d’une gamme de Chinon à Libourne. Ne parlons même pas du plaisir de dénicher son Porto favori, plus de 2 ou 3 Rioja d’Espagne, un cru chilien ou un sauvignon de Nouvelle-Zélande. C’est pour cela que je trouve toujours injuste d’entendre certains détracteurs patentés dire que le choix serait plus grand au Québec si on se débarrassait de la SAQ.
Par ailleurs, la SAQ a embrassé la transformation digitale avec brio. Son système d'importation privée et sa plateforme en ligne permettent aux amateurs d'accéder à des vins rares et exotiques depuis leur domicile. Cette modernisation du service traditionnel représente une évolution significative dans l'approche de la distribution vinicole.
En France, la fermeture de grandes enseignes physiques comme Lavinia à Paris (6000 références) illustre la transformation du paysage commercial vinicole. En revanche, un avantage indéniable pour l’amateur français qui a des contacts chez des producteurs est de pouvoir commander à la source. Ça, c’est le Nirvana! Notez qu’il s’agit uniquement d’un atout pour varier l’offre, mais pas d’économies notables au niveau des prix.
Espace vins de l’un des plus grands hypermarchés Carrefour de France, à Nice
La section (très limitée) des 31 vins étrangers à la même enseigne
L'économie du vin : une analyse comparative
L'analyse comparative des prix révèle des écarts pouvant parfois être significatifs. Précisons que pour se retrouver sur les rayons de la SAQ, les produits doivent franchir les quelque 6000 km qui les séparent de leur point d’origine.
Quelques exemples, tout prix converti en dollars canadiens.
- Mouton-Cadet : 15$ en France – 18$ au Québec
- Mas des Oliviers Faugères : 12$ en France – 18$ au Québec
- Crozes Hermitage Guigal : 29$ en France – 36$ au Québec
- St-Émilion Jean Faure 2020 : 70$ en France – 85$ au Québec
- Sancerre Chateline, Joseph Mellot : 32$ en France – 32$ au Québec
- Domaine Moussière, Alphonse Mellot : 42$ en France – 45$ au Québec
- Tour Carnet 2018 : 87$ en France – 65$ au Québec
- St-Chinian Ivresse : 32$ en France – 35$ au Québec
- Mas de Daumas Gassac : 75$ en France – 85$ au Québec
En conclusion
Cette analyse révèle que chaque système possède ses forces uniques. Le modèle québécois excelle dans l'accessibilité et la diversité internationale, tandis que le système français brille par son expertise locale et sa connexion avec le terroir. La compréhension de ces différences permet d'apprécier la richesse et la complexité de ces deux approches de la distribution vinicole.
Note : les éléments soulignés ont été ajoutées par l’auteur
Martin Gosselin, un ambassadeur du vin nous a quittés
Comme plusieurs, je suis sous le choc et attristé du décès de Martin Gosselin, restaurateur connu et apprécié au-delà des limites de la capitale nationale. J’ai connu Martin dans les années 1980, alors que nous étions tous deux membres du bureau de direction de l’Amicale des Sommeliers du Québec. Jovial, blagueur, truculent, verbomoteur, disons un homme avec qui j’ai rapidement sympathisé. Sans doute aussi des qualités qui lui ont permis de réussir à un plus d’un titre.
Martin Gosselin, homme aux multiples facettes
Martin a fait valoir ses qualités dans différentes sphères d’activités, toutes reliées au monde de la restauration et des communications. Diplômé de l’ITHQ, il a également obtenu un certificat en pédagogie professionnelle et a pu former toute une génération de nouveaux restaurateurs, sommeliers ou serveurs.
Martin Gosselin, professeur
D’abord au collège professionnel Wilbrod-Berher pour des formations en restauration et sommellerie. Nous nous y sommes d’ailleurs côtoyés, alors que j’offrais une formation sur les vins aux épiciers. Il a ensuite enseigné de longues années au Collège Mérici en gestion d’établissements de restauration. Une longue carrière d’enseignant menée en parallèle avec la gestion de son restaurant. Professeur de jour et restaurateur de soir et fin de semaine. Un homme de vocation!
Martin et son associé de toujours, Yvon Godbout
Martin Gosselin, restaurateur
Avec son associé Yvon Godbout, ils ont ouvert et tenu pendant trois décennies le restaurant La Fenouillière, maintes fois récompensé pour la qualité de sa table ainsi que par le Wine Spectator pour la diversité de sa carte des vins. Situé à l’entrée de la ville de Québec, où son épouse Andrée Hamel assurait l’accueil avec chaleur et bienveillance, cette adresse réputée a longtemps fait l’honneur de la région. Pas étonnant de voir le duo d’associés recevoir, année après année, la distinction de meilleur restaurant de l’est du Québec.
Martin Gosselin, chroniqueur
Pendant quelques années Martin a fait le régal des amateurs de gastronomie et de vins en signant la chronique viti-vinicole dans le cahier La Bonne Chère du samedi, au quotidien Le Soleil. Ses textes mettaient en valeur les produits locaux et les artisans de la profession. Cette fonction l’a mené à rencontrer bon nombre de viticulteurs étrangers de passage au Québec. Excellent communicateur, on l’a aussi entendu régulièrement sur les ondes de stations de radio de la capitale pour commenter la chose culinaire et vinicole.
Martin Gosselin, auteur
Revenant d’un fructueux voyage en Europe où il a visité de nombreuses caves et distilleries, Martin a développé un réel intérêt pour le monde des boissons alcooliques. L’élaboration des produits, certes, mais aussi leur juste usage. En a résulté un ouvrage où il a colligé ses récents acquis: Le guide des alcools, que bien des mixologues ont consulté.
Martin Gosselin, ambassadeur du vin au Québec
En 1993, la SAQ a souhaité rendre hommage aux bâtisseurs de la filière du bien boire et du bien manger au Québec, en créant le titre d’ambassadeur du vin au Québec. Vint ensuite le Collège des Ambassadeurs qui, au-delà de la reconnaissance, a mandaté les titulaires à poursuivre leur vocation promotionnelle sous diverses formes. Par ses nombreuses implications à véhiculer la connaissance des vins auprès de diverses clientèles, Martin Gosselin a amplement mérité l’honneur de rejoindre ce cercle restreint et prestigieux des ambassadeurs du vin. Un autre honneur à saveur internationale, cette fois, lui a été rendu lorsque les représentants de la République française lui ont décerné la Médaille du Mérite agricole, reconnaissance ultime et hautement symbolique.
