lundi 29 avril 2024
Jean Chouzenoux

Jean Chouzenoux

Jean Chouzenoux a travaillé 35 ans à la Société des alcools du Québec, y a occupé différents postes de gestion aux ventes, aux communications et à la commercialisation.
 
Membre de nombreuses confréries bachiques et gastronomiques et animateur de tournées viticoles dans le vignoble européen. Juré dans les concours internationaux de dégustations, fut chroniqueur sur les vins à la radio et collabore ponctuellement au magazine Prestige de Québec.
 
Installé à  Nice depuis 2010, où il continue d'entretenir sa passion pour le vin.
mardi, 28 janvier 2020 12:50

En ce beau pays de France

Il y a aura bientôt 10 ans que je suis installé en France. Merci à mes parents de m’avoir gratifié de la double nationalité. Bien sûr qu’une fois à la retraite, c’est le climat qui a dicté mon choix, mais pas que ! En effet, j’ai d’abord découvert les régions viticoles de France lors de mes voyages personnels ou d’affaires du temps de mes années à la SAQ. Les Châteaux du Médoc ou de la Loire ; les doux vallons d’Alsace ; les pentes abruptes de la Vallée du Rhône ; les coteaux de la Champagne ; la route des Grands Crus de Bourgogne et depuis peu, les collines de Bellet bien sûr, car nous résidons à Nice. Au gré de mes pèlerinages et d’une connaissance plus approfondie des autres régions, je suis devenu profondément francophile, épris de la grande histoire de ce pays ; admiratif de sa richesse patrimoniale et architecturale ; ébloui par la beauté et la diversité de ses paysages, des falaises de Normandie à la côte méditerranéenne, en passant par les massifs des Alpes; gourmand devant ses vins de Bourgogne, sa Tomme de Savoie, son bœuf du limousin, son poulet de Bresse ; pantois devant la valorisation du  travail des artisans et des agriculteurs ; fier de la réussite internationale des professionnels de l’industrie du luxe Chanel, Dior, St-Laurent, LVMH, Cartier ; passionné de sa culture musicale Brassens, Piaf, Montand, Barbara. Tout ça je le goûte, ici, sous le soleil et en français!

Par ailleurs, me réclamant de l’effort que doit faire l’immigrant qui arrive au Québec pour connaître un tant soit peu l’Histoire de sa terre d’accueil, je me suis astreint à ce devoir dès mon arrivée à Nice, en 2010. Cela continue de passer par la lecture des journaux, l’écoute des bulletins de nouvelles et des (nombreuses) émissions politiques ou la mémorisation du nom des ministres. De plus, il me faut connaître le parcours des personnalités qui ont façonné l’histoire de ce pays, d’où mon abonnement à la bibliothèque municipale à la recherche des biographies de Louis XIV, François 1er, Napoléon, Victor Hugo, Zola et de l’actualité plus récente avec les écrits de Sarkozy ou de Macron. Bref, réussir mon intégration en m’instruisant. N’y voyez aucune rupture avec mon Québec, j’y retourne deux fois l’an et garde un contact quotidien grâce aux technologies modernes.

Voilà ! tout ça pourrait s’arrêter là. Mais non, car… il y a la France détestable dont on parle trop souvent quitte à en devenir une risée internationale ! Vous l’aurez deviné, je fais référence à ce pays constamment paralysé par les grèves, les manifestations ou autres mouvements sociaux. Tout un lexique pour décrire que l’on prend la rue ! Conséquemment, la France est bonne première des pays de l’OCDE au chapitre du nombre de jours de grèves, avec 123 jours par an. À titre comparatif, c’est 21 au Royaume-Uni et 16 en Allemagne. Un exemple parmi d’autres, les contrôleurs aériens français se sont tapé 254 jours de grève lors de la dernière décennie, suivis par les contrôleurs grecs avec… 46 jours ! Si au Québec c’est le prix de l’essence qui monte à l’aube des grands congés, en France ce sont les cheminots de la SNCF qui débraient à la veille des vacances estivales ou de Noël. Dans ce pays des 35H par semaine, des multiples jours fériés, des banques et des bureaux de poste fermés entre midi et quatorze heures, tout devient une cause pour paralyser le quotidien des gens, ralentir l’économie et ternir l’image de la France à l’international. Aucune réforme ne devient possible, qu’elle soit économique (et justifiée) comme la révision de l’âge de la retraite ou sociale, comme le mariage pour tous. En outre, ce sont souvent les employés les mieux nantis qui font subir aux travailleurs indépendants et aux petits commerçants les conséquences dramatiques de leurs revendications, ces derniers devant congédier du personnel ou carrément déclarer faillite. Or, quand les grandes entreprises réfléchissent à investir en Europe, elles hésitent à privilégier l’Hexagone. De toute façon, cette habitude bien ancrée chez nos cousins touche toutes les sphères d’activités. Actuellement les avocats tiennent des journées de grève, France-Télévision est ponctuée de journées de débrayages et Radio-France, la Radio-Canada d’ici, en est à son troisième mouvement de grève en 9 ans. Les gouvernements ont beau être de gauche, de droite, du centre, rien n’y fait au Pays du mécontentement perpétuel et des crises à répétition. Le plus troublant est l’infiltration de casseurs professionnels dans ce qui est devenu un cirque hebdomadaire, avec la crise des Gilets jaunes. Les initiateurs de ces grandes manifestations, qui de surcroît prétendent parler au nom du peuple, ne se sentent nullement responsables du vandalisme dans les institutions, du saccage sauvage des monuments emblématiques, de la destruction du mobilier urbain et même des blessés qu’occasionne leur mode de revendication datant d’une autre époque. En ce sens, les chaînes d’info qui tournent en boucle (et nous font tourner en bourrique), n’aident en rien, mais contribuent plutôt à échauffer les esprits et faire monter la mayonnaise ! Y’a rien qui rend plus fier le matamore que de se voir à la télé après avoir fracassé une vitrine ou mieux, cassé du flic !

