Voici comment Louis XIV a contribué à faire pousser la vigne et produire du vin en Afrique du Sud : une sordide affaire de magie noire et d’empoisonnements secoue la cour de Louis XIV, le Roi-Soleil dès 1672. Quatre cents personnes sont accusées et condamnées. Une partie de l’aristocratie française était impliquée dans des affaires de magie noire. Une des condamnées au bûcher accusa la maîtresse officielle du roi, Mme De Montespan, de s’être livrée chez-elle à des messes noires dans le but de conserver son pouvoir sur le souverain, et d’avoir acheté des poisons pour éliminer des rivales. Mme De Montespan fut bannie de Versailles et en 1691 elle choisit de se retirer dans le couvent de nonnes de Saint-Joseph à Paris pour expier ses fautes. Le roi fut déstabilisé et écœuré par cette affaire qui le touchait profondément et qui salissait sa cour.
Madame de Maintenon avait été admise au service de madame de Montespan en 1669, comme gouvernante des sept enfants que le roi avait eus avec elle. Quand le roi les légitima dès 1673, Madame de Maintenon fut admise officiellement à la cour où elle rencontrait souvent le roi en tant que gouvernante de ses enfants. Elle profita du renvoi de sa patronne pour devenir la confidente du roi, avec l’aide du Parti Dévot qui était puissant. Elle invitait le roi à méditer sur la façon de sauver son âme de la damnation éternelle, à se repentir de sa vie débauchée, et réussit à le dominer en le terrorisant. En octobre 1683, quelques mois après le décès de la reine Marie-Thérèse d’Autriche, le roi veuf épousa en secret Mme de Maintenon. Louis XIV avait alors 45 ans. Il était malade et vieilli prématurément, mais vivra encore 32 ans et aura le temps de commettre bien des fautes politiques. Versailles, qui était réputé pour ses fêtes, devint un palais terne que les nobles délaissaient. Le Parti des Dévots eut alors le champ libre. Leur objectif avoué, c’était la destruction des huguenots et l’éradication du protestantisme de France. Ils ne réussirent que très bien.
Henri IV, le grand-père de Louis XIV, avait signé l’Édit de Nantes le 30 avril 1598 et avait mis fin aux guerres de religion qui avaient ruiné la France entre 1560 et 1610. Cet édit concédait aux protestants le droit de pratiquer leur religion à certaines conditions et leur accordait 100 places fortes en France. Sous la coupe de Mme De Maintenon, Louis XIV révoqua l'édit de Nantes le 18 octobre 1685. Le culte protestant fût interdit, les temples détruits, plus de 200 000 protestants furent contraints à l’exil aux Pays-Bas, en Angleterre, en Prusse et en Amérique. Les conséquences pour la France ont été désastreuses, car la religion protestante exhortait les fidèles au travail, à l’étude et à l’abstinence. De grandes fortunes quittèrent la France, ainsi que des intellectuels, des professeurs, des techniciens de grande valeur et des fermiers expérimentés. La France connut une grave crise financière.
Les Pays-Bas furent les grands bénéficiaires de cette immigration huguenote française. Ce sont eux qui ont développé la culture des tulipes et amélioré l’élevage laitier qui y est parvenu à cette grande qualité qu’on lui connaît. Par contre, les vignerons français se trouvèrent en difficulté car les terres du Pays-Bas n’étaient pas favorables à la culture de la vigne. Depuis des siècles, les marchands de ce pays, comme ceux d’Angleterre importaient leurs vins de la région de Bordeaux et leur cognac de la Charente et des quelques communes de la Dordogne et des Deux-Sèvres. Louis XIV leur interdit d’exporter aux Pays-Bas et en Angleterre. Les Anglais se tournèrent alors vers la région de Porto, au Portugal, et développèrent le commerce du porto. Les Hollandais firent la même chose et encore aujourd’hui, il y a plusieurs grands producteurs de Porto qui portent des noms hollandais. Ils convainquirent aussi 200 familles vigneronnes françaises, de religion protestante, de s’installer en Afrique du Sud à côté des Boers, les paysans hollandais. Chaque famille reçut de 15 à 30 hectares — ainsi que les outils et les ceps nécessaires. Les huguenots se sont fixés à une soixantaine de kilomètres au nord-est du Cap, entre Paarl et ce qui devait devenir le Franschhoek, le «coin des Français».
Aujourd’hui, le Franschhoek est un petit village charmant situé à 80 kilomètres à l’est du Cap, au cœur de la région des vins. Il fait partie du Triangle d’Or des vignobles avec Stellenbosch et Paarl. Malgré ses airs hollandais avec son architecture Cape Dutch, typique de la région, l’endroit rappellera à tout français le bon souvenir du pays. Franschhoek ne signifie pas «le coin des Français» en afrikaans pour rien! On peut, par exemple, déguster du vin au domaine de «Grande Provence», dîner à «La Petite Colombe», l’un des meilleurs restaurants du pays, et loger à «La Petite Ferme». Le seul hic est que personne ne parle français, car il y a eu une empoignade très vicieuse entre Afrikaners et Anglais pour imposer leur langue aux dix-huitième et dix-neuvième siècles, dont les Français ont fait les frais.
