jeudi 28 mars 2024
Jean Chouzenoux

Jean Chouzenoux

Jean Chouzenoux a travaillé 35 ans à la Société des alcools du Québec, y a occupé différents postes de gestion aux ventes, aux communications et à la commercialisation.
 
Membre de nombreuses confréries bachiques et gastronomiques et animateur de tournées viticoles dans le vignoble européen. Juré dans les concours internationaux de dégustations, fut chroniqueur sur les vins à la radio et collabore ponctuellement au magazine Prestige de Québec.
 
Installé à  Nice depuis 2010, où il continue d'entretenir sa passion pour le vin.
lundi, 18 mars 2024 13:37

Thierry Cornuet, alias Big T…

Joueur de rugby, restaurateur, Pitmaster, roi du BBQ, formateur, animateur, franco-canadien et quoi encore?! 

J’ai rencontré le sympathique et charismatique Thierry Cornuet il y a 3 ans à son restaurant en extérieur d’un quartier industriel de Nice. De prime abord, le secteur ne payait pas de mine mais l’étonnement était ailleurs. En effet, la surprise le chaland la découvrait une fois le seuil franchi devant les immenses BBQ et humant les effluves de pièces de viandes se faisant grillées. Des Tomahawks de bœuf épais comme çà, des rôts de volailles ou des travers de porc, de quoi sustenter les plus voraces carnivores! La réputation du Bootgrill s’est alors répandue comme une traînée de poudre d’autant qu’encensé par le prestigieux guide gastronomique Gault & Millau. C’est donc des collines niçoises et de tous les environs, de Cannes à Monaco, que venaient s’attabler les riverains ou les touristes pour faire bombance et s’adonner à de festives libations.

IMG 3712 2Ici, lors de ma première visite au Bootgrill. Je porte mon chandail des Nordiques pour contrer son panneau des Canadiens. À droite, Daniel Blais un autre Québécois exilé à Nice complète le joyeux trio!

De la France au Québec, puis du Québec à la Côte-d’Azur

Le parcours de notre chef globe-trotter débute à Dijon où il officie comme joueur de rugby affilié au club local (j’avoue qu’il en a encore la carrure). La retraite sonnant tôt dans ce genre de discipline, le sportif troque les semelles et s’expatrie au Québec pour assouvir d’autres passions. Nous sommes au début des années 2000 et l’aventure durera plus de quinze ans. Son premier Job, il est gestionnaire pour la prestigieuse marque Red Bull et fait partie de l’équipe qui a organisé le spectaculaire Red Bull Crashed Ice de Québec. Il occupe par la suite différentes fonctions dans le monde de l’alimentation et développe entre autres des liens étroits avec les producteurs du Cidre de Glace Neige afin de favoriser l’exportation de ce produit distinctif vers le marché français. Succès immédiat à en voir les étalages dans les aéroports et aux Galeries Lafayette. Et croyez-le on non, lors de notre première rencontre au Bootgrill en 2021, il nous est revenu en mémoire à tous les deux une réunion que nous avions eu à l’époque à mon bureau de la SAQ, à Montréal, justement à propos de la visibilité des vins et spiritueux québécois en sol européen. Mais ses premiers frissons québécois lui proviennent lors de la découverte d’une des activités favorites des québécois en période estivale, l’art du BBQ. Gourmet et gourmand lui-même, un brin festif, au-delà des plaisirs de la chair que procurent ce mode de cuisson, il apprécie la convivialité qui y est associée. Il s’y lance à fond, multiplie les expériences, invente des recettes et utilise à satiété les produits québécois. Et un bon jour, il se dit « faut que j’exporte cela en France ».

Un homme qui innove, un esprit en constante ébullition

Le voilà qui débarque dans le sud de sa terre natale en 2018 et qu’il se lance. D’abord avec un gros Weber et trois tables en plastic sous une tente…ce qui deviendra ensuite le Bootgrill. Aujourd’hui…je dois dire arrêtez-le quelqu’un !! c’est qu’il s’emballe notre ami, une idée n’attend pas l’autre. Les multiples projets qu’il conçoit doivent être source d’insomnies ou sont-ils son carburant ? Certains prennent forme rapidement, d’autres sont en gestation, certains sont éphémères, d’autres permanents. Voyez plutôt, d’abord un nouveau concept ouvert depuis peu sur les hauteurs de l’arrière-pays niçois. Baptisé Shack & Co c’est un véritable sanctuaire pour les amateurs de BBQ où se grefferont bientôt, une rhumerie, une cave à vin, une coutellerie, une épicerie fine, une boucherie, un barber shop puis un espace dédié à l’univers du BBQ et des Smoker-Grill (bien oui on est en France !). Ici, même Epicure serait comblé.

À quelques kilomètres, il implante le P’tit Karibou dans un lieu champêtre, bucolique à souhait, perché face à la mer, dans un écrin d’oliviers, place que l’on peut réserver pour des réceptions familiales ou sociales, toujours sur le thème du BBQ.  Souvent les produits québécois sont à l’honneur, le sirop d’érable, la poutine ou la bière. L’ambiance chaleureuse est l’ingrédient principal de ce succès, Big T comme il aime bien se faire appeler veillant, au four comme sur le terrain ou sous le chapiteau, au plaisir de chacun et à la bonne humeur contagieuse. Par conséquent, il serait possible que le groupe de québécois qui s’est formé au fil des ans dans la région niçoise se retrouvent au P’tit Karibou pour la célébration de la Fête Nationale du Québec, le 24 juin prochain. Enfin, pas étonnant que Thierry Cornuet un brin nostalgique m’ait récemment confié : « le Québec m’a mis au monde professionnellement, c’est là-bas qu’est née ma passion du BBQ ».

Parmi les autres aventures de Big T notons qu’il a eu son camion de cuisine de rue (un food-truck comme on dit en France) avec lequel il a sillonné la France et présenté ses recettes dans plusieurs salons gastronomiques. Il donne des classes de formation sur la cuisine au BBQ auréolé de son titre de Pitmaster et de membre du jury du championnat de BBQ de France. Il vient de lancer son livre de recettes intitulé l’Art du Barbecue, chez Marabout. Enfin, comme nous sommes au bord de la Méditerranée, son arsenal serait incomplet sans un restaurant de plage qui sera inauguré au début de la prochaine saison estivale et dont la carte sera composée bien évidemment autour du thème que vous aurez deviné !

Un retour au Québec !?

Thierry Cornuet, alias Big T, propose une cuisine riche et variée. Les recettes de viandes vieillies, volailles, poissons ou crustacés sont articulées autour de recettes originales, généreuses et savoureuses. Les somptueux paysages provençaux qu’il a choisis pour planter son décor sont à couper le souffle. La bonhommie et la chaleur de l’homme complètent à merveille l’expérience que vivent les clients locaux ou les visiteurs étrangers. Notre ami reçoit également la jet set à sa table et récemment il a eu le privilège de servir le Prince Albert de Monaco, lors d’un événement gastronomique tenu dans la Principauté. Mais Thierry Cornuet et ses acolytes rêvent d’exporter leur concept de Shack & Co jusqu’au Québec. Il m’avoue que « ce retour où ma passion pour la gastronomie et la cuisine a commencé serait un grand élément de fierté. Me reste à trouver des associés pour lancer le projet à Montréal ». Alors c’est pour quand ? Y’a-t-il un preneur derrière cet écran ?

lundi, 11 décembre 2023 11:03

La Coupe des Nations à Québec en 2024

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Concours annuel des meilleurs vins, cidres et alcools québécois 

Initié en l’an 2000, le concours de la Coupe de Nations, qui met à l’honneur les producteurs artisans de vins, cidres et alcools québécois, ne cesse de prendre de l’ampleur et gagner en notoriété. Depuis 2022, la nouvelle présidente, madame Lyne Pelletier, laboure le terrain afin d’inciter les producteurs à profiter de ce tremplin pour faire connaître et promouvoir la qualité du fruit de leur travail auprès des consommateurs québécois avides de découvertes. Madame Pelletier succède à feus Denys Paul-Hus et Ghislain K. Laflamme qui pendant des années n’ont eu cesse de glorifier les artisans du milieu de la restauration et de l’agriculture.

Ce qu’est la Coupe des Nations 

Comme les différents concours de dégustations qui se déroulent dans les grands pays producteurs de vins, la Coupe de Nations fonctionne de façon tout aussi rigoureuse s’appuyant sur des normes professionnelles reconnues en la matière notamment par l’Office international de la vigne et du vin (OIV). Par conséquent, un jury d’experts déguste à l’aveugle les produits concourant et les notes sur des fiches de dégustations sensorielles en passant en revue les caractères visuels, olfactifs et gustatifs. Celles-ci sont adaptées aux caractéristiques de la catégorie de produits.  Ainsi lors de la prochaine dégustation, les lauréats qui obtiendront une note entre 86 et 88/100 reçoivent la médailles d’Argent ; entre 89 et 92, une médaille d’Or ; 93 et +, une Grande médaille d’Or. Nous sommes ici, à titre d’exemple, sur l’échelle de cotation similaire à celle des Sélections Mondiales des Vins. Les catégories à l’honneur distinguent, les vins de raisins, blancs, rouges, mousseux ou de glace, les spiritueux, prêts à boire, les alcools et vins de petits fruits, les cidres, les hydromels ainsi que les alcools d’érable. Le jury est composé d’une quarantaine de dégustateurs expérimentés, notamment œnologues, sommeliers, producteurs, membres de confréries bachiques ou de personnel de la restauration. Ceux-ci sont regroupés par commission de 5 juges identifiée pour évaluer une catégorie de produits ou des catégories similaires.

