lundi 6 mai 2024
Christian Bégin nous révèle une aberration dans l'agriculture au Québec

Christian Bégin nous révèle une aberration dans l'agriculture au Québec

Dans ce cri du cœur, qui remet en question le modèle agricole actuel, le chroniqueur Christian Bégin a décidé de laisser la nuance de côté. Parce que, dit-il, «il y a de ces appels d’air qui font une entorse à la nécessité de la nuance».

– Pis eux-autres, y font quoi?
– Y ferment les plants.
– Késsé y ferment les plants?
– Ben y ferment les plants un par un avec un élastique…

Je le regarde, perplexe.

– Pourquoi y font ça?
– Pour que l’chou-fleur reste blanc. Les consommateurs veulent un chou-fleur blanc. En fermant l’plant avec un élastique, le soleil fait pas jaunir le chou-fleur…

Je suis interdit. Catatonique.

Pour vrai y’a des kilomètres de choux-fleurs si on met ça bout à bout! Des dizaines de kilomètres. De plants de choux-fleurs. À fermer avec un élastique bleu. C’est une étape de la production qu’on ne peut pas mécaniser. Ça se fait manuellement. Plant par plant. Penché à une hauteur absolument inconfortable. Y fait chaud, le soleil plombe. Y sont une douzaine d’ouvriers guatémaltèques et mexicains à faire cette sale job. Ça a juste aucun sens. Ça n’a AUCUN sens.

Pis là j’vous parle pas des choux de Bruxelles.

Je suis sur une mégaferme maraîchère quec’part au Québec. J’vous dis pas où exactement. Ça sert à rien ici. Rendu là, c’est pu une ferme. C’est autre chose. Une exploitation agricole. Une entreprise. Une business.

C’est une business. On y fait le commerce des légumes. C’est de ça que j’ai envie d’vous parler aujourd’hui.

De la distinction criante entre l’agriculture et le commerce. De l’urgente nécessité de comprendre cette distinction si nous voulons vraiment amorcer une transition durable vers une POLITIQUE – pas des mesures! –, une POLITIQUE de souveraineté alimentaire.

Alors que la crise sanitaire que nous vivons actuellement révèle, entre autres, la vulnérabilité effarante de notre «système d’agriculture», comme celui de notre «système de santé».

Alors que nous nous apercevons collectivement combien nous dépendons de la main-d’œuvre étrangère pour aller aux champs et que sur toutes les tribunes on appelle à la mise sur pied de mesures – pas d’une politique! –, de mesures favorisant la souveraineté alimentaire ou du moins une plus grande indépendance en cette matière.

Alors que cet appel réveille chez plusieurs Québécoises et Québécois l’envie d’aller jouer dans la terre et de prêter main forte à «nos» agricultrices et agriculteurs, comme il faut urgemment se joindre aux commandos de médecins et d’infirmières et de préposé.e.s aux bénéficiaires dans les CHSLD pour sauver «nos» aîné.e.s.

Alors que tout ça et plus encore…

Ben y faudrait peut-être d’abord essayer de comprendre pourquoi on en est là. Non?

Parce que si on comprend pourquoi on se retrouve dans cette inquiétante et révélatrice situation ben, éventuellement, on pourra mieux choisir ce qu’on veut sauver et pourquoi.

Il faut savoir pourquoi on est passé de 80% d’autonomie alimentaire à plus ou moins 30% en 50 ans et pourquoi c’est grave.

Pourquoi c’est très grave.

Lire l'article complet: Caribou du 29 avril 2020