
Jean Chouzenoux
Le centenaire du Monopole, le cinquantième de la SAQ
En 1921, le gouvernement du Québec crée la Commission des liqueurs, premier monopole de vente d’alcool en Amérique. Cette initiative québécoise se veut émancipatrice au regard des lois prohibitionnistes en vigueur, surtout aux Etats-Unis. Déjà le peuple québécois, aux origines latines, se distingue !
En 1961, place à la Régie des alcools du Québec. « La nouvelle loi prévoit que la Régie sera un organisme encadré par deux administrations distinctes. Le ministère de la Justice s'occupera du contrôle des permis et le ministère des Finances prendra en charge la commercialisation. »
En 1971, c’est la séparation de ces deux administrations dont la partie commercialisation deviendra la Société des alcools du Québec (SAQ).
En 2021, on souligne les 100 ans du Monopole et les 50 ans de la SAQ.
Les grandes évolutions à la SAQ
Initié au métier à la Maison des vins de Québec, pour consacrer l’expression connue : je suis tombé dans la potion magique dès mon apprentissage. Mon emploi consacré au monde du vin devint dès lors l’objet de ma passion. J’ai œuvré un peu plus de 35 ans à la SAQ de 1975 à 2010, parfois acteur, parfois témoin de plusieurs transformations. Sous mon prisme, voici quelques constats…bien loin d’être exhaustifs.
Les années 70 deviennent le théâtre du premier grand bouleversement que connaîtra la SAQ, avec l’avènement des succursales libre-service. Cette transformation du réseau de ventes changera inexorablement les habitudes des consommateurs, les ventes de spiritueux largement majoritaires cèderont tranquillement le pas aux ventes de vins. Seconde distinction car cette prédominance pour le goût du vin demeure encore l’apanage des québécois. Le Président d’alors, M. Jacques Desmeules, s’emploiera à développer le réseau et l’offre produits. Naissent ainsi les Maison des vins de Québec, Montréal, Hull et Trois-Rivières. Les vins de spécialités, soient surtout les grands crus français, prennent de plus en plus d’espace au répertoire de la SAQ, à des prix que l’on dirait risibles aujourd’hui. Autre phénomène de mode cette fois, la vente des premières caisses de Beaujolais nouveaux dès 1975. Des 300 caisses au début, la frénésie qui gagnera le Québec connaîtra un sommet dans les années 90 avec près de 40000 caisses mises en vente. Par ailleurs, un élément significatif influera sur la carrière de biens des jeunes à la SAQ et par ricochet sur le consommateur, la formation sur les produits offerte aux employés. Conséquemment, mieux connaître un objet de passion comme le vin créera un phénomène de rétention du personnel et une forte fierté d’appartenance. Notons également que les conditions de travail des employés progresseront nettement au cours de cette période.
Après la tentative ratée de privatisation du Monopole en 1985, arrive à la barre de l’entreprise le Dr Jocelyn Tremblay. Celui-ci devient le premier président issu des rangs de l’entreprise étant auparavant directeur du Laboratoire et du contrôle de la qualité. Il assumera le rôle de Président directeur-général pendant 12 ans, de quoi laisser une trace indélébile. Son message aux troupes alors que le moral est au plus bas, « si on veut que nos clients n’appellent pas à la privatisation soyons les meilleurs ! » Sous son règne, la SAQ entreprendra un virage commercial majeur. Terme qui peut paraître galvaudé aujourd’hui mais qui prend concrètement la forme suivante: accroissement marqué du nombre de succursales, création du réseau des Agences pour offrir le service dans de plus petites localités, ouverture de succursales le dimanche, début des premières promotions avec rabais, service d’importations privées, mise en place de comptoirs de vin en vrac (le client embouteille son vin), offre de cours à la clientèle Les connaisseurs, pour la clientèle de niche la création d’un service de commandes postales via le Courrier vinicole et le principal fait d’armes de cette administration, le déploiement du réseau en 3 bannières adaptées aux besoins du marché : Classique, Express et Sélection. Enfin, soucieuse des impacts négatifs sur la santé d’une mauvaise consommation d’alcool surtout chez les jeunes, la SAQ initie une réflexion avec ses partenaires de l’industrie qui mènera à la fondation d’Éduc’alcool. « L'organisme se développe de manière considérable et devient une véritable référence dans son domaine à la fois au Québec et dans le monde. La même année, elle participe à la fondation de Collecte sélective Québec », tel que le rapporte le site Wikipédia consacré à la SAQ.
Quand je repense à cette époque, je ne peux m’empêcher de sourire tant il a fallu se battre et convaincre la population, et les média au premier chef, à propos de ces nouveaux services qui apparaissent acquis aujourd’hui. Pouvez-vous croire, que la SAQ faisait les manchettes pour ne pas dire se faisait ramasser, parce qu’elle ouvrait des succursales le dimanche, qu’elle distribuait des circulaires, offrait des rabais on encore instaurait le droit de payer avec la carte de crédit ! J’en parle en connaissance de cause, j’étais porte-parole de l’entreprise à l’époque et ai dû me frotter à bien des journalistes. Certains trouvaient le monopole sclérosé alors que d’autres contraient toutes formes d’évolution et d’adaptation aux besoins de la clientèle.
En revanche, certains se rappelleront des grèves qui ont émaillées l’histoire de l’entreprise. Celles des employés de succursales en 1979 et en 2004 qui dureront chacune plusieurs semaines et celle des employés d’entrepôts, en 1991.