L’édition de 2024 se tiendra le 6 mai à l’École hôtelière de la Capitale, à Québec, avec la participation au service des élèves en sommellerie de l’établissement. Enfin, le dévoilement des produits médaillés aura lieu publiquement le samedi 18 mai au Grand Marché de Québec en présence des vignerons, des producteurs artisans, de partenaires de la Coupe des Nations et représentants des milieux politiques. Lors de cet évènement grand-public on procèdera également à la remise d’un Prix Reconnaissance et de Prix Distinction.  On voit ici toute la synergie instaurée par la présidente Lyne Pelletier. D’ailleurs à ce chapitre, les collaborations ou partenariats se multiplient notamment avec l’Association canadienne des sommeliers professionnels, la Société des alcools du Québec, le Conseil des Vins du Québec, l’Association des producteurs d’hydromels et alcools du Québec, l’École Hôtelière de la Capitale, l’Association canadienne des œnologues, le Grand Marché de Québec, Vinum et plusieurs autres.   

Melanie Gore CVQ 1 1 scaledRemise du Prix Reconnaissance 2023 au Conseil des Vins du Québec (CVQ). Sur la photo, de gauche à droite: Lyne Pelletier, présidente Coupe des Nations, Mélanie Gore, directrice générale CVQ, Ian Purtell, vice-président Association Canadienne des Sommeliers Professionnels-Québec, Joëlle Boutin, députée de Jean-Talon et adjointe parlementaire de M. Pierre Fitzgibbon, Frédéric Sanchez, consul général de France à Québec

Reconnaître la qualité des produits et le travail rigoureux des producteurs artisans vins et alcools de tout le Québec !

De l’Outaouais, en passant par les Cantons-de-l’Est, le Centre-du-Québec, l’Île d’Orléans, Québec, le Saguenay, Charlevoix, l’Abitibi, la Côte-Nord, le Bas-St-Laurent jusqu’aux Îles de la Madeleine, les producteurs du Québec sont fiers de soumettre le fruit de leur labeur aux palais des différents juges. C’est une « brassée » de plusieurs centaines de produits, vins, cidres, hydromels, ou autres alcools qui sont dans l’antichambre d’une place sur le podium. Les motivations qui incitent les producteurs à présenter leurs produits sont variées : acquérir de la notoriété sur le marché québécois, obtenir une bonne dose de reconnaissance, recevoir l’avis éclairé de dégustateurs professionnels, se comparer avec les confrères de la profession ou documenter le développement de nouveaux marchés locaux et internationaux. L’an dernier, la croissance des inscriptions étaient notables et près de 70% des producteurs inscrits comptaient au moins un produit en vente à la SAQ.

La vision de Lyne Pelletier

lynepelletierLa nouvelle présidente a d’abord tablé sur l’expertise en place depuis plusieurs années pour maintenir le succès du concours. Madame Francine Dion biochimiste et membre de l’Association Canadienne des Oenologues, supervise l’aspect contrôle de la qualité des produits, élément essentiel à ce type de compétition. Quant à monsieur Sébastien Villeneuve, directeur de succursale à la SAQ, il supervise les aspects techniques alors que M. Kler-Yann Bouteiller, membre de l ‘Association Canadienne des Sommeliers Professionnels et enseignant en sommellerie à l’École Hôtelière de la Capitale encadre notamment le service de la dégustation des produits En ce moment, l’édition du 6 mai 2024 est en préparation soutenue et prévoit des belles nouveautés.     

Depuis qu’elle a pris les commandes Lyne Pelletier, souhaite « mettre l’emphase sur deux choses :  premièrement, la valeur et la fierté que représentent, pour les producteurs artisans, une médaille ou un Prix de la Coupe des Nations et deuxièmement faire de la Coupe des Nations un indicateur de la qualité des produits pour guider les consommateurs et restaurateurs. C’est ainsi qu’à mon arrivée, j’ai voulu asseoir la crédibilité du concours, la rigueur du processus d’évaluation et de dégustation surtout auprès des producteurs artisans du Québec et des partenaires tout en oeuvrant au rayonnement public au niveau national et international ».

Madame Pelletier bénéficie d’une longue expérience en attestation, certification de la qualité notamment des soins et des services de santé, donc les processus d’évaluation de la qualité…elle connaît ! De plus, depuis une trentaine d’années elle gravite dans la sphère vinicole principalement par son rôle actif à titre de juge dans des concours vins et alcools, au sein de nombreuses confréries bachiques et par la visite sur le terrain, voire dans la plupart des régions viticoles de France. En ce moment, ce sont les routes du Québec qu’elle sillonne avec son bâton de pèlerin. Elle se rend chez les producteurs pour leur parler du concours, les inviter à participer à la prochaine édition de la Coupe des Nations parce qu’elle représente une démonstration éloquente de la qualité de leurs produits auprès des consommateurs et des gens de la restauration. Souhaitons-lui de faire le plein pour que règnent fièrement et toujours plus haut la qualité et le savoir-faire des artisans producteurs du Québec.

Pour plus d’informations, vous pouvez consulter le site de la Coupe des Nations.

mercredi, 01 novembre 2023 10:24

Le vin et l’amitié

J’aime bien faire l’amitié ! et pour créer l’ambiance ou cimenter les liens mon élixir idéal demeure le vin. Potion divine, nectar de partage, forçant l’inhibition il devient le liant suprême de la convivialité. Les langues se délient, l’émotion devient palpable, le cœur parle.

Les passionnés de la providentielle boisson aiment se retrouver entre eux pour partager et discourir sur l’objet de leur convoitise. Généralement cela prend la forme de bons repas où les bonnes bouteilles de vin trôneront sur la table comme de précieux trésors. Pour les plus mordus toujours avides de découvertes et de défis à relever, ils iront jusqu’à se regrouper dans des clubs de dégustations pour donner libre cours à leurs enivrants fantasmes vinicoles. Qu’ils possèdent une cave modeste ou des plus garnies, ils se retrouvent tous égaux devant la rangée de verres, leur envie commune étant de partager avec des copains, d’analyser en profondeur un vieux millésime enfoui sous une claie et objectif ultime, identifier l’origine du cru. Car bien souvent ces dégustations se font à l’aveugle, c’est-à-dire que les bouteilles sont masquées et les convives ne sachant pas quels sont les vins qui se retrouvent devant eux doivent le décrire, tenter d’identifier le cépage, l’origine, le terroir et enfin l’âge approximatif, mieux le millésime exact. À n’en pas douter, sachez que les déconvenues sont nombreuses, voire deviennent la norme (!) et l’humilité est la vertu première que chaque dégustateur doit acquérir. Une phrase d’une grande dame de l’Académie française pend ici tout son sens : « nous voici face à l’incertitude qu’apporte le savoir et la force qu’apporte l’ignorance ». Et pour celui qui aura réussi l’exploit et devant qui l’on s’inclinera, on peut se poser la question : identifier à la fois, le nom du vin et le millésime relève t’il du talent brut ou du pur hasard ?! un fait demeure, le plaisir prend toute la place !

Il y a une vingtaine d’années à Québec, j’ai co-fondé avec quelques amis l’un de ces clubs : Aux Grands Crus. Chaque mois nous nous réunissions et ce qui nous motivait était de partager les vins que chacun d’entre-nous possédions. À tour de rôle, le responsable désigné sélectionnait six bouteilles de son cellier et nous les présentait à l’aveugle avec comme seul indice une vague thématique, par exemple : ce sont six crus d’un même pays. Après une dizaine d’années de fréquentation, mes projets de vie m’amenant sous d’autres cieux, j’ai délaissé à regret mon cercle d’amis précieux. Mais la vie nous réservant d’heureuses surprises, le mois dernier alors que j’étais de passage au Québec, l’un de mes vieux potes d’Aux Grands Crus a eu l’initiative d’organiser une dégustation avec quelques anciens et me dit-il, « c’est moi qui régale ! ». Un pur ravissement de se retrouver après une décennie et de constater qu’il n’y a pas que les vins qui vieillissent ! Notre hôte se sentant investi d’une mission nous a fait la totale. Que des grandes bouteilles produites par producteurs emblématiques et issues d’un seul millésime. Nous avons aisément repris notre routine de déguster et commenter sans savoir quel vin se retrouvait dans chaque verre. Premier constat unanime, nous étions face à de grands vins. Les nez fort expressifs, un ou deux cépages seulement, l’âge assez avancé et, qualité ultime, des vins très élégants et d’une grande finesse. Avec tous nos sens en éveil, nous sommes tous retrouver à identifier des vins issus de pinot-noir et/ou de syrah, produits en Bourgogne et/ou dans le Rhône, datant d’années fin 1990. L’un d’entre-nous avec beaucoup d’acuité est allé à jusqu’à nommer avec justesse des crus précis et leur producteur. Après une demi-heure à tergiverser et à avancer des hypothèses, le maître des lieux pour ne pas dire le Maestro a mis fin à nos élucubrations en dévoilant les bouteilles masquées. Et voici dans l’ordre la liste des vins qui ont charmé nos palais :