Martin Gosselin, fin dégustateur
Membre de nombreuses confréries bachiques où incidemment nous nous rencontrions souvent, Martin a développé son palais et ses connaissances en matière de dégustation. Par conséquent, ses habilités ont été requises comme juré international lors de diverses compétitions où les vins méritants se voient attribuer les fameuses médailles Or ou Argent qu’ils arborent fièrement sur leurs bouteilles.
Martin Gosselin, l’ami
Je l’ai déjà mentionné ici, le monde de la filière vin au Québec est un petit monde où les protagonistes ont souvent l’occasion de se croiser, de collaborer et parfois, selon affinités, des amitiés se nouent. Mon épouse et moi avons l’honneur de développer cette relation avec Martin et Andrée. D’abord à l’Amicale des sommeliers, puis à la Maison des vins de Québec, que j’avais le plaisir de diriger alors qu’il fréquentait le lieu chaque semaine. Mais surtout, nous nous sommes rapprochés par l’entremise d’un autre ami que nous avions en commun, le sympathique Luc Provencher, avantageusement connu et fortement apprécié au Québec. Dès lors, nous avons partagé de chaleureux repas et de mémorables dégustations, souvent bercés par la musique des crooners que Luc affectionne ou des chanteurs français qui me font vibrer. Hélas! l’éloignement outre Atlantique fait en sorte que ces occasions ont cessé. Seuls les échanges froids et occasionnels de nos claviers et des portables ont résisté, mais le lien d’amitié ne s’est jamais rompu.
Salut Martin! Andrée, nous t’embrassons.
Le Club bachique franco-québécois
En 2011, après toute une vie passée au Québec, dont 35 ans de carrière à la SAQ, mon épouse et moi avons traversé l’Atlantique afin de planter notre fleurdelisé sous le chaud soleil azuréen. Que voulez-vous… hédonistes à souhait, nous avons choisi de construire notre paradis sur terre. Mon attachement au Québec est demeuré intact et graduellement ; je suis tombé amoureux de la France pour des raisons maintes fois évoquées ici. En fait, comme le chantait Joséphine Baker : «J’ai deux amours, mon pays et Paris ».
Cet exil volontaire ne devait en aucun cas me faire renoncer à mes passions, qui tournent autour du vin, de la gastronomie et des voyages. Surtout pas ici en Europe, berceau de l’agriculture, de la viticulture et où les capitales rivalisent de charmes architecturaux et de trésors historiques. Or, n’ayant surtout pas le verre solitaire, je me suis mis à la recherche de nouveaux copains avec qui partager les 600 bouteilles qui nous avaient suivies de Montréal à Nice. J’ai entrepris ma quête en arpentant les salons de vins régionaux, faisant la tournée des vignobles environnants et me joignant à titre de juré à divers concours internationaux de vins comme les Vinalies de Paris, le Mondial du Pinot Noir en Suisse ou Mundus Vini en Allemagne.
Mais c’est l’appel d’un ami de Québec, Pierre Pilon, que je salue, me suggérant de contacter une connaissance à lui, qui m’a permis de faire une première rencontre vineuse. Christine Hello, me dit-il, « est une amie niçoise qui, au surplus, adore la gastronomie et les voyages (douce musique à mes oreilles), tu peux la contacter de ma part ». Ce que je fis dès la semaine suivante et, après les présentations d’usage, elle me dit tout de go, « venez-donc manger samedi soir, j’inviterai des amis qui, comme vous, aiment bien le vin ». Chapeau pour l’accueil!
À la date convenue, nous avons gravi les marches menant au bel appartement de Christine et ses amis Madeleine et Tristan Ghertman nous ont rapidement rejoints. Quel ne fut pas mon étonnement quand notre hôtesse, me présentant à Tristan, qui incidemment est Commandeur à la Confrérie des Chevaliers du Tastevin du Clos Vougeot, j’entendis les flacons qui s’entrechoquaient dans le sac qu’il transportait. D’autant qu’il me demanda d’entrée de jeu « est-ce que tu aimes déguster à l’aveugle? ». La glace fut rapidement rompue et je me souviens très bien du premier verre de blanc qu’il m’a tendu et que j’ai décrit de façon suivante: « il a un côté beurré et un nez de noisettes, mais aussi des effluves de fruits exotiques… le seul vin blanc que je connaisse qui assemble ce qui paraît être du chardonnay et du viognier est le Mas de Daumas Gassac ». Pile dans le mille… une fois n’est pas coutume! Après cette prise de contact, nous avons remis le couvert assez rapidement et avons instauré la norme des dégustations à l’aveugle. Après deux ou trois ans, un peu pompeusement et à la rigolade, nous avons officialisé la chose en fondant (roulement de tambour) le Club bachique franco-québécois (CBFQ). Voilà de quoi se donner de la contenance et de s’enorgueillir! Seul artifice protocolaire, Tristan et moi nous sommes autoproclamés honorables coprésidents. Sacrée entorse à la démocratie!
Par ailleurs, au fil des ans, mon épouse et moi sommes assez fiers d’avoir constitué ici, à Nice, un pôle attractif où de plus en plus d’amis du Québec viennent nous rejoindre pour hiberner et profiter du climat et des atouts de la région. La convivialité étant notre moteur, nous avons incorporé cette ribambelle de Québécois au CBFQ et disons que la greffe a joyeusement réussi.