Au tournant des années 2000, c’est le flamboyant Gaétan Frigon qui prend les rênes de la SAQ. Il y laissera une empreinte bien sentie lors de son court passage de 1998 à 2002. L’expert du marketing augmentera fortement la cadence des actions initiées par l’administration précédente. Toutes les succursales pourront désormais ouvrir le dimanche, les promotions deviendront plus fréquentes avec des rabais plus substantiels. Qui ne se rappelle pas du Boxing day de la SAQ et des gigantesques Ventes d’entrepôt qui avaient cours le premier week-end de septembre ? Ont aussi réapparu des enseignes pour les vins de prestige avec la Bannière SAQ Signature et la Bannière Art de vivre pour une expérience client poussée à son apogée. Par conséquent, sous son impulsion et ses actions éclatantes, la SAQ fut propulsée dans le TOP 5 des entreprises préférées des québécois. Je m’adresse maintenant aux gens de la profession pour rappeler que Gaétan Frigon a aussi amené avec lui des techniques de commercialisation inspirées de l’entreprise privée. Deux chantiers principaux ont été ouverts, celui de l’amélioration de la chaîne d’approvisionnement afin de raccourcir les délais entre la commande des produits et leur commercialisation et, la gestion par catégories pour ce qui est de la gamme des produits à offrir et leur présentation sur les rayons des succursales. Ce qui bien sûr ne s’est pas réalisé sans grincements de dents.
Les années 2000
L’une des forces du monopole est d’avoir toujours misé sur la formation et le développement de ses ressources humaines. Pas étonnant que la grande majorité des employés y ait fait carrière, en évoluant dans différentes sphères d’activités afin d’acquérir une expertise diversifiée et de gravir l’échelle hiérarchique. De solides banques de relève à tous les niveaux ont permis de repérer les talents et de les développer à l’aide de programmes de formation rigoureux incluant du mentorat et des stages en entreprise. De jeunes gestionnaires se sont alors outillés pour postuler aux divers postes de haute direction, mis en concurrence avec les candidats externes sollicités par des chercheurs de têtes. C’est ainsi que les trois dernières personnes à avoir dirigé l’entreprise sont issues des rangs de l’entreprise : Philippe Duval, Alain Brunet et Catherine Dagenais. Le cas le plus éloquent est celui d’Alain Brunet qui a débuté comme caissier-vendeur dans les succursales en 1981, gravi tous les échelons, acquis des compétences et de l’expertise aux Ventes et à la Commercialisation, pour accéder à la présidence en 2014. Ces trois PDG, bien au fait des enjeux et en maîtrise de leur environnement, prennent rapidement en charge leurs responsabilités et suscitent automatiquement l’adhésion des employés. Sous leur gouverne on observe que le développement dynamique de la SAQ se maintien avec à la clé, une amélioration continue de la performance. En outre, les liens se resserrent avec les partenaires de l’industrie et les producteurs québécois. Enfin, le client demeure au cœur des préoccupations avec une gamme de produits où les vins bio et natures prennent leur place, des ventes en ligne facilitées et connaissent un réel engouement, un programme de fidélisation populaire lié à la carte Inspire et une expérience de magasinage qui n’a cesse de se raffiner.
Aujourd’hui, la SAQ ce sont plus de 15 000 produits commercialisés, une offre inégalée dans le monde, un réseau de 410 succursales et 400 agences, des ventes de 3,5 milliards $, des dividendes aux deux gouvernements, par ricochet aux québécois de 2,4 milliards $. Mais c’est avant tout un accomplissement réalisé grâce à la contribution de ses forces vives, ce socle constitué de 7000 employés sur lesquels reposent 100 ans d’histoire et de réalisations !
Les Sélections Mondiales des vins Canada… en temps de pandémie
La 27e édition des Sélections Mondiales Canada (SMV) passera à l’histoire pour avoir eu lieu dans des conditions exceptionnelles liées à la pandémie de la COVID-19. C’est du 18 au 22 novembre dernier à Québec et encadré par un protocole sanitaire rigoureux dicté par l’Institut Nationale de Santé Publique du Québec (INSPQ) que les 65 jurés ont pu (enfin!) évaluer les quelques 2160 produits soumis à leur analyse.
Déguster avec le spectre de la COVID-19
Un mot sur les conditions hygiéniques qui ont caractérisé l’édition 2020. Initialement prévu en mai, trois reports de l’événement dus à la pandémie sont venus compliquer la tâche des organisateurs. Un cadre sanitaire stricte dicté par l’INSPQ a dû être mis en place par les autorités de l’hôtel Delta de Québec et la direction de SMV. La disposition des différentes commissions et la notion du service représentaient un double défi pour la nouvelle organisation responsable de l’événement. Pour ce faire, les jurys ont été répartis en trois salles afin de limiter le nombre de personnes dans le même espace. Bien sûr, une distance de deux mètres s’imposait entre les 5 membres de chaque commission. Ces derniers devaient évidemment porter le masque pour chaque déplacement et se laver les mains au gel hydro-alcoolique avant d’entrer en salle. Tout était soigneusement désinfecté au début de chaque séance. Les sommeliers affectés au service devaient porter masque et lunettes de protection. Pour les pauses entre les séances, cela se faisait table par table. Chaque participant devait se munir d’une paire de gants de protection pour accéder à la machine à café et retourner immédiatement à sa place afin d’éviter tout attroupement et socialisation. Évidemment, aucun repas de groupe n’a eu lieu, les résidents de Québec devaient retourner à la maison une fois l’épreuve du jour terminée et les quelques personnes venues de Montréal avec autorisation, devaient quant à elles prendre leur boîte à lunch et casser la croûte dans leur chambre… midi et soir. Même l’accès aux salles de bain était surveillé afin de limiter à deux, le nombre de personnes à la fois dans ces espaces. Enfin, un dernier réaménagement majeur avec lequel ont dû jongler les organisateurs est celui de la présence des jurés internationaux. La règle édictée par l'Organisation internationale de la vigne et du vin (OIV) ainsi que de la Fédération mondiale des grands concours internationaux du vin (VINOFED) pour ces grandes compétitions est que la moitié des jurés doit provenir de pays étrangers. Au vu de l’impossibilité de voyager et/ou d’une quarantaine obligatoire, seuls des jurés résidant au Québec ont été autorisés à participer à l’édition 2020. Pour atteindre la diversité souhaitée, le pourcentage a été revu à la baisse. Conséquemment, trente pour cent de ceux-ci devaient bénéficier d’une double citoyenneté, à savoir canadienne et celle de leur pays d’origine. Astuce judicieuse, mais on repassera pour la magie et la convivialité qui teintent habituellement ce genre d’événement où des experts venus du monde entier en profitent pour fraterniser avec leurs collègues canadiens.
