vendredi 19 avril 2024

Une dégustation de Chablis exceptionnels à Montréal

Une histoire mouvementée.

Chablis a une tradition vinicole marquée par l’histoire.

En 867, le monastère de Chablis est donné par le roi Charles le Chauve, aux chanoines de Tours qui fuient les invasions normandes. Les moines y trouvent des vignes et en plantent d’autres, donnant à la région sa vocation vinicole.

Quelques siècles plus tard, la région subit les contrecoups de la Guerre de Cent Ans, passant tour à tour du domaine religieux au domaine civil, de celui du duc de Bourgogne aux mains des Armagnacs, à l’emprise anglaise, et au domaine royal pour finalement retourner au domaine des moines. Mais les vins se vendent bien et sont exportés jusqu’en Angleterre.

Le Seizième siècle aurait dû être d’une grande prospérité pour Chablis, malheureusement les guerres de religion font rage. La haute ville subit le saccage. Les huguenots l’incendient et la rançonnent. L’insécurité est telle que le vignoble est délaissé pendant longtemps, puis il reprend, et les vins de Chablis réapparaissent à la table des princes. La Révolution française arrive, la majorité des Chablisiens se rangent du côté de la Révolution et après bien de soubresauts, les privilèges des nobles sont abolis, les biens des monastères confisqués et vendus aux enchères. Chablis s’en tire bien et prospère même, jusqu’au milieu du Dix-neuvième siècle où le phylloxéra ravage complètement le vignoble. Les Chablisiens rebâtissent patiemment leur vignoble en employant des porte-greffes. La Guerre de 1870 avec la Prusse leur donne des sueurs froides, mais, la vie reprend jusqu’à la Première Guerre Mondiale qui ravage encore la région. La guerre finie, et grâce au travail patient des Bourguignons la région redevient florissante. La Deuxième Guerre Mondiale éclate, le 15 juin 1940 Chablis est bombardé, le centre-ville complètement détruit. Cinq ans de mouvements de troupe affectent le vignoble. La paix revenue, les Chablisiens soignent leurs vignes, et les vins de Chablis qui sont si bons, reprennent le chemin des bonnes tables, en France et dans le monde entier. Le vignoble Long Depaquit est propriété de la maison Albert Bichot qui possède trois autres vignobles d’exception en Bourgogne. À la Révolution française, il était encore propriété des moines de l’Abbaye de Pontigny. La Révolution leur confisque leurs biens et les vend aux enchères. Jean et Simon Depaquit, abbé et procureur de l’abbaye se défroquent, achètent le vignoble et deviennent vignerons indépendants.

Le Chablisien regroupe douze communes : Aigremont, Beines, Chablis, Chemilly-sur-Serein, Chichée, Courgis, Fleys, Fontenay-près-Chablis, Lichères-près-Aigremont, Poilly-sur-Serein, Préhy et Saint-Cyr-les-Colons.

Le Chardonnay que les gens appellent ici Beaunois, en référence au vin de Beaune est le cépage exclusif pour faire le Chablis. Les vignes poussent bien sur le sol calcaire, riche en coquillages car autrefois la mer recouvrait Chablis.

Le 9 avril dernier M. François Le Brasseur de l’Agence Élixirs réunit un groupe de journalistes de la presse gastronomique au restaurant Europea à Montréal. Le but est de nous faire rencontrer M. Matthieu Mangenot, œnologue et régisseur du Domaine Long Depaquit et M. Jean-Christophe Rolland, directeur à l’exportation pour l’Amérique du Nord, et de nous présenter six Chablis d’exception.

Monsieur Mangenot est un ingénieur dans la trentaine, qui représente cette novelle vague d’œnologues français, conscients du passé des vignobles mais concernés par l’explosion de la production de vins du monde qui déferle sur les pays acheteurs. Pour concurrencer avec des vins de faible qualité, vendus à des prix dérisoires, le domaine Long Depaquit fait le pari de la qualité et du marché haut de gamme. Tout est repensé dans les moindres détails: le terroir et les méthodes d’entretien, la culture de la vigne avec une approche biologique, des vendanges manuelles pour les grands vins, le transfert immédiat du raisin après cueillette dans la cuverie pour éviter l’oxydation prématurée, le pressurage en douceur dans un pressoir pneumatique pour éviter l’oxydation des jus et les composés herbacés, la surveillance de la vinification pour qu’il ne se développe aucun élément qui puisse modifier le goût du raisin, et le débourbage sévère pendant une vingtaine d’heures pour soutirer un liquide sans éléments indésirables. La fermentation elle-même a été totalement revue laissant qu’elle se déclenche naturellement, sous température contrôlée pour préserver les arômes naturels du raisin. Le choix des cuves pour chaque vin est lui aussi étudié, dosé. Une grande partie de la fermentation se fait en cuves inox, une petite partie est séparée pour une vinification en fûts de chêne récents, mais pour obtenir plus de boisé, ils utilisent une proportion plus petite de fûts anciens.

Quand les vins sont à la fin de la fermentation alcoolique, ils sont bâtonnés jusqu’à la fermentation malolactique pour remettre en suspension les levures mortes qui, en se décomposant, vont donner du gras au vin. Après quelques mois, les vins des fûts et des cuves sont assemblés pour donner la cuvée finale, qu’on laisse fermenter en cuves inox pendant quelques mois supplémentaires jusqu’à sa mise en bouteille.

