vendredi 19 avril 2024
Quand le photovoltaïque inquiète le vignoble de Pessac-Léognan

Quand le photovoltaïque inquiète le vignoble de Pessac-Léognan

Suite au constat du réchauffement climatique, la planète connait sans doute l’une de ses plus grandes révolution industrielle, voir «écoloindustrielle» avec la chasse au CO2 par le passage de l’utilisation des énergies fossiles à l’énergie électrique sous toutes ses formes: éoliennes, photovoltaïques et nucléaires, mais cette révolution crée de fortes inquiétudes, voire de la résistance des citoyens, quel qu’en soit le projet. Faut-il pour autant ne rien faire?

Il est peu de dire que la mise en place de grands chantiers sur les nouvelles énergies rencontre de fortes oppositions. Pour preuve, en France, quand le président de la République, Emmanuel Macron, annonce la création de nouvelles centrales nucléaires, les écologistes se dressent en opposant absolues. Dans le vignoble Bourguignon près de la ville de Beaune, c’est la filière viticole en 2019 qui a mené le combat contre l’implantation d’éoliennes et non sans arguments percutants, les fameux «climats de Bourgogne» étant maintenant reconnus comme Patrimoine mondial de l’UNESCO. Nouvel épisode aujourd’hui, le projet Horizeo, parc photovoltaïque de 1000 hectares à Saucats, en Gironde, qui suscite un vent de défiance parmi de nombreux acteurs locaux. À commencer par les vignerons de l’appellation Pessac-Léognan, en première ligne face aux conséquences potentielles de ce projet sur l’écosystème environnant.

Cet investissement, qui coûtera plus d’un milliard d’euros, est piloté par Engie (ancien Electricité de France – EDF), Neoen, RET (Réseau Transport d’Électricité) et la mairie de Saucats, avec le soutien de l’observatoire des énergies renouvelables Observ’ER, l’opérateur français indépendant en énergies vertes Valorem, la Chambre régionale de commerce et d’industrie et une forte volonté politique, puisque le Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine en fait un axe majeur de sa politique générale.

Le journal Sud-Ouest et le site Internet Terre de vins ont fait un tour d’horizon sur le projet et les inquiétudes qu’il suscite. Pour rappel, il s’agit de créer le plus grand parc photovoltaïque d’Europe: c’est l’ambition du projet Horizeo, qui pourrait voir le jour d’ici 2027 à Saucats, en Gironde, confirmant le positionnement fort de la région Nouvelle-Aquitaine sur le secteur de l’énergie photovoltaïque après la création d’un premier parc de près de 300 hectares fin 2015 à Cestas. Cette fois, on entrerait dans des dimensions beaucoup plus importantes, puisque Horizeo doit couvrir une surface totale de 2000 hectares en pleine forêt des Landes – dont la moitié accueillerait panneaux et bâtiments, entraînant la coupe d’une énorme quantité d’arbres sur une superficie de 1000 hectares. Face au gigantisme de la chose, de nombreuses associations de riverains, comme de défense de l’environnement, ont déjà manifesté leur opposition au projet, appuyé par la Fédération des industries du bois de Nouvelle-Aquitaine.

Mais la filière bois trouve un relais de taille dans son opposition. Comme le relève Terre de Vins dans son article paru le 7 février sur son site, la filière viticole, et en particulier le Syndicat d’appellation de Pessac-Léognan, s’inquiète des éventuels effets d’un tel projet. Pour preuve, Olivier Bernard, propriétaire du Domaine de Chevalier et du Château La Solitude et qui est en charge du suivi de ce dossier pour le syndicat, précise les craintes de la filière: «Trop grand, trop près». Et de préciser: «Nous parlons d’un projet qui va raser 1000 hectares d’arbres en lisière de l’appellation Pessac-Léognan, avec un impact potentiellement grave sur tout l’écosystème environnant. Certaines propriétés ne se trouvent qu’à une poignée de kilomètres de l’emplacement du futur parc photovoltaïque, et nous estimons que nous n’avons pas assez d’éléments tangibles sur les effets potentiels de ce projet sur l’équilibre de notre vignoble.»

Selon le syndicat, malgré le débat public qui a commencé le 9 septembre 2021 et qui s’est terminé le 9 janvier 2022 et dont les conclusions doivent être rendues le 9 mars prochain, tout le projet manque d’une «étude d’impact sérieuse» portant sur trois points que synthétise Terre de Vins :

  • Le parc photovoltaïque d’environ 1GW alimenterait plusieurs «briques» technologiques, dont des batteries de stockage d’électricité, un électrolyseur produisant de l’hydrogène et un data center sur une surface de 5 hectares, autant d’équipements qui peuvent entraîner une forte production de chaleur à proximité du vignoble.
  • La suppression de 1000 hectares d’arbres initialement plantés sur des terres marécageuses soulève la question de la rétention d’eau et de la gestion d’un bassin hydrique, sur laquelle les viticulteurs ne sont pas rassurés.
  • La suppression de 1000 hectares d’arbres soulève, enfin, des interrogations sur de possibles nouveaux couloirs de grêle qui pourraient être créés, exposant les vignes environnantes.

Autant d’inquiétudes qui, comme l’affirme Olivier Bernard, «ont été formulées dès l’automne dernier», mais qui n’ont pour l’instant trouvé «aucune réponse satisfaisante».

Pour résumer la difficile équation qui est posée par cet investissement au cœur de la Gironde, Horizeo cristallise beaucoup de sujets très actuels, de la nécessaire augmentation de la part d’énergie renouvelable voulue entre autres par l’Union européenne à la dépendance accrue vis-à-vis de la Chine en matière d’équipements photovoltaïques, en passant par la réduction du bilan carbone, pour lequel les équipes de l’INRAE ont été sollicitées et la défense de la biodiversité. Bruno Hernandez, directeur du projet, indiquait à ce sujet, en novembre dernier à la radio France Bleue Gironde, que sur les 2000 hectares couverts par Horizeo à Saucats, seul un millier d’hectares sera effectivement consacré à la construction des équipements: « Les hectares auxquels nous ne toucherons pas sont ceux dans lesquels vous trouvez la plus grande richesse en terme de biodiversité». Il ajoute: «Nous replanterons au moins deux arbres pour chaque pin abattu».

Malgré un discours des promoteurs qui se veut rassurant, le débat est loin d’être clos et les inquiétudes de fonds demeurent pour la filière viticole. À ce stade, aucun recours en justice n’est officiellement envisagé par les vignerons de Pessac, mais le message qu’ils veulent faire passer est qu’ils entendent bien faire preuve de vigilance dans les semaines à venir et défendre les intérêts de leur appellation.

À suivre, donc, après les premières conclusions qui en sortiront le 9 mars.

Source : McViti

À propos de l' auteur

Âgé de 45 ans, ingénieur agricole, diplômé de l’IHEDREA (Institut des Hautes Etudes de Droit Rural et d’Economie Agricole en 1995), j’ai poursuivi mes études par un master de Gestion, Droit et Marketing du secteur Vitivinicole et des Eaux de Vie dépendant l’Université de Paris 10 Nanterre et de l’OIV (Organisation Internationale de la Vigne et du Vin - 1997). Lire la suite...