Pour cette édition en tant de pandémie, les sommeliers devaient porter le masque et des lunettes de protection
L’édition 2020
Contre toute attente, malgré cette chape de plomb et la morosité ambiante, un nombre record de 2160 produits provenant de 33 pays étaient en lice pour l’obtention d’une médaille d’Argent, Or ou Grand Or. De nouveaux pays ont brillamment concouru pour la première fois à SMV Canada, le plus grand concours de vins en Amérique, tels la Moldavie, l’Arménie ou le Mexique. Cela relève de l’exploit ! Pour le président de SMV, M. Réal Wolfe « cette augmentation impressionnante de la participation des vignerons démontre la volonté de se faire connaître sur les marchés québécois et canadien, puisque le pays est le 7e plus grand importateur de vin au monde en volume, un volume qui ne cesse d'augmenter ». Parmi les tendances à signaler pour cette édition, on note que 55% des produits participants sont des vins rouges. Aussi, 22% des vins présentés peuvent être classés comme issus de l'agriculture durable, biologique, biodynamique, naturelle ou oranges, un pourcentage impressionnant. Et les gagnants sont ? SMV a dévoilé cette semaine sa première liste de vainqueurs regroupés dans le TOP 50, tous auréolés de la mention Grands Médaillés d’Or découlant de leur note de 92% et plus. La part belle revient à l’Italie qui place 13 produits au palmarès. Autre fait saillant digne de mention est que dix vins issus de la lutte raisonnée ou de la culture biologique revendiquent également la reconnaissance ultime. Le jury de place ainsi au diapason d’une tendance mondiale et d’un goût nouveau qui fait de plus en plus d’adeptes chez les jeunes consommateurs. Enfin, trois vins canadiens, dont deux québécois du Vignoble de l’Orpailleur à Dunham et du Vignoble Isle de Bacchus sur l’Île d’Orléans ont décroché le précieux sésame.
Monsieur Réal Wolfe, le nouveau président de Sélections Mondiales Canada
Une nouvelle direction pour SMV Canada
Les Sélections Mondiales Canada ont été créées en 1983 par la Société des alcools du Québec. En 2007, c’est un groupe de Québec dirigé par feu Me Ghislain K. Laflamme et M. Denys Paul-Hus qui a repris avec brio les rênes de l’événement qui s’est alors déplacé de Montréal à Québec. Ces derniers mois un nouveau duo d’acquéreurs est à la tête de l’organisme, il s’agit de monsieur Réal Wolfe et de son associé espagnol Vincente Migallon. Le président, Réal Wolfe, est une personnalité avantageusement et internationalement connue dans le monde du vin et ce, depuis plusieurs années. Pour lui, il s’agit en quelque sorte d’un retour aux sources car il pilotait le dossier SMV du temps où il travaillait à la SAQ. Son influence et son réseau de contacts lui ont permis d’imprégner sa marque dès cette première édition. Notamment, des alliances solides ont été nouées avec la SAQ et l’association des agences de vins au Québec, désormais connu sous le vocable de 3A. En effet, plusieurs agents ont contribué à l’atteinte du nombre record de 2160 produits… de qualité par surcroit comme en fait foi l’attribution élevée de Grandes Médailles d’Or. De son côté la SAQ s’est engagée à faciliter l’accès au marché québécois de 25 produits lauréats. Voilà qui est de bon augure, alors longue vie aux Sélections Mondiales du vin Canada 3.0 !
Un Québécois propriétaire d’un vignoble dans la région de Bergerac
Originaire de Montréal, Daniel Blais vit en France depuis 25 ans. En 1998, il accepte l’offre de son employeur Nortel d’aller s’occuper du développement de marchés européens et s’installe à Paris avec Kim son épouse et leur fille Jessica. Quand en 2010 survient l’effondrement de Nortel, il surfe sur la vague et rebondit rapidement chez l’un des nouveaux acquéreurs de l’ex-fleuron canadien. Mais l’expérience le marque et l’enseignement qu’il en retient et qu’il vaut mieux se diversifier en cas d’une autre mésaventure. Réflexion faite, c’est l’une de ses passions qu’il met à profit quand, avec d’autres partenaires, il fait l’acquisition d’une propriété viticole en Bergeraçois.
Le Château Trolliet-Lafite
En effet, Daniel est amateur de vin. Après avoir écumé certains sites qui proposent des vignobles à la vente, il déniche une opportunité à Bergerac. Contact est pris avec les propriétaires et une entente est rapidement conclue…voici notre québécois et ses associés « gentlement farmer ». Le Château Trolliet-Lafite, c’est son nom, comporte 26 hectares dont six hectares de vignes. Bonus appréciable contenu dans l’acte de vente, les anciens propriétaires demeurent les exploitants du Domaine, assurant ainsi une continuité et une expertise à la production des vins. Quant à notre compatriote et son épouse, leur valeur ajoutée, outre l’aspect pécuniaire, se déploie dans leurs champs d’expertise réciproques, notamment moderniser les équipements, revoir et rajeunir l’habillage des produits, conquérir de nouveaux et accomplissement suprême, ouvrir un gîte oenotouristique. La recette fonctionne !