Entourés d’amis québécois, on retrouve Jean Chouzenoux, Christine Hello, Robert Gillet, Don-Jean Léandri, Tristan Ghertman (assis), Marlène Nourcy, Madeleine Ghertman et Richard Grenier
Ainsi, Christine et Tristan ont invité de leurs amis, j’ai fait de même en offrant un bristol à mes copains et nos tablées sont devenues aussi festives, gargantuesques, que multiculturelles. Ces heureux compatriotes devenus membres d’office du CBFQ sont Robert Gillet, Richard Grenier, Alicia Soldevila, Jocelyn Fortier, Andrée Ducharme, Don-Jean Léandri, Michèle Pérusse et quelques autres privilégiés qui nous gratifient à l’occasion de leur visite! Pour bien immortaliser ces moments de franche camaraderie, inscrire les plats savamment préparés par Christine, Marlène et Tristan, et surtout pour lister les bonnes fioles que mon coprésident et moi sortons de notre réserve, un menu souvenir est rédigé après chacun de ces dîners. Évidemment, les dégustations à l’aveugle nous appellent à beaucoup d’humilité et en prime, à bénéficier de certaines railleries des amis plus néophytes!!!
Les 50es agapes du Club bachique franco-québécois (CBFQ)
Donc, au bout d’une douzaine d’années, nous en avons déduit que nous en étions aux 50es agapes du CBFQ et qu’il ne fallait pas franchir cette étape sans y mettre les formes. Vous l’aurez compris, il s’agit plutôt d’un prétexte à célébrer goulûment et gaîment entre gens animés de la passion du bien boire et du bien manger. Par conséquent, ce dimanche 1er décembre, à notre appartement situé sur le boulevard de Montréal (ça ne s’invente pas!!) Marlène et moi avons reçu nos collègues Christine Hello, Don-Jean Léandri, lui aussi désormais établi à Nice, son frère Patrick Léandri, mon coprésident Tristan Ghertman et son épouse Madeleine, afin de souligner dignement ce cap des 50 rencontres du CBFQ. Pendant le service du Champagne (sur la terrasse, au premier jour de décembre), nous avons rendu hommage à notre entremetteuse en chef, Christine… celle par qui tout est arrivé. Ensuite à table, nous nous sommes sustentés allègrement et les vins ayant été décantés au préalable, nous avons levé nos verres à l’amitié franco-québécoise!
À la lecture du menu ci-joint, vous constaterez que nous n’avons pas fait dans la demi-mesure.
Natalie Richard: la musique, la gastronomie, le vin, ses passions… son métier!
Après avoir complété ses études en journalisme et en communications, Natalie Richard, alors dans la jeune vingtaine, se joint à la dynamique équipe de MusiquePlus… la chaîne télé musicale la plus branchée au Québec, où défilent toutes les stars du moment. Maniant la langue de Shakespeare aussi bien que celle de Molières, elle fait ensuite le saut dans la capitale ontarienne et tient cette fois l’antenne comme VJ chez MuchMusic. Sacrée époque où les vidéos musicales ont relégué aux oubliettes les scopitones d’une ère jadis révolue… je vous parle d’un temps, que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître!! Ajoutons que la jeune Natalie possède la fibre artistique. Elle tire ainsi profit de ses leçons de chant et de piano et joignant un groupe de jazz, ce qui lui permet de côtoyer la faune musicale montréalaise. Voilà une première passion richement vécue à inscrire à son grand tableau de la vie.
Passons à la gastronomie, alors que Natalie rejoint la station de télé Canal-Vie, où elle coanime une émission culinaire avec le réputé chef du Château Frontenac, Jean Soulard. Forte de cette expérience, quelques années plus tard elle prend les rênes du blogue culinaire lancé par le magazine Châtelaine, avant de mettre elle-même en ligne ses propres vidéos culinaires… la cuisine de sa résidence faisant office de studio. Ne négligeant aucun aspect de la profession, notre surdouée des communications boucle la boucle en publiant deux livres de recettes qui feront fureur.
De la gastronomie au monde du vin… le pas sera franchi!
Il est bien évident qu’à force de fréquenter les grands chefs et de créer ses propres recettes que Natalie Richard soit appelée à s’initier au monde du vin… car tout bon plat requiert de justes épousailles avec le nectar approprié. Et pour se faire, autant savoir de quoi il retourne et s’inscrire à une formation en œnologie à Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec (ITHQ). Première étape brillamment franchie, alors que Natalie réussit haut la main l’examen qui clôt sa session. Toujours à l’ITHQ, elle entreprend la formation du Wine & Spirit Education Trust (WSET-3) et obtient la mention Diploma au prestigieux Center WSET de New York.
L’expertise acquise, doublée à son sens inné des communications, voilà que les rôles s’inversent quand Natalie devient à son tour animatrice de cours sur le vin, dispensés par la firme SAVORI (anciennement les Connaisseurs de la SAQ). Par ailleurs, elle anime divers ateliers pour Vins au Féminin, une agence de sommellerie fondée par Jessica Harnois, illustre sommelière dont la réputation n’est plus à faire au Québec.
À son riche CV, s’ajoute pour Natalie Richard le titre de chroniqueuse en vin pour les journaux de CNi2, soit La Tribune de Sherbrooke, Le Soleil de Québec, Le Nouvelliste à Trois-Rivières, Le Quotidien du Saguenay, La Voix de l’Est et Le Droit en Outaouais. En outre, elle organise des soirées thématiques de dégustation, anime des chroniques vins à la radio et a produit cet automne le premier Festival des vins de Saint-Jean-Port-Joli, dans sa région de Chaudière-Appalaches. Femme énergique aux multiples talents, imaginative et passionnée, par la force de son talent et son entregent, Natalie Richard fait désormais partie du cercle des initiés et des influenceurs du monde du vin et de la gastronomie au Québec. Mais ce n’est pas tout…
Le troisième tome de Routes des Vins, écrit par Natalie Richard
La sommelière aventurière sur La route des vins…
Deux autres réalisations notoires complètent le parcours professionnel de Natalie et viennent assouvir sa troisième passion. D’abord, on sollicite à travers le monde son talent de dégustatrice et son jugement lors de grands concours internationaux de dégustation. Montréal, Bruxelles, Mexique font entre autres partie des endroits où elle a officié comme jurée lors de ces compétitions, où les vins lauréats obtiennent de prestigieuses distinctions. Le plus récent concours étant les Sélections Mondiales du Canada tenu en octobre dernier, à Montréal.
Mais la palme de ses réalisations est la parution de trois tomes destinés au monde du vin, aux viticulteurs et aux pays producteurs du délicieux élixir. Intitulé La route des vins, paru aux éditions Ulysse, chaque album abondamment illustré nous fait découvrir d’une façon alléchante des régions viticoles exceptionnelles. Le vin, certes, mais aussi des parcours de rêve et de bonnes adresses gastronomiques pour chaque région explorée.
