vendredi 3 mai 2024
Cong-Bon Huynh

Cong-Bon Huynh

Il a été chef exécutif, chef corporatif, et maintenant chef enseignant. Mais il préfère se présenter tout simplement comme un cuisinier. Car pour lui, c'est le vrai titre pour quelqu'un qui vit avec la passion de la cuisine, dans son sens le plus large qui allie l'action de se nourrir avec les dimensions culturelles et sociologiques. Maîtrisant la cuisine occidentale aussi bien que la cuisine orientale, il est depuis les 15 dernières années, enseignant dans différentes grandes écoles hôtelières à Montréal, s'occupant minutieusement de la relève pour la cuisine au Québec. Lire la suite...

jeudi, 02 mai 2019 08:00

L'éboueur de cœurs brisés

Il y a des métiers qu'on aimerait inventer. Moi, par exemple, j'aimerais inventer le métier d'éboueur de cœurs brisés. 

L'éboueur qui s'agrippe derrière le camion à vidanges comme un acrobate de talent fait un métier exigeant, mais en général, quand on le croise sur le trottoir lorsqu' on est en retard pour sortir nos vidanges, on aperçoit souvent que c'est un personnage somme toute souriant malgré l'exigence du métier. Et quand l'éboueur ramasse quelque chose que le monde jette mais qui semble encore bon, il regarde, il examine un moment pour voir si c'est réparable avant de le jeter définitivement dans son camion à vidanges.

Et si c'est réparable, l'éboueur l'emmène chez lui, et dans son sous-sol, il essaie de recoller les morceaux en bricolant le mieux qu'il peut, de le réparer pour que ça marche, ou que ça refonctionne, pour lui donner une deuxième vie.

Je vois d'autre part, souvent sur le fil des médias sociaux, des gens malheureux dans leurs histoires de cœur, l'un qui pleure une séparation, l'autre qui s'essuie une larme pour un départ non voulu, ou une rupture non souhaitée avec sa/son bien-aimé/e.

Alors pourquoi pas un métier d'éboueur de cœurs brisés? L'éboueur ramasse le sac de vidanges, découvre qu'il y a un cœur brisé dans le sac de vidanges, l'apporte chez lui, puis essaie de recoller les morceaux. Puis le lendemain, il redépose sur le trottoir, à la place où il a trouvé la veille, le cœur recollé avec de la Krazy Glue, en espérant redonner à la personne une nouvelle vie toute neuve, effacée de tout chagrin du passé.

Oui, un métier à inventer : éboueur de cœurs brisés. Et ce n'est certainement pas un métier au salaire minimum, ce métier-là.

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dimanche, 07 avril 2019 14:42

Le Gordon Ramsay du couple

J'écoutais dernièrement l'émission Hell's Kitchen, du chef Gordon Ramsay. Comme vous le savez, dans cette émission de cuisine, les apprentis ne sortent que rarement des assiettes qui soient au goût du chef Ramsay. Le chef Ramsay, dans tous ses états, hurle après ses cuisiniers en disant soit « les pétoncles sont trop cuits » ou « pas assez cuits », ou que « le bœuf Wellington est complètement raté ». Le cuisinier, tout piteux, court comme une poule sans tête et recommence sa cuisson, remontre son assiette de pétoncles pour une 2e fois, une 3e fois, et le chef Ramsay, la fumée sortant de ses narines comme un taureau sur le point de foncer sur le toréador, répète son jugement assassin : « Nonnn, ce n'est pas cuit correctement encore!!! », agrémentant sa phrase de mots pénétrants.

congbon ramsay

J'écoutais l'émission et tout à coup, je réalisais que ben oui... c'est donc ça! Il y a bien des couples qui se soient inspirés des situations de Hell's Kitchen dans leur vie. Ainsi, lors de leurs différends, l'un se plie en quatre pour dénouer l'impasse et l'autre dit « Nonnnn, ce n'est pas ça ». L'autre dit que ce n'est pas ça, mais ne donne jamais, au grand jamais, une piste pour que son conjoint puisse savoir ce qui marche pas.

Si le chef Ramsay, quand il dit que les pétoncles ne sont pas cuits correctement, mais qu'il voit qu’ils sont trop cuits, alors il peut dire au cuisinier une piste de solution : « Cuis-les une minute de moins, alors ce sera parfait, et ce ne sera pas dur comme une semelle ». Alors le cuisinier aura une piste pour s'aligner et réussir correctement.

