vendredi 19 avril 2024
La maison Luigi Bosca La maison Luigi Bosca

La Chine : le nouvel eldorado pour le vin argentin

Partout le secteur viticole est en crise du fait du coronavirus. Mais il y a parfois un rayon de soleil dans ce ciel crépusculaire qui illumine un coin de notre planète. Ce pourrait être le cas pour le vin argentin en Chine, qui connait une croissance sensationnelle en dépit de la conjoncture.

La Chine, depuis la fin des années 1990, connait une très forte croissance de sa consommation de vin. Les opérateurs du vin du monde entier se sont tournés vers ce marché en plein développement. La France et l’Australie sont deux pays qui ont bien réussi. Mais la concurrence est forte. L’Australie aujourd’hui pâtit de taxes à l'importation par l’État chinois, la France tente de renforcer ses positions, mais depuis quelque temps, un pays d’Amérique latine pointe le bout de son nez. Et pour une fois, ce n’est pas le Chili qui fait la une, mais l’Argentine. Le Malbec plus fort que le Carmener au Pays de Mao ?

Les chiffres parlent d'eux-mêmes : l'Argentine a quintuplé en 2020 les volumes de vin vendu à la Chine. Selon Wine of Argentina (WOFA), les exportations totales dans le monde du vin argentin, entre janvier et octobre 2020, ont représenté 146 148 806 litres, dont 2 151 940 litres ont été expédiés en Chine en bouteille. Le vrac a quant à lui représenté, sur la même période, 26 783 485 litres pour ce même pays.

Les variétés de vins argentins les plus demandées par les Chinois sont assez proche que ceux des autres marchés. Bien sûr, la première place est incontestablement le Malbec, le porte-drapeau de ce pays, suivi du Cabernet Sauvignon et à la troisième place, le Chardonnay en blanc. Le top cinq est complété par le Merlot et la Syrah.

« Les relations commerciales avec la Chine ont progressé notablement ces dernières années. Ce pays est devenu un marché stratégique pour nous en raison de la croissance soutenue de ses importations. À savoir, en 2000, la Chine n'importait que peu de vins et elle est devenue le troisième importateur au monde en 2019. En octobre 2020, ce pays se classe comme la cinquième destination d'exportation du vin argentin en termes de volume, devenant ainsi une excellente opportunité pour notre industrie. Il y a encore un long chemin à parcourir, mais nous sommes attachés à ce défi », résume Maximiliano Hernández Toso, président de la WOFA.

S'il y a un vigneron argentin pionnier, sans aucun doute, c’est la maison Luigi Bosca. « Il y a plus de 20 ans, nous avons commencé à exporter vers Hong Kong, un marché qui à l'époque paraissait très convivial et ouvert, malgré le fait que ce soit un marché très concurrentiel, se souvient Alberto Arizu, PDG de Luigi Bosca, et ajoute: Puis nous sommes arrivés en Chine continentale, d'abord main dans la main avec notre importateur à Hong Kong et finalement, nous avons décidé d'établir un plan de travail avec un importateur local. Nous avons eu quelques succès dans certaines provinces et régions et, depuis 3 ans, nous travaillons avec une entreprise française avec trois bureaux à Shanghai, Pékin et Guangzhou. »

Sur la carte des vins importés en Chine, l'Argentine occupe la septième place. « Nous avons atterri en Chine en 2001. Et jusqu'en 2007, c'était un marché au volume peu attractif où la filière et le produit vin n'étaient pas bien connus. Ils ne savaient pas le boire, il y avait de nombreux mystères à son sujet et l'ouverture vers l'industrie, ce n'était pas du tout évident, se souvient Sol Ascencio, directeur export de Rutini Wines et ajoute: Cependant, en 2007, avec l'émergence du marché chinois et le réveil du géant asiatique, le vin a commencé à prendre une place prépondérante. Ils ont copié la façon de boire de l’occident. »

