lundi 13 octobre 2025
Le barman du Ritz

Le barman du Ritz

C’est le titre d’un livre dont j’ai terminé la lecture il y a quelques jours. L’auteur, Philippe Collin y relate un pan de l’histoire de la seconde grande guerre, au moment où les Allemands occupent Paris. Dans ce Paris assiégé dès 1940, les soldats de la Gestapo réquisitionnent le célèbre hôtel Ritz de la Place Vendôme pour vivre leurs mondanités à la française.

Le meilleur barman du monde

Franck Meier, tient les rênes du bar de l’établissement parisien de renommée internationale. Depuis des années tout le gratin artistique français fréquente son bar et savoure les nombreux cocktails qu’il crée et dont lui seul a le secret. Sacha Guitry, Jean Cocteau et Coco Chanel y ont leurs habitudes mais également des personnages célèbres comme Ernest Hemingway, auteur américain et correspondant de guerre ou auparavant Marcel Proust qui y a rédigé une large partie de son illustre roman, À la recherche du temps perdu. La réputation du barman Meier, tient de ses nombreuses créations mais aussi d’un livre intitulé L’Art du Cocktail dans lequel il livre plus de 300 recettes de prêts à boire dont plusieurs inventions. En outre, selon le profil d’un client régulier dont il connaissait les préférences, il lui arrivait d’élaborer sur le champ un nouveau panaché qui plairait à coup sûr à son invité. Aujourd’hui on appelle cela un service personnalisé !

Un savoureux mélange de réalité et de fiction

L’auteur Philippe Collin réussi lui-aussi des assemblages savoureux tant la fiction qu’il déploie dans le livre épouse à merveille les contours historiques de cette triste époque parisienne. Car à la jet-set du moment se mêlent les généraux allemands comme Goering et leurs subalternes qui s’enivrent et se laissent aller à des confidences que recueille le barman Franck Meier. Et l’auteur de romancer avec l’ajout de quelques intrigues amicales et amoureuses tournant autour de personnages secondaires joliment dépeints dans l’ouvrage. En revanche, la maîtresse des lieux, omniprésente et au caractère bien trempé, Marie-Louise Ritz était tenue à distance des nombreux secrets que détenait son prestigieux barman. Une lecture à la fois instructive et fort divertissante.

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Une façon personnelle d’achever ma lecture

Quant à moi, j’ai conclu cette passionnante lecture de manière quelque peu originale. Sachant que je serais à Paris à la mi-juin, je m’étais gardé les derniers chapitres pour les lire dans les lieux mêmes où s’est déroulée l’intrigue qui me captivait depuis des semaines. Je me suis donc rendu au Ritz de Place Vendôme et me suis attablé dans le jardin qui jouxte le célèbre bar, aujourd’hui bien transformé, où officiait Franck Meier il y a de cela plus de 80 ans. J’ai commandé un verre de rosé et avaler d’un trait…les dernières pages de mon roman. Assurément, je relevais la tête de temps à autres pour scruter certains détails physiques de l’auguste demeure, chargée d’histoire. Bref, je me faisais le film dans ma tête.

Au bout d’un moment au serveur, à l’œil soupçonneux et avisé, j’ai expliqué ma démarche. Loin d’adopter un air moqueur ou désabusé, il s’est au contraire montré intéressé, voire flatté, de mon initiative. Il m’a fait un brin de jasette pour m’expliquer que l’auteur Philippe Collin, était venu régulièrement sur les lieux pour s’inspirer et questionner les barmen au moment de l’écriture de son livre…ce que je savais, vous l’aurez deviné !  Conséquemment, je me suis dit « pourquoi ne pas pousser l’exercice jusqu’au bout ? ». Or, j’ai rapidement trouvé les coordonnées de l’auteur sur internet et j’ai osé lui envoyer un gentil message avec une photo du barman du Ritz en lui disant que j’étais venu terminer ma lecture, de son livre, au bar du Ritz ! Sans doute une bouteille à la mer…

Plus tard, au moment de régler l’addition, le barman du Ritz (celui de 2025), aussi zélé que professionnel m’a glissé à l’oreille, « vous voulez visiter les galeries intérieures de l’hôtel ? venez je vous emmène ». C’est l’esprit guilleret que je l’ai suivi quelques minutes dans les méandres du mystérieux hôtel où j’avais l’impression d’occuper les lieux depuis quelques jours. Et le voici qui me montre les nombreuses boutiques privées et différents salons plus cossus les uns que les autres. Puis dans un de ces salons aux tons surannés, mon guide m‘indique la table à laquelle s’asseyait régulièrement Marcel Proust pour méditer et écrire. Enfin, il me dirige vers l’entrée du prestigieux bar Hemingway. Point d’orgue de cette courte visite, car je venais tout juste de lire dans le dernier chapitre de mon bouquin, qu’Ernest Hemingway fut le premier client à forcer la porte du bar de Franck Meier en ce mois d’août 1944 quand les Allemands furent boutés hors de Paris par les alliés venus libérer la Capitale française.

En terminant, alors que je salue bien bas mon hôte, le remerciant de son accueil chaleureux et empressé voilà mon téléphone qui vibre. Je vous le donne en mille…c’est l’auteur Philippe Collin qui me répond et me félicite pour ma démarche. Comme quoi, il faut parfois oser.

Voilà, la boucle est bouclée !

À propos de l' auteur

Jean Chouzenoux a travaillé 35 ans à la Société des alcools du Québec, y a occupé différents postes de gestion aux ventes, aux communications et à la commercialisation.
 
Membre de nombreuses confréries bachiques et gastronomiques et animateur de tournées viticoles dans le vignoble européen. Juré dans les concours internationaux de dégustations, fut chroniqueur sur les vins à la radio et collabore ponctuellement au magazine Prestige de Québec.
 
Installé à  Nice depuis 2010, où il continue d'entretenir sa passion pour le vin.