Revenons au couple. Si, lors d'une chicane malheureuse, l'un des deux se prend pour le Ramsay du couple, svp, donnez une piste à l'autre pour qu'il puisse avoir une idée pourquoi ce n'est pas à votre goût. Une indication, un indice, une direction... sinon, le Hell's Kitchen sera tout simplement le hell dans la vie de tous les jours du couple.

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samedi, 16 mars 2019 09:42

Le cuisinier-artiste

Le cuisinier n'est pas un artiste peintre qui connaît par cœur les couleurs de l'arc-en-ciel, qui ne forme le prisme de la lumière, ni les belles nuances de dégradé d'une couleur à l'autre...

Mais si on lui demande quel est le plus beau dégradé qui existe dans la nature, il va répondre immanquablement que le plus beau dégradé qui existe, c'est quand il verse une cuillerée d'huile d'olive à côté d'une cuillerée de vinaigre balsamique, et qu’il mélange ensuite délicatement le vert or pâle transparent de l'huile avec le noir profond du balsamique, et la zone où les deux liquides se mélangent ensemble forme le bel enchevêtrement... et c'est ça, pour le cuisinier, le plus beau dégradé que la nature puisse donner.

Van Gogh, Monet ou Pollock, le cuisinier ne connaît pas. Mais huile d’olive et balsamique, c’est pour lui de l'art pur, dans lequel il peut, en plus, tremper délicatement un morceau de pain pour le déguster. De façon surprenante, il adopte les mêmes gestes avec lesquels le peintre donne des coups de pinceau sur les couleurs de peinture sur sa toile, afin d’obtenir un harmonieux dégradé.

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dimanche, 24 février 2019 13:03

Le cadeau d'anniversaire

L’anniversaire approche. Pour cette grande fête qui marque, il a vu ses amis s’acheter de beaux cadeaux. Une belle bague, une gâterie dispendieuse, un beau voyage dans le sud… Il est évident que pour un anniversaire de vie commune, dans un couple, on ne lésine pas sur les moyens. Surtout si le nombre d’années de vie commune est un chiffre qui marque, un chiffre pair ou une année de changement de décennie. Il a beau réfléchir, en mémorisant ce que ses chums de gars ont fait. Il y en a même un qui s’est payé le véhicule dont ils rêvaient, lui et sa blonde… Il a donc pensé, soupesé, évalué. Un gros cadeau qui rencontrera ses attentes, mais surtout dans l’espérance que sa blonde qui va être bien heureuse.

Il est allé voir un bijoutier, un agent de voyage, un concessionnaire d’autos. Les offres sont toutes alléchantes, les unes comme les autres. Après avoir réfléchi plusieurs jours, il prend finalement rendez-vous pour finaliser l’achat de son cadeau de fête d’anniversaire de X années vie commune. Mais à la dernière minute, il a cancellé son rendez-vous pour acheter le cadeau… Il se dit que le cadeau qu’il va donner, il faudrait vraiment qu’il soit digne… plus que n’importe autre chose qui existe.

Le chèque qu’il pensait utiliser pour payer son gros achat, il l’utilisa plutôt comme suit: à la place du nom à qui le chèque est payable, il a écrit le nom de sa conjointe. Et à la ligne de la somme, il a écrit: « Pour toi, pour notre anniversaire, je vais changer une chose; pour toi. Dis-moi ce que tu n’aimes pas de moi, ce que tu aimerais que je change, et je le ferai pour toi, sans condition, sans poser de question ».

Ainsi, comme cadeau d’anniversaire, il a fait à sa blonde un cadeau bien plus personnel et qui exige une volonté exceptionnelle pour le faire, car chacun de nous a ses habitudes de vie bien ancrées, et il se peut fort bien que nos habitudes ne plaisent pas à une vie commune. Mais que l’autre endure sans le dire depuis des années, par crainte, ou pour plusieurs autres raisons, de briser une harmonie bien établie. Et elle endure comme un mal nécessaire.

«Dis-moi ce que tu aimerais que je change». C’est un cadeau qu’il n’a presque pas les moyens de se procurer, mais il a osé le faire. C’est différent d’une grosse dépense pour un voyage ou autre, pour laquelle on a l’argent pour se l’offrir. Mais on ne prend pas toujours les moyens pour dire à l’autre combien on l’aime et qu’on est prêt à tout pour elle, pour son bonheur à elle dans la vie qu’elle vit avec nous. 