  1. Cornas, Clape, 1999
  2. Clos de Tart, 1999
  3. Grands-Echezeaux, Mongeard-Mugneret, 1999
  4. Côte-Rôtie, Jamet, 1999
  5. Musigny, Domaine de la Vougeraie, 1999
  6. Hermitage, Chave 1999

Deux autres vins sont venus compléter la dégustation lors du repas qui a suivi, l’excellent chardonnay néo-zélandais, Kemeu River 2011 et le grand cru de Sauternes, Château Rieussec 2011. Une brochette de grands crus tous aussi mythiques les uns que les autres, Musigny, Grands-Echezeaux, Côte-Rôtie, Rieussec; des Majeurs de la vinification comme Chave, Jamet, Clape ; et connaissant mon attachement pour le Clos de Tart notre hôte était allé quérir dans sa cave une bouteille de mon vin fétiche… le comble de l’extase.

Une soirée inoubliable à inscrire dans les anales du grand livre de l’amitié.

En novembre 1973 sur la Place Royale du Vieux-Québec, la Société des alcools du Québec (SAQ) inaugurait la première Maison des vins (MDV). Pendant un peu plus de 25 ans ce site emblématique a été le temple des amateurs de vins de la Capitale nationale et des environs. Au fil des ans trois autres MDV ont aussi vu le jour à Montréal, Hull (devenu Gatineau) et Trois-Rivières pour le plus grand plaisir des passionnés du jus de la treille. Tout juste après la mise sur pied de la SAQ en 1971 et l’arrivée des premières succursales libre-service, le  PDG de l’époque, M. Jacques Desmeules, souhaitait offrir aux amateurs de vins et alcools fins un lieu privilégié où l’offre et la qualité du service deviendraient un modèle. C’est à M Jean Caron, qui devint ainsi le premier directeur, qu’il confia le mandat de structurer ce projet et de constituer l’équipe qui accueillerait les premiers clients.  

Photo 3M. Jean Caron, directeur de la MDV lors de l’ouverture, en 1973

Les secrets de la Maison Eustache Lambert-Dumont

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Le lieu choisi n’avait rien d’anodin. Au cœur du premier bastion francophone d’Amérique, sur cette Place Royale tout juste rénovée et où trône fièrement le buste de Louis XIV, c’est la Maison Eustache Lambert-Dumont qui fut retenue. Fière, imposante, à l’angle de la Place, face à l’église Notre-Dame-des-Victoires, avec son rez-de chaussée, ses deux étages et surtout ses 4 voûtes de pierre en sous-sol, c’était le monument prédestiné au commerce du vin. En effet, ces grandes voûtes faisaient aisément penser aux caves à vins que l’on peut retrouver en Bourgogne, à St-Emilion ou en Champagne.

Eustache Lambert-Dumont fit ériger cette demeure au XVIIe siècle pour y tenir métier de marchand général. Auparavant c’est la Compagnie des Cent Associés qui occupât les voûtes pour y faire divers échanges commerciaux dont la traite des fourrures.  Lors de la grande phase de rénovation de la Place lancée par le Gouvernement du Québec dans les années 1960, les architectes et contracteurs ont tâché de reconstruire quasiment à l’identique en utilisant le même type de matériaux, dont la précieuse pierre des carrières de Beauport, en banlieue de Québec, pour reconstruire la façade et restaurer les voûtes.

On comprendra ici que tout cela est bien beau, mais il y en allait tout autrement pour tenir commerce selon les normes du XXe siècle ! Un quai pour la réception de marchandise ? Que nenni ! Des rouleaux convoyeurs installés à l’extérieur été comme hiver. Une porte pour le service à l’auto ? Que nenni ! Un diable en été ou une luge en hiver pour descendre les caisses jusqu’au stationnement situé à plus de 100 mètres du magasin. Un entrepôt pour la marchandise ? Que nenni ! Quatre petites pièces en racoin. Un ascenseur pour monter la marchandise au rez-de-chaussée ? Que nenni ! Un diable, 2 hommes et 4 bras, par l’extérieur, été comme hiver. Chauffage et air climatisé ? Que nenni ! Frette en hiver, chaud en été et humide en plus. Éclairage adéquat ? Que nenni ! La pénombre grâce aux appliques en forme de chandeliers chacune surmontée d’une ampoule de 5 watts, au point qu’il faille prendre plusieurs secondes afin que nos pupilles s’habituent quand on entrait dans le saint lieu. Mais avouons que tout cela contribuait au charme et que clients comme touristes (trop nombreux à l’époque) étaient au comble de l’extase en franchissant le seuil de la caverne d’Ali Baba ! À la magie des voûtes dans la semi-obscurité, ajoutons les bouteilles de mousseux présentées sur des pupitres à Champagne comme à Reims et le Nirvana…soit cet immense foudre reconstitué et baptisé Cuvée exceptionnelle où l’on pénétrait à la lueur d’une bougie, en parlant à voix basse pour faire sa sélection de grands crus classés, Lafitte, Romanée-Conti, Yquem, etc. Tout ceci ne donnait pas une ombre triste au tableau !

Photo 4Votre chroniqueur à l'intérieur de la fameuse cuvée exceptionnelle

Les tous débuts et ses pionniers 

On l’a vu plus haut M. Jean Caron tenait les rênes au début de l’aventure. Il s’est entouré d’un gérant M.Gilles Bériau, une secrétaire Mme Hélène Belleau, un homme à tout faire Paul-Émile Dorval et de 5 caissiers-vendeurs, MM Alphonse d’Auteuil, Michel Morad, Léon Bouchard, Marc Gagnon et Allen Harvey. Se sont rapidement greffés à ce noyau MM Roger Thibault, Martin Bedford et le signataire de cette chronique, Jean Chouzenoux. On peut avancer qu’il s’agit de la première cohorte. Vous aurez remarqué que l’utilisation du terme de caissier-vendeur pour parler des employés attitrés au service, en effet le titre de conseiller en vin était encore à créer. Ce travail de vendeur dans les voûtes de l’auguste demeure n’avait rien à voir avec le travail accompli par leurs confrères en succursale. À preuve la formation accélérée sur les vins et spiritueux que les jeunes de la MDV devaient suivre dès leur entrée en fonction. Le mardi matin c’était la séance de dégustation de quelques nouveaux arrivages avant l’ouverture du magasin. Par ailleurs, les clients aguerris, les restaurateurs renommés, les membres de confréries bachiques qui se présentaient à eux voulaient obtenir de judicieux conseils pour constituer leur cave à vin, élaborer leur carte des vins, associer avec des vins de choix pour leurs menus gastronomiques. De plus, une nouvelle tradition voyait le jour au Québec, les dégustations de vins et fromages. La MDV étant dotée d’une magnifique salle de réception sous les combes, deux ou trois soirs semaines des groupes étaient reçus pour ces soirées thématiques et ce sont ces braves caissiers-vendeurs qui officiaient comme serveurs et commentateurs.

C’est après quelques années de pratique dans ce qui allait devenir une profession, que cette première équipe sous l’impulsion de MM Caron et Bériau a réfléchi sur ce qui devrait advenir de leur poste. Bon gré mal gré car le Syndicat jugeait cela élitiste, ils ont rédigé eux-mêmes leur première description de poste et les tâches afférentes. Conséquemment c’est lors de la signature de la convention collective de 1976, qui ironiquement s’est faite à la MDV, en présence de M. Jacques Parizeau ministre titulaire de la SAQ, que le titre de conseiller en vin fut créé.

Photo 5La première cohorte de conseillers en vin: Martin Bedford, Allen Harvey, Jean Chouzenoux, le gérant Gilles Bériau, Michel Morad, Marc Gagnon et Roger Thibault

Rites de passage

Pendant plusieurs années il était facile pour le consommateur de reconnaître le conseiller en vin en succursale grâce à son tablier en cuir, uniforme symbolique de son parcours et de ses connaissances. Mais dans les années 1975-1980 l’uniforme ne leur tombait pas dessus d’office, il fallait le mériter. Or, au début ce n’est qu’une petite veste de cuir qui était attribuée au conseiller débutant. Ce n’est qu’après avoir fait ses classes, généralement au bout de 6 à 8 mois, que l’épreuve du tablier s’imposait. Le soir choisi, après la fermeture du magasin, cadres et employés se réunissaient dans les voûtes pour l’épreuve que devait traverser tout impétrant prétendant à sa cuirasse ! Ce dernier devait alors effectuer une visite guidée d’environ une heure où il était à la fois question de l’historique de la Maison Eustache Lambert-Dumont, de la vinification, du classement des crus classés, d’accords vins et mets. Suivie d’une période de questions pièges de la part des collègues, d’une analyse d’un vin servi à l’aveugle et…le boire cul sec ! Après quoi le candidat devait se retirer pendant que le jury délibérait. Si le test était réussi c’était l’adoubement, genou au sol pour recevoir l’accolade du cep.