jean manifestationViolente manifestation des Gilets jaunes, devant l’Arc de triomphe à Paris/Crédit photo: le Journal Sud-Ouest

En terminant, la résilience des français impactés par ces soubresauts ne cesse de m’étonner. Dans tous les bulletins de nouvelles où l’on présente des microtrottoirs, la grande majorité des gens interrogés se range derrière les manifestants qui mettent à mal leur quotidien.  Ils rongent leur frein et prennent leur mal en patience. À la limite, je dirais que cela n’entache en rien leur joie de vivre car, que vous entriez à la boulangerie ou aux Galeries Lafayette, on vous reçoit avec le même égard et une élégante courtoisie dont seuls les Français savent faire preuve.

Jean Chouzenoux
Nice

lundi, 27 janvier 2020 16:39

De la grogne à Bordeaux

Les États-Unis, sous l’impulsion de leur impétueux président, ont commencé en 2019 à taxer d’avantage les vins français. Par conséquent, selon la Revue du vin de France, les exportations de vin de Bordeaux ont diminué de 46% en novembre dernier. Cela ne fait qu’accentuer une tendance lourde qui voit non seulement fléchir l’exportation des crus bordelais depuis quelques années mais, aussi une baisse de la consommation des vins de bordeaux chez l’amateur français. En fait, il y a même une mode vers le « tout sauf Bordeaux » dans quelques restaurants parisiens ou certaines terrasses de la capitale. Sont sources de mécontentement, les prix élevés et le goût jugé uniforme des médocs ou autres vins de graves. Il y a aussi que Bordeaux a désormais de la compétition depuis l’essor qualitatif constaté dans toutes les autres régions de France, depuis une dizaine d’années.

Ce qui étonne ici, ce sont les pressions qui émanent déjà de la filière viticole bordelaise pour réclamer l’aide de l’État afin de compenser les pertes encourues! Mais de quoi parle-t-on? De diminutions d’exportations qui affectent le dividende ou de manque à gagner significatif qui porte certains domaines à la banqueroute? Car la baisse d’exportation, jumelée à une baisse d’intérêt du consommateur pose une toute autre question à savoir comment Bordeaux peut se rendre de nouveau attractive chez l’amateur? Car on a plutôt l’impression que, la région porte-étendard du vignoble français est actuellement victime d’un retour du boomerang!

jeudi, 28 novembre 2019 12:24

Le Prix Le Montrachet

Le Prix Le Montrachet récompense chaque année des sommeliers qui œuvrent dans des capitales gastronomiques du monde entier. La carte des vins des établissements où officient ces professionnels doit faire la part belle aux produits de la Bourgogne. Une fois la ville sélectionnée par les organisateurs, les sommeliers peuvent s’inscrire au concours et faire étalage de leur expertise. Ils devront répondre à un questionnaire rigoureux mettant au défi leurs connaissances sur la Bourgogne, présenter la carte des vins du restaurant et savoir élaborer sur l’harmonie des vins proposés en fonction des plats listés au menu. Conséquemment, un jury international, sous la présidence de monsieur Jean-Pierre Faraut, copropriétaire du restaurant Le Montrachet en Côte-d’Or, entouré de journalistes, de restaurateurs, de producteurs ou d’autres professionnels du monde viticole, évaluera leur prestation et attribuera les prix aux lauréats.

L’édition 2019 mettait en vedette la sommellerie de Monaco et les résultats ont été dévoilés ce 27 novembre au prestigieux restaurant Louis XV, créé par Alain Ducasse en 1987. Sous le patronage du prince Albert de Monaco, neuf récipiendaires ont été honorés lors d’un événement à la fois protocolaire et formateur. Trois catégories avaient été constituées au préalable, soit établissements de prestige, établissements d’excellence et, pour cette édition, une catégorie spéciale afin d’honorer le meilleur caviste du réputé Rocher.

Par ailleurs, en guide de préambule, les convives avaient le privilège de rencontrer une trentaine de viticulteurs bourguignons qui avaient fait le déplacement pour représenter dignement les couleurs de leur terroir d’exception. Quel plaisir en effet de déambuler dans la somptueuse salle du Louis XV, verre en main, afin de déguster le Meursault-Charmes du Domaine Michelot, le Chassagne-Montrachet de la Maison Pillot, le Rully du Domaine Michel Briday, le Puligny-Montrachet de Thierry Amiot, le St-Aubin de Nathalie et Sylvain Langoureau, et bien d’autres encore.

jean groupe producteursUne trentaine de producteurs bourguignons ont fait le déplacement à Monaco, pour l’édition 2019 du Prix Le Montrachet. J’avais l’honneur de représenter le Domaine Michelot, de Meursault

Après les éditions de Londres, Moscou, Shangai, Los Angeles et Monaco, verrons-nous bientôt une édition du Prix Le  Montrachet au Québec? Ce ne sont certainement pas le talent de nos sommeliers, ni le vaste choix de nos tables d’exception qui feront défaut.

mardi, 19 novembre 2019 12:45

La première fois…

Il y a toujours une première fois, son souvenir indélébile à la clé! Pour l’amateur de vin, ce sera de poser le pied à Romanée-Conti, trembler en humant Pétrus voire, verser une larme quand Yquem tapisse sublimement son palais. À chacun sa petite histoire. Pour le « boomer » que je suis, ayant plus de chemin parcouru qu’à parcourir sur le sinueux chemin viticole, les moments à inscrire d’une pierre blanche foisonnent. En ce temps de réjouissances de fin d’année, me reviennent à l’esprit mes premières fois champenoises.