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vendredi, 15 février 2019 09:55

La Saint-Valentin

Je me souviens, il y a plusieurs années déjà, de la première petite amie que je ramenais à la maison. Ma mère, étant très classique et conservatrice, passait un vrai interrogatoire à ma petite amie. Il en fut de même à travers mes années d'ado, avec mes autres petites amies que je ramenais chez moi. Et ma mère, comme vous l'avez deviné, elle avait son opinion sur tout : « Ah, celle-là, elle trop différente de toi, ça ne marchera jamais ». Et puis pour une autre, elle trouvait qu’elle était trop semblable à moi, alors ça ne durerait pas, selon elle.

Ces deux constatations m'ont hanté toute ma vie.

Puis, la vie suit son cours. Je gagne ma vie avec le métier de cuisinier, puis un jour, en assaisonnant un plat, la réponse m'est apparue d'un coup...

On met du sel dans un plat, puis on ajoute du poivre pour balancer le plat, et ainsi le plat devient bien équilibré et bien dosé.

Tandis que pour d'autres plats, on met du sel, mais des fois on met aussi de la sauce soja pour que ce soit plus goûteux, plus riche, plus rond, plus stéréo...

Alors que notre bien-aimée est très différente de nous, comme on est le sel, et elle le poivre, ensemble, c'est un bon complément.

Ou qu'on est le sel et elle la sauce soja, on se ressemble, alors on se comprend comment qu'on est, l'un et l'autre.

Qu'on se ressemble ou qu'on soit complémentaires, les deux cas sont valables. Ce n'est pas ça la question. Car dans les deux cas, le plat va être super bon quand même. Ce qui est bien plus important, c'est vers où on veut s'en aller ensemble. Et c'est plutôt de ça que ma mère n'a pas tenu compte. Ou bien elle n'a pas trop compris l'amour pendant toute sa vie...

En ce jour de la Saint-Valentin, peut-être une petite pensée... à savoir que votre bien-aimée, elle est le poivre ou la sauce soja? Complémentaire ou semblable à vous?

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Ces temps-ci, c'est le moment où les gens se réunissent pour les différents partys de Noël. Hormis les partys au restaurant, beaucoup ont opté pour le faire chez l'une des personnes du groupe. Et dans la grande majorité des cas, chacun apporte un plat, ne laissant pas le grand fardeau à l'hôte de la maison de recevoir et de faire aussi le grand repas pour tout le monde.

Donc l'un apporte de délicieuses crêpes farcies, l'autre une belle salade bien raffinée, etc. On dirait un peu comme si chacun essayait de montrer aux autres à quel point il se débrouille bien en cuisine et c'est son plat signature qu'il apporte à la fête. Mais aussi, immanquablement, il y en a un dans la gang qui apporte les mini saucisses cocktail baignées dans une sauce archisucrée et piquées avec des cure-dents. C'est comme le plat-qui-jure-de-service qui est mis sur la table commune et qui essaie de rivaliser avec les plats concurrents que d'autres ont pris tant de soin à faire, et à réussir cette recette sortant directement d'un livre de Ricardo ou de Cuisine futée.

Voilà, je vous ai tracé le portrait de la situation, des partys de fête, genre potluck, soit à domicile ou dans les bureaux.

Maintenant, c'est plutôt de ce point dont j'aimerais parler :

À la fin de ce party de Noël, avez-vous vu la quantité astronomique de bouffe qui reste? Il semble que tout le monde s'efforce à se dépasser pour réussir sa recette, mais que très peu s'attarde à doser la bonne quantité, ou presque exacte pour qu'il n'en reste pas (trop). On néglige tout le temps cet aspect des restes, de surabondance, de ne pas penser qu’il y en a qui n’en ont pas assez pour se nourrir quotidiennement.

Mais ce que je pense ici, ce n'est pas un commentaire sur le gaspillage de nourriture. Mais plus une petite réflexion que si les gens ont une si grande largesse dans la préparation des potlucks noëlleux, il serait tellement beau dans la vie que ces mêmes gens soient généreux dans leurs sentiments: aimer d'une façon minutieuse en suivant attentivement la recette venant d'un livre de Ricardo-de-l'amour, et aimer sans penser à la quantité à aimer. Aimer en se foutant carrément de ce qu'il reste sur la table après le party, ou tout simplement... aimer l'autre sans compter.

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samedi, 08 décembre 2018 11:21

L'effiloché de canard à la cervoise

Le menu du restaurant existe depuis quelque temps. Le cuisinier qui exécute le menu connaît bien ce dernier. Ça fait des milliers de fois qu'il fait cet « effiloché de canard à la cervoise ». L'assaisonnement, mille fois répété, est au point sublime qu'il peut dorénavant le faire les yeux fermés.