Daniel Blais présente son vin, le Château Trolliet-Lafite, lors de l’événement Bordeaux fête le vin à Québec
Quelques spécificités techniques
Complantée majoritairement en merlot auxquels se rajoutent les cabernet-sauvignon, cabernet franc et malbec, la propriété produit 25 000 cols par an. « Tous nos vins sont produits selon les normes de Vins Naturels. Ni herbicide, ni pesticide, que des levures indigènes, aucun entrant ajouté à part un minimum de sulfites et aucun collage ou filtration », me signale fièrement Daniel Blais. En fait le vignoble est totalement certifié Bio, depuis 2015. Pour le rouge un passage en barriques de 12 à 24 mois arrondi les angles et apporte la structure nécessaire. Le chai maintien un inventaire d’un tiers de barriques neuves, un tiers de barriques d’un seul vin et un tiers qui accueillent deux récoltes. Trolliet-Lafite se décline dans la palette des trois couleurs blanc, rosé, rouge et en deux appellations AOC Bergerac et AOC Côtes de Bergerac. Le rouge se démarque par son nez de fruits noirs avec une pointe épicée. D’élégants tannins tapissent la bouche avec une douce amertume en finale. Enfin, lors d’années aux conditions exceptionnelles une cuvée spéciale est produite au nom original, Le Cancre.
Ces vins de Bergerac on les retrouve bien sur un peu partout dans l’Hexagone mais pas que ! En effet, certains vins du Domaine sont exportés vers la Suisse, la Belgique ou les Pays-Bas, mais aussi en Chine et oui…à la SAQ.
Par ailleurs…
Daniel Blais a quitté ses fonctions dans le monde de la technologie. Il s’est installé en 2018, à Nice sur la colline de Bellet. Et oui, l’appellation viticole de la Côte d’Azur. Aujourd’hui, il est consultant auprès de jeunes entreprises en démarrage, des Start up comme disent les français. Je l’ai rencontré, via un site Facebook qui cherche à réunir les québécois installés à Nice et ses environs. Quel hasard, encore une fois, de croiser quelqu’un qui, au-delà des origines, partage la même passion du vin !
Le pays de la Lavande
Au départ de Nice, empruntez l’autoroute A8 direction Marseille. Quittez à la sortie St-Tropez et remontez vers le nord en sillonnant sur une enfilade de jolies routes départementales, direction le Plateau de Valensole. Bien sûr, vous avez attendu le mois de juillet pour que la Lavandula, arbrisseau dicotylédone à fleurs mauves de la famille des Lamiaceae, soit en pleine floraison. Mais est-ce un songe ? Celui d’une vie antérieure à ce satané Virus ou un mirage ? Celui d’une vie post Covid-19 où les voyages auront un jour repris cours. Ce qui est sûr, c’est qu’ici en France, l’été sera comme au Québec, les vacances se prendront dans nos régions respectives. L’occasion pour moi de visiter l’arrière-pays provençal et de vous en relater quelques bribes.
Dans les Alpes de Haute Provence
Le Plateau de Valensole est une région des Alpes de Hautes Provence ceinte de deux plans d’eau, la rivière de la Durance et le majestueux Lac Ste-Croix. On y accède par des routes bordées de platanes haut de 20 mètres qui se rejoignent en leur cime, comme les ogives d’une cathédrale, formant un sublime toit ombragé. Les champs adjacents aux cultures variées sculptent une mosaïque et complète ce décor de charme, tel une toile de Monet. Valensole constitue en quelque sorte le grenier de la région tant la culture y est abondante et foisonnante. Les principaux éléments contributifs à cette terre nourricière sont bien évidemment le sol et le climat. La terre de gypse, cette roche saline sédimentaire, se conjugue harmonieusement au climat méditerranéen qui sait être parfois caniculaire en juillet et août. Poussent alors, blé, cerisiers, amandiers, vignes, melons, truffes et, en deux teintes dominantes, la lavande.
Chaque année, au moment de la floraison, les badauds abondent appareils photos en main fébriles à l’idée de clichés qui figeront leurs souvenirs et qu’ils relaieront via les technologies d’aujourd’hui. On n’y échappe pas, dès qu’une première étendue violacée se pointe à l’horizon on cabre les roues du véhicule qui prend appui sur le bas-côté de la route, on sort l’attirail, on pointe l’objectif et on enclenche l’obturateur. Bon avec un iPhone, c’est plus simple. Au-delà du panorama exceptionnel, s’ajoute le bourdonnement incessant des abeilles butineuses et les parfums exaltants de la lavande chauffée par le soleil, complétant ainsi cette totale expérience sensorielle. Tantôt vous avez une étendue horizontale à perte de vue, tantôt le champ est adossé à une falaise calcaire, ailleurs il jouxte une aire de tournesols, parfois c’est un simple carré au pied d’une montagne, or quand vous avez le village médiéval haut perché en arrière-plan, c’est l’apothéose, je dirais même plus c’est jubilatoire !
Ça sent bon et les abeilles bourdonnent sans cesse, au point d’enterrer le chant des cigales!
Les produits à base de Lavande
La transformation de la fleur de lavande se décline en une multitude d’options. Il y a bien sûr les produits cosmétiques allant des barres de savons en passant par les huiles essentielles jusqu’aux sublimes parfums. Mais en amont, il faut procéder à la distillation qui démarre généralement vers la fin août, après les récoltes. Celles-ci se font manuellement, à la faucille ou mécaniquement avec de gros tracteurs qui fauchent jusqu’à trois rangs en même temps. Les épis sont ensuite assemblés en ballots de 500 kilogrammes avant d’être déposés sur une grille au cœur d’un alambic. Une eau chauffée à 160 degrés fera remontée une vapeur qui passera à travers les ballots de fleurs. Cette vapeur chargée d’essences est acheminée vers des tuyaux réfrigérants qui lui redonne sa forme liquide sous forme d’huile de lavande. Vous obtenez ainsi la matière première utilisée pour la confection des dérivés cosmétiques.
