jeudi 18 avril 2024
La chasse aux brassins rares

La chasse aux brassins rares

Patienteriez-vous en file pendant des heures pour obtenir quelques précieuses bières? C'est ce que font de plus en plus d'amateurs quand sont lancées de bières spéciales. Popularisée chez nos voisins américains depuis une douzaine d'années, la chasse aux brassins rares et acclamés gagne maintenant le Québec.

La chasse aux brassins rares

De l'eau, du malt, du houblon et de la levure. C'est tout ce qu'il faut pour fabriquer de la bière. Or, plus raffinée que jamais, la bière compte aujourd'hui des amateurs qui se disputent les bouteilles rares, quitte à patienter des heures durant à l'occasion d'un bottle release, le lancement festif de brassins limités.

Tout a commencé en avril 2005 quand 3 Floyds, à Munster, en Indiana, a organisé le premier Dark Lord Day célébrant le lancement de la Dark Lord, un stout impérial russe offert une fois l'an. Douze ans plus tard, l'événement a pris des proportions titanesques. Le 13 