L’offre produits

À l’ouverture de la MDV en novembre 1973, l’offre de produits exclusifs était constituée d’à peine 300 marques dont plusieurs alcools et liqueurs présentés dans de jolis flacons. La gamme s’est enrichie au fil des ans au point de devenir l’une des plus riches et variées au monde. Il n’y avait d’ailleurs aucun répertoire pour recenser l’offre produits. Ce à quoi les conseillers en vins (encore eux) ont vite remédié. En effet, ce sont eux qui se sont réunis quelques soirées pour inventorier tous les vins particuliers et les classer selon les couleurs et les régions. Quelques semaines plus tard sortait des presses le premier répertoire des vins et spiritueux désormais dit de Spécialités.

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Le premier répertoire des vins de spécialité élaboré par les conseillers en vin

Autre fait saillant fut l’arrivée pour la première fois au Québec des Beaujolais nouveaux, mis en ventes à l’échelle de la planète le 3iè jeudi de novembre. Cinquante caisses pour une première expérience en 1974 mises en vente uniquement à la MDV de Place Royale.  Puis 250 cartons l’année suivante, pour un total record de 40 000 caisses à travers tout le Québec dans les années 1980. La frénésie s’est ainsi emparée des amateurs et des médias pendant deux décennies par la magie de lancements de presse flamboyants notamment grâce à l’apport des confréries bachiques portant leurs tenues chamarrées.

Un livre d’or rempli de signatures prestigieuses

La Maison des vins de Québec est rapidement devenue le temple du vin au Canada. La somptuosité et le caractère historique des lieux, l’offre produits exceptionnelle, le haut niveau de qualité de service à la clientèle, les réceptions prestigieuses des caves au grenier en ont fait un lieu incontournable pour tout amateur de vins et une attraction touristique de premier plan. Or, pour toute personnalité reliée à la filière viticole et gastronomique un passage dans le saint lieu devenait incontournable. Cela prenait d’abord la forme d’une rencontre privilégiée avec les conseillers en vin pour professer leur enseignement, puis une rencontre de presse avec les chroniqueurs spécialisés et les principaux clients de la MDV suivait dans la salle de conférence. Un poste de chargé de communications fut même créé pour gérer la forte demande et que M. Léon Bouchard a occupé de nombreuses années.  

Le protocole voulait que le dignitaire signe le livre d’or de la Maison sous les flashs crépitant des photographes. Ainsi, ont laissé leur empreintes Lalou Bize-Leroy du Domaine de la Romanée-Conti, Le Comte de Lur Saluces du Château d’Yquem, la Marchesi Piero Antinori de Toscane, Nadine de Rothschild du Château Clarke, Henri Gault de la revue Gault & Millau mais pas que ! De nombreux chefs d’état ou de personnalités politiques locales et internationales sont descendus de leur limousine et ont été accueillies après que les services de sécurité eurent inspecté les lieux.

Que sont-ils devenus ?

Plus qu’un magasin de prestige, la MDV fut également un incubateur de talents, sans fausse modestie. À la connaissance pointue des produits et des arts de la table, aux aptitudes développées en service à la clientèle ou à l’aptitude de s’adresser au public et aux médias, sous la houlette du gérant M. Gilles Bériau soucieux de leur développement, les conseillers en vin étaient appelés aussi à apprendre les rudiments de la chose administrative. Par conséquent TOUS les premiers conseillers qui sont passés par la MDV de Québec ont obtenu de l’avancement au sein de la SAQ. Michel Morad, Marc Gagnon, Allen Harvey, Roger Thibault, Martin Bedford et Jean Chouzenoux ont tour à tour d’abord été nommés directeur de succursales, certains revenant même à la Direction de cette singulière MDV, avant de gravir d’autres échelons.

Une triste fin et une renaissance

C’est en 1995 que le glas a sonné pour la MDV de Québec et ses consœurs de Montréal, Hull et Trois-Rivières. Dans un souci de démocratiser l’accès aux grands vins les MDV ont cédé le pas à la Bannière Sélection. Mais comme la nature a horreur du vide et que les consommateurs en redemandaient, la Bannière Signature a par la suite vu le jour avec à peu près la même mission que feues les MDV. Ce qui revient à dire que les Maisons des vins ont été les premières bannières de la SAQ.

Rédaction : Jean Chouzenoux

Un merci spécial à Roger Thibault

À la mémoire de Jean Caron, Gilles Bériau, Marc Gagnon, Michel Morad et Paul-Émile Dorval

À l’origine, en 1983 

L’idée prend sa source au cours de l’édition de 1983 du Salon des vins de Montréal. M. Paul Shooters, président de l’événement, organise alors un concours de dégustations avec les seuls vins présentés lors de la manifestation. Les bases sont jetées, la Société des alcools du Québec (SAQ) s’associe immédiatement à l’aventure et subséquemment, on baptise le nouveau venu du nom de Sélections Mondiales des Vins. C’est en 1986 que la SAQ reprend exclusivement à son compte l’organisation du concours bisannuel pour le propulser vers de nouveaux sommets.

Une croissance rapide et dynamique 

En 1989, la SAQ met en place une équipe dédiée sous la houlette de M. Réal Wolfe, qui devient ainsi le nouveau secrétaire général de SMV et sous son impulsion, dès l’édition 1990, ce sont au-delà de 1000 vins du monde entier qui sont soumis au palais des juges émérites, internationaux. Au-delà de l’émulation suscitée par un concours prestigieux avec ses médaillés d’or et d’argent, il y a la volonté d’offrir aux producteurs européens et d’ailleurs une tribune pour s’ouvrir au marché nord-américain, dont le Québec est l’un des acteurs principaux. À preuve, chaque année les produits lauréats bénéficient d’une campagne de promotion et d’une visibilité médiatique lors de leur mise en vente officielle dans les succursales de la SAQ. De plus, en 1992, SMV crée un site Internet afin d’offrir aux acheteurs du monde entier tous ses vins auréolés. Toujours à l’avant-garde, car nous sommes bien avant l’arrivée des cotations sur les vins des Wine Spectator et Robert Parker.

Au fil des ans, à la rigueur soutenue des séances de dégustation se greffe un volet événementiel somptueux incluant une soirée de clôture fastueuse. Spectacles de haute voltige et dîner gastronomique pimentent la réception de gala, au cours de laquelle sont dévoilés les lauréats du concours, la presse spécialisée présente faisant largement écho des résultats.

unnamedM. Réal Wolfe, président
Sélections Mondiales des Vins Canada

Un concours d’envergure de plus en plus internationale 

D’autres concours émergeant sur la scène internationale, la SAQ et SMV sont à la manouvre afin de susciter une synergie entre les principaux acteurs et c’est ainsi qu’en mai 1993, à Ljubljana en Slovénie, la Fédération mondiale des grands concours de vin voit le jour. Son secrétariat général sera basé à Montréal, sous la supervision de M. Réal Wolfe. Forte de cette alliance, SMV joue de son influence en même temps qu’elle développe un large réseau de contacts, que les inscriptions au concours augmentent et que la compétition gagne en notoriété.

SMV passe sous d’autres auspices 

En 2007, la SAQ passe la main et c’est un duo d’entrepreneurs privés qui reprend les rênes. Une entente intervient rapidement pour que les nouveaux acquéreurs puissent conserver le nom de Sélections Mondiales des Vins en y ajoutant Canada et messieurs Denys Paul-Hus et Ghislain K. Laflamme rapatrient le concours dans leur ville d’origine, Québec. L’événement devient alors annuel et s’y tiendra pendant 13 éditions, jusqu’en 2019. En parallèle, sous l’impulsion de Me Laflamme, la Fédération mondiale des grands concours de vins voit de nouveaux protagonistes adhérer à ses rangs, change de vocable pour Vinofed et Me Laflamme en devient le secrétaire général, puis le président.

Un retour et un nouvel envol

Autre passe d’armes en 2019, alors qu’un nouvel acquéreur, loin d’être inconnu au bataillon, reprend du service. M. Réal Wolfe et son partenaire, M. Vincent Migallon, d’Enopassion en Espagne, deviennent les nouveaux propriétaires de SMV pour cette édition bien particulière de 2020. En effet, ce sera l’année de tous les défis pour la nouvelle direction, car leur arrivée coïncide avec l’éclosion du virus COVID-19, à l’origine d’une pandémie mondiale! C’est donc après deux reports que cette douloureuse édition 2020 peut enfin se tenir dans des conditions sanitaires strictes et rigoureuses à la fois pour les organisateurs et les jurés locaux. Le défi sera relevé avec brio, pavant la voie à un retour au bercail, à Montréal, pour l’édition 2021. De nouveaux partenariats prennent forme, notamment en resserrant les liens avec la SAQ ou avec l’Institut du tourisme et d’hôtellerie du Québec (ITHQ), nouveau chef-lieu de la prestigieuse compétition internationale. En outre, fort de son expérience, Réal et son équipe ont développé une approche nouvelle de recrutement des vins au niveau régional, où les forces vives locales sont appelées à stimuler l’appel de candidatures, toujours avec l’objectif de faire rayonner des producteurs et des vins du monde entier. D’ailleurs, l’un des constats que l’on pose aujourd’hui sur le concours, c’est qu’au-delà d’un nombre important de produits inscrits à la compétition, c’est la montée en gamme qualitative des vins prétendant au titre. Pour mettre en exergue ce phénomène, les organisateurs ont créé de nouvelles catégories, comme le Top 50, qui regroupe les 50 meilleurs vins ayant obtenus une notre de 93 points ou plus.