Advini, le puissant groupe viti-vinicole français, possède 5 propriétés de prestige en Afrique du Sud : L’Avenir, Le Bonheur, Ken Forrester Vineyards, Kleine Zalze et Stellenbosch Vineyards.
Je vais vous présenter l’Avenir et son plus récent vin, qui est le Pinot Grigio 2024, une pépite d’or.
Le domaine de l’Avenir est situé sur les flancs du mont Simonsberg, à Stellenbosch. Il se trouve au cœur de l’appellation la plus prisée d’Afrique du Sud. Le sol de ce terroir est de schiste et de Glenrosa. C’est un domaine viticole de premier plan qui est spécialisé dans les vins issus des cépages emblématiques d’Afrique du Sud que sont le Pinotage et le Chenin blanc et qui produit depuis très récemment un charmant Pinot gris.
L’histoire de ce domaine remonte à la fin des années 1600, lorsqu’il a été un des tout premiers sites identifiés pour la culture de la vigne par des colons français protestants réfugiés, qui se sont installés à Stellenbosch pour faire du vin.
Le domaine a été rebaptisé L’Avenir en 1992 par Mark Wiehe, un homme d’affaires mauricien, qui a abandonné sa carrière de négociant en sucre à Londres pour racheter cette ferme.
Wiehe a nommé François Naudé, reconnu pour ses vins ciselés, vigneron de L’Avenir, et le domaine a rapidement acquis une reconnaissance pour son Pinotage et son Chenin blanc qui se sont avérés remarquables. En 2005, L’Avenir a été racheté par Michel Laroche, le propriétaire de la prestigieuse propriété chablisienne Laroche en France.
En 2007, sous le mentorat de Naudé, l'actuel vigneron Dirk Coetzee a rejoint la ferme après avoir obtenu son diplôme en viticulture et œnologie à l'Université de Stellenbosch. Ce jeune et talentueux œnologue a joué un rôle déterminant dans la mise en valeur des vignobles exceptionnels de L’Avenir, en créant la célèbre gamme L’Avenir Single Block.
Portrait de Dirk Coetzee. Crédit photo : Advini
En 2010, la famille Jeanjean a créé AdVini et a acquis les vignobles de Michel Laroche, dont L’Avenir à Stellenbosch. Cela a marqué le début d’une nouvelle ère pour L’Avenir, qui a intégré un des groupes vinicoles parmi les plus acclamés et primés au monde.
L'approche œnologique de L'Avenir se concentre sur une intervention minimisée, une gestion méticuleuse des vignobles et une récolte manuelle au travers d’une équipe multigénérationnelle de travailleurs agricoles. Dans la cave, ils recherchent à exprimer l’intensité et la pureté du fruit qu’ils obtiennent dans la vigne.
L’Avenir produit des vins sud-africains authentiques, avec une touche française. Les vins de L’Avenir ont une clientèle de passionnés et sont exportés dans plus de 30 pays.
L’Avenir : Pinot Griggio. Crédit photo : Advini
J’ai dégusté le Pinot Grigio du Vignoble L’Avenir millésime 2024, un vin blanc qui exprime parfaitement le terroir de la région de Stellenbosch. Cépage 100 % Pinot gris, 12,5 % d’alcool, taux de sucre résiduel seulement 2,9 g/L, acidité de 5,7g/L.
Les vignobles sont situés sur des pentes exposées à l’ouest dans la région de Devon Valley à Stellenbosch. Elles bénéficient du soleil de l’après-midi et des brises rafraichissantes de l’océan Atlantique. Les vignes sont cultivées en palissage à 5 fils. Les raisins sont vendangés à maturité et macérés avec les peaux pendant deux jours avant la fermentation, qui est faite exclusivement en cuves d’acier à une température contrôlée de 13 à 15 degrés Celsius.
Robe or-pâle, cristalline. Parfum de melon, poire, pêche et fleur d’oranger. Une note miellée et des effluves gourmandes de fruits secs, d’abricot et de cire d’abeille.
En bouche c’est un vin pur, léger, croustillant et vibrant à la fois. Il est d’une grande finesse, soutenue par une jolie tension. En finale il est long et savoureux.
Ce Pinot Grigio est parfait en apéritif, mais il se marie aussi très bien avec des poissons, des sushis, des viandes blanches, des pâtes crémeuses et des fruits de mer. Pour qu’il livre toute sa complexité aromatique, je suggère de le mettre en carafe une trentaine de minutes.
L'Avenir Pinot Grigio Stellenbosch 2024, est disponible à la SAQ : code 15401296. Prix 14,95 $.
Roger Huet
Chroniqueur vins et spiritueux
LaMetropole.com
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