NOTE DE L'ÉDITEUR
Au Québec, on va finir par ne plus avoir de portée extérieure, renfermés sur nous-mêmes et cloisonnés!!! Quelle aberration.
Le quota limitant le nombre d’étudiants dans les cégeps et collèges anglophones, intégré au projet de loi 96 — la loi du Québec sur la protection du français —, a toujours été une bombe à retardement.
Plutôt que d’interdire complètement l’accès aux francophones et aux allophones, comme certains défenseurs radicaux de la langue l’ont longtemps réclamé, le gouvernement du premier ministre François Legault a plutôt imaginé une formule complexe pour limiter l’inscription dans les établissements anglophones à 17,5 % de l’ensemble du réseau collégial.
Si ce plafond est déjà assez arbitraire, sa répartition entre les différents établissements l’est encore plus.
Et pour s’assurer de son application, le gouvernement a ajouté un autre piège : de lourdes pénalités pour tout collège public ou privé subventionné qui dépasserait la limite. Et si jamais les inscriptions venaient à baisser, la proportion allouée aux cégeps anglophones ne pourrait jamais être réaugmentée, selon la loi.
Le but de ces mesures semble uniquement de limiter la vitalité des institutions anglophones par des moyens détournés, puisque (jusqu’à preuve du contraire) leurs portes restent ouvertes à tous et elles continuent d’attirer autant les diplômés des écoles anglophones que francophones, ce qui dérange les partisans les plus durs de la protection linguistique.
Depuis l’adoption de la loi en 2022, une épée de Damoclès plane donc au-dessus des cégeps et collèges anglophones. Beaucoup d’administrateurs ont revu leurs processus d’admission pour respecter le quota, tout en ajustant leurs programmes pour que les francophones et allophones admis répondent aux mêmes exigences linguistiques que les diplômés d’institutions francophones.
Aujourd’hui, la lame est tombée — et c’est le Collège LaSalle qui en subit le coup.
Cet établissement privé subventionné a écopé d’une amende de 30 millions de dollars pour avoir dépassé le quota d’étudiants inscrits en programmes anglophones au cours des deux dernières années.
Le gouvernement veut récupérer 8,78 millions $ pour avoir dépassé le seuil de 716 étudiants en 2023‑2024, et 21,1 millions $ pour avoir dépassé de 1 066 étudiants le quota en 2024‑2025.
Or, LaSalle soutient que la majorité de ses étudiants en programmes anglophones sont des étudiants internationaux, qui paient la totalité de leurs frais et ne reçoivent aucune subvention gouvernementale.
Cependant, l’argent que le gouvernement réclame sert à financer la formation des étudiants québécois, francophones comme anglophones.
Plusieurs critiques ont dépeint LaSalle comme un contrevenant impénitent aux règles linguistiques, qui aurait dû savoir à quoi s’en tenir.
Sur X, la ministre de l’Enseignement supérieur Pascale Déry a déploré que LaSalle soit le seul collège à avoir enfreint le projet de loi 96 de cette façon. Le ministre de la Langue française, Jean‑François Roberge, a renchéri en déclarant que « personne n’est au-dessus de la loi ».
Mais comme l’a expliqué le président-directeur général de LaSalle, Claude Marchand, les étudiants internationaux pour lesquels l’école est sanctionnée avaient déjà été admis ou étaient en cours de programme lorsque le gouvernement a (tardivement) fixé le quota. Le collège ne pouvait pas revenir sur ses offres ou expulser des étudiants en plein cursus — ou du moins a choisi de ne pas le faire par intégrité. L’administration a donc demandé un délai de grâce pour appliquer le plafond. De plus, LaSalle précise que c’est le gouvernement du Québec qui a approuvé les permis d’études de ces étudiants internationaux.
Comme la plupart des programmes durent deux ans, le collège affirme qu’il sera conforme au projet de loi 96 d’ici l’année scolaire 2025‑2026.
Peu importe : le gouvernement Legault a décidé de faire de LaSalle un exemple, comme si le collège commettait une faute grave en formant 5 000 étudiants pour des carrières en éducation à la petite enfance, en gestion de résidences pour aînés ou en comptabilité — oui, certains en anglais — et en respectant les engagements pris envers des étudiants internationaux inscrits de bonne foi pour réaliser leurs rêves.