Après une explication si intéressante nous avions envie de découvrir les nouveaux produits :

En premier, on nous a servi le Chablis Domaine Long Depaquit 2008 qui est le générique, fermenté totalement en inox. Très jolie robe jaune vert qui tapisse le verre. Notes de citron vert et de pamplemousse, de la fraicheur mais une belle présence en bouche, gras sans lourdeur, une bonne minéralité. (Importation privée : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.)

En deuxième place on nous a présenté deux millésimes du Chablis 1er les Lys Domaine Long Depaquit, le 2005 et le 2008. Ce sont des vins avec de notes acidulées et des arômes floraux dominants, les fruits nous interpellent mais avec beaucoup de fraicheur, du citron et de pamplemousse. En même temps on sent un virage, le 2005 est plus boisé, plus charpenté. Le 2008 est plus ciselé, plus sobre, avec encore plus d’élégance et de finesse. (SAQ code 10278920 $ 39,25)

En troisième lieu on nous a servi deux millésimes du Chablis 1er Cru Les Vaillons, Domaine Long Depaquit, 2006 et 2008. Deux vins très élégants avec un abord sans lourdeur, avec un côté croquant en bouche, les fruits très présents se combinent avec une belle minéralité. Le millésime 2008 se montre plus acidulé avec une vivacité qui nous porte loin mais tout en douceur; un vin caressant et complexe. (Importation privée : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.)

En quatrième service nous avons dégusté encore deux millésimes : le Chablis 1er Cru les Vaucopins, Domaine Long Depaquit 2006 et 2008. Minéralité acidulée, avec des notes de fruits frais qui évoluent vers des arômes de coing, de mangue, et de pêche blanche. Encore une fois le 2006 montre un caractère plus boisé, tandis que le 2008 est un vin épuré, sans compromis, presque sévère, mais d’une grande élégance. Ample et long en bouche, il laisse s’exprimer pleinement le terroir. (SAQ code 10845111 $ 39,00)

En cinquième place nous avons dégusté les Chablis Grand Cru Blanchots, domaine Long Depaquit, millésimes 2005 et 2007. Dans les deux millésimes nous retrouvons les goûts du Chablis d’autrefois, plus boisés. Ce sont des vins fleuris et minéraux. Les fruits on va les retrouver au nez, mais un fruit frais. Ils n’ont pas de lourdeur mais un côté croquant en bouche qui vient équilibrer l’ensemble. Le terroir calcaire leur apporte une minéralité, une longueur; le 2005 est un peu plus charnu, le 2007 plus léger et laisse mieux s’épanouir les fruits et la fraicheur en bouche. De très beaux vins de gastronomie. (Importation privée : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.)

En sixième et dernier service nous avons dégusté encore deux millésimes du Chablis Grand Cru La Moutonne, Domaine Long Depaquit, le millésime 2002 et le millésime 2004. Robe limpide de couleur or vert. Arômes de fruits : pamplemousse, lime, mangue et pêche blanche; beaucoup de fleurs : violettes, chèvrefeuille, jasmin, rose, minéralité très présente, mais aussi un boisé avec beaucoup d’élégance. Pour le domaine, Le Grand Cru La Moutonne est une des ses pépites d’or. Mes confrères journalistes n’ont pas apprécié particulièrement le millésime 2002, que j’ai adoré, car il m’a rappelé mon adolescence, lorsqu’il y a un demi-siècle, je voyageais jusqu’en Bourgogne avec mon cousin Paul Petit, qui achetait pour sa cave personnelle. Les Chablis d’alors avaient ce goût acidulé, minéral et boisé caractéristique. À chaque goutte j’ai vu défiler ce passé lointain et heureux. (Importation privée : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.)

Nous avons été priés de passer à table où nous attendait un superbe repas : Mise en bouche : Cappuccino de crème de homard, copeaux de truffes

Pétoncles Princesses de la côte Nord, crème de haricots Tarbais AOC, copeaux de chorizo, jus de piperade.

Filet de Bar et Shiitake, réduction d’un jus de carottes au château Chalon, Crosnes du Japon, blinis de légumes et blette à carde.

Le repas était accompagné des vins de Chablis Long Depaquit de notre choix.

Finalement des desserts préparés par les Chefs pâtissiers Rolland del Monte et Olivier Michallet étaient délicieux et pleins de couleurs : Macaron au café maison, financier pistache et framboise, marshmallow fruit de la passion, mini-madeleines au zeste de citron, sabayon mousse pralinée et entremets de chocolat au lait avec sorbet.

Je tiens à signaler l’excellent service du Sommelier Jean Michel Cartier, et de l’impeccable service à table de Fanny. Le directeur de la Restauration M. Ludovic Delonca était présent.

Mes remerciements à M. Le Brasseur pour cette rencontre très réussie.

Roger Huet
Chroniqueur
Président du Club des Joyeux
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www.samyrabbat.com

À propos de l' auteur

Roger Huet - Chroniqueur vins et Président du Club des Joyeux
Québécois d’origine sud-américaine, Roger Huet apporte au monde du vin sa grande curiosité et son esprit de fête. Ancien avocat, diplômé en sciences politiques et en sociologie, amoureux d’histoire, auteur de nombreux ouvrages, diplomate, éditeur. Il considère la vie comme un voyage, de la naissance à la mort. Un voyage où chaque jour heureux est un gain, chaque jour malheureux un gâchis. Lire la suite...