SMV Canada célèbre cette année son quarantième anniversaire. Il jouit désormais d’une notoriété qui dépasse les frontières et sa position stratégique en Amérique du Nord offre une rampe de lancement privilégiée à nombres de producteurs du monde entier en quête de nouveaux marchés. Les deux faces d’une même médaille, car les amateurs québécois dénichent eux aussi, année après année, de nouveaux produits frappés du sceau glorieux SMV Or ou Argent, qui combleront leur soif de découvertes.

Jean Chouzenoux
Correspondant étranger
SamyRabbat.com

vendredi, 22 septembre 2023 10:09

L’Europe : un fabuleux continent

Une mosaïque de 50 pays, 800 millions d’habitants répartis sur 10 millions de km carrés, c’est le portrait chiffré de la vieille Europe. Sur son flanc ouest passé l’Atlantique, la courtepointe de la jeune Amérique est constituée de 35 pays avec 1 milliard d’habitants répartis sur un territoire de 42 millions de km carrés.

Quinze pays de plus en Europe sur un territoire quatre fois plus petit. Voilà de quoi rendre le terrain de jeu beaucoup plus attractif. Cinquante cultures différentes, riches et colorées accessibles rapidement compte tenu des facilités de transport ferroviaires, routières ou aériennes. Cette proximité, voire cette mixité offre désormais le formidable visage d’une Europe joliment métissée.

Le berceau de la civilisation occidentale 

La Grèce est considérée à juste titre la patrie des arts, principalement du théâtre et de l’architecture ; de la politique et de la démocratie ; des mathématiques ; de la médecine ; de l’épicurisme. Bref, elle a légué un patrimoine culturel, politique et scientifique immense à toute l’Europe et au monde entier.

Acropole AthènesAcropole Athènes

L’Empire romain a favorisé les échanges économiques en développant un réseau routier de plus de 150 000 kilomètres (la Via romaine) constitué de ponts et d’aqueducs dont certains existent encore de nos jours. D’où l’expression : Tous les chemins mènent à Rome. La capitale italienne a ainsi contribué à l’urbanisation donnant naissance à des métropoles comme Paris, Londres ou Barcelone.

Les européens pour de bonnes et moins bonnes raisons ont colonisé une grande partie du monde. Conséquemment lors d’invasions, de conquêtes, de croisades ou à coup de révolutions, ils ont pillé, dépossédé, fait des millions d’apatrides et de victimes. Conquérants dans leur volonté d’exporter leur culture et leur foi chrétienne, ils se sont appropriés en retour des territoires, des richesses et ont asservi des populations entières. Avec l’émancipation de ces peuples jadis opprimés et brimés plusieurs ont retrouvé aujourd’hui leur autonomie et leur dignité. 

La géographie de l’Europe 

Bordée par deux océans, deux mers, quelques détroits ; traversée par des fleuves majestueux ; baignée par des lacs immenses ; creusée par des gorges et des fjords, l’Europe s’est peuplée autour de ces étendues d’eau et chaque région y a pris racine à sa façon. Pensons au bassin méditerranéen, aux Cyclades de la mer Egée, aux lacs Léman, Majeur, de Constance, du Connemara, aux abords de fleuves tels que la Tamise, l’Elbe, le Douro, le Rhin, le Danube, le Rhône, le Bosphore ou le détroit de Gibraltar; aux canaux de Venise et de Rotterdam, aux fjords norvégiens…ces étendues d’eaux ont façonné des paysages aux contours enchanteurs. Enfin, en France au moment du développement du commerce maritime intérieur, les ingénieurs au service des Rois ont domestiqué certains cours d’eaux pour en faire des canaux qui jadis ont servi au transport de marchandises et qui aujourd’hui ravissent les plaisanciers. Ces voies fluviales où sous une verdoyante canopée on peut piloter sa péniche et traverser la France en toute quiétude et en totale liberté.

Les falaise dEtretatLes falaise d’Etretat

À son extrême ouest, deux pays tracent la ligne de démarcation avec le continent asiatique. En effet, la Russie et la Turquie ont chacune un pied en Europe et l’autre en Asie, la frontière traversant les deux contrées. 

D’autre part, vallées, plaines et montagnes ajoutent du relief au panorama exceptionnel du vieux continent. Il est aisé de citer les Alpes, les Dolomites, le Mont Olympe, les Vosges, les Pyrénées, la chaîne de l’Oural. Les nombreux villages de montagnes qui y sont nichés, qu’ils soient médiévaux ou contemporains comme dans les stations de ski, ajoutent un charme indéfinissable au tableau. Parlant relief, ça tombe à pic lorsque l’on songe aux falaises de Douvres en Angleterre et celles d’Étretat côté français qui plongent toutes deux dans la Manche ou aux parois calcaires escarpées de Bonifacio en Corse.

L’architecture et l’urbanisme en Europe 

Voyager c’est rechercher le dépaysement et en ce sens l’Europe jouit d’une riche et forte attractivité. Historiquement et encore de nos jours, les architectes et ingénieurs qui ont dessiné les villes ou érigé de formidables monuments lèguent pour les générations à venir un patrimoine culturel exceptionnel. Comment résister au magnétisme qu’exerce sur le touriste lambda des villes comme Paris, Rome, Venise, Prague, Dubrovnik, Istanbul, Athènes, Lisbonne, Florence, Madrid, Budapest, Stockholm, Vienne, Monte-Carlo ou Bruxelles ? Soulignons-le à nouveau, ces cités féériques sont facilement joignables entre-elles, grâce à des modes de transports efficaces. Chacun de ces lieux raconte son histoire, possède sa singularité architecturale erigée à partir des matériaux locaux (bois, pierres, chaux, tuiles, marbre, ardoises).

veniseVenise

Par ailleurs, on peut littéralement créer un abécédaire des monuments historiques européens

  • Acropole à Athènes
  • Alhambra à Grenade
  • Basilique Notre-Dame à Paris
  • Basilique St-Pierre de Rome
  • Cathédrale de la Nativité à Milan
  • Cathédrale Ste-Sophie à Istanbul
  • Châteaux de la Loire
  • Château de Versailles
  • Cimetière du Père Lachaise à Paris
  • Colisée à Rome
  • Mosquée de Cordou
  • Parlement de Budapest
  • Place de la Vieille-Ville à Pragues
  • Prado à Madrid
  • Ségrada Familia à Barcelone
  • Tour Eiffel à Paris

Cathédrale de MilanCathédrale de Milan

Depuis l’époque de la Renaissance, on rivalise d’audace pour faire du beau et flatter le regard en construisant de manière élégante et esthétique. Fort de cet héritage on érige encore aujourd’hui des chefs-d’œuvre architecturaux comme le Viaduc de Millau, la Philarmonie et le musée de la Fondation Louis-Vuitton à Paris, le pont Chaban-Delmas à Bordeaux, le musée NEMO à Amsterdam, le Centre des sciences à Glasgow, le Gherkin (en forme de cigare) de Londres.

vuittonLe musée de la Fondation Louis-Vuitton à Paris

Viaduc de MillauLe Viaduc de Millau au centre de la France 

Un essaim culturel d’une richesse inouïe 

L’histoire ancienne de l’Europe fait que des traditions et des savoir-faire se sont transmis de générations et générations. Que ce soit dans les nombreux métiers manuels ou dans les métiers de bouche, l’artisanat est un rouage majeur du monde du travail en Europe. On dit même qu’il s’agit de la première industrie européenne ! Plus de 700 activités sont cataloguées au répertoire de l’artisanat dont la mission première est la valorisation des produits naturels. Par conséquent, les petites entreprises foisonnent et le sens de l’entreprenariat et de la créativité y sont consacrés. Toutes ces petites mains s’activent dans le textile en Espagne, la cristallerie en République tchèque, le cuir en Italie, l’horticulture en Hollande, la céramique au Portugal, la parfumerie en France, le dentelle en Belgique, la joaillerie en Suisse, la lutherie en Allemagne et une liste exhaustive prendrait encore des pages.