Autre produit, alimentaire cette fois, produit au cœur de la Provence est le miel de lavande. Réputé pour ces vertus gustatives et médicinales ses arômes délicats et parfumés, sa couleur dorée, sa texture onctueuse et son goût délicat lui confèrent sa singularité. Conséquemment, on n’est guère surpris de voir disposées un grand nombre de ruches le long de certaines aires de plantation de lavande. Ce sont les abeilles ouvrières qui récoltent le nectar, d’où le bourdonnement continuel dans les champs, pour ensuite le transmettre par la technique du « bouche à bouche » à leurs consœurs demeurées au rucher et qui s’activent à transformer le délicieux nectar en miel unique et savoureux.
Enfin, souvenir indélébile d’un séjour provençal…qui n’a pas reçu un jour en cadeau ces petits sachets en tissus brodé embaumant la lavande et que l’on place au creux d’un tiroir pour donner bonne odeur ou pour chasser les mites ?
Alors, avec l’espoir qu’un médicament ou vaccin soit rapidement découvert afin de contrer cette souche du coronavirus, voilà un séjour à planifier lors d’un prochain séjour dans le sud de la France.
La vie au vignoble au temps de la COVID-19
Cette semaine j’ai parlé à quelques amis viticulteurs afin de les soutenir d’abord mais aussi pour connaître l’impact qu’a sur leurs activités ce satané virus. Bien sur les conséquences sont, comme pour tout le monde, plutôt personnelles que professionnelles. En ce sens, tous respectent les consignes de confinement. Mais dans ce métier, où une grande partie du succès est due à ce qui se passe dans le champ, il y a moyen de positiver en se disant que cette catastrophe sanitaire survient à un moment ou c’est plutôt calme dans les vignes. La nature suit donc son cours et les ceps se chargent tranquillement de leur feuillage sous l’impulsion des chauds rayons printaniers. Mais imaginez que la misère ait frappée en octobre en pleine vendanges !
Concrètement, entre les rangs de pinots noirs ou de chardonnay, « nos gens continuent à y aller et maintiennent une distance de deux mètres entre eux. Et on évite les attroupements, car la Police circule et nous a à l’œil » me dit Jean-François Mestre, de Meursault. Et d’ajouter qu’en ce moment comme il n’y a pas de session d’embouteillage les risques en cave s’amenuisent. Pour les livraisons, quand un camionneur arrive, la palette est déjà prête, il n’a qu’à la prendre, la charger et signer le bon de commande… aucun contact risqué là encore. Non, le vrai impact sera économique car les commandes pour la restauration, le marché local et surtout pour l’exportation est pratiquement tombé à zéro partout en France.
En Alsace, du pied de la majestueuse colline du Schlossberg, c’est Catherine Faller du Domaine Weinbach qui m’écrit : « nous avons suspendu nos activités de dégustation et fermé les ventes au caveau. Pour l’heure le travail viticole se poursuit afin de ne pas mettre en péril la récolte 2020. Nos équipes travaillent au plein air avec une distance de sécurité de plusieurs mètres entre eux. »
Pas de risque immédiat pour le millésime 2020 mais la situation évolue rapidement et il faudra suivre l’évolution de la crise et surtout sa durée. Dans la filière viticole, comme dans toutes les sphères d’activités commerciales, il y aura un lourd tribut économique à assumer. Le métier de vigneron et de producteur de vin est compliqué, soumis aux aléas climatiques changeant, aux normes sanitaires de plus en plus strictes et voilà qu’un ennemi aussi soudain qu’inattendu vient se poser au-dessus de leur tête comme une épée de Damoclès. Ils auront droit à notre support réconfortant quand l’accalmie adviendra. Nos caves et celliers nous devrons remplir !
Par ailleurs, en France et en Europe toute l’industrie du vin a été frappée ces dernières semaines et ce à différents niveaux. D’abord tous les salons, événements commerciaux ou concours de dégustations sont reportés ou carrément annulés. Prowein le plus gros salon commercial dédié au monde du vin, qui reçoit chaque année des milliers de visiteurs du monde entier en Allemagne, annulé. Le Salon des Vignerons Indépendants qui tourne dans plusieurs villes de France a interrompu sa tournée et les arrêts prévus à Nice et à Bordeaux, en mars et avril. Les Grands Jours de Bourgogne, événement qui fait rejaillir l’image de la Bourgogne et de ses appellations prestigieuses aux quatre coins du Globe : annulé. Un dur coup pour les organisateurs et leur travail de longue haleine qui vise à réunir chaque année sommeliers, restaurateurs, acheteurs professionnels du monde entier autour des étals des nombreux producteurs bourguignons.
Du côté des concours de dégustations, notons la plus que mise en quarantaine, des Citadelles de Bordeaux ou le Mondial du Rosé de Cannes, deux événements qui ont fait l’impasse sur l’édition 2020. Je me croise les doigts en pensant à mon ami Réal Wolfe qui pour l’instant a repoussé l’édition 2020 des Sélections Mondiales des vins du Canada, de la fin mai à la fin juin.
Alors chers lecteurs, pour surmonter la morosité ambiante, suivez les conseils de notre cher Samy Rabbat et innovez chaque soir avec une thématique apéritive différente et festive…dans le confort de votre foyer !
Du vin sur la Côte d’Azur !
Il n’y a pas que paillettes et strass sur la Côte d’Azur ! Outre voitures sport et yachts de milliardaires y pullulent aussi oliviers, citronniers ou mandariniers. Moins glamour, certes, mais autrement plus utiles au commun des mortels. Tenez, juste derrière chez-moi, sur les basses collines de Nice d’à peine 300 mètres de hauteur, braquet, rolle, folle-noire et grenache y poussent en rangs plus ou moins ordonnés, avec vue sur mer s’il vous plaît !
