jeudi 28 mars 2024
La Russie s’approprie l’appellation « champagne » au mépris des règles du commerce international

La Russie s’approprie l’appellation « champagne » au mépris des règles du commerce international

Suite à un amendement à la loi sur les vins effervescents promulguée par Vladimir Poutine ce vendredi 2 juillet, les producteurs français devront changer leurs étiquettes pour pouvoir poursuivre leurs exportations.

Le président Russe, Vladimir Poutine, a donné son feu vert, vendredi 2 juillet, à un amendement de la loi sur la réglementation des boissons alcoolisées. Il peut se résumer ainsi : les Champenois ne pourront plus vendre leurs vins en Russie avec la mention "Shampagnskoe", traduction du terme “champagne”. Ils étaient jusqu’ici sur le territoire russe les seuls à y être autorisés avec les producteurs de vins effervescents du pays ce qui était déjà une entorse à la règlementation de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) visant à protéger les appellations d’origines. Si le terme champagne en caractères latins pourra toujours figurer, la transparence vis-à-vis du consommateur est largement compromise: "Un client russe mis face à une bouteille de champagne avec le terme champagne écrit en caractère latin (et non en cyrillique) ne va pas forcément comprendre ce qui est écrit. Il va se reporter à la contre étiquette russe qui va lui dire "vin mousseux" (cette mention étant désormais obligatoire)" explique Charles Goemaere, directeur général du Comité interprofessionnel du vin de Champagne. Pour l’heure, toutes les expéditions vers la Russie sont bloquées, les bouteilles n’ayant pas été mises en conformité. L’épreuve est rude pour la Champagne déjà durement touchée par la crise du Covid (-17% de chiffre d’affaires l’année dernière). "Nous expédions à peu près deux millions de bouteilles par an sur le marché russe. Ce qui peut paraître relativement modeste. Le pays apparaît au quinzième rang de nos expéditions, mais c’est un marché très important en termes d’image, parce que les vins y sont bien valorisés, c’est donc un marché auquel nous tenons beaucoup."

Pour Jean-Marie Barillère, président de l’Union des Maisons de Champagne, "il s’agit d’une décision unilatérale inacceptable, nous parlons avec Maxime Toubart, président du Syndicat général des vignerons, de vol de propriété intellectuelle. Nous demandons à l’Europe et au ministre des affaires étrangères de se saisir de ce dossier…" Le communiqué de presse envoyé hier matin regrette quant à lui une loi qui remet en cause "plus de vingt ans de discussions bilatérales entre la France et la Russie sur la protection des appellations d’origine."

En Russie, cela fait longtemps que le terme "champagne" est utilisé sans complexe et pour toutes sortes de vins à bulles. Staline fit créer à la fin des années 1930 un « champagne soviétique » produit en masse, avec l’objectif de le rendre accessible à tous.

Au lendemain de la chute de l’URSS, ce « champagne soviétique » est devenu une marque synonyme de mousseux bas de gamme, mais toujours aussi populaire lors des grandes occasions. Un état de fait qui n’a jamais ravi les producteurs champenois, défendus par le comité interprofessionnel du vin de champagne (CIVC), et qui mènent depuis de nombreuses années une bataille destinée à protéger cette appellation contrôlée menacée et pas qu’en Russie.

Avec cet amendement, les autorités russes souhaitent certainement mettre en valeur les producteurs de vins pétillants locaux. Et notamment ceux de Crimée, producteurs ancestraux qui ont connu une deuxième jeunesse à la suite de l’annexion de la péninsule en 2014 et leur pleine ouverture au marché russe. La marque phare du pays, le vin Crimée Novy Svet, appartient à un ami du président russe, Iouri Kovaltchouk. Amitié et protectionnisme sont les nouveaux cocktails à la mode apparemment…

Source: McViti

À propos de l' auteur

Âgé de 45 ans, ingénieur agricole, diplômé de l’IHEDREA (Institut des Hautes Etudes de Droit Rural et d’Economie Agricole en 1995), j’ai poursuivi mes études par un master de Gestion, Droit et Marketing du secteur Vitivinicole et des Eaux de Vie dépendant l’Université de Paris 10 Nanterre et de l’OIV (Organisation Internationale de la Vigne et du Vin - 1997). Lire la suite...