jeudi 3 octobre 2024
La souris de Walt Disney engloutit ses tyrans

La souris de Walt Disney engloutit ses tyrans

Disney va reprendre les studios de cinéma et télévision de 21st Century Fox dans un deal évalué à 66 milliards de dollars. But de l'opération : étoffer son offre face à Netflix.

Le patron de Disney, Bob Iger, a parfois des accents trumpiens. « Ca va être énorme », avait-il prévenu en septembre lorsqu'il a présenté sa nouvelle stratégie anti-Netflix. Trois mois après, le dirigeant sort l'artillerie lourde : Disney a annoncé jeudi matin qu'il allait mettre la main sur les studios de cinéma et de télévision de 21st Century Fox, l'empire Murdoch, ainsi que certaines activités à l'international, pour 52,4 milliards de dollars (66,1 milliards dette comprise).

En pratique, Disney va lancer une offre intégralement en titres, à l'issue de laquelle les actionnaires de Fox, dont les Murdoch, détiendront 25 % de Disney. Les autres actifs de Fox, notamment sa célèbre chaîne américaine du même nom, seront scindés pour devenir une nouvelle entité autonome, cotée séparément.

Pour Disney, la stratégie est claire : il s'agit de changer de braquet dans le streaming pour pouvoir concurrencer les services de vidéo à la demande comme Netflix , Hulu ou Amazon Prime. Ces derniers ont provoqué un véritable bouleversement sur le marché du câble aux Etats-Unis en grignotant des parts de marché à des chaînes de télévision longtemps toutes puissantes et vendues par abonnement à des prix très élevés. La chaîne de sport ESPN, l'un des joyaux du groupe Disney, fait ainsi face à une hémorragie d'abonnés.

Géant du streaming

A la tête de Disney depuis 2005, Bob Iger s'est engagé dans une transformation en profondeur du groupe, dont il entend désormais faire un géant du streaming. En août dernier, il a annoncé qu'il ne renouvellerait pas les accords de distribution concernant son catalogue avec Netflix. Il gardera la main sur ses contenus pour lancer ses propres chaînes de streaming. D'abord dans le sport avec ESPN Plus en 2018, puis avec une offre plus familiale, l'année suivante. Le groupe a aussi dépensé 2,6 milliards de dollars pour prendre la majorité de BamTech, un spécialiste de la technologie du streaming.

Les studios de Fox doivent lui permettre d'étoffer ses contenus à la fois dans la télévision et dans le cinéma, avec de nouvelles franchises comme Avatar et X-Men, mais aussi des shows à succès pour la télévision et des séries comme « Les Simpsons » ou « Homeland ». Une stratégie dont Bob Iger a montré l'efficacité depuis plusieurs années, reprenant successivement les studios d'animation Pixar, de Marvel Entertainment et de Lucasfilm, la société productrice des « Star Wars », qu'il a fait prospérer au sein du groupe . Disney va aussi mettre la main sur un réseau de 22 chaînes régionales centrées sur le sport.

Outre les studios de télévision et de cinéma de la Fox, Disney va reprendre les chaînes FX et National Geographic, ainsi que ses actifs internationaux, notamment les chaînes indiennes Star, les 39 % détenus par la Fox dans le groupe européen de télévision Sky , ainsi que sa part dans la plateforme de streaming vidéo Hulu, concurrent direct de Netflix.

Scission

La transformation promet d'être aussi radicale, voire davantage, pour l'empire de Rupert Murdoch. Ce dernier ne conservera que les chaînes Fox et ses déclinaisons (stations locales, chaînes d'information,...), mais reste par ailleurs propriétaire de News Corp., qui rassemble ses titres dans la presse (« Wall Street Journal », « The Sun » et « The Times »), ainsi que d'autres chaînes câblées.

Censé quitter le groupe en 2019 , Bob Iger, 66 ans, a prolongé une nouvelle fois son mandat jusqu'à 2021 pour superviser l'intégration des actifs. Aucun Murdoch ne devrait pour l'instant siéger au conseil d'administration de Disney.

Reste une inconnue, et de taille : l'administration Trump, qui vient de bloquer le rapprochement AT & T-Time Warner autorisera-t-elle une opération rapprochant deux entreprises aussi frontalement concurrentes, en particulier dans le sport?

Source: Les Echos.fr du 14 décembre 2017