Le premier opus couvre 50 itinéraires à travers le monde, que ce soit en Turquie, au Liban, en Italie ou en Australie. Un second survole le continent nord-américain, les vignobles de Californie, du Mexique, de la Vallée du Niagara n’auront plus de secrets pour vous et bien sûr, toute une section met en valeur le vignoble québécois. Enfin, le dernier album, tout juste sorti des presses, fait la part belle aux vignobles espagnols et portugais. Toujours 50 parcours où vous découvrirez des vignerons andalous ou des producteurs de portos fabuleux; des excursions sur le mode de l’œnotourisme et de la gastronomie et où vous serez initiés aux différents cépages autochtones. Chaque ouvrage requiert deux ans de travail parsemés de recherches, d’entrevues, de dégustations, de rédaction et à la clé… d’inoubliables voyages. Un travail d’orfèvre pour un résultat à l’avenant.
D’ailleurs, lorsque je l’ai rejointe la semaine dernière, elle revenait tout juste de la Vallée du Rhône. N’est pas sommelière aventurière qui veut! Enfin, chaque livre est magnifié par de superbes photos de paysages bucoliques, de prestigieux vignobles ou d’éléments architecturaux exceptionnels faisant vagabonder notre esprit voyageur… sont à la manœuvre l’œil aiguisé et le talent indéniable de la pétillante Natalie Richard.
Sélections Mondiales des Vins du Canada, édition 2024
C’est du 10 au 12 octobre derniers que s’est tenue à Montréal la plus récente édition du concours international Sélections Mondiales des vins du Canada (SMV), à l’Institut du tourisme et d’hôtellerie du Québec (ITHQ).
Rompu à l’exercice, le président de l’événement, M. Réal Wolfe, était fier de soumettre les quelque 1600 vins et sakés provenant d’une trentaine de pays à la soixantaine de juges internationaux. À nouveau j’avais l’occasion de présider une commission avec 4 collègues provenant du Mexique, de la France et du Canada. Notre mission : déguster, analyser et noter sur une échelle de 0 à 100, 45 vins par matinée répartis en 3 séances de 15 produits. Début du service : 8 heures tapantes. La brigade de serveurs de l’ITHQ est au garde-à-vous…vaut mieux avoir l’œil clair et les papilles bien affûtées!
Le classement et les médaillés
Une note de 85/100 permet au produit et à son producteur d’obtenir la médaille d’Argent, 89/100 c’est l’Or et distinction ultime, le Grand Or, pour tout vin obtenant la marque de 93/100 ou plus. Un maximum de 30% de produits atteindront le podium, selon les règlements officiels de la Fédération des grands concours internationaux. Je joins en annexe la liste du Top 50, soit ceux ayant obtenus les meilleures notes. Dans ce catalogue, je reconnais mon coup de cœur de l’édition 2024 : un vin blanc du Portugal, Marquès de Marialva, Bairrada 2016. D’une richesse et d’une splendeur inouïes! Souhaitons qu’il se retrouve parmi les produits qui auront leur sauve-conduit automatique pour les tablettes de la SAQ!
La camaraderie, le liant essentiel
Sur une note un peu plus personnelle, vous dire que je pratique l’exercice des concours de dégustations depuis une quinzaine d’années. L’image est un brin glamour, mais le rituel est extrêmement rigoureux, et tout est millimétré. La température des vins au premier chef, la qualité, la forme ou l’étincelance des verres, le service aux jurés, la discrétion absolue pendant chaque séance, la luminosité et la température de la salle, bref, du professionnalisme à tous les niveaux. En cela, chapeau à Réal et à sa bande!
Évidemment, plusieurs des juges invités font également de panels dans d’autres villes du monde qui organisent ce genre de concours, que se soit à Paris, à Bruxelles, à Sierre, à Bordeaux, etc. Aussi, le plaisir de se retrouver autour de l’objet de nos passions, en des lieux différents et en échangeant généralement en français avec nos accents respectifs rend ces séjours fort chaleureux. Cette joie partagée entre nous est tout aussi réconfortante. Alors je vous salue, chers collègues!
J’ai eu grand plaisir à retrouver Jacques Orhon à ma droite et François Chartier à ma gauche
Le vignoble viennois joue sa partition!
J’ai jadis apprivoisé les vins autrichiens par l’entremise de mon bon ami Eugen Kedl, célèbre photographe et auteur de la région de Québec. Fier représentant de son Autriche natale, Eugen fut également le fondateur de la Confrérie Vin-Art International à l’époque où les toges chamarrées avaient largement droit de cité lors de rituels bachiques flamboyants. Monsieur Kedl et son épouse Gretl furent également les fondateurs du Grand Bal Viennois de Québec qui s’est longtemps tenu au Château Frontenac dans les années 2000. Ces souvenirs, je les ai ressassés cette semaine lors d’un séjour à Vienne berceau de la musique classique et seule ville au monde à posséder plus de 600 hectares de vignes en ses murs et sa banlieue contiguë.
Eugen Kedl photographe (décédé en 2008), fier représentant de son Autriche natale au Canada et particulièrement dans la ville de Québec
Les vins autrichiens
On trouve la trace d’une culture viticole en Autriche qui date d’environ 2500 ans avec l’apport des premiers ceps par les celtes. Puis pour mettre un peu d’ordre géographique dans tout cela, on subdivise le vignoble en quatre grandes régions viticoles que sont la Basse Autriche, Vienne, Burgenland et la Styrie. Enfin, on y produit toute la gamme des vins mais les blancs font généralement meilleure figure qu’ils soient secs, liquoreux ou mousseux. En fait, près de 80% de la production est le résultat d’une vinification en blanc. Bien qu’une trentaine de cépages soient autorisés en Autriche les blancs sont majoritairement issus des riesling, traminer, grüner-veltiner et chardonnay alors que pour les rouges on utilise les variétés autochtones comme le st-laurent et le zweigelt associés aux cépages nobles comme le pinot noir, le cabernet-sauvignon et la syrah. Le vignoble citadin est niché entre le Danube et la forêt viennoise forgeant ainsi un microclimat propice à la viticulture. Comme partout sur la planète l’amélioration qualitative des vins est en forte hausse grâce aux efforts déployés par la nouvelle génération de viticulteurs. Ces jeunes façonnent des vins qui se démarquent par leur authenticité et la singularité de leur terroir. La recherche d’une association avec la cuisine locale est un autre facteur d’émancipation pour ces vins frais, légers et délicats.
