mardi 16 avril 2024
La génoise

Il est rare que les étudiants en cuisine que j'ai, année après année, aiment à la folie le module de pâtisserie. Il y en a quelques-uns par classe, mais la plupart se disent qu'ils sont des cuisiniers après tout, des « artistes du salé », tandis que le « sucré », c'est pour les vrais pâtissiers.

La raison qu'ils me donnent, c'est qu'avec un morceau de viande, quand ils le travaillent, ils le voient se transformer devant leurs yeux, comme en direct. Alors que dans la pâtisserie, ils disent qu'on travaille dans le noir, à l'aveuglette, sans savoir ce qui va se passer ensuite. Comme lorsqu'on fait une génoise; on fouette, on fouette, mais on ne sait jamais si le gâteau va lever ou non, et à quel niveau il va lever.

J'écoute ce raisonnement et je me dit : « C'est vrai ce que vous dites, les gars (et les filles)... Mais savez-vous que c'est exactement, la vie qu'on vit? »...

On vit en prévision, dans la supposition, un peu dans le noir, en espérant que ce sera ça, en prévoyant des choses...

C'est en prévoyant les coups qu'on réussit à éviter le pire.

C'est en prévoyant quand notre conjoint commence à nous distancer qu'on peut réparer et se rapprocher à nouveau.

C'est en prévoyant que le « mon amour » par lequel notre conjoint nous appelle au début d'une relation ne devienne pas qu'un simple prénom impersonnel comme un « pierre-jean-jacques » sans saveur, comme un verre de boisson gazeuse plein de glace qui se transforme en une boison gazeuse bien fade, plus eau queboisson gazeuse, une fois que tous les glaçons auront fondu...

C'est en prévoyant, comme lorsqu'on fait une génoise, qu'on fouette de toutes nos forces et sans arrêt, pour espérer qu'une belle relation monte et reste montée solide comme une belle génoise réussie.

Sans jamais retomber à cause du « prend-pour-acquis » ravageur et destructeur du temps.

Cong-Bon Huynh
Mon Facebook
Mon Linkedin
#seulaubaravecunebière

À propos de l' auteur

Il a été chef exécutif, chef corporatif, et maintenant chef enseignant. Mais il préfère se présenter tout simplement comme un cuisinier. Car pour lui, c'est le vrai titre pour quelqu'un qui vit avec la passion de la cuisine, dans son sens le plus large qui allie l'action de se nourrir avec les dimensions culturelles et sociologiques. Maîtrisant la cuisine occidentale aussi bien que la cuisine orientale, il est depuis les 15 dernières années, enseignant dans différentes grandes écoles hôtelières à Montréal, s'occupant minutieusement de la relève pour la cuisine au Québec. Lire la suite...