…EN CHAMPAGNE!

C’est de pierre et de mortier qu’est fait mon premier souvenir champenois. Il s’agit de mon inoubliable face à face avec la Cathédrale de Reims. J’avance sur un trottoir étroit à l’ombre des vétuste demeures, guide Michelin en main; le plan m’indique que je la verrai poindre sur ma gauche au prochain virage, j’y arrive et tourne la tête, je lève les yeux et… mon cœur s’arrête! Elle m’apparaît, là, bienveillante, figée dans son histoire, sa spiritualité et dans son immensité. Les arcs-boutants, les statues, les gargouilles. Tout est magnifié. Je l’ai arpentée, escaladée, contemplée sous des reflets changeant au gré de la lumière du jour. Le top, vers 17h, au moment de l’apéro, verre de champagne à la main, au moment du coucher du soleil, la cathédrale se pavant d’orange et de rose. J’y suis retourné et ce fut tout aussi mémorable. Le hasard a fait que notre visite coïncidait avec la célébration des fêtes johanniques remémorant l’arrivée de Jeanne d’Arc à Reims, le 17 juillet 1429, pour le sacre du Roi Charles VII. Nous avons assisté à la messe, où les gens en costume d’époque reconstituaient le rite sacré du couronnement. Seconde réussite sans même en avoir exaucé le vœu!

Souvenir bien charnel celui-là, ma première fois dans un restaurant de la prestigieuse chaîne Relais & Châteaux, également triple étoilé au Guide Michelin, Les Crayères, à Reims. Magique sensation de lévitation en gravissant l’escalier bordé d’une haie d’honneur formée des serveurs en tuxedo. C’est le chef de l’époque, Gérard Boyer, qui nous accueille dans son majestueux domaine et nous mène jusqu’à notre table. Décor somptueux, d’un raffinement extrême, c’est tout l’Art de vivre à la française… présage à de joyeuses agapes! Le repas sera fastueux, accompagné d’élixirs divins : champagne blanc, rosé, brut, extra-dry, vin rouge de Bouzy et de Marc de Champagne. L’impression exquise pendant quelques heures de toucher au firmament.

Mais revenons sur terre et sous terre! La première fois que j’ai déambulé sur l’Avenue de Champagne à Epernay, j’ai ressenti l’étrange sensation de l’enfant qui rêve éveillé à Disneyland. Sur moins d’un kilomètre on défile sur l’avenue, dite la plus chère du monde, devant les enseignes les plus prestigieuses de la Champagne : Perrier-Jouët, Mercier, De Venoges, Castellane et sa tour, Moët & Chandon et sa statue du moine Dom Pérignon. Sont érigés sur l’avenue des palaces à l’architecture éclectique, préservés par des grilles de fer forgé sur lesquelles sont apposés en lettres dorées, les noms des illustres propriétaires des lieux. Du chic et de la classe! Puis c’est la descente en cave. Il faut emprunter d’immenses escaliers, qui d’une cave à l’autre rivalisent de formes et d’audace dans leur conception, pour descendre dans ces anciennes crayères devenues les écrins des maisons champenoises. La première galerie que je visiterai sera celle de la Maison Mumm et ainsi va le remuage, le dégorgement, la seconde fermentation, le vieillissement et l’assemblage. Apprentissage garanti.

jean avenuedechampagneLa célèbre avenue, dite la plus riche du monde, à Epernay

Enfin, qui n’a pas sillonné le vignoble champenois sans apercevoir le Moulin de Verzenay? Cette construction bien singulière, jadis propriété du meunier Boudeville, ayant par ailleurs servi d’observatoire pendant la seconde guerre mondiale, est aujourd’hui dans l’escarcelle de la maison Mumm. Le badaud y réalisera la photo symbolique, mais le professionnel du vin que je fus eut l’opportunité d’y prendre son premier et unique repas à vie dans un moulin emblématique, de surcroit classé Monument historique de France. Symbiose parfaite que de déjeuner (à midi en France) dans une atmosphère à la fois feutrée et bucolique. C’est gravé à jamais sur mon disque dur.

ET LA DERNIÈRE FOIS?

C’était il y a deux ans, après une intensive session de dégustation lors des Vinalies de Paris. Après ce marathon de cinq jours, les jurés étrangers furent conviés à une pause éducative et désaltérante en Champagne sous les bons auspices de l’ineffable Thierry Gasco, ancien chef de cave de la maison Pommery. Thierry nous y a reçus dans l’une des demeures les plus originales de Reims. En effet, quand dans les années 1860 madame Louise Pommery a pris les destinés du Domaine Pommery en main, elle a procédé à un agrandissement de la propriété et demandé aux architectes d’innover. Défi relevé avec brio! Bien qu’à contre courant, le résultat s’avère spectaculaire dans sa forme et surtout dans ses couleurs. L’ensemble, d’un bleu pastel orné de briques rouges, est d’une audace sans pareil. L’escalier monumental de 116 marches, illuminé de blanc et de bleu, nous mène vers 18 kilomètres de galeries qui recèlent à la fois de millions de bouteilles de champagne, mais aussi d’œuvres d’art uniques et sublimes. Des expositions souterraines permettent ainsi à des peintres, des sculpteurs et des concepteurs d’arts visuels variés d’y faire démonstration de leurs multiples talents. Un pur ravissement que notre hôte clôture de façon tout aussi exceptionnelle, par une présentation des crus effervescents de la Maison Pommery.