La Domaine Schlumberger
Ici, la production de vins mousseux est la norme. Pas étonnant quand on constate que le vignoble viennois est situé à la même latitude que celui de la Champagne. La méthode traditionnelle (seconde fermentation en bouteille) est principalement employée et on le constate lors de la visite des caves, en déambulant à travers les pupitres à champagne. Bon, ne soyons pas dupe, c’est un peu pour épater la galerie car de nos jours les gyropalettes ont largement compensé l’huile de coude des anciens remueurs.
La longue allée accueillant les pupitres à champagne
Pour l’élaboration, un juste dosage entre les cinq cépages autorisés contribue à la qualité des différents types de vins mousseux allant du brut au semi-sec. Vieillis séparément, le pinot blanc, pinot noir, grüner veltiner, chardonnay et welschriesling seront ensuite assemblés selon le style recherché. Chez Schlumberger la maison s’enorgueillit de produire une cuvée 100% chardonnay, lauréate de nombreuses médailles d’or lors de grands concours internationaux comme les Vinalies ou Mundus Vini. Les 130 hectares du vignoble sont situés en périphérie de la cité viennoise auxquels s’ajoute une large récolte achetée à d’autres producteurs locaux. Un savoir ancestral qui s’étale sur les 3 siècles d’histoire du domaine fait en sorte que le célèbre mousseux viennois était et demeure le vin de prédilection de la noblesse autrichienne. À la cour comme au bal, le Champagne viennois a la cote et fait tourner bien des têtes couronnées autant qu’il envoie valser gentes dames et damoiseaux.
Le Château de Schönbrunn, jadis résidence estivale de la famille impériale d’Autriche
Culture, agriculture et montagnes dans les Alpes-Maritimes
Sont souvent évoqués sous cette rubrique les vins de Provence, et plus précisément ceux issus des collines niçoises. Mais la région des Alpes-Maritimes ayant tant à offrir que certains écarts sont autorisés ici par l’éditeur, nous l’en remercions. Par conséquent, la vie culturelle ou d’autres sujets plus ludiques font parfois l’objet de l’attention du chroniqueur, nous l’espérons… pour votre plus grand plaisir. Or, cette fois, il sera quand même question d’agriculture pour la mise en bouche, avant d’aborder un élément touristique plutôt insolite. D’une pierre, deux coups !
Une sculpture d’agrumes au Carnaval de Menton
En effet, dans ce pays de cocagne tout pousse et chaque saison a de quoi garnir les étals des marchands. Au-delà de la vigne que l’on cultive sur les collines de Bellet, Bacchus a planté quelques ceps dans une petite bourgade du département, Villars sur Var. Les 20 000 bouteilles de Clos St- Joseph qu’on y produit annuellement sont issues des cépages grenache, mourvèdre et syrah pour le rouge et bien sûr le rolle officie en maître-roi pour le blanc. A chaque dégustation du Clos St-Joseph blanc, j’ai été agréablement surpris des qualités florales du bouquet et de la bouche ample, grasse et acidulée. Une pépite !
D’autres cutures maraîchères dans l’arrière-pays et sur les hauteurs alpines
Il y a plus de 1800 exploitations agricoles dans les Alpes-Maritimes allant des producteurs horticoles aux plantations d’oliviers et d’agrumes en passant par les éleveurs ovins pour la plupart. De la fleur on en trouve abondement, en toute saison. Dès janvier le mimosa se pointe, au printemps sur les hauteurs le célèbre muguet de Nice embaume l’air des riverains, la lavande colore le plateau de Valensole en juillet et d’innombrables variétés de roses s’épanouissent à Grasse pour satisfaire les besoins du monde de la parfumerie. Un climat tellement favorable à la culture florale qu’ici à Nice il y le marché aux fleurs 6 jours par semaine douze mois durant. Les terres fertiles de la région favorisent également la culture d’arbres fruitiers et à Menton le citron règne en majesté. On lui organise même son carnaval ! L’auguste agrume ne fait pas qu’acidifier les plats locaux ou aider à la digestion sous forme de Limoncello, il fait bomber le torse des mentonnais derniers citoyens français au sud-est de l’Hexagone, juste avant la frontière italienne. Et le légume porte-étendard de la cuisine nissarde est la courgette. Au printemps l’on farcie à la viande la fleur de la cucurbitacée ou on la panne légèrement avant de la frire pour servir les délicieux beignets de fleurs de courgettes…un régal ! Enfin, on ne peut passer sous silence les oléiculteurs de la région. Ici, on l’aime petite l’olive niçoise, noire ou verte l’iconique Caillette possède sa propre AOC.
Un département qui porte bien ses deux identités
Bienvenue dans les montagnes alpines des Alpes-Maritimes.
Tel qu’annoncé, faisons un pas de côté et allons explorer d’autres avenues du département des Alpes-Maritimes.
Sachez d’abord que chaque département français tient sa dénomination des éléments géographiques qui le définissent soient les montagnes, les fleuves ou les rivières. Pour l’exemple, citons la Gironde, le Var, le Rhône, les Vosges. Or, la topographie contrastée du département 06 des Alpes-Maritimes répond parfaitement à ce critère étant traversé par la chaîne des Alpes qui vient choir dans la mer Méditerranée. La région est mondialement reconnue surtout grâce à son littoral, la bien nommée Côte-d’Azur et le faste de sa Riviera qui s’étend de Menton à Cannes avec une halte à Monaco. On évoque également les 3 corniches posées tels des belvédères d’où l’on admire le panorama offert par les caps, les baies et les jolies criques en bord de mer. C’est aussi la partie la plus densément peuplée du département. Mais qu’en est-il des reliefs alpins…premier élément descriptif des Alpes-Maritimes ?