Soixante hectares de vignes bien comptés s’agrippent à ce sol de silice, de galets roulés, d’argile et de craie, une macédoine locale que l’on appelle dans le jargon du cru, le poudingue. Une dizaine de producteurs s’échinent à cultiver ces parcelles construites en terrasses afin de retenir la terre qui, vue la pente accentuée et la gravité conséquente, chercherait à fuir inexorablement vers la plaine du Var, juste en-dessous. Ah oui, le nom de cette minuscule AOC des Alpes-Maritimes ? Vin de Bellet.
L’autre facteur de réussite essentiel à la culture de la vigne est bien sûr le climat. Point de stress de ce côté, avec un ensoleillement généreux, vous vous en doutez bien, une température estivale moyenne de 25 ºC, ici même les raisins ont la farniente, caressés qu’ils sont par une douce brise marine. Enfin, le vignoble est correctement arrosé, comme l’indique une pluviométrie de 800 mm par an, mais cela demeure élément à risque au moment des vendanges et des fortes pluies d’automne.
Vous voici au Château de Bellet, vignoble de la Côte d’Azur!
Le Château de Bellet
Ce n’est pas d’hier que la vigne pousse sur les collines niçoises. Il y en avait semble-t’il bien avant Jésus-Christ. Mais la culture domestiquée telle qu’on la connaît de nos jours remonte au détour du XVIIIe siècle quand les Barons de Bellet y ont planté leurs premiers ceps. L’appellation d’origine contrôlée Bellet remonte, quant à elle, à 1941. Aménagé sur ces hauteurs avec en toile de fonds les Alpes et la plaine du Var, on vinifie dans le chai du Château de Bellet les vins blancs, rosés et rouges. Ici, la culture bio s’impose. Juste au-dessus, dans une chapelle désacralisée, on peut y faire la dégustation et ses achats. D’abord le blanc avec une couleur jaune soutenue et des arômes alliant le fruit, la poire en l’occurence, et une touche épicée qui lui confèrent originalité et singularité. En bouche, un certain gras lui apporte de la rondeur et une douce amertume prolonge les sensations gustatives. Le rouge, souvent issu de baies bien mûres, recèle de parfums de prunes et de fruits confits. Ces particularités, on les retrouve en bouche en équilibre avec des saveurs poivrées et caramélisées.
C’est dans cette chapelle désacralisée et sur cette jolie terrasse que l’on peut déguster les vins du Domaine.
Il faut quand même débourser quelques écus pour se procurer ces vins si rares et peu exportés. Selon la qualité des vins du Domaine, cela oscille ici en France entre 20€ et 40€ (30 à 55$).
Pour l’anecdote, et comme on revient toujours au Star système sur la Côte-d’Azur, sachez que les vins du Château de Bellet ont été servis au mariage du Prince Albert et de la Princesse Charlène de Monaco. Vous l’aurez lu ici et… dans le Paris Match !
Le Limoncello de… Menton!
Une visite à la Fête du Citron de Menton, c’est une immersion au pays du citron ! Qui dit citron, dit tarte au citron, poulet au citron, cocktail au citron, thé au citron, mais aussi digestif au citron bien connu comme étant le Limoncello. Cette boisson exquise a ses racines en Italie, mais elle a migré à l’ouest, tout juste de l’autre côté de la frontière qui sépare l’Italie de la France. En effet, depuis plus de 650 ans l’agrume jaune fait la fierté d’une charmante petite ville sise au sud de la France, Menton. La plus italienne des villes françaises est aussi célèbre pour la célébration qu’elle organise tous les ans avec le citron comme tête d’affiche. Si d’aventure vous planifiez un séjour hivernal sur la Côte-d’Azur, prévoyez à la fin février d’assister au défilé des chars entièrement constitués d’oranges et de citrons. C’est féerique !
Un terroir adapté et une recette simple
Les premiers citronniers mentonnais ont été plantés vers l’an 1340 sur un terroir qui sied merveilleusement à cet agrume qui a également besoin de cures intensives d’ensoleillement. Situé à moins de dix kilomètres du bord de mer et à environ 350 mètres d’altitude, ces vergers du sud de la France donne des fruits à la pulpe riche et parfumée, au jus généreux et à la peau douce et épaisse. Et pas question ici de faire la grimace en croquant dans le fruit, il est si doux que l’on dévore tout du citron de Menton, sans même l’éplucher.
Le citron de Menton doit être cueilli avec la feuille selon les critères de l'IGP
Outre les nombreuses façons d’apprécier le rondouillet agrume, celle qui nous intéresse est sa déclinaison en boisson alcoolique digestive, le Limoncello. Bien que chaque producteur ait développé et raffiné sa propre méthode au fil des ans, un peu d’ordonnancement et d’encadrement ont été initiés avec l’apparition de l’Appellation Géographique Protégée (IGP), en 2015. Le cahier des charges définit un ensemble d’éléments visant à garantir qualité et traçabilité notamment, la culture en terrasse, l’irrigabilité, la densité de plantation, soit un arbre aux 16 mètres carrés, la taille saisonnière, les traitements contre les insectes et les maladies, et bien entendu, la récolte manuelle avec la feuille à la clé. Second chapitre du «code législatif» concerne la qualité et la mise en marché, alors que le tri départage les fruits selon leur taille et leur aspect et que la durée de stockage ne doit pas excéder sept jours avant la commercialisation dans un habillage spécifique à l’IGP. Voilà de quoi rassurer le consommateur!
Le logo de l’IGP bien en vue sur chaque fruit
Produire l’excellente liqueur Limoncello se révèle somme toute plus simple et sommaire que tout le processus lent et fragile de la vinification. À vos crayons: laisser macérer des écorces de citron dans de l’alcool, de l’eau et du sucre. Bon, je ne vous dévoilerai pas les proportions, mais je peux ajouter que le temps de macération pour obtenir le délicieux élixir est d’environ deux mois.
Petit territoire de production signifie peu d’exportation, par conséquent seuls les Limoncello italiens trônent sur les rayons de la SAQ. Voilà de quoi apporter un zeste de fantaisie à la fin de vos repas!