Joyeuses Fêtes à tous!

Jean Chouzenoux

L’année 2019 sera à inscrire d’une pierre blanche dans la jeune histoire du chef Mauro Colagreco, propriétaire du restaurant Mirazur à Menton, sur la Côte-d’Azur. En effet, il s’est vu octroyé coup sur coup sa troisième étoile au Guide Michelin et son établissement, investi du titre de Meilleur restaurant du monde par le Magazine britannique Restaurant. Ce classement est basé sur la consultation de 1000 experts culinaires à travers le monde. Depuis, toutes réservations à ce restaurant d’une quarantaine de places sont momentanément suspendues, car on affiche complet pour les six prochains mois. Eh bien, figurez-vous que j’ai eu la chance d’y déjeuner (le repas du midi en Europe) au printemps dernier, invité par des amis québécois envers qui je suis extrêmement reconnaissant.

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Le Chef Mauro Colagreco

D’un père italien, Mauro Colagreco est né en Argentine il y a 43 ans. Il traverse l’Atlantique en 2001 pour y faire ses études au Lycée hôtelier de La Rochelle. Suit un apprentissage auprès de chefs réputés tels Bernard Loiseau, Alain Passart et Alain Ducasse, avant de voler de ses propres ailes. C’est en 2006 qu’il ouvre le Mirazur et son talent capte rapidement l’intérêt des spécialistes en gastronomie, car six mois après l’ouverture de son restaurant à Menton, il obtient une mention au Gault&Millau comme Révélation de l’année. En 2013, il est nommé Grand Chef par la prestigieuse Relais&Châteaux. Mauro Calagreco se démarque par un don naturel, celui  de créateur de recettes imaginatif et spontané. Son restaurant ne propose que deux menus, l’un de 160 € et l’expérience ultime qu’est son menu dix services, à 260 € par personne. Or, seulement cinq plats sont fixes sur ces deux cartes. Les autres sont imaginés et conçus quotidiennement dès le retour en cuisine  du chef, qui a dès l’aurore arpenté le marché, rendu visite à son fromager ou est monté à bord du chalutier de son poissonnier y quérir les trésors de la pêche de la nuit conservés depuis leur prise, sur de la glace d’eau de mer. Le flair et l’inspiration deviennent ensuite les principaux ingrédients de ce qui se retrouvera dans l’assiette des convives. Entouré de sa brigade, il tâte les produits, les hume, les découpe, invente des méthodes de cuisson et surtout ose des associations gustatives inédites… comme du foie gras au navet et sirop d’érable ! Une exception que ce produit de chez-nous, car Mauro Colagreco s’enorgueillit de n’utiliser presque qu’exclusivement des produits locaux. Chez-lui, point d’ananas qui devraient franchir les océans pour arriver à sa table… empreinte carbone beaucoup trop lourde. Sa fierté, son magnifique potager en escalier, calé entre les restanques sises à l’arrière de son restaurant… en prime la vue sur la Grande Bleue au moment des récoltes !

56189717 132988874447538 1529344557667943440 nLe chef triplement étoilé, Mauro Colagreco

L’expérience ultime

Emprunter la corniche qui relie Nice à l’Italie ouvre le premier chapitre de cette expérience sensorielle inoubliable… vous vous en prenez plein la vue !  Niché sur un flan escarpé des Alpes doté d’une végétation luxuriante, une vue panoramique sur la Méditerranée et la Baie de Menton, à cent mètres de la frontière italienne, votre arrivée au Mirazur vous projette aux portes de l ‘éblouissement et du ravissement. L’accueil y est chaleureux et contraste, ce sera le seul point négatif,  avec l’ambiance figée et le décor plutôt froid de la salle. Pris en charge par l’équipe de 35 personnes (pour 42 clients), vous êtes « cernés », guidés à votre table, traités aux petits soins et tous vos besoins sont anticipés. Unanimement, nous optons pour le menu dix services, la Totale quoi ! Nous avons bien sûr ouvert les hostilités avec un verre de champagne et quelques canapés  tout aussi spectaculaires en bouche, qu’à l’œil. La Rose de loup suit alors que, le filet du poisson cru est tranché et disposé en pétales de rose dans votre assiette, le serveur vient y verser un jus d’agrumes qui acidule et relève le plat, juste comme il se doit. Succulent ! Parmi les étonnements de notre parcours gastronomique, il faut que je vous parle de La betterave en croûte de sel et sa sauce de caviar Oscietra. Une betterave que le chef cultive dans  son jardin et qu’il récolte au bout de six mois avant de l’emballer dans un sac en papier et la placer délicatement en cave, pour une hibernation de six autres mois. Au printemps, on  remet ladite betterave en terre pour une autre année. Il en résulte un fruit d’un kilo, qu’on nous présente à table, dont les saveurs sont concentrées à l’extrême, la richesse en sucre multipliée et la texture transformée. Le spécimen est tranché à la mandoline, joliment déposé dans l’assiette et le tout  nappé de la sublime sauce au caviar. Jouissif ! Décrire totalement le menu serait fastidieux, mais je prie l’éditeur du site de le joindre à cette chronique, question de vous mettre l’eau à la bouche !

