jeudi 16 mai 2024
Sur la vielle photo en papier glacée reprise au IPhone voici Françoise Janoueix, Luc Provencher, Jean-François Janoueix, votre chroniqueur et son épouse Marlène Nourcy et Jean-Paul Durup. Sur la table trône la bouteille de Château La Croix St-Georges 1990. Sur la vielle photo en papier glacée reprise au IPhone voici Françoise Janoueix, Luc Provencher, Jean-François Janoueix, votre chroniqueur et son épouse Marlène Nourcy et Jean-Paul Durup. Sur la table trône la bouteille de Château La Croix St-Georges 1990.

Les vins de la famille Janoueix

En 1930, Jean Janoueix quitte sa Corrèze natale afin de réaliser son rêve de labourer son propre vignoble et récolter ses propres raisins. St-Emilion devient alors sa terre de prédilection, Château Haut-Sarpe sa première acquisition. Trois ans plus tard son fils Joseph marche, que dis-je courre, dans les pas du paternel avec une visée expansionniste. Si bien qu’en quelques années un nombre grandissant de propriétés tombent dans l’escarcelle de la famille désormais bordelaise. Aujourd’hui ce sont 18 domaines qui constituent le patrimoine familial que Jean-Pierre dirige avec doigté. Et ces noms vous diront quelque chose car ces étiquettes on les retrouve sur les tablettes de la SAQ : Château St-Georges, Haut-Sarpe, Clos des Litanies, Castelot, la Gasparde, La Croix. Trois châteaux à Pomerol, sept à St-Emilion, 6 d’appellation Castillon ou Bordeaux-Supérieur et j’en passe…

Un vin et son auteur

Le représentant le plus illustre de la famille a sillonné à plusieurs reprises les routes du Québec. Ainsi, nombre d’amateurs d’ici connaissent Jean-François Janoueix. Tellement intime avec les vinophiles québécois que pour plusieurs, il est Papy Janoueix ! J’ai eu l’occasion de lui parler le printemps dernier et malgré ses 87 ans bien sonnés, il n’a rien perdu de sa vivacité et de sa volubilité. La mémoire ne lui fait encore moins défaut, tellement il m’a demandé des nouvelles des québécois du milieu du vin ou de la restauration. Aucun nom ne lui échappait !

Mais ce qui vaut l’objet de la chronique de ce jour, c’est une photo retrouvée en faisant le tri dans mes archives. Permettez que je vous raconte ce qui se trouve derrière l’image…

D’abord, je suis un peu gêné car ce qui suit relève de la pure hérésie pour le professionnel du vin qui se reconnaîtra. Or, je confesse le crime de lèse-majesté, avoue une faute de naïveté, d’insouciance ou alors, une confiance absolue m’habitait. Voici…

Il y a une quinzaine d’années, nous recevions à la maison Jean-François et Françoise Janoueix, un producteur chablisien aussi bien connu au Québec, Jean-Paul Durup et l’incontournable et passionné Luc Provencher, représentant de l’agence Charton-Hobbs au Québec. L’après-midi, je verse en carafe un flacon que j’ai l’intention de servir « à l’aveugle » à mes convives, le soir venu. À leur arrivée, le décor est planté… à mon insu. Nous sommes en mars, à Québec, il y a 1,50 mètre de neige devant la maison, ce qui ne manque pas d’épater nos visiteurs d’outre Atlantique. Pour l’ambiance, c’est réussi ! Au moment venu de servir le mystérieux nectar, je suis pris d’une certaine de nervosité, mais faut y aller.

Nous voilà tous recueillis le verre à la main, mirant et humant à qui mieux mieux. Aux premiers effluves, timidement puis avec enthousiasme les commentaires tombent : animal pour certains avec des accents de cuir, boisé pour d’autres avec des nuances d’humus, de feuilles mortes, de terre humide ou de champignons. Puis de commentaires en éloges… une palette aromatique large « comme ça », une évolution constante au moindre tournoiement dans le verre, le baume au cœur on se dit… pourvu que ça tienne en bouche.  Alors là, roulement de tambour ! Un touché de bouche soyeux avec les mêmes saveurs animales, boisées et de fruits murs. De la complexité, du volume et surtout l’équilibre auquel aspire l’amateur de vin qui bichonne ses vieux flacons des années durant. La longueur ? Et que je compte les caudalies… interminable ! Le verdict est unanime, c’est un pur délice, un cru à ranger au rayon des souvenirs du dégustateur patenté, une bouteille mythique. Devant l’hommage dithyrambique, c’est grandement soulagé que dévoile enfin l’étiquette mystérieuse à l’assemblée admirative : Château La Croix St-Georges 1990. Deux immenses larmes jaillirent et coulèrent sur les joues empourprées de Papy Janoueix !

Je vous jure que tout ça est vrai, voici la photo réminiscente.

À propos de l' auteur

Jean Chouzenoux a travaillé 35 ans à la Société des alcools du Québec, y a occupé différents postes de gestion aux ventes, aux communications et à la commercialisation.
 
Membre de nombreuses confréries bachiques et gastronomiques et animateur de tournées viticoles dans le vignoble européen. Juré dans les concours internationaux de dégustations, fut chroniqueur sur les vins à la radio et collabore ponctuellement au magazine Prestige de Québec.
 
Installé à  Nice depuis 2010, où il continue d'entretenir sa passion pour le vin.