Carnet bourguignon
Ma dernière virée en Bourgogne se fit en plein milieu de la saison estivale, au moment où les collines de la Côte d’Or se pavent d’un vert étincelant. J’y avais réquisitionné un chauffeur particulier pour me guider à travers les sinueux chemins qui quadrillent le vignoble. Jean-François Mestre copropriétaire du Domaine Michelot à Meursault, vint me quérir dans la matinée et avant que le soleil ne tape trop fort sur nos têtes et sur les baies nous avons entamé la randonnée.
Jean-François Mestre du Domaine Michelot dans ses vignes de Meursault-Charmes
Je lui avais demandé au préalable de débuter par la tournée du proprio en arpentant chacune de ses parcelles réparties de Meursault à Puligny-Montrachet. En quelques minutes, nous voilà au Clos St-Félix situé juste derrière la maison de feu Bernard Michelot, personnage mythique de la Bourgogne et le beau-papa de Jean-François. Puis nous roulons à travers les Meursault villages du Domaine Michelot, Sous la Velle, Limozin, Narvaux, Grands-Charrons, puis aux abords des Premiers Crus que sont Charmes, Genevrières, Poruzot, Perrières. Jean-François me parle des tailles qui viennent d’être faites, de son approche en Bio, des greffes récentes et de la vendange à venir. Remontant dans le 4x4 on se dirige vers Puligny-Montrachet où la famille possède quelques rangs de vignes, puis à Santenay où le jeune vigneron d’alors, a appris les rudiments du métier de vigneron sur la propriété familiale. C’est d’ailleurs ici, que l’on vinifie le seul rouge produit par le Domaine Michelot.
Genevrières, premier cru à Meursault
Parlant de rouge, il faut vite remballer car nous avons rendez-vous à Ladoix, au Domaine Chevalier. C’est au autre illustre personnage bourguignon qui nous y attend, Claude Chevalier aussi connu de ce côté de l’Atlantique, car celui-ci connaît le Québec à en faire rougir certains Québécois de souche! Notre hôte guilleret dirige la marche dans le chai, pipette en main. Et qu’il est bon d’humer le fruité exaltant de la vendange récente, les pinots noirs aux parfums de griotte ou de framboises bien mures ; de mirer la robe chatoyante, vous savez ces rouges clairs inhérents à la Bourgogne; de goûter, que dis-je, de croquer avec gourmandise dans ce jus au fruité enivrant. Suivant la tendance actuelle, Claude a souhaité que l’on déguste ensuite les blancs et c’est vrai que le choc en bouche est moins brutal ainsi. Surtout que l’opulence des Ladoix et… du Corton-Charlemagne en impose drôlement. Riche, onctueux, juste la pointe d’acidité qu’il faut pour une parfaite symbiose. Le bonheur est dans le chai ! De quoi rendre fier le papa qui a passé la main à ses trois filles, dont Chloé qui travaille à la vigne et à la vinification depuis 2008.
Claude Chevalier, du Domaine Chevalier à Ladoix et à l’arrière plan, Nicolas Mestre, qui incarne la relève au Domaine Michelot.
La Côte de Beaune
S’étirant sur une vingtaine de kilomètres de Ladoix à Santenay, parfois sur des plateaux qui bordent la N 74 mais aussi sur des coteaux pouvant atteindre 400 mètres de hauteur, le terroir de la Côte de Beaune est composé d’une mosaïque de sols différents alliant surtout les marnes et les calcaires. Pas moins de 84 appellations sur ce petit territoire révèlent de la diversité régionale. Car ici, comme en Côte de Nuits, la diversité est seule maitresse. Le sol, ou climat comme on dit en Bourgogne, joue de toutes ses nuances pour apporter le caractère, la finesse ou le charme qu’il se doit au pinot-noir ou au chardonnay. Mais le chef ultime demeure le vigneron, doublé du titre d’oenologue et maître de chai. C’est lui qui par son art révèle le mystère bourguignon. Il crée sa propre partition selon la tradition familiale, les aléas climatiques et le style qu’il veut obtenir pour ses vins. Ne vous étonnez donc pas de déguster des Pommard ou des Cortons tantôt légers et délicats, tantôt robustes et tanniques, c’est le terroir et le patron qui en ont décidé ainsi.
En ce beau pays de France
Il y a aura bientôt 10 ans que je suis installé en France. Merci à mes parents de m’avoir gratifié de la double nationalité. Bien sûr qu’une fois à la retraite, c’est le climat qui a dicté mon choix, mais pas que ! En effet, j’ai d’abord découvert les régions viticoles de France lors de mes voyages personnels ou d’affaires du temps de mes années à la SAQ. Les Châteaux du Médoc ou de la Loire ; les doux vallons d’Alsace ; les pentes abruptes de la Vallée du Rhône ; les coteaux de la Champagne ; la route des Grands Crus de Bourgogne et depuis peu, les collines de Bellet bien sûr, car nous résidons à Nice. Au gré de mes pèlerinages et d’une connaissance plus approfondie des autres régions, je suis devenu profondément francophile, épris de la grande histoire de ce pays ; admiratif de sa richesse patrimoniale et architecturale ; ébloui par la beauté et la diversité de ses paysages, des falaises de Normandie à la côte méditerranéenne, en passant par les massifs des Alpes; gourmand devant ses vins de Bourgogne, sa Tomme de Savoie, son bœuf du limousin, son poulet de Bresse ; pantois devant la valorisation du travail des artisans et des agriculteurs ; fier de la réussite internationale des professionnels de l’industrie du luxe Chanel, Dior, St-Laurent, LVMH, Cartier ; passionné de sa culture musicale Brassens, Piaf, Montand, Barbara. Tout ça je le goûte, ici, sous le soleil et en français!