jean mirazur menu

La carte des vins

Ici, point de carte de cinquante pages où s’affichent les super stars bordelaises, bourguignonnes ou toscanes, aux prix stratosphériques. Le sommelier a plutôt opté, avec un soucis méticuleux, d’offrir aux clients une palette d’environ 200 crus sciemment sélectionnés, délicieux, choisis dans des millésimes prêts à la consommation et surtout, à des prix raisonnables. Bien sûr, la France y est à l’honneur avec ses régions phares de la Champagne à la Provence; j’y ai noté  ce cru classé de Bordeaux, Cos d’Estournel 2002, à 290 € ou ce superbe Chablis Les Vaillons 2008 de Ravenau, à 110 €. Fleurissent aussi sur la carte quelques trésors italiens et argentins… origines obligent ! Par conséquent, nous n’avons pas boudé notre plaisir et mes amis m’ayant intimé de procéder à la sélection de ce que nous allions déguster, j’ai exploré la section des Châteauneuf-du-Pape où ma foi, le rapport qualité/prix m’apparaissait encore plus satisfaisant. Je me suis arrêté sur un Château La Nerthe 2008 à 90 €, en blanc et un Château Beaucastel 2003 à 155 €, en rouge, taxes et service inclus. Une aventure inoubliable en tous points !

« Elle n’est pas belle la vie » !

Amitiés québéco-niçoises,

Jean Chouzenoux

mardi, 01 octobre 2019 13:29

Mythique Château Rayas !

Il y a de ces vins quasi inaccessibles qui trônent au sommet de la galaxie. Il y a des antres protégés par des cerbères où l’on ne pénètre que si l’esprit mercantile subordonne à l’esprit passionné. Il y a des cavernes d’Ali Baba qui recèlent de trésors d’où ne s’échappent qu’occasionnellement de sublimes bijoux. Avoir le privilège de franchir le Rubicon, d’être reçu par le gardien du temple, de goûter avec lui l’élixir providentiel et de repartir avec une pépite du fabuleux trésor, relève de l’exploit digne des périlleuses aventures d’Indiana Jones ! Cette opportunité m’a été offerte par l’entremise d’un ami qui a son gîte saisonnier à quelques lieues du prestigieux Château Rayas, en Châteauneuf-du-Pape. Il a eu la courtoisie de recevoir chez lui quelques dignes membres du Club Bachique franco-québécois que j’ai cofondé avec mon ami Tristan-Michel Ghertman,

Au Château Rayas tout relève du mythe ! Le lieu dont on ne peut soupçonner que l’on façonne l’un des plus grand vin de la planète ; le terroir à l’antipode de ce qui caractérise généralement le sol de Châteauneuf-du-Pape ; la cave où règne l’esprit des siècles précédents ; le vin totalement atypique pour cette appellation rhodanienne; le Maître des lieux dont la mystique fait foi de tout.

jean chateau rayasEmmanuel Reynaud, à gauche, guide les amateurs québécois que nous sommes. Ici, Robert Gillet membre du Club Bachique franco-québécois et Richard Grenier invité privilégié.

C’est bien singulier comme endroit !

Emmanuel Reynaud, c’est bien de lui dont on parle, nous a reçus sur son Domaine de 10 hectares et a mené avec bienveillance la visite du propriétaire. Ici, malgré le nom, point de château mais une modeste maison de ferme fait office demeure où le miracle s’accomplit. Assidûment, nous avons bu (d’abord) ses paroles alors que nous déambulions dans le vignoble. « Touchez ce sable » qu’il nous dit, nous révélant du coup (fallait que je le place !) le premier miracle de Rayas, son sol sablonneux versus le sol jonché de gros galets, typique de Châteauneuf-du-Pape. Cela en fait un terroir pauvre dépourvu d’argile et les rendements sont à l’avenant…10 hectolitres à l’hectare (40 hl/h dans les autres grands crus de France). Sur cette terre c’est le grenache qui est roi et maître et on le vendange tardivement car le raisin prend plus de temps à s’épanouir et on le veut justement bien mûr. Passé la porte de la cave seconde surprise, les vieux foudres centenaires, grisâtres de leur état, contrastent étrangement avec les caves hyper étincelantes que l’amateur a l’habitude de visiter. Ici encore M. Reynaud a son explication : « des barriques plus jeunes pourraient donner un goût de bois au vin et en gâcher la pureté ». Justement, voici le moment de la dégustation. Elle a lieu dans le chai, à la pipette, c’est donc le vin dans sa prime jeunesse auquel nous avons droit. J’avoue ici, ma déception momentanée, car ce n’est pas à cette étape que Rayas se révèle dans toute sa splendeur. Nous goûtons à des jus de différentes parcelles, donc avant assemblage et surtout avant l’étape ultime qui fait de Rayas ce qu’il est… son vieillissement en cave ! D’abord quelques mois en barrique, suivi de sept années en bouteilles dans les voûtes de la propriété. Et comme si cela ne suffisait pas, au moment de notre visite, on procédait à des travaux d’agrandissement de la cave pour permettre la conservation des vins pendant dix ans, avant leur relâchement vers l’amateur plus qu’impatient. Avant de nous séparer de notre hôte, nous lui demandons quand même si l’on peut alourdir nos valises de quelques flacons. C’est le cœur en lambeaux qu’il consent à se délester de quelques-uns de ses enfants.

Et alors, c’est vrai que c’est bon ?