En fait, à peine faut-il rouler 30 minutes pour un changement radical de décor. Dès que l’on s’engouffre dans la plaine du Var la route rétrécie, les falaises façonnent désormais le paysage, la végétation se transforme et se raréfie au fil de l’ascension. Dans la Vallée des Merveilles au nord-est du département le Mont Gélas culmine à 3143 mètres. Ailleurs, la neige s’invite en hiver et les skieurs sont comblés à Isola, Valberg ou Auron.
Les couleurs du Québec au sommet du col de la Bonette
Enfin, le point d’orgue de toutes balades en pays montagneux demeure le franchissement du mythique Col de la Bonnette pour en bout de course atteindre le charmant village de Barcelonette. Un parcours sinueux de 50 kilomètres, bordé de paysages époustouflants à une altitude atteignant 2802 mètres, ce qui en fait la plus haute route d’Europe. Les sites bucoliques et verdoyants alternent avec des passages arides, parfois lunaires. L’asphalte s’y déroule et serpente à l’ombre des caps abrupts et gare à ne pas se laisser hypnotiser par le panorama, le moindre écart de route et le ravin est apte à vous engloutir. Il est donc préférable de s’arrêter fréquemment avant de sortir la caméra pour capter des images saisissantes. Le cadre enchanteur et majestueux est prétexte tantôt à l’émerveillement, tantôt au recueillement. Nul ne peut rester insensible devant ce paysage unique et mystérieux…l’émotion nous submerge inévitablement. Par ailleurs, les randonneurs sont nombreux à sillonner ces sommets afin de contempler les très verts pâturages ou prendre une pause au pied des bourdonnantes cascades. La faune recense loups, sangliers, marmottes et espèces rares de volatiles, alors que la flore compte plus de 2000 espèces de fleurs différentes. Bref, que du bonheur !
Incidemment, les amateurs de la petite reine (le vélo) qui ont suivi à la télé le Tour de France 2024, ont pu apercevoir les images des cyclistes enfilant les nombreux lacets et grimpant à la force du mollet les 2802 mètres du Col de la Bonnette avant de redescendre jusqu’à Barcelonette. C’était l’une des dernières étapes avant l’arrivée triomphale des coureurs, à Nice.
Les lacets du col de la Bonette
En terminant, il est évident qu’au haut de ces montagnes alpines, il n’y a point de cultures maraîchères ni d’élevages ovins ou autres. En revanche, à quelques centaines de mètres en contrebas on peut y croiser les agneaux de Sisteron paissant paisiblement.
Bonne route !
Couleurs des sommets alpins
Win Le Phan et son Karibu!
Il y a 2 ans, alors que je présidais une commission au concours Sélections Mondiales des Vins Canada, j’ai fait la rencontre de Win Le Phan, qui était jurée sur mon panel. Faisant un peu plus connaissance au fil de la compétition, j’ai découvert une jeune femme à l’esprit entrepreneurial hors du commun. Récemment arrivée dans l’univers vitivinicole, Win Le Phan est à la fois vigneronne, sommelière, animatrice, agricultrice et surtout restauratrice. Boulimique de travail, touche-à-tout, sprinteuse dans ses méthodes d’apprentissage (tout apprendre rapidement), cette maman de 3 garçons semble vivre plusieurs vies à la fois… pourtant je ne lui connais aucun don d’ubiquité! Fille d’immigrants vietnamiens héroïques, tragiquement connus à travers les « boat people », ses parents ont inculqué à Win et sa sœur le sens de la débrouille et la forte valeur du travail.
Votre chroniqueur et Win Le Phan,
jurés au concours Sélections Mondiales des Vins Canada
Un parcours éloquent
Comme beaucoup de nouveaux arrivants au Canada, c’est dans la restauration que se sont lancés les parents de Win, en débarquant au Québec. La jeune Win scolarisée de narrer : « J’apprenais mes leçons en faisant la plonge ou en épluchant les carottes pour les rouleaux impériaux ». Elle poursuivra ses études jusqu’à l’obtention de son BAC en finances. Désormais conseillère dans une institution financière, elle garde cependant intact son intérêt pour la gastronomie. La passion est si dévorante qu’elle ajoute : « En 2008, lors du 400e anniversaire de la ville de Québec, je lâche la banque et reprend le restaurant familial, alors que je suis enceinte de mon premier fils ». Un aller/retour qu’elle fera plus d’une fois entre ses deux passions, la finance et la restauration. Un exemple : en 2015, elle délaisse à nouveau le monde des banques pour ouvrir un deuxième restaurant et oui, encore enceinte. En 2018, nouveau virage, Win et son conjoint font l’acquisition d’une fermette en Beauce et la voilà maintenant agricultrice, avec son potager de légumes et quelques bêtes à nourrir. Pas nonchalante pour deux sous, elle se donne une mission à la clé : faire connaître le sirop d’érable, véritable fleuron beauceron, à ses compatriotes asiatiques. La voilà partie pour des séjours fréquents au Vietnam, à arpenter les foires alimentaires, ses pots de sirop d’érable en bandoulière! C’est lors de ces salons qu’elle visite les sections vins et alcools et se découvre une passion pour cet univers, où « Les experts ont une approche fascinante et un langage envoûtant pour décrire les vins et parler des accords vins et mets. J’étais subjuguée et j’ai décidé d’approfondir mes connaissances en la matière ».