Par ailleurs, me réclamant de l’effort que doit faire l’immigrant qui arrive au Québec pour connaître un tant soit peu l’Histoire de sa terre d’accueil, je me suis astreint à ce devoir dès mon arrivée à Nice, en 2010. Cela continue de passer par la lecture des journaux, l’écoute des bulletins de nouvelles et des (nombreuses) émissions politiques ou la mémorisation du nom des ministres. De plus, il me faut connaître le parcours des personnalités qui ont façonné l’histoire de ce pays, d’où mon abonnement à la bibliothèque municipale à la recherche des biographies de Louis XIV, François 1er, Napoléon, Victor Hugo, Zola et de l’actualité plus récente avec les écrits de Sarkozy ou de Macron. Bref, réussir mon intégration en m’instruisant. N’y voyez aucune rupture avec mon Québec, j’y retourne deux fois l’an et garde un contact quotidien grâce aux technologies modernes.
Voilà ! tout ça pourrait s’arrêter là. Mais non, car… il y a la France détestable dont on parle trop souvent quitte à en devenir une risée internationale ! Vous l’aurez deviné, je fais référence à ce pays constamment paralysé par les grèves, les manifestations ou autres mouvements sociaux. Tout un lexique pour décrire que l’on prend la rue ! Conséquemment, la France est bonne première des pays de l’OCDE au chapitre du nombre de jours de grèves, avec 123 jours par an. À titre comparatif, c’est 21 au Royaume-Uni et 16 en Allemagne. Un exemple parmi d’autres, les contrôleurs aériens français se sont tapé 254 jours de grève lors de la dernière décennie, suivis par les contrôleurs grecs avec… 46 jours ! Si au Québec c’est le prix de l’essence qui monte à l’aube des grands congés, en France ce sont les cheminots de la SNCF qui débraient à la veille des vacances estivales ou de Noël. Dans ce pays des 35H par semaine, des multiples jours fériés, des banques et des bureaux de poste fermés entre midi et quatorze heures, tout devient une cause pour paralyser le quotidien des gens, ralentir l’économie et ternir l’image de la France à l’international. Aucune réforme ne devient possible, qu’elle soit économique (et justifiée) comme la révision de l’âge de la retraite ou sociale, comme le mariage pour tous. En outre, ce sont souvent les employés les mieux nantis qui font subir aux travailleurs indépendants et aux petits commerçants les conséquences dramatiques de leurs revendications, ces derniers devant congédier du personnel ou carrément déclarer faillite. Or, quand les grandes entreprises réfléchissent à investir en Europe, elles hésitent à privilégier l’Hexagone. De toute façon, cette habitude bien ancrée chez nos cousins touche toutes les sphères d’activités. Actuellement les avocats tiennent des journées de grève, France-Télévision est ponctuée de journées de débrayages et Radio-France, la Radio-Canada d’ici, en est à son troisième mouvement de grève en 9 ans. Les gouvernements ont beau être de gauche, de droite, du centre, rien n’y fait au Pays du mécontentement perpétuel et des crises à répétition. Le plus troublant est l’infiltration de casseurs professionnels dans ce qui est devenu un cirque hebdomadaire, avec la crise des Gilets jaunes. Les initiateurs de ces grandes manifestations, qui de surcroît prétendent parler au nom du peuple, ne se sentent nullement responsables du vandalisme dans les institutions, du saccage sauvage des monuments emblématiques, de la destruction du mobilier urbain et même des blessés qu’occasionne leur mode de revendication datant d’une autre époque. En ce sens, les chaînes d’info qui tournent en boucle (et nous font tourner en bourrique), n’aident en rien, mais contribuent plutôt à échauffer les esprits et faire monter la mayonnaise ! Y’a rien qui rend plus fier le matamore que de se voir à la télé après avoir fracassé une vitrine ou mieux, cassé du flic !
Violente manifestation des Gilets jaunes, devant l’Arc de triomphe à Paris/Crédit photo: le Journal Sud-Ouest
En terminant, la résilience des français impactés par ces soubresauts ne cesse de m’étonner. Dans tous les bulletins de nouvelles où l’on présente des microtrottoirs, la grande majorité des gens interrogés se range derrière les manifestants qui mettent à mal leur quotidien. Ils rongent leur frein et prennent leur mal en patience. À la limite, je dirais que cela n’entache en rien leur joie de vivre car, que vous entriez à la boulangerie ou aux Galeries Lafayette, on vous reçoit avec le même égard et une élégante courtoisie dont seuls les Français savent faire preuve.
Jean Chouzenoux
Nice
De la grogne à Bordeaux
Les États-Unis, sous l’impulsion de leur impétueux président, ont commencé en 2019 à taxer d’avantage les vins français. Par conséquent, selon la Revue du vin de France, les exportations de vin de Bordeaux ont diminué de 46% en novembre dernier. Cela ne fait qu’accentuer une tendance lourde qui voit non seulement fléchir l’exportation des crus bordelais depuis quelques années mais, aussi une baisse de la consommation des vins de bordeaux chez l’amateur français. En fait, il y a même une mode vers le « tout sauf Bordeaux » dans quelques restaurants parisiens ou certaines terrasses de la capitale. Sont sources de mécontentement, les prix élevés et le goût jugé uniforme des médocs ou autres vins de graves. Il y a aussi que Bordeaux a désormais de la compétition depuis l’essor qualitatif constaté dans toutes les autres régions de France, depuis une dizaine d’années.
Ce qui étonne ici, ce sont les pressions qui émanent déjà de la filière viticole bordelaise pour réclamer l’aide de l’État afin de compenser les pertes encourues! Mais de quoi parle-t-on? De diminutions d’exportations qui affectent le dividende ou de manque à gagner significatif qui porte certains domaines à la banqueroute? Car la baisse d’exportation, jumelée à une baisse d’intérêt du consommateur pose une toute autre question à savoir comment Bordeaux peut se rendre de nouveau attractive chez l’amateur? Car on a plutôt l’impression que, la région porte-étendard du vignoble français est actuellement victime d’un retour du boomerang!