En réalité, son « crime » est d’avoir tenté de raisonner avec un gouvernement qui a mis sur pied un système de quotas punitif, politique et discrétionnaire, conçu uniquement pour fragiliser les institutions anglophones.
Les conséquences pratiques de ce durcissement linguistique pourraient être graves : cette lourde amende met en péril l’avenir du Collège LaSalle, fondé en 1959.
Si Marchand pensait que le gouvernement n’oserait pas mettre en danger un établissement d’enseignement aussi important et établi, qui emploie 700 personnes, il n’a peut-être pas été attentif aux signaux.
L’Association des collèges privés du Québec a publié un communiqué de soutien à LaSalle. Tout en reconnaissant l’importance de protéger le français, elle dit avoir toujours eu de sérieuses réserves sur les pénalités liées au quota. Elle appelle à des négociations pour parvenir à une « solution raisonnable, équitable et réaliste » et « éviter des conséquences irréversibles » pour ce collège phare.
Cela devrait aller de soi — et être le premier réflexe, en fait.
Hélas, deux choses semblent parfaitement dispensables pour le gouvernement Legault : la stabilité des institutions anglophones et le sort des immigrants temporaires, y compris des étudiants internationaux prometteurs et travailleurs.
Ce gouvernement a tenté d’abolir les commissions scolaires anglophones et augmenté les droits de scolarité pour les étudiants universitaires venant d’ailleurs au Canada, soi-disant pour prévenir l’anglicisation de Montréal — une mesure qui pénalise surtout les établissements anglophones.
LaSalle conteste l’amende devant les tribunaux — et pourrait bien obtenir gain de cause. Mais cela pourrait ne rien changer. Les commissions scolaires anglophones ont remporté deux importantes victoires juridiques contre le projet de loi 40 devant la Cour supérieure et la Cour d’appel du Québec. Pourtant, le gouvernement Legault a porté la cause devant la Cour suprême du Canada. McGill et Concordia ont aussi obtenu un sursis judiciaire contre la hausse des droits de scolarité imposée aux étudiants d’autres provinces, mais le cabinet de Déry a indiqué que le Québec entend tout de même percevoir les frais majorés, même si la cour a jugé ces hausses « déraisonnables ».
Ce mépris est frappant — et l’hostilité envers les institutions anglophones se conjugue à une indifférence marquée envers l’immigration, que le premier ministre a déjà qualifiée de « suicidaire » pour la langue et la culture québécoises si elle augmentait.
Ces derniers mois, le gouvernement du Québec a réduit de nombreux programmes d’immigration temporaire et permanente, tout en diminuant drastiquement le nombre de nouveaux arrivants qu’il compte accepter.
L’automne dernier, il a gelé le Programme régulier des travailleurs qualifiés et le Programme de l’expérience québécoise, deux voies éprouvées vers la résidence permanente. Ce dernier était particulièrement prisé par les étudiants internationaux qui fréquentaient les cégeps et universités du Québec, acquérant ainsi une expérience académique, professionnelle et de vie précieuse qui devrait en faire des candidats naturels. Non seulement les nouvelles demandes sont suspendues, mais les dossiers déjà en traitement sont aussi mis sur pause, laissant de nombreuses personnes dans l’incertitude.
L’hiver dernier, le gouvernement a réduit de 20 % le quota d’étudiants internationaux autorisés à étudier au Québec l’an prochain. (Petit mémo au Collège LaSalle, au cas où.)
Plus tôt ce mois-ci, il a également imposé un moratoire sur certaines nouvelles demandes de parrainage pour les proches, comme les conjoints, parents ou enfants adultes.
Legault a maintes fois demandé au gouvernement fédéral de relocaliser une partie des demandeurs d’asile arrivant au Québec — une forme d’immigration que les politiques ne peuvent pas contrôler et qui exerce une pression sur les services sociaux de la province.
Le Québec a adopté une nouvelle loi précisant comment les nouveaux arrivants doivent s’intégrer, tandis que le projet de loi 96 coupe leur accès aux services publics dans une autre langue que le français après six mois — peu importe les délais pour accéder aux cours de français.
Qu’il s’agisse de quotas, de plafonds, d’échéances, d’amendes, de lois ou d’attentes irréalistes, les immigrants sont placés dans des situations vouées à l’échec, et les institutions anglophones avancent à tâtons dans un champ de mines, dans le cadre de la stratégie machiavélique du gouvernement Legault pour protéger la langue française.
Traduit par ChatGPT