Notre petite bande est maintenant de retour chez notre ami Gérard Lafon, à Lirac. Celui à qui nous devons d’avoir été accueillis au Saint des Saints. Son épouse, Claude, a préparé un repas digne de la table des rois et c’est maintenant que tout va se jouer. Gérard, sous les recommandations de Maître Reynaud, a ouvert et mis en carafe la veille, trois vins rouges produits par Domaine Rayas : Domaine des Tours, Château des Tours et bien sur Châteauneuf-du-Pape du Château Rayas 2000. Le moment est solennel et là c’est la grâce ! Tout ce que vous pouvez imaginer de jouissances olfactives et gustatives vous est ainsi livré et même au-delà de toutes les promesses faites en amont. Et ce plaisir a été décuplé quand j’ai repris plus tard chez-moi, du millésime 2000 mais aussi du 2001. La robe laisse d’abord pantois tant elle est pâle, voire orangée… c’est la bourgogne qui semble s’inviter et jouer l’intrus dans notre verre. Le nez ? Mais c’est toute la pièce qui embaume ! Des effluves de fruits mûrs, animales, de cuir, d’épices douces. C’est puissant et fin à la fois et d’une complexité inégalée. La bouche se tapisse de velours dès les premières gouttes portées à nos lèvres. Encore là, tout est magnifié par le raffinement et l’élégance. La puissance et la longueur des saveurs n’ont d’égal que la délicatesse apportée par le long vieillissement en bouteille. Rien n’est altéré par le long passage en carafe, au contraire, tout est sublimé. Respect et recueillement envahissent la salle à dîner.

jean chateau rayas tripletteJolie triplette!

S’en procurer… un exploit!

C’est là que ça se complique. Avec une telle unanimité sur la qualité de ce vin et avec aussi peu que 10 000 cols produits annuellement, se procurer du Château Rayas relève des prouesses de l’orpailleur ! Je vous raconte le parcours que j’ai dû franchir, venu le moment de recommander du précieux liquide il y a quelques mois. Bardé de mon précieux sésame étant mon reçu de l’achat précédent, j’ai d’abord envoyé un courriel pour faire part de mon avidité à me procurer deux bouteilles de Château Rayas et 10 bouteilles de Château des Tours, autre Domaine de la famille qui, à son prix, bat tout ce qui se trouve sur le marché. Au bout de quelques jours, n’obtenant pas de réponse, je prends sur moi de téléphoner au Domaine. Une gentille dame s’enquiert de savoir ce que j’ai acheté précédemment et de ce que j’ai fait de mes trésors. Je lui détaille mes achats et surtout le plaisir que j’ai eu de déguster les vins lors de dîners de notre Club Bachique. « Très bien je vous rappelle dans une quinzaine de jours », me dit-elle… question de vérifier que je n’ai pas fourgué mes précieuses bouteilles sur Internet à la recherche de recéleurs véreux. La quinzaine passée, je reçois le coup de fil espéré et j’entends la voix me dire « Monsieur Reynaud a le grand plaisir de vous céder à la vente une bouteille de Rayas 2004 et 5 bouteilles de Château des Tours. Votre commande vous sera expédiée dans un mois, car en ce moment nous traitons les demandes reçues en novembre ». J’avais fait la mienne en janvier. Aujourd’hui « mon » Rayas 2004 attend bien sagement dans mon cellier le moment propice où mon tire-bouchon lui transpercera le liège. Son prix ? J’ai payé 160€ la bouteille de Château Rayas. Le meilleur rapport qualité/prix qu’il soit pour un vin qui jouit d’une telle aura. Les receleurs véreux dont je parlais plus haut, effet de rareté et de surenchère aidant, revendent parfois leur bouteille près de 1000€ sur le Web. Au Québec, la SAQ réussit à obtenir du Rayas, mais aussi du Fonsalette ou du Pignan, aussi produits par la famille Reynaud. Malheureusement, le peu de quantité allouée fait en sorte que le vin n’est vendu que par l’entremise du Courrier Vinicole.

En terminant, le prix du Rayas 2004 au Québec ? 318$. Je l’ai payé à la propriété 160€, soit 240$. En vente libre dans les magasins en France, oubliez ça. Il faut se rabattre sur les sites en ligne et sur ceux que je viens de consulter, je n’ai rien trouvé à moins de 350€ la bouteille de 2004… 500$ canadiens !

Amitiés québéco-niçoises,

Jean Chouzenoux

mardi, 04 juin 2019 13:10

Du vin et des émotions!

Le vin est un produit de partage! Comme c’est cliché. Mais que voulez-vous, parfois ce sont ces phrases tout droit sorties des livres des années 60 où les descriptions sur le vin avaient des tournures folkloriques, voire ésotériques, qui vous viennent à l’esprit quand le moment de grâce opère. En fait, quand l’homme avec son histoire transcende le digne breuvage qu’il nous tend et nous commente avec force passion… on se délecte du nectar et des paroles du conteur. Tous ceux qui ont eu le privilège de pénétrer dans l’antre de vignerons québécois ou européens ont connu ces moments coup de cœur où au-delà du cru qui leur est offert, c’est la truculence, la passion ou l’émotion de leur hôte qui les a fait vibrer.

Il y a quelques semaines j’étais à Lausanne pour le Mondial du Chasselas, cépage porte-étendard de la Suisse romande, invité pour l’occasion de déguster ce qu’il se fait de mieux en la matière chez les Helvètes mais aussi en Allemagne, en Alsace et dans le Nouveau-Monde.

L’opportunité aussi de parcourir le vignoble vaudois, l’un des plus du monde, construit en terrasses qui plongent directement vers le lac Léman. Et de pousser un peu plus loin dans le Canton de Neufchâtel, au bord du lac homonyme et au pied du Jura.