Tellement que maintenant, le cuisinier le fait par cœur; une pincée de ci, une touche de ça, et ça tombe pile. Tellement qu'il n'a plus besoin de goûter pour connaître le résultat. Et qu'il ne goûte plus, tellement il est sûr de son coup.

Tellement qu'il est confiant, comme un acquis dans la vie, comme dans la vie de couple où l'un ou l'autre tient pour acquis qu'on n’a plus besoin de s'occuper de l'un et de l'autre.

L'« effiloché de canard à la cervoise » a parfois besoin de se faire demander si tout va bien… Peut-être aimerait-il quelquefois avoir un peu plus de branches de thym. De temps en temps, il espère recevoir une attention particulière... qui ne vient pas, car le cuisinier connaît trop bien sa routine.

Ne serait-ce pas aimable si le cuisinier, de temps à autre, demandait à l'effiloché : « Es-tu bien assaisonné aujourd'hui, effiloché? » et le goûtait quelques fois au lieu de le servir machinalement aux clients sans le goûter, jour après jour.

Ne serait-ce pas aimable aussi si ce soir, tard, lorsque vous rentrerez chez vous, collègues cuisiniers, après votre quart de travail, aux petites heures - bien sûr, elle dormira déjà - et que vous la réveilliez doucement... Et quand ses yeux s'ouvriront pour vous apercevoir, vous lui demandiez doucement : « Es-tu heureuse? ».

On ne demande jamais assez à l'autre si elle est heureuse à nos côtés. Soit qu'on est noyé dans la routine, soit affreusement qu'on tient pour acquis qu'elle est là, à nos côtés, pour toujours...

Ou bien on ne le demande pas, par peur qu'elle ne nous réponde par un non.

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samedi, 24 novembre 2018 08:42

Les doigts du nouveau-né

Les nouveau-nés fascinent bien le monde. Certainement les parents et la famille. Et immanquablement, on remarque les doigts du nouveau-né et tout le monde s'exclame : « Ahhh, il a de longs doigts, il va être pianiste! »

(Bien sûr il y a juste avec les doigts qu'on peut faire des suppositions comme ça, car tout le reste se prête mal à des comparaisons quant à l’avenir.)

Le cuisinier... il regarde la scène et il soupire. Pourquoi "longs doigts" est automatiquement associé à "pianiste"? Le cuisinier, il dira plutôt : « Ahhh, il a des longs doigts, ce bébé; plus tard, il va faire de superbes juliennes ou de belles brunoises de carottes! »

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dimanche, 11 novembre 2018 09:16

La peine d'amour

C'est il y a quelques années déjà. J'étais dans une période sombre de la vie. Je m’enfermais physiquement et mentalement. Je ne voyais pas le bout du tunnel et je dépérissais.

Une amie est venue cogner à ma porte et insistait pour me sortir de mon isolement. Elle m’a proposé juste une marche, une simple marche dans le quartier. Inutile de dire qu'elle a dû insister pour que je la suivisse pour la marche.

Alors on marchait, puis passant devant une maison où il y a des fleurs, elle m’a demandé: « C’est quoi la couleur de cet arbuste de roses? ». J’ai répondu « Rouge ». Plus tard, elle demande une autre couleur d’un autre arbuste de fleurs. J’ai répondu encore. Mais de plus en plus, elle choisissait des fleurs avec des couleurs qui ne sont pas courantes comme rouge ou jaune.

Je ne savais pas la couleur exacte, alors je m’impatientais. Elle insistait en souriant: « Essaie de trouver le nom de la couleur ». Je repris mon calme puis je me forçai à trouver la bonne couleur. Si je ne savais pas la couleur, j’essayais de décrire la couleur avec des mots qui racontent une situation, une comparaison. Par exemple, une fleur couleur jaune-mangue-comme-la-mangue-de-la-fois-où-j’ai-fait-des-rouleaux-de-printemps-l’été-dernier. C’était bien long le nom de la couleur, mais ça décrit bien la référence.

Alors, de fil en aiguille, je pouvais répondre à toutes les couleurs inimaginables des fleurs sur le chemin de la promenade du quartier.

À la fin de la promenade, j’ai demandé à mon amie pourquoi elle avait fait tout ça ? Elle m’a répondu que c’était une façon pour que je me force à quitter mes nuages noirs pour penser à autre chose, de belles choses dans la vie… qui existent quand même. Elle m’a même suggéré de le faire avec n’importe quoi dans mon appartement: décrire les couleurs de n’importe objet de mon appartement, ou bien de dire à voix haute ce que je ressentais avec toutes les épices de mon armoire à épices: la-douceur-des-herbes-de-Provence-la-fois-où-j'ai-fait-les-cuisses-de-canard-confit-pour-ton-pâté-en-croûte.

