lundi 13 octobre 2025
Le Château de Versailles Le Château de Versailles

Les rois de France et le vin

La monarchie a régné sur la France pendant des siècles. Avec les impôts parfois abusifs arrachés aux paysans et aux prolétaires, les Rois de France vivent dans l’opulence, le faste et dans un luxe baroque. En contrepartie, ils transmettent au peuple et aux générations subséquentes un héritage patrimonial immense et éclectique dont on mesure encore l’importance de nos jours. Ces monarques, câlinés avec le meilleur de ce que peuvent produire les artisans français, développent ainsi un goût raffiné pour les plantureuses volailles, le gibier issu de chasse-à-coure, les poissons d’eau douce et crustacés de mers salées, les desserts généreux et bien sûr les vins fins provenant des terroirs diversifiés de l’hexagone. Ce faisant, ils contribuent à la renommée de certains crus qui jouissent d’une reconnaissance qui leur sera sans doute éternelle.  

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Ce que préféraient Louis XIV, François 1er et quelques autres…

A tout seigneur, tout honneur, avec Louis XIV qui a monopolisé le trône de France pendant 72 ans. C’est le vin de bourgogne qui obtint ses faveurs et pas pour les raisons que l’on croit, du moins pas au début. En effet, c’est son médecin qui prescrit d’abord le vin de Bourgogne au bon roi pour le guérir de ses maux. Par conséquent, ce bon Louis tombe rapidement addict du royal sirop. Tant, qu’il fera du Chambertin son vin de prédilection donnant ainsi à la région et au grand cru une réputation qui tardait à venir. Celle-ci se tenant à l’ombre du rayonnement sans concession du noble terroir bordelais.

Henry IV a quant à lui mit le vignoble de Jurançon sur la carte, pas peu fier de faire connaître ce cru emblématique de sa région natale. En effet, la légende veut qu’à la naissance de ce futur roi béaenais, son grand-père lui ait humecté les lèvres avec du bon jus de la treille de Jurançon. Le côté sucré du cru local a sans doute plu au poupon. En effet, le cépage gros manseng confère au vin un côté moelleux et un caractère unique alliant acidité et onctuosité. Par la suite, le bon roi Henri, tantôt catholique, tantôt protestant restera au moins fidèle au divin nectar de Jurançon. 

François 1er raffolait non d’un vin mais d’un cépage, le romorantin. À tel point, que la légende (encore elle) veut qu’il ait donné l’ordre d’arracher du Val de Loire, 60 000 pieds de vignes du célèbre cépage pour les replanter en Sologne, une région qu’il affectionne particulièrement. On n’est roi ou on ne l’est pas ! Aujourd’hui, on produit de très bons vins blancs dans la Loire issus de ce cépage qui se fait rare en ces temps modernes. Pensons au Château de Cheverny qui a jadis fait son apparition sur les tablettes de la SAQ.

Maintenant, quel vin trouve la faveur de Louis XVI et Marie-Antoinette ? Le couple royal jette son dévolu sur le vin de Champagne qui régale et désaltère les convives lors de tous les bals tenus à la Cour de Versailles.  L’élégance et la finesse des bulles les enivrent à en perdre la tête (s’cusez-là). De plus, devinez…la légende (les fakes news de l’époque!) s’enorgueillit de propager une rumeur à l’effet que, la forme évasée des fameuses coupes à champagne (utilisées jusqu’à la fin des années 1970), fut sculptée sur le sein de Marie-Antoinette. De quoi « téter son verre » (s’cusez encore !)

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Statue de l’Empereur Napoléon Bonaparte, à Ajaccio, sa ville natale

Napoléon, de Gaulle et Churchill

Il fallait bien chasser la monarchie pour créer un empire ! Et c’est ce bon Napoléon Bonaparte qui s’en charge. Malgré sa part d’ombres, soyons reconnaissants envers le grand homme d’État que fut Napoléon 1er par sa modernisation et l’ordonnancement du savoir vivre en société. Visionnaire, il est le fondateur de plusieurs institutions françaises, civiles, commerciales et pénales toujours actives au XXIè siècle. Qui peut se vanter d’avoir laissé une telle trace dans l’histoire ?  Mais ce qui nous concerne ici, c’est l’homme de goût qu’il fut. L’Empereur conquérant, passionné du vin de Chambertin, exige qu’une cargaison du célèbre cru bourguignon fassent partie des bagages lors de ses expéditions en Espagne, en Egypte ou en Russie. Puis, jeté en exil sur l’Île Ste-Hélène, c’est le vin de Constance qui fait le bonheur de l’empereur temporairement déchu. Ce vin doux de muscat de Frontignan issu d’Afrique du Sud séduit le corse le plus célèbre par ses arômes complexes et son goût ample et généreux. L’insulaire prisonnier en recevra régulièrement avec ses livraisons de vivres…un geôle de luxe ! Pour l’anecdote, j’ai récemment eu le plaisir de déguster avec mon ami Don-Jean Léandri, qui possède sa part de sang corse, un Vin de Constance, Glen Constantia 2017… tout simplement exquis !

IMG 0468Moment festif en compagnie du sommelier Don-Jean Léandri, Roland Poivre traiteur à Nice, Christian Poivre traiteur à Paris et votre chroniqueur autour du vin de Constance 2017

Un autre féru de Champagne, c’est Charles De Gaulle. Le Général a même sa marque favorite : Drappier. Ce producteur a l’avantage de voir ses vignes ramper tout près du village de Colombey-les-deux-Eglises où réside le Président de la France. La préférence du célèbre général va à la cuvée réalisée exclusivement à base de pinot noir. Enfin, devenu par défaut ambassadeur de la marque, une cuvée Charles de Gaulle est élaborée en 1990 pour commémorer l’appel du 18 juin placé depuis Londres afin d’inciter les français à résister face à l’invasion allemande.

En terminant, puisqu’il est question de Londres, parlons de l’allié indéfectible de De Gaulle outre Manche pendant la seconde guerre mondiale, Winston Churchill. Si ce dernier raffole de whisky et de cigare, il s’entiche également du champagne Pol Roger. Plus tard, à Paris lors de la signature de l’Armistice en 1944 à laquelle assiste Odette Pol Roger, du champagne Pol Roger 1928 est servi. Tout est dans tout !! si bien que la veuve Pol Roger lui en fera livrer une caisse tous les ans. Churchill grand ambassadeur de la marque reste fidèle à la maison d’Epernay, jusqu’à sa mort. L’important domaine familial lui en sera reconnaissante en lui dédiant sa cuvée de prestige, le  Pol Roger Sir Winston Churchill.

Et comme le disait l’humoriste français Pierre Dac, vaut mieux le vin d’ici que l’eau de là ! 

À propos de l' auteur

Jean Chouzenoux a travaillé 35 ans à la Société des alcools du Québec, y a occupé différents postes de gestion aux ventes, aux communications et à la commercialisation.
 
Membre de nombreuses confréries bachiques et gastronomiques et animateur de tournées viticoles dans le vignoble européen. Juré dans les concours internationaux de dégustations, fut chroniqueur sur les vins à la radio et collabore ponctuellement au magazine Prestige de Québec.
 
Installé à  Nice depuis 2010, où il continue d'entretenir sa passion pour le vin.