Et c’est là, plus précisément au Château d’Auvernier que j’ai rencontré Thierry Grosjean, viticulteur (encaveur), historien, philosophe, politicien et père de famille. Il y a 14 générations que l’on fait du vin à Auvernier, propriété d’une soixante d’hectares où l’on produit toute la palette des vins : blanc, rosé, rouge, sec, doux, boisé ou pas, filtré ou pas. Un arrêt au Domaine et c’est parti pour un marathon de dégustation.

vins ThierryGrosjeanLe très sympathique Thierry Grosjean, propriétaire du Château D'Auvernier

Mais comme je le disais en introduction, c’est le Maître des lieux qui tient lieu de monument dans ce temple du vin. Non pas qu’il porte ombrage aux gens qui l’entourent, encore moins au fruit de leur labeur, mais plutôt à l’art qu’il possède de tous les projeter dans la lumière. Dans la magnifique salle de dégustation Thierry Grosjean, nous commente les vins blancs le nez plongé dans un verre de chardonnay mais argumente aussi sur le développement et les conflits qui ont jalonné l’histoire de sa région; avec panache il s’enorgueillit de ses origines espagnoles ou nous parle avec un certain regret de son incursion dans le monde de la politique. L’évolution de la propriété au fil des siècles, il en frémit d’émotions quand il nous la livre, un verre de rosé Œil de perdrix à la main. Dans la pièce ou nous dînons et qui tient lieu de musée familial Isabelle son épouse, cuisinière et coordonnatrice hors-pair, nous accueille chaleureusement et sur la longue table trônent trois magnums de pinot noir. Quand Isabelle lui donne le Top, Thierry se lève solennellement, pousse la chaise, arpente la salle et de sa voix de stentor nous résume l’histoire familiale, immenses tableaux des ancêtres accrochés aux cimaises de la salle à manger, pour étayer ses dires. Pièce totalement « dans son jus », comme disent les européens pour illustrer le fait que rien n’a été touché ni même repeint depuis 1745, date de l’ajout de la dernière annexe de cette immense demeure, que dis-je de ce Château! Moment venu des accolades de fin de soirée, Thierry Grosjean y va d’un dernier effet de toge en nous commentant son somptueux pinot gris vendanges tardives, à l’étiquette dont les contours sont volontairement empruntés au Grand Cru, Roi du Sauternais.

Et c’en est fait d’un autre moment de convivialité inoubliable vécu à l’ombre des barriques et à classer dans le grand livre des souvenirs viti-vinicoles.

Note : Les vins suisses ne sont pas légion à la SAQ, en fait très peu de vins débouchent sur le marché de l’exportation, mais osez… vous serez conquis.

Jean Chouzenoux

Ce début d’avril a été marqué par deux concours internationaux assez singuliers, tenus dans le sud de la France. D’abord, les Olivalies 2019, dans la région d’Aix-en-Provence, et le Mondial du Rosé, à Cannes, où même les marches du Palais des Festival avaient revêtu le tapis rose.

Les Olivalies 2019

C’est adossés à la montagne Ste-Victoire que les quinze de jurés présents ont dégusté 100 huiles d’olives soumises à leurs papilles. Ces « huiles » (experts dégustateurs) avaient été recrutées par M. Cyril Payon, président de l’Union des œnologues de France. Les huiles, liquides cette fois, provenaient de 13 pays et étaient  regroupées en trois familles, allant du fruité/vert, fruité/mûr à fruité/noir, ont été mirées, humées, goûtées puis notées afin que les plus méritantes se voient attribuer la distinction suprême. Ici, le terroir, la culture, les méthodes de pression et d’élevage jouent un rôle essentiel sur les qualités organoleptiques et gustatives. Certes, il est plus périlleux de tâter de l’huile d’olive que du vin, mais l’exercice est fort révélateur sur les nuances qui distinguent ce noble produit de plus en plus utilisé dans nos cuisines et sur nos tables. Soulignons que la part belle revient à l’Espagne, qui a remporté 5 médailles d’Or sur les 11 décernées par le Jury international. Le Portugal et la France se sont aussi démarqués.

Le Mondial du Rosé

Cette fois, ce sont les vins rosés du monde qui jouaient les Stars sur la Croisette, à Cannes, en ce début de printemps. Oui, il y a un vrai printemps dans le sud de la France, avec des fleurs, du soleil, du temps doux et du monde avec des lunettes de soleil « grosses comme ça » sur les terrasses! Or, on se bouscule pour le « casting »… 1368 rosés issus de 31 pays sont en lice pour la Palme d’Or ou d’Argent. Le Jury, constitué de l’élite de la profession viti-vinicole, s’attable pendant 3 matinées pour passer en revue tous les échantillons. Après le conditionnement de nos vedettes rosées, à savoir la mise en température et le masquage des bouteilles, la noria de serveurs effectue le service dans une atmosphère empreinte d’un mystérieux secret… suspense! Bien sûr, au cours de ces séances d’analyse, tout est passé en revue, à commencer par la robe de ces vins. Rose corail, saumon, pêche, abricot ou cerise? Nez d’agrumes, d’abricot ou de fleur d’oranger? Bouche fruitée, équilibrée, amère et persistante? À 85 point sur 100 ou plus, c’est la Palme d’Or assurée! Au final de cette édition, il en ressort que les vins du sud de la France se démarquent haut la main… normal, me direz-vous, ils sont chez eux!

vins degustation rese 

Jean Chouzenoux

MUNDUS VINI est un concours international de dégustation fondé il y a tout juste 15 ans et qui fait déjà la course dans le groupe de tête, des plus célèbres évènements du genre au monde. Son fondateur, Meininger Verlag, assisté de sa sœur, a monté une organisation sans faille où rigueur, qualité et professionnalisme se conjuguent harmonieusement. Plus de 10 000 produits concourent annuellement, lors de deux séances de dégustation qui se tiennent, l’une en hiver et l’autre, à la fin de l’été.

vins mundus vini presidentMeininger Verlag, président fondateur de MUNDUS VINI, lors de son allocution de clôture de l’édition 2019

L’édition hivernale 2019 a eu lieu du 20 au 25 février dernier et quelque 7300 vins provenant d’une soixantaine de pays étaient proposés aux 260 jurés internationaux, issus du monde de la sommellerie, de l’œnologie ou de la presse gastronomique. C’est à 90 minutes de Francfort, dans le charmant village viticole de Neustadt, que le panel d’experts avait ses quartiers. Les jurés étaient répartis au sein de commissions de 5 ou 6 membres.