L’agriculture et la gastronomie 

Les spécialités reliées au monde de l’agriculture et de la gastronomie loin d’être en reste sont considérées comme des métiers nobles et les artisans souvent élevés au rang d’icônes. La base du succès de l’industrie agroalimentaire rassemble métiers de passions. Agriculteurs, pêcheurs éleveurs, à la faveur d’un climat tempéré, d’une terre généreuse et de mers foisonnantes, ont développé un savoir-faire séculaire. Et que dire des paysages bucoliques dessinés par ces terres de culture : les champs de tulipes en Hollande, les vignobles de Porto, les champs de tournesols ou de lavande du sud de la France, les noisetiers en fleurs du nord de l’Italie…images d’Epinal ! Ensuite, comme c’est en France qu’ont été imaginés les arts de la table et de la gastronomie cuisiniers les grands chefs entrent en scène afin de sublimer ces produits du terroir local.

Le monde des Arts 

L’héritage que laisse l’Europe au monde des Arts regorge de noms et d’œuvres inoubliables qui laisseront une trace indélébile au panthéon de la culture. En littérature citons Homère, Lafontaine, Molière, Hugo, Shakespeare, Cervantes, Dante, Yourcenar. En musique classique ils sont légion, Beethoven, Bach, Chopin, Puccini, Verdi, Strauss, Wagner, Mozart, Pavarotti, Callas. On pourrait aussi ajouter les Beatles ou ABBA ! En peinture et en sculpture, Picasso, Monet, Dali, Rembrant, Van Gogh, De Vinci, Michel-Ange, Rodin ou Claudel. Notons que le cinéma a été inventé en France par les frères Lumière et, ce qui est devenu le septième art a donné naissance à de grands réalisateurs européens comme Hitchcock, Bergman, Fellini, Leone, Godard, Lelouch ou Costa-Gravas. 

Sport, automobile, mode, parfumerie, etc.

D’autres legs plus modernes sont laissés au monde par les européens dans différentes sphères. Que ce soient au sport avec les Anglais qui furent les premiers à dessiner les règles du tennis, du rugby, de la boxe et du football (soccer). Les Allemands, Italiens et Anglais avec les voitures de luxe comme Mercedes, BMW, Ferrari, Lamborghini, Rolls Royce, Bentley, Jaguar. Les designers et parfumeurs surtout français et italiens, citons Dior, Cardin, Versace, Chanel, St-Laurent, Gucci.

Sciences, technologies et grandes inventions 

Prendre l’avion, le train, la voiture, le vélo c’est bien sûr possible car certains de ces moyens de transports sont des inventions européennes : l’allemand Benz pour l’automobile, l’anglais Trevithick a conçu la première locomotive à vapeur et la France a innové avec le TGV, la montgolfière et le premier avion, ajoutons les merveilles de technologies qu’ont été ou sont le Concorde, l’Airbus 380. Enfin, ce sont un Allemand et un Français qui revendiquent l’invention du vélo.

Comme quoi, de l’ancien monde aux temps modernes, la Vieille Europe a su conserver au fil des siècles sa capacité d’innover et de nous éblouir !

dimanche, 06 août 2023 10:36

Les charmes de la Côte-d’Or

Il y avait bien 7 ou 8 ans que je n’étais pas retourné en Bourgogne. Une trop longue trêve pour le passionné que je suis. L’occasion, cette fois était belle, arpenter la Côte-d’Or avec mon fils. Sachant cela, quelques amis niçois, avec qui je partage les honneurs du bien boire et du bien manger, ont voulu sauter dans notre caravane. D’ailleurs, comme le disait je ne sais qui, ne me raconte pas le vin, fais-le moi rencontrer ! 

D’abord les musées 

Quand on foule le sol bourguignon pour la première fois, un classique s’impose avant la tournée des vignobles, la visite des Hospices de Beaune. Cet ancien hôpital à l’architecture emblématique érigé au XVie siècle par le chancelier des ducs de Bourgogne, Nicolas Rolin, et son épouse Guigone de Salins, est aujourd’hui le siège de la vente de vins aux enchères la plus célèbre du monde. En effet, chaque année, la troisième fin de semaine de novembre, lors de la grande fête bachique baptisée les Trois Glorieuses, se tient dans l’immense salle située juste en face un encan haut en couleur au cours duquel les Hospices, qui sont aussi propriétaire de 60 hectares de vignes, soumettent leur production aux acquéreurs potentiels de toute la planète vin.

Dans l’après-midi qui a suivi, nous sommes allés visiter la toute nouvelle Cité des climats et vins de Bourgogne. La mission de faire connaître les mystères et les vertus de la Bourgogne est fort louable, les installations didactiques tout à fait pertinentes, mais disons que cela a besoin de rodage. Le personnel peut vulgariser l’art de la vigne devant le simple amateur, mais le connaisseur moindrement averti restera sur sa faim.

Domaine Gavignet, la Route des Grands Crus et le Domaine Michelot 

Le lendemain, sous les bons soins de notre chauffeur Philippe, la joyeuse bande s’est dirigée vers Nuits St-Georges, où nous étions attendus par Phillipe Gavignet et sa charmante fille Elodie pour la visite des caves. La propriété familiale depuis 5 générations possède 14 hectares de vignes regroupées sous 16 appellations. La lutte raisonnée passionne nos hôtes, qui recherchent avant tout l’authenticité du terroir pour chacune de leurs parcelles. J’ai souvent eu l’occasion de déguster les Nuits St-Georges blancs et rouges de Gavignet et l’expérience est toujours mémorable. Bâtis en tout respect des maîtres cépages que sont le chardonnay et le pinot noir, ces vins possèdent une richesse olfactive et gustative exceptionnelle, avec un potentiel de garde remarquable. M. Gavignet était fier de nous annoncer qu’il avait percé le marché du Québec ; soyez aux aguets !

Odile et Philippe GavignetOdile et Philippe Gavignet, à Nuits St-George

Vint ensuite la master class… comme disent les Français. Mes amis avides de connaissances, curieux de fouler le terroir bourguignon, de comprendre un peu mieux le principe des appellations, de voir de visu les domaines emblématiques de la Côte-d’Or, de prendre quelques clichés devant les propriétés aux noms prestigieux, je me suis alors improvisé professeur émérite, rien de moins ! Nous avons quitté Nuits en empruntant la Route des Grands Crus, qui serpente à travers une mer de vignes verdoyante en ce mois de juillet caniculaire. Premier arrêt, et c’est du sérieux, à Vosne-Romanée, devant la Romanée-Conti. Incroyable d’arriver devant le célébrissime vignoble, d’y garer la voiture et de faire quelques pas devant ou sur le muret qui ceint les 1,8 hectare de vignes. Jouxtant le côté nord, ce sont les ceps de Richebourg qui s’exposent au soleil. Suivent un arrêt incontournable au Clos Vougeot, un passage devant Georges Roumier à Chambolle-Musigny, et la fin du pèlerinage au Clos de Tart à Morey St-Denis avant de rebrousser chemin vers Meursault.

vignes de RichebourgLes vignes de Richebourg à Vosne-Romanée

Clos VougeotLe Clos Vougeot dans toute sa magnificience

Au Domaine Michelot, c’est mon bon ami Jean-François Mestre qui nous accueille pour une tournée qui marquera l’esprit des joyeux convives. Dans la cour, le soleil est éblouissant. Par conséquent, quand nous pénétrons à l’intérieur du nouveau chai, nos yeux ont du mal à s‘habituer à la pénombre ambiante. Or, quand Jean-François allume la lumière, nous sommes saisis par la beauté et l’élégance du lieu. D’immenses jarres en grès, des barriques de chêne et d’imposants globes de verre (wine globes !) se côtoient et offrent un écrin somptueux au vin qui ronronne avant sa mise en bouteille. Lors de l’assemblage, c’est un savant mélange des jus issus des trois types de contenants qui est concocté dans le but ultime de préserver au vin de Meursault un maximum de fraîcheur, en tout respect de la richesse et de l’authenticité du terroir. Ce qui s’avéra bien concrètement lors de la dégustation qui suivit.

Domaine MichelotLe chai du Domaine Michelot à Meursault

Enfin, ce court et intense périple allait se terminer autour d’un immense et festif bbq, alors que la France célébrait son anniversaire et que des feux d’artifice étaient lancés depuis la place de Meursault, entre la mairie et l’église au célèbre clocher devenu le véritable emblème du village.

les ChouzenouxLa joyeuse bande devant la célèbre enseigne du Clos de Tart, Gabriella Romanescu, Marlène Nourcy, Jean Chouzenoux, Eva Godfrin, Alex Chouzenoux, Philippe Labergère et Jan Arin. Derrière l’objectif, François Chouzenoux

vendredi, 21 juillet 2023 12:00

Ma relation avec le Clos de Tart

Pour des raisons qui sont propres à chacun on peut avoir une préférence, voire un attachement affectif, pour un vin en particulier. Ses qualités intrinsèques, l’émotion que l’on a ressenti à la première dégustation, était-ce pour un mariage, une naissance ou un anniversaire, avec qui étions-nous, était-ce chez le producteur ou dans un grand restaurant ? Cela fait en sorte que l’on garde un souvenir indélébile de ce moment et que chaque dégustation subséquente nous ramène à cette émotion. On s’attache à ce vin qui devient en quelque sorte… notre vin fétiche !

