vendredi 29 mars 2024
La semaine des Primeurs de Bordeaux jugée réussie par les professionnels

La semaine des Primeurs de Bordeaux jugée réussie par les professionnels

Conjoncture internationale difficile, millésime 2021 jugé en retrait par rapport à ceux de 2018, 2019, 2020, la semaine des Primeurs auraient pu être moroses mais au contraire, les retrouvailles entre acheteurs, journaliste et les propriétaires des Grands Crus a remporté un franc succès cette semaine au cœur du Vignoble Girondin.

Organisée tous les ans au mois d’avril par l'Union des grands crus de Bordeaux qui regroupe les 130 propriétés constituant l'élite du vignoble Bordelais, la Vente en Primeurs avait pour cause de pandémie été remplacée depuis deux ans par l'envoi d'échantillons et des dégustations en visioconférence aux professionnels à travers le monde. Cette année enfin, retour à la normale la manifestation s’installe de nouveau dans le vignoble Girondin.

Un peu d’histoire, la pratique des ventes en primeurs à Bordeaux remonterait au XVIIIe siècle, lorsque le négoce bordelais se rendait dans les châteaux quelques mois avant les vendanges pour estimer et acheter la récolte sur pied – les négociants s’occupaient d’ailleurs généralement eux-mêmes de l’élevage et/ou la mise en bouteille des vins -. Le système des primeurs moderne, tel qu’on le connaît aujourd’hui et qui comprend la fameuse semaine de dégustation en primeurs, a été mis en place au cours des années 1970. Il s’est institutionnalisé au début des années 1980, sous l’impulsion notable du baron Philippe de Rothschild qui organisa une dégustation de son millésime 1982 dès le mois d’avril, alors que son vin était encore en élevage, dégustation largement relayée dans la presse à l’époque.

Cette semaine, près de 5 000 professionnels, parmi lesquels des journalistes et négociants se sont pressés à Bordeaux et dans les châteaux, pour goûter le vin qui ne sera livré que dans 18 mois au plus tôt aux acheteurs.

Mais surtout, c’est une édition qui a vu le retour des professionnels étrangers. Ils étaient 2 300, avec les Britanniques (400 environ) et les Américains (300) comme premières et deuxièmes nationalités. Cependant, les professionnels asiatiques, surtout chinois et hongkongais n'étaient eux pas là, en raison des règles plus strictes liées au Covid-19. Soit environ 500 personnes qui n'ont pas fait le déplacement, tout comme les Russes, mis au ban depuis le début de la guerre en Ukraine. Ainsi, seule une trentaine de kits d'échantillons a été envoyée à Hong Kong cette année pour des dégustations à distance, alors qu'il y en avait eu 400 l'an dernier. La Chine continentale et Hong Kong restent les premiers importateurs de vins de Bordeaux, avec 616 millions euros d'achat en 2021.

Les grands crus se vendent en effet en grande majorité à l'étranger tandis que le marché français ne représente plus que 20 % des débouchés. L'export se porte à merveille avec un chiffre d'affaires de plus de 1,3 milliard d'euros en 2021 selon les Douanes. Avec 16 millions de bouteilles, vendues plus de 22,50 euros l'unité, les volumes sont modestes comparés aux 500 millions de cols produits en Gironde. Ces grands crus pèsent, en revanche, très lourd en valeur et représentent 60 % des exportations de vins de Bordeaux. Les grands crus ont même surpassé de 15 % leurs meilleures ventes qui dataient de 2012 même si ce record tient en partie grâce aux importateurs qui ont reconstitué leurs stocks après la pandémie. « La première destination reste la grande Chine mais la croissance est désormais tirée par les Etats-Unis devenus le marché le plus dynamique suivi par le Royaume-Uni, puis la Suisse et l'Allemagne », analyse Ronan Laborde président de l'Union des grands crus.

Une bonne partie de cette activité est ainsi réalisée grâce aux ventes en primeurs. « Ce système commercial fait toute l'originalité de Bordeaux. Cette semaine des primeurs est notre moment marketing et nous permet de présenter nos vins et d'expliquer aux clients comment nous avons travaillé », résume Nicolas Glumineau directeur général de Château Pichon Comtesse.

Après les dégustations et la publication des notes par les critiques et les journalistes spécialisés, le vin sera mis en vente par les propriétés dès le mois de mai prochain pour être livré dix-huit mois plus tard. Le système de distribution bénéficie a priori à tous les maillons de la chaîne : les propriétés garnissent leur trésorerie, les négociants font une marge sur les ventes et les clients ont l'espoir de voir leur vin prendre de la valeur.

Dès lors, la réussite de cette campagne est évidemment liée aux dégustations. D'autant qu'après plusieurs excellents millésimes, le 2021 marqué par des températures moins élevées et de la pluie sera de moins bonne qualité.

Les ventes en primeur sont toutefois moins massives que par le passé. « Les propriétés ont désormais des politiques très diverses. Certaines continuent à commercialiser plus de 90 % de leur production et d'autres n'en mettent plus que la moitié en marché lors de primeur. Gardant le reste pour le vendre plus tard avec une meilleure valorisation », analyse Georges Haushalter.

Un seul Château et pas des moindres s’est retiré en 2012 de la « grande messe » des primeurs. Le Château Latour 1er grand Cru de Pauillac. Deux raisons principales à ce choix, éviter le coté spéculatif que peuvent entraîner ce modèle de vente et vendre des vins ayant atteint une certaine maturité. Cette année, Le Château Latour met son millésime 2014 à la vente. Jugé audacieux à l’époque, ce choix s’avère payant si l’on en croit la direction du Château. En revanche, il faut avoir la renommée de Latour et avoir un soutien financier important, la propriété appartient au milliardaire François Pinault, pour avoir pris en 2012 un tel risque.

Si la semaine semble s’être particulièrement bien passée à en croire les protagonistes, cette campagne des primeurs pour qu’elle soit couronnée de succès devra aussi modérer la tentation des châteaux viticoles à faire grimper leurs tarifs. « Il faut garder une politique de prix cohérente afin qu'à chaque maillon de la chaîne les intervenants gagnent de l'argent », prévient Nicolas Glumineau, d’autant que ce 2021 arrive après une très belle trilogie de millésimes et que la conjoncture économique semble voir poindre de gros nuages noirs à l’horizon liée une pandémie sans fin et une guerre en Ukraine à l’issus incertaine pour les Européens… A suivre.

Source: McViti

À propos de l' auteur

Âgé de 45 ans, ingénieur agricole, diplômé de l’IHEDREA (Institut des Hautes Etudes de Droit Rural et d’Economie Agricole en 1995), j’ai poursuivi mes études par un master de Gestion, Droit et Marketing du secteur Vitivinicole et des Eaux de Vie dépendant l’Université de Paris 10 Nanterre et de l’OIV (Organisation Internationale de la Vigne et du Vin - 1997). Lire la suite...