Leonardo Bonomo, propriétaire de la Bodega Valle del Indio, affirme que sa relation commerciale avec la Chine remonte à 10 ans. « À ce moment-là, nous avons commencé à envoyer des échantillons, à parler... C'est une très longue construction pour pouvoir établir des liens avec la Chine. Ce n'est pas quelque chose d’immédiat. En fait, nous travaillons depuis longtemps avec la communauté chinoise en Argentine », résume Bonomo et rappelle que le grand saut s'est produit en 2018 avec la présence de la « Bodega » au sommet du G20 en Argentine. « Nous étions l'un des cinq vignobles invités et cela les a amenés à nous faire confiance, car ils sont très méfiants; d'une certaine manière, cette présence leur a donné des garanties pour enfin établir la relation commerciale. »

À l’instar de la Sopexa en France, l’Argentine soutient ses producteurs via la WOFA: « Cette année, nous avons approfondi la mission de positionnement du vin argentin en présentant un business plan visant à guider la stratégie d'exportation du secteur à travers la mise en œuvre d'actions de marketing digital innovantes et en générant des opportunités commerciales pour nos partenaires, mettant l'accent sur la premiumisation de la catégorie et la démonstration de la grande diversité et de l'excellent rapport qualité/prix de notre production national », ajoute Hernández Toso de WOFA, et souligne que le principal objectif de l'année était le marché chinois.

« Par conséquent, nous avons mis en œuvre différentes actions telles que l'accord avec GRAPEA & CO, une organisation fondée par Yang Lu, le premier et le seul maître sommelier chinois, pour que l'Argentine rejoigne la New World Alliance spécifiquement dirigée vers ce marché. Ce projet réunit pour la première fois 6 pays et régions viticoles (Argentine, Nouvelle-Zélande, Afrique du Sud, Chili, Canada et Californie) autour d'un objectif commun : montrer la richesse de leurs vins aux amateurs et aux consommateurs de vins en Chine à travers un plan de contenu multidimensionnel et activités. »

Mais la tâche n’est pas simple. Le marché chinois est très complexe. Il est lié à une grande diversité : « Il est si grand qu'il ne peut pas être inclus dans un marché unique. Je dirais qu'il y a plusieurs marchés parce que la Chine est très divisée; on ne peut pas comparer le sud avec le nord, l'est avec l'ouest. Culturellement, géographiquement et gastronomiquement, il y a une diversité importante et cela se reflète également dans les goûts et les tendances de consommation envers l'industrie du vin », explique Ascencio de Rutini. Il précise que dans le centre-ouest, la nourriture est beaucoup plus épicée, dans le sud il y a beaucoup de fruits de mer. Si entre 80 et 85% de la consommation de vin est destinée au vin rouge, les blancs et les rosés sont plus présents, surtout dans ces régions un peu plus chaudes où les fruits de mer ont une plus forte empreinte.

Si maintenant les producteurs argentins semblent avoir trouvé un nouveau débouché pour leur vins pendant que la consommation domestique s’écroule, la concurrence sera difficile et il ne faudra pas faire de faux pas afin d’éviter la mésaventure de l’Australie. La Chine, en effet, fait peu de cas des règles de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Pour mémoire, dénonçant un "préjudice important', le gouvernement de Xi Jinping a annoncé une mesure emblématique début décembre, dans un contexte de tensions diplomatiques croissantes. Elle va désormais imposer de lourdes mesures antidumping contre les vins australiens importés. Les relations bilatérales ont commencé à se détériorer en 2018, lorsque Canberra a exclu le géant chinois des télécoms Huawei de la construction de son réseau 5G, au nom de la sécurité nationale. Elles se sont depuis encore tendues lorsque le premier ministre australien Scott Morrison s'est aligné sur les États-Unis, en appelant en avril à une enquête internationale sur les origines de l'épidémie de COVID-19. Cette tension pourrait être facilitatrice pour l’accroissement des vins argentins sur ce jeune marché, qui est presque maintenant la première puissance économique mondiale.

Source: McViti

À propos de l' auteur

Âgé de 45 ans, ingénieur agricole, diplômé de l’IHEDREA (Institut des Hautes Etudes de Droit Rural et d’Economie Agricole en 1995), j’ai poursuivi mes études par un master de Gestion, Droit et Marketing du secteur Vitivinicole et des Eaux de Vie dépendant l’Université de Paris 10 Nanterre et de l’OIV (Organisation Internationale de la Vigne et du Vin - 1997). Lire la suite...