Win plante son premier cep à son vignoble, en Beauce
Bienvenue, Win Le Phan, dans le microcosme viticole québécois
Sévèrement atteinte du syndrome « j’veux tout savoir », notre nouvelle recrue québécoise dans la filière vinicole québécoise s’inscrit en 2018 à la formation en ligne intitulée WSET (Wine & Spirit Education Trust). Il s’agit d’une série de 4 certifications que les étudiants doivent acquérir et qui couvrent tous les aspects de la dégustation et de la fabrication des vins et spiritueux. Ce concours est d’ailleurs le prérequis pour tout prétendant au célèbre Master of Wine. Win a déjà en poche ses 3 premiers diplômes et est en voie de réaliser son quatrième exploit. Sitôt investie, la candidate cherche à partager ses connaissances et à propager la bonne parole. Elle se découvre un créneau et son thème de prédilection devient la viticulture québécoise. Là encore, elle y va à fond. D’abord, un stage chez le pape québécois de la viticulture, Charles-Henri de Coussergues, au Vignoble de l’Orpailleur, où elle s’initie à la vinification. « Six mois chez Charles-Henri, c’est 3 ans d’université. »
Autodidacte accomplie et performer efficace, elle approfondit sa connaissance des cépages, des terroirs et des méthodes de production bien particulières au Québec. Alors que la pandémie nous frappe en 2020, Win Le Phan, qui fuit l’oisiveté, entreprend de faire une étude de sol sur sa petite ferme en Beauce. Conséquemment, avec son conjoint, ils déboisent une partie de leur terre, fertilisent les sols et… plantent 4656 ceps. Et une nouvelle corde s’ajoute à son arc, la voilà viticultrice. Dans 2 ans, elle devrait vinifier sa première vendange! Bien sûr, à travers cela, elle veille sur ses trois garçons, participe à quelques émissions de radio et de télé, anime des conférences ou des ateliers de dégustation pour des entreprises ou lors des différents salons des vins qui se tiennent un peu partout au Québec. Mais pas que… elle veut encore partager ce savoir avec les compatriotes de son continent d’origine. Là voilà repartie au Vietnam pendant deux longues périodes de six mois en 2022 et 2023, où ses connaissances fraichement acquises et sa capacité à communiquer en français, en anglais et en vietnamien sont des atouts indéniables pour former de futurs serveurs en restauration et en sommellerie dans un pays qui s’éveille aux arts de la gastronomie à la française.
Et voilà, le Karibu !
Le mardi 23 juillet, j’ai un rdv téléphonique pour réaliser une entrevue en vue de rédiger cette chronique. Elle prend 45 minutes de son temps, alors qu’elle est en pleine ouverture de son nouveau concept, Karibu, un économusée des vins et des alcools du Québec. Situé sur la rue St-Jean à Québec, artère touristique au cœur de la cité reconnue au patrimoine mondiale de l’UNESCO, notre Win Le Phan trouvait que l’on faisait trop peu de place aux vins du Québec auprès des touristes qui visitent la capitale nationale. « Quand je vais en Bourgogne ou dans la Loire, j’aime bien boire les vins locaux. Je pense que les gens qui visitent le Québec veulent faire la même chose, même si notre industrie est jeune. Moi je veux m’employer à cela, c’est ma mission dans ce nouveau projet. »
Sur les vieilles pierres de cet édifice, on retrouve des affiches murales qui présentent les cépages québécois et détaillent les étapes de la viticulture bien singulière au Québec. Des vidéos s’ajouteront pour démontrer les méthodes de vinification et de distillation. Des objets de viticulture commencent à orner les lieux et la panoplie prendra de l’ampleur au fur et à mesure. Elle a imaginé une salle polyvalente où des producteurs québécois viendront donner des conférences et animer des sessions de dégustation. Il y a un comptoir où le quidam peut s’attabler pour déguster des charcuteries et des fromages québécois, accompagnés d’un vin issu de nos terroirs. Une sélection d’une centaine de vins et d’alcools figure à la carte. Enfin, le chaland pourra repartir avec son plat à emporter et la bouteille de son choix. Pour les artisans, les viticulteurs, les distillateurs, et les sommeliers, comment ne pas être fiers d’une telle ambassadrice de notre patrimoine viticole québécois?! Amis de la profession, lors de votre prochain passage à Québec, un arrêt incontournable s’impose chez Karibu, 1124, rue St-Jean, Québec.
Ces stars françaises qui font du vin
Après ma chronique du mois dernier dans laquelle je vous parlais de ces stars hollywoodiennes qui se sont lancées dans une carrière de vigneron, je reprends le clavier pour vous parler cette fois de cinq étoiles françaises qui se sont aussi mises au service de la vigne. Actrice, acteur, producteur ou chanteur, voici un bref survol de leur implication viti-vinicole.
Pierre Richard en Corbières
Ce grand blond quelque peu distrait a fait l’acquisition du Domaine de l’Evêque, dans le sud de la France, en 1986. Il s’agit d’une propriété viticole d’une cinquantaine d’hectares dans un secteur peu favorable à la culture de la vigne, situé au cœur de l’appellation Corbières. Sur cette parcelle rebelle, l’acteur et comédien Pierre Richard en a tiré le meilleur pour produire dans la palette complète de couleurs… des blancs, des rosés et des rouges fort agréables. En effet, sur cette terre aride tapissée de garrigue et baignée d’embruns méditerranéens, il y cultive grenache, syrah, mourvèdre ou carignan, que des assemblages judicieux feront éclore harmonieusement. Tout comme pour le cinéma, l’acteur dit vouloir faire du vin pour créer des émotions! Incidemment, juste avant la pandémie, j’ai eu l’occasion de voir Pierre Richard sur les planches d’un théâtre, où seul sur scène pendant près de 2 heures, il nous a raconté des dizaines d’anecdotes avec force gestes sur ses tournages épiques… un régal et bien des émotions!
Carole Bouquet sur son île
Crédit photo : MAXPPP /MAXPPP Sandro Michahelles
La célèbre comédienne, connue pour ses rôles au théâtre et au cinéma, a voulu se mettre à l’abri des projecteurs en faisant l’acquisition d’une propriété sur l’intime île de Pantelleria, au large de la Sicile. En Méditerranée, près des côtes tunisiennes, sur cette île aux parfums enchanteurs, au fil de ses balades gourmandes, Carole Bouquet est tombée sous le charme des vins de Passito. Ce sont des vins passerillés, c’est-à-dire que l’on fait sécher les raisins au soleil afin de les déshydrater et de concentrer les sucres avant la fermentation. Poussée par cet élan, elle s’est portée acquéreuse d’un petit vignoble où elle produit depuis un vin grandiose, le Sangue d’Oro. Élaboré à base de muscat d’Alexandrie en très faible rendement, cet exquis vin de dessert dégage une puissance aromatique d’écorce d’orange et de mangue. Il se déploie ensuite en bouche avec onctuosité, des saveurs d’agrumes et de caramel, et on n’en finit plus de compter les caudalies.
