mardi 7 mai 2024
Les chauves-souris amis des vignerons en Monbazillac

Les chauves-souris amis des vignerons en Monbazillac

Un justicier veille dans la nuit. Ses ailes noires et son vol silencieux pourchassent sans relâche la vermine, qu’il terrasse de ses dents acérées. Nous ne sommes pas à Gotham City, la ville de Batman, mais dans le vignoble de Monbazillac. Une expérience y est menée pour favoriser l’implantation de chauves-souris, prédateurs d’un nuisible : le ver de la grappe.

BatViti, c’est son nom, est piloté par la Chambre d’agriculture, le Conservatoire des espaces naturels (CEN) d’Aquitaine et la Cave de Monbazillac. Depuis le 27 juin, deux nichoirs à chiroptères, réalisés par les collégiens de Henri IV, ont été installés à la lisière du parc du château et des parcelles de vigne.

Un ravageur du vignoble

L’eudémis est un vieil adversaire des viticulteurs. Ce papillon, dont la présence est déjà attestée dans l’antiquité, fait figure de fléau des vignes. Ses larves surtout. En effet, les vers du lobesia botrana (son nom scientifique) occasionnent des blessures par perforation des grains de raisin, entraînant l’écoulement de jus sucré, ce qui favorise l’installation des différentes pourritures, dont le botrytis dans sa version négative.

Certaines années, les dégats ont été énormes, comme en 2006 où, selon la parcelle, « 10 à 25 % de la récolte était bonne à jeter », se souvient Guillaume Barou, vice-président de la cave de Monbazillac. Jusque là, les vignerons n’avaient pas d’autre choix que de traiter les vignes à l’aide de produits phytosanitaires. Le projet BatViti vise à réduire ces intrants, tout comme la confusion sexuelle, elle aussi à l’étude dans le vignoble (lire ci-contre).

Analyses ADN des déjections

Les chauves-souris sont friandes d’insectes : certains individus peuvent en dévorer 2 500 en une nuit. En favorisant leur implantation, François Ballouhey, technicien à la Chambre d’agriculture, espère proposer « une alternative au phytosanitaire ».

Ce programme qui doit durer cinq ans n’en est qu’à ses débuts, avec l’analyse des zones où implanter d’autres nichoirs. S’en suivra une longue période d’observation : « Nous étudierons les espèces présentes en analysant leur fréquence car, pour se guider dans l’obscurité, les chauves-souris usent d’un système d’écholocation à ultrasons. »

Pour être bien certain que ces chiroptères ont mangé des eudémis, les chercheurs analyseront les empreintes ADN présentes dans les crottes retrouvées au pied des nichoirs. Un autre nuisible pourrait faire partie du menu : la mouche suzukii, qui aime pondre ses larves dans les jeunes grains.

« Avec la confusion sexuelle, il s’agit d’augmenter la pression sur les vers de la grappe. Elles sont complémentaires les unes des autres, prévient François Ballouhey. Ces méthodes de biocontrôles visent à restaurer les équilibres, et maintenir à un niveau acceptable la quantité de nuisibles à la viticulture. Il ne s’agit pas d’exterminer des populations. »

La confusion sexuelle

Décidément, rien n’est épargné au ver de la grappe. En plus de risquer de se faire dévorer par une chauve-souris quand il est à l’état de papillon reproducteur, sa reproduction même est combattue. De nombreux vignerons de Monbazillac ont opté pour la technique de la confusion sexuelle.

L’idée est simple. Dans les rangs, un fil imprégné de Z9, la phéromone synthétique du papillon ravageur, est exhalé. Dans cet environnement saturé d’hormones féminines, les males sont désorientés, au point de ne plus localiser, et donc féconder les femelles.

Cette année, le brouillage sexuel d’eudémis est pratiqué sur 40 % des parcelles de l’appellation, soit 960 ha, contre 15 % en 2014. Dans ces zones, le recours à l’insecticide contre le ver de la grappe a sensiblement diminué, avec zéro passage sur 80 % des surfaces, et un passage sur les 20 % restants. Une paille, par rapport aux trois voire quatre passages d’insecticides qui étaient monnaie courante autrefois.

Source: SudOuest.fr du 5 août 2016

NOTE DE L'ÉDITEUR

Même si l'article date de 2016, cette information est toujours d'actualité!