Elle me suggéra fortement d’essayer et si j’étais d’accord, elle reviendrait demain pour une autre marche. J’ai essayé son truc et j’ai constaté que c’était un truc bien simple, mais ça me permettais d’avoir la clé pour ouvrir la porte de tristesse derrière laquelle je m’étais embarré. La clé, c'était juste de me forcer à trouver la bonne couleur des choses banales qui m’entouraient, qui existaient là, et qu'on ignore tellement lorsqu'on vit une grosse déception. 

Comme quoi la somme des petites choses peut vaincre une grosse peine, comme des gouttes d'eau qui tombent un millier de fois peuvent éroder même un gros rocher de tristesse.

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lundi, 29 octobre 2018 21:07

Histoire d'Halloween

Il n'y avait pas de fête d'Halloween quand j'étais jeune. En tout cas au Vietnam, le temps que je vivais ma jeune enfance. Mais je me souviens quand même, une année quand j'avais 6 ans, je crois. J'étais à l'école, puis la maîtresse de ma classe avait reçu une boîte de chocolat en cadeau. C'était tout un événement. Elle avait ouvert la boîte dorée en métal et il y avait plein (environ une trentaine, mais avec les yeux émerveillés que j'avais, c'était plein plein) de chocolats, emballés individuellement avec du papier alu doré. Un genre de rocher Ferrero. Elle en offrait à tout le monde en classe. On était fous comme des balais, contents et qu'on trouvait notre maîtresse tellement adorable. J'ai des copains qui bouffaient son choco d'un coup, d'autres en petites bouchées pour faire durer le plaisir. On a quand même juste un choco, chacun...

Je ne le mangeais pas mon chocolat à moi que je recevais de ma maîtresse. Je le glissais dans ma poche de pantalon et je gardais ma main dans la poche de pantalon, de peur que le chocolat s'enfuît ou disparaisse. Rendu à la maison, je n'osais dire à personne, surtout à mes frères qui sont plus vieux que moi, qui vont certainement me le piquer et bouffer mon précieux butin. Je cherchais donc une cachette pour le cacher. Je réfléchissais longtemps pour trouver une cachette bien sécure, qui n'est pas dans ma chambre, ni dans la maison. Et la meilleure place pour moi avec mon petit cerveau de 6 ans, c'est en-dehors, derrière la grande jarre d'eau de pluie (toutes les maisons au Vietnam ont des grosses jarres pour recueillir l'eau de pluie, pour usage domestique), juste derrière la porte qui donne sur le jardin.

Les jours qui suivent, chaque jour, je passais par là, pour surveiller mon morceau de chocolat. Et quand je le voyais, mon précieux morceau de chocolat, mon petit cœur se remplissait de bonheur. Mais la journée d'après, comme un rituel, aussitôt que je revenais de l'école, je me dépêchais pour aller voir mon morceau de chocolat dissimulé derrière la jarre d'eau de pluie. Et horreur, mon cœur s'arrêta de se battre, ou plutôt il battait à toute vitesse en voyant le spectacle désolant: une colonne de grosses fourmis qui est en train de dévorer mon précieux morceau de chocolat. Le papier alu doré tout déchiqueté, et le rocher de choco, il en reste juste le quart, et... et une colonie de fourmis à perte de vue à queue-leu-leu qui disparait dans le gazon du jardin. Et sur ma joue, des larmes qui ruisselaient, aussi malheureuses qu'une histoire d'amour qui se brisa en mille morceaux.

Plus tard, bien plus tard dans ma vie, je me souviens toujours de cet épisode de cette profonde cicatrice dans mon petit cœur d'un garçon de 6 ans. Une blessure qui m'a appris que dans la vie, il ne faut pas attendre pour apprécier les choses qu'on a. Sinon ça risque de disparaitre avec un pouf! inattendu. C'est tellement vrai ça... que je vois souvent les gens dire qu'il faut dire à ceux qu'on aime, qu'on les aime là-là, car un jour quand ils disparaissent et alors on va manquer l'occasion de le dire qu'on les aime et que de regrets à ruminer toute la vie restante.

À mes enfants, moi je leur dis souvent combien je les aime. Tellement que des fois ma fille me reproche coquinement : «Papa, tu me dis souvent que tu m'aimes car tu as peur que ton «je t'aime» soit bouffé par les fourmis, si tu ne le dis pas?»

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