Gérard Depardieu dans la Loire et ailleurs…
C’est au Château de Tigné, en Anjou, que l’acteur s’est fait vigneron, en 1989. Il avait découvert les vins gouleyants de Loire lors d’un tournage avec son ami Jean Carmet, passionné des Chinon et autres Bourgueil ou Sancerre. Gérard Depardieu, ce monstre sacré du cinéma devenu ce monstre qui fait sacrer, a acquis cette magnifique propriété érigée au XVe siècle. Sur une superficie de 110 ha sont complantés cabernet-franc et sauvignon, cépages souverains de la Loire. Dévoré par la passion du vin, Gégé est également propriétaire, en partenariat avec Bernard Magrez, de vignobles à Lussac St-Emilion, dans le Languedoc, et s’est aussi associé à des viticulteurs sur d’autres continents, soit en Algérie, au Maroc et en Argentine. Il y a quelques années, l’acteur avait fait part de son intention de vendre toutes ses parts dans ces propriétés… il semble que rien ne soit encore concrétisé.
Luc Besson sur les plateaux calcaires
Domaine Alquier
Le cinéaste qui a classé huit de ses films au top 100 du cinéma français à l’étranger, le réalisateur du Grand bleu, du 5e Élément, de Lucy, arpente désormais, au-delà des plateaux de cinéma, les plateaux calcaires et argileux du Languedoc. Dans cette immense région viticole, pays du carignan, du cinsault et du grenache, Luc Besson s’est établi au Domaine Alquier, à Faugères, et au Domaine de Senaux, dans l’Hérault. Avec ses collaborateurs, il élabore des vins blancs charnus et des rouges robustes qui se marieront à la cuisine locale, à la fois côté mer, grâce aux poissons de la Méditerranée et dans les terres avec le gibier, les légumes variés, les charcuteries et les fromages.
Francis Cabrel dans le Lot et Garonne
Crédit photo : DR
C’est au Domaine du Boiron que le célèbre chanteur a pris racine dans l’aventure viticole. Grand amateur de vin depuis sa jeunesse, Francis Cabrel et son frère Philippe ont acquis cette propriété située dans le Lot et Garonne, entre Bordeaux et Toulouse, en 1988. Originaires de la région, un palais de dégustateur formé à la rusticité du tannat, ils en ont planté sur la propriété de 10 hectares en l’associant au merlot pour la finesse et au cabernet-sauvignon pour les arômes. Leur vignoble, classé sous l’AOC Brulhois, est entièrement mené sous culture biologique et toutes les opérations menées à la vigne se font manuellement. La vinification des blancs et des rouges s’effectue en cuve béton, avant un passage en barrique pour les rouges pouvant aller de 10 à 12 mois.
Veiller sur elle, de Jean-Baptiste Andrea – Prix Goncourt 2023
Voyager sans contraintes…
Voyager peut prendre plusieurs formes. La dégustation d’un grand vin est une odyssée au pays des sens et nous ramène à son terroir d’origine. Cependant, l’expression de voyage la plus intériorisée, dont les contours et les paysages demeurent flous, dont nous imaginons et créons les visages, celle qui nous guide et nous transporte sans nous déplacer est la lecture. Surfer de pages en chapitres, s’envoler vers des destinations fictives, déambuler en des lieux imaginaires, être émerveillé par une histoire ou ébloui par un style d’écriture, voilà la gamme de sensations que peut procurer une traversée littéraire.
Une histoire envoûtante et une écriture romanesque
Dès les premières lignes de Veiller sur elle, j’ai été happé par le style emporté et romanesque de l’auteur, Jean-Baptiste Andrea. Son histoire débute par la fin, avant de faire un bond arrière de quelques décennies, à la genèse de cette épopée. Mimo et Viola sont les principaux protagonistes du roman dont l’aventure s’étend sur les 80 premières années du XXie siècle.
Mimo, de son vrai nom Michelangelo Vitiliani, est sculpteur de son état, un clin d’œil à peine voilé à un autre AngeMichel, bien réel celui-là. Cette fresque transplante sa galerie de personnages du sud de la France aux terres du Piémont et de la Toscane, jusqu’aux gisements de marbre de la montagne de Carrare. Le lien empreint de mysticisme qui unit Mimo à Viola est jalonné de longues périodes de silences et parsemé de grands moments de désespoir, comme dans les opéras tragiques. Leur liaison, proche et distante à la fois, s’étendra sur toute une vie et restera gravée dans la pierre pour l’éternité.
Le sculpteur précoce qui attaque ses premiers blocs de marbre dès l’âge de 6 ans a été touché par la grâce artistique qui transcende son handicap. En effet, on l’appelle aussi Gulliver, évoquant le célèbre voyageur de conte féérique en sa période où il fut petit, tout petit. Orphelin de père et abandonné par sa mère, l’artiste s’échine dans l’atelier de son oncle, qui le tyrannise et l’exploite. Mais le talent l’habite et devant un bloc de marbre de Carrare, là où l’oncle voit une masse en pierre qu’il aura à sculpter selon la commande des clients, Mimo le jeune apprenti songe à l’ourse qui s’y cache ou à la vierge qu’il fera émerger à coups de burin et de ciseau avant de polir la pierre inerte pour enfin lui donner vie.
Par ailleurs, l’écrivain semble également touché par la grâce, pour le plus grand bonheur du lecteur. Son style est romanesque, sa plume est gracieuse, fine, élégante et émouvante. Au cours de ce voyage littéraire, le passager est bercé par une pléthore de métaphores, de poésies ou d’allégories… lisez plutôt :
« Une lumière venant d’on ne sait où, sauvait son visage de la voracité de l’ombre. »
« Nous avons beaucoup pleuré en glissant vers l’aube, car nos nuits étaient en pente. »
« La ville de Florence est si belle que quitter chaque rue est un renoncement. »
« Ses yeux étaient un portail ouvert sur un autre monde. »
Un mot sur Jean-Baptiste Andrea
Incidemment, l’auteur français de 53 ans réside à Cannes.
En plus du Goncourt pour Veiller sur elle, il a reçu le Prix Femina pour son premier roman, La Reine, paru en 2017.
Il est également réalisateur et scénariste… bref, il possède quelques échappatoires pour son imagination débordante!