Avec le titre qui coiffe cette rubrique vous savez maintenant que mon vin totem est le Clos de Tart grand cru de la commune de Morey St-Denis, en Bourgogne. Juste un mot pour vous dire que le Domaine fut fondé en 1141 par les Bernardines de l’Abbaye de Tart qui était une dépendance de l’Abbaye de Cîteaux. La famille Marey-Monges en fit ensuite l’acquisition avant de le revendre à la famille Mommessin en 1932. C’est l’homme d’affaires François Pineault qui a fait fortune dans l’industrie du luxe qui possède aujourd’hui les quelques 7,5 hectares de vignes du Monopole.

De mon côté, comme depuis 45 ans je collectionne les étiquettes des grands vins que je consomme et que j’annote la date et la circonstance de la dégustation, il m’est facile de retracer mon parcours auprès de cette marque que j’affectionne. Ainsi c’est pour la naissance de mon fils en 1981 que j’ai acquis mon premier flacon de Clos de Tart. J’étais alors Directeur de la Maison des vins de Québec (MDV) et je me souviens qu’il fallait débourser la rondelette somme de 42$ pour l’acquérir. Quelques années plus tard, toujours à la MDV nous avons proposé à notre clientèle une verticale du prestigieux vin. Une dizaine de millésimes issus des années 50, 60, 70 que j’avais bien sûr eu l’occasion de tous déguster. De quoi me construire un spectre de références assez large et de tisser davantage ma relation avec ce terroir. Par ailleurs, en d’autres circonstances c’est le vin qui me faisait des avances, comme cette fois où Pierre Fluet connaissant mon attachement pour le Clos de Tart et pour me remercier d’avoir reçu à la maison toute mon équipe de conseillers en vin, m’offrit une bouteille de 1979 que je dégustai quelques années plus tard. Salut mon Pierre sur ton petit nuage !  Au-delà de ces moments symboliques qui ont construit notre relation (entre le Clos et moi), évidemment  qu’à chaque dégustation j’étais transporté par l’élégance, la palette aromatique et la complexité gustative du divin nectar.

Puis en 1986, vint le temps sacré de mon premier voyage en Bourgogne, terre bénie des Dieux s’il en est une. Pour bien marquer le coup et afin de graver définitivement dans ma mémoire cette mosaïque qu’est le vignoble de la Côte de Nuits, je décidai de la parcourir à pied.  De Gevrey-Chambertin à Nuits St-Georges 4 heures durant, m’assoyant par moment sur un muret pour prendre quelques notes, déroulant des pellicules de films 35 mm, grapillant quelques baies de pinot noir ou arrachant une feuille au pampre d’un cep de Chambertin (qui me servit de marque-pages dans mon Encyclopédie du vin d’Alexis Lichine), je m’efforçai de retenir l’ordre des villages et l’emplacement de chaque cru. Quand soudain, halte-là ! me voilà devant le portail ouvert du saint sérail, le Clos de Tart. Affublé de tout mon attirail, appareil photo en bandoulière, grosse caméra VHS à l’épaule et sac sur le dos, je m’hasardai à franchir le seuil sur la pointe des pieds en quête du St-Graal. Oh là ! Mal m’en prit… deux molosses érigés en cerbères aux crocs acérés, aboyant et écumant dévalèrent la pente et se mirent hardiment à mes trousses. Chargé comme un mulet, je pris maladroitement jambes à mon cou et rebroussai chemin le souffle court et la peur au ventre. Allais-je finir comme engrais fertilisant au vignoble de mes rêves ? Heureusement par miracle, les quadrupèdes cessèrent net leur course dès que j’eu franchi le portail…j’en fut quitte pour une bonne frousse et une fichue anecdote à raconter ! Comme première visite, ça marque… mais cela allait contribuer à accroître mon lien indéfectible avec le Domaine.

Mon second passage fut heureusement plus serein et enrichissant. Ce fut en 1992, alors que Président de l’Amicale des Sommeliers de Québec, je pilotai un groupe d’une trentaine de d’amateurs avec Monsieur Jean-Gilles Jutras émérite Ambassadeur du vin au Québec. Nous fûmes reçus avec faste par le régisseur de l’époque, M. Henri Perrot et eûmes droit à la visite officielle des lieux ainsi qu’à la dégustation de quelques millésimes dont le vin le plus récent toujours en barrique que notre hôte nous servi à la pipette, comme il se doit.  Je répétai l’expérience en 2004 avec des amis et en 2006, nous fûmes dignement accueillis par le nouveau maître des lieux, M. Sylvain Pitiot.  Je revis ce dernier l’année suivante lorsqu’il fut invité à Montréal pour animer une dégustation verticale d’une douzaine de millésimes. Clos de Tart devint pour moi le grand cru de Bourgogne dont j’allais déguster le plus d’années différentes. Si je ne m’abuse j’ai dû l’apprécier sur plus d’une trentaine de millésimes au fil des ans.

jean photo1

Lors de ma visite en 1992, reçu par le régisseur, M. Henri Perrot

jean photo2Mon épouse au Clos de Tart avec Sylvain Pitiot et le représentant de la maison Mommessin

jean photo3Avec Gilles Molleur, président de l’Amicale des Sommeliers de Montréal

jean photo4Votre chroniqueur devant le célèbre écriteau en 2006

Ensuite, j’ai ardemment souhaité transmettre ma passion à ceux que j’estime et qui assureront la suite ce cette quête, mon fils François et mon beau-fils Tarek, aujourd’hui directeur de succursale à la SAQ. Ainsi en 2013, lors d’un séjour mémorable en Bourgogne avec Tarek, nous avons sillonné le vignoble en plaine et en coteaux guidé par Patrick Mallard du Domaine éponyme. Comme j’avais initié Tarek aux vertus du célèbre cru de Morey St-Denis, c’était un devoir de s’y arrêter pour la photo habituelle devant la célèbre enseigne. Nous nous y sommes adonnés avec grand bonheur. Enfin, une décennie plus tard soit en ce mois de juillet 2023 c’est avec mon fils François que je suis retourné en Côte d’Or, en prime avec mon petit-fils Alex. Quelques amis s’étaient joints à nous pour cette virée mémorable.  Au premier soir de notre arrivée à Meursault, Jean-François Mestre du Domaine Michelot voulant m’honorer, et qui sait peut-être me piéger, m’a demandé de commenter un vin qu’il me servit à l’aveugle. Ne pouvant identifier la chose…je ne manquai cependant ni d’éloges ni d’expressions admiratives pour qualifier ce vin qui, vous vous en doutez bien, était un Clos de Tart 2001. Sublime et une de plus au compteur! C’est bien ragaillardis que le lendemain nous nous sommes lancés sur le circuit des Grands Crus de la Côte de Nuits, faisant halte à Nuits St-Georges, Vosne-Romanée, Vougeot, Chambolle-Musigny et…Morey St-Denis avec l’arrêt imposé devant mon Domaine fétiche. Nous voilà installés pour le rituel consacré… cette fois plus solennel et émouvant. Sous l’illustre écriteau, trois générations de Chouzenoux : Jean, François et Alex ont pris place sur le robuste banc de pierre devant nos amis médusés, pour la photo devenue traditionnelle. Elle est pas belle, la vie !

jean photo5Avec mon beau-fils Tarek en 2013

jean photo6Trois générations de Chouzenoux en 2023. De gauche à droite, François, Jean et Alex

jean photo7Ma réaction en découvrant le Clos de Tart 2001 que l’on m’a servi à l’aveugle et que je n’ai pu identifier

Pendant que nous prenions la pose je me remémorais ma première dégustation du Clos de Tart au début des années 1980, la première fois où j’ai franchi l’enceinte en 1986, les multiples moments d’émotions à déguster ce vin, mes visites privilégiées au Domaine, les formidables rencontres avec les œnologues et autres personnels de la maison Mommessin, pour m’y retrouver finalement quarante ans plus tard avec fils et petit-fils…la boucle est bouclée. 

Ce point d’orgue clôturait deux jours d’une virée dont je vous reparlerai.

Voilà, cette chronique un brin plus personnelle se veut un hommage aux hommes et aux femmes qui ont façonné au fil des siècles un vin de légende. C’est également un témoignage de ce que le vin doit être avant tout, un produit de partage et de convivialité.

Je termine en disant que parmi mes dernières volontés que j’ai communiqué à mon proche entourage, est celle d’entendre une dernière fois La Supplique de Georges Brassens, un verre de Clos de Tart à la main ou injecté sous perfusion. Bon… rien ne presse !

dimanche, 16 juillet 2023 10:32

La Sardaigne, une belle île en Méditerranée

L’an dernier, lors d’un voyage au sud de la Corse, à certains endroits on pouvait apercevoir la Sardaigne. Deux îles jumelles qui jadis, pour ne pas dire il y a des millions d’années, n’en n’étaient pas car rattachées au continent. Côté ibérique ou provençal, là-dessus les géologues se perdent en conjectures… va savoir !? Le mouvement des plaques tectoniques et l’irruption de volcans ont brutalement fait bouger les lignes et nous nous réjouissons bien évidemment de la situation actuelle de ces deux sites enchanteurs. Tout cela pour vous dire que cette année, c’est du nord de la Sardaigne que nous désirions apercevoir la Corse. Chose souhaitée, chose faite. Voilà pour l’entrée en matière !