Dès 8h30, dans une salle superbement aménagée et au décorum impressionnant, la batterie de jeunes sommeliers verse les premiers vins dans les verres parfaitement alignés. La température des vins est soigneusement contrôlée, les verres étincelants… le match commence dans un silence absolu. Si parfois des murmures s’élèvent, c’est qu’un vin n’a pas laissé insensibles les dégustateurs. Quatre vagues d’une douzaine de vins chacune sont soumises chaque matinée, aux papilles et aux palais affûtés. Chaque juge note ses vins sur 100, la moyenne est établie par le Président du Jury et au bout de la semaine, 30 à 40% des vins dégustés auront remporté une Médaille Grand Or, d’Or ou d’Argent.

vins mundus vini salleLa salle de l’auditorium de Neustadt où se déroule la compétition

La médaille qu’arbore le vin lauréat devient un indicateur de qualité pour le consommateur, mais aussi un élément considéré par la SAQ dans son processus de sélection des produits.

Jean Chouzenoux

Émile Peynaud est sans contredit le plus grand œnologue du vingtième siècle. Il a été conseiller technique et consultant auprès de nombreux grands domaines bordelais, certes, comme Margaux, Lafite, Giscours, Mission Haut-Brion, mais pas que… ajoutons Mas de Daumas Gassac dans le Languedoc, Marques de Riscal en Espagne, Antinori ou Masi en Italie, Porto Carras en Grèce, Suntory au Japon, dans l’hémisphère sud, pour Pedro Domecq au Mexique ou encore en Argentine et au Pérou. Bref, il fut le premier véritable « Flying wine maker », comme disent les Français!

Auteur prolifique, il a rédigé de nombreux ouvrages spécialisés, traduits dans plusieurs langues et nombre de fois réédités, qui ont inspiré toute une génération d’œnologues dans le monde. Même ici au Québec, les premiers conseillers en vin de la SAQ connaissaient par cœur ses enseignements prodigués avec moult détails dans la Bible du vin qu’était Le goût du vin. En outre, avec son collègue le professeur Jean Ribereau-Gayon, il aura surtout fait franchir un pas de géant à la vinification moderne, en démystifiant les secrets de la fermentation malolactique et en la développant sur la base de données scientifiques. Par conséquent, c’est depuis que l’on maîtrise cette étape de la vinification que tous les vins produits aujourd’hui parviennent à un meilleur équilibre gustatif et à une capacité d’évolution plus harmonieuse. Le contrôle du taux d’acidité, par la transformation de l’acide malique en acide lactique!

Par ailleurs, c’est sur la fameuse route du vin que parcourent tous les passionnés, qu’il y a 5 ans j’ai rencontré, au sortir du Mondial du Rosé à Cannes, le fils du Gourou Peynaud, avec qui j’ai noué une franche amitié. Passons sur les flacons que Jean-Pierre et moi avons éclusés depuis… mais restons sur un moment singulier que nous avons vécu le mois dernier.

La maison familiale des Peynaud se situe à Talence, en banlieue de Bordeaux. Dernièrement, Jean-Pierre a décidé d’inventorier les archives de feu son paternel, et il m’a demandé de l’accompagner. La tâche est ardue, car le professeur-œnologue-auteur a méticuleusement TOUT conservé de sa carrière, qui s’étale sur plus d’un demi-siècle: notes de discours, conférences, chroniques, manuscrits de ses bouquins, coupures de presse, photos, diplômes et la correspondance accumulée pendant toutes ces années de labeur.

Or, en fouillant dans les multiples classeurs garnis de centaines de dossiers, nous y avons trouvé des articles de journaux rédigés par nos célèbres chroniqueurs en vins québécois. À l’émotion de me retrouver dans la demeure mythique et de m’asseoir au bureau du Maître, s’ajoute la fébrilité que je ressens à tenir entre mes mains des coupures de journaux et d’articles signés en 1984 par Michel Phaneuf, chroniqueur à La Presse, et en 2010 par Jean Aubry, du Devoir. On y a également déniché des fascicules sur le vin, ainsi qu’un échange épistolaire entre le célèbre professeur et Jacques Benoit, de La Presse, datant de l’an 2000. Tous trois dans leurs écrits reconnaissent d’emblée la contribution du professeur Peynaud et que ses avancées aient franchi le cadre des frontières européennes.

jean chouzenoux journalMontage des chroniques de Jean Aubry, Michel Phaneuf et Jacques Benoit

À mon retour à domicile, j’ai pu joindre messieurs Benoit et Aubry et leur envoyer des photos de leurs écrits de jadis. Me reste Michel Phaneuf, de qui je n’ai pas les coordonnées… peut-être lira-t-il ce bulletin!?

En terminant, je me suis laissé dire que la ville de Bordeaux préparait un hommage particulier afin de reconnaître officiellement la contribution exceptionnelle à la science du vin, du professeur Émile Peynaud.

Jean Chouzenoux
Nice
Décembre 2018

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