Après la Sicile, sa cousine italienne, la Sardaigne est sur la seconde marche du podium des plus grandes îles méditerranéennes. Les phéniciens (syriens et palestiniens) furent parmi les premières peuplades de notre ère. Au fil des siècles, des guerres et des invasions l’île fut tantôt sous domination de Rome, puis de Byzance, puis de la Maison de Pise, puis celle de Savoie. Bref, pour faire court, à la fin de toutes ces guerres la Sardaigne fut rattachée à l’Italie et c’est la situation qui prévaut actuellement. Quand vous posez les pieds sur le sol sarde, vous vous joignez aux 1,6 million d’habitants insulaires.

Notre périple s’est limité au nord où semble-t-il beaucoup de charme s’y déploie. Des paysages parfois arides, beaucoup de reliefs entre plaines et montagnes, des côtes sublimes aux sables tantôt blanc, tantôt beige, tantôt… et plus rarement rose. Des plages somptueuses à l’eau turquoise et cristalline. Des milliers de lauriers bordent les routes et la façades des villas pour notre plus grand ravissement.

Au départ de Nice, à moins d’une heure de vol et au tarif abordable de 90€ (150$) par personne, aller/retour, nous n’allions pas lésiner. Olbia est le centre névralgique et économique de la partie septentrionale de l’île et c’est en ces lieux que sont basés l’aéroport et les installations portuaires essentielles au tourisme et au réapprovisionnement des biens et des denrées.   

La Jet set sera comblée en divertissements, en clubs de spectacles et de danse, en hôtellerie de luxe et en tables gastronomiques à Porto Cervo, petit St-Tropez de la côte sarde. Et oui, il y a un port avec ses gros yachts. En prime, l’architecture des villas aux contours arrondis et aux teintes différentes comble le regard et adoucit le panorama. En revanche, l’extraordinaire village médiéval de Castelsardo, considéré comme l’un des plus beaux villages d’Italie et du monde, propose une visite bien différente. Situé sur la Costa Paridiso, les maisons et le château dominant sont agrippés aux flans d’une colline qui surplombe la mer. Vous imaginez le tableau… voyez plutôt la photo… c’est cadeau ! Petites ruelles, escaliers, fortifications, placettes avec restos sympas… une virée à la fois historique et désaltérante. De grâce, ne faites pas comme nous et évitez de vous y balader en pleine chaleur l’après-midi et au surplus si vous sortez de table. Avec le soleil au zénith, l’ombre se fait rare.

Jean Chouzenoux3Village médiéval de Castelsardo

Bien sûr, un arrêt chez l’un des meilleurs producteurs de vins de la région s’est imposé. Le Domaine Sella & Mosca, dont nous trouvons à l’occasion des vins au Québec, est une immense propriété de 650 ha, ce qui en fait l’un des plus grands d’Europe. Un savant mélange de cépages locaux et de variétés continentales confèrent des saveurs et parfums bien singuliers aux vins sardes. La part belle revient aux cépages torbato et vermentino pour les blancs, alors que cammonau et carignano façonnent les vins rouges. En quittant, la propriété et à une dizaine de kilomètres se trouvent une autre perle du pourtour du nord de l’île soit le village d’Alghero, véritable forteresse où des vestiges de catapultes et de vieux canons témoignent des nombreuses guerres qui ont émaillées l’histoire de la Sardaigne.

Jean Chouzenoux4Domaine viticole de Sella & Mosca

Gardons le meilleur pour la fin…le palmarès des plages. Car ici il y en a tant et tant, qu’elles rivalisent de beautés dues aux sites enchanteurs et aux eaux turquoises, que beaucoup sont facilement accessibles et publiques, qu’on les a répertoriées comme on classe les restaurants dans tout bon guide touristique qui se respecte. On en recense environ 300 tout autour de l’île. L’eau chaude et limpide en été ajoute au plaisir de la baignade d’autant que vous vous trouvez déjà au cœur d’un tableau somptueux. Celle que j’ai choisi d’illustrer ici, est la Spiaggia del Principe, sur la côte Esmeralda. En français et pour l’anecdote…la plage du Prince car elle était la plage préférée du Prince ismalite Karim Aga Khan. Excusez du peu !

Jean Chouzenoux2La Spiaggia Del Principe

vendredi, 07 juillet 2023 15:24

Les apéritifs anisés… la suite !

Il y a quelques semaines, je vous ai fait part des résultats d’une dégustation d’apéritifs anisés internationaux. Le Liban, la Turquie, la France et la Grèce concouraient avec leur alcool blanc. Aujourd’hui, on reste concentré sur le sud de la France avec… le p’tit jaune. Vous l’aurez deviné, il est ici question de pastis.

Le pastis est élaboré à partir d’un alcool agricole auquel on ajoute différentes composantes dont l’anis étoilé (ou badiane); c’est le point commun. Ensuite, chaque région ou chaque producteur y va de sa recette secrète, qui inclut bien souvent de la réglisse ou du fenouil. Ensuite, c’est un savant mélange d’herbes, de plantes et d’épices qui viendra personnaliser le goût recherché par le concepteur.

Notons tout d’abord qu’à l’origine, le pastis a été créé pour suppléer à l’interdiction de la vente de l’absinthe. Cet alcool, dont on disait qu’il rendait fou ou aveugle, a en effet été prohibé en 1915. Pour contrer cela, quelques années plus tard, Jules-Félix Pernod a déposé un brevet déposant la marque Anis Pernod, devenant ainsi l’inventeur officiel du pastis tel qu’on le connait aujourd’hui.

Pour notre compétition du jour, nous avons formé le panel constitué de :

  • Messieurs Don-Jean Léandri, père et fils. Plusieurs connaissent le papa, détenteurs des titres de meilleur sommelier du Canada, ambassadeur du vin au Québec et professeur de sommellerie
  • Monsieur Alain Brunet, président directeur-général de la SAQ de 2011 à 2016
  • Madame Chantal Ouimet
  • Jean Chouzenoux, votre chroniqueur et ex-gestionnaire à la SAQ

Les marques qui ont eu l’honneur de se soumettre aux palais des dégustateurs :

  • Ricard, le pastis de Marseille
  • Henri Bardouin, le pastis de Provence (produit à Forcalquier)
  • Pastis de Nice
  • Casanis, pastis d’origine corse

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Un mot sur ces alcools anisés. Ricard est bien sûr une marque bien connue. On obtient d’abord une huile essentielle à partir de l’anis étoilé et de la réglisse, auxquelles sont incorporés des extraits naturels des diverses plantes locales macérées dans les 24 heures.

Le pastis provençal Henri Bardouin est issu de la macération de 65 variétés d’herbes, plantes et épices. Parmi les ingrédients soigneusement récoltés à la main, notons l’anis étoilé, la cannelle, la cardamone, la réglisse, la muscade, le thym ou la fève de Tonka.

C’est le père Gil Florini, véritable alchimiste, qui a créé en 1981 le Pastis de Nice à base de 26 plantes et épices de sa région méditerranéenne. Il s’agit d’une production artisanale et il faut savoir où le dénicher.

Emmanuel Casabianca a quant à lui confectionné le premier pastis corse dans son village de Bastia, en 1925. L’anis vert domine dans l’élaboration du Casanis, lui conférant sa couleur jaune pâle et son arôme léger et floral. Notons qu’aujourd’hui ce pastis est élaboré à Marseille et les deux blasons de Bastia et Marseille ornent l’étiquette.

Et maintenant, roulement de tambour… voici les résultats de notre dégustation tenue de manière rigoureuse et conviviale. Une once et demie d’alcool, à laquelle chacun a ajouté la même quantité d’eau et un glaçon. Nous connaissions les produits présentés sans savoir dans quel ordre ils étaient servis. Les jurés devaient répondre à deux questions, lequel est lequel ? mon ordre de préférence ?

  • Quatre des cinq dégustateurs ont reconnu le Ricard
  • Les cinq dégustateurs ont reconnu qu’on avait servi deux fois le même pastis (eh oui, il y avait un piège !)
  • Quatre des cinq dégustateurs ont identifié correctement le pastis Henri Bardouin de Provence
  • Trois dégustateurs ont bien identifié le Pastis de Nice

Au niveau des préférences

  • Le pastis Henri Bardouin de Provence l’emporte haut la main, avec 4 votes sur 5. Sa complexité aromatique et sa longueur en bouche ont ravi les jurés.
  • Le Casanis corse récolte la seconde palme grâce à ses saveurs herbacées et quelque peu médicinales
  • Suit le Ricard à la robe plus foncée et son côté franchement désaltérant
  • Le Pastis de Nice ferme la marche, principalement à cause de sa trop grande légèreté et sa courte présence en bouche

Bref, vous l’aurez deviné, cette expérience était plutôt un prétexte à souligner l’ouverture de la saison estivale, le plaisir de se retrouver entre copains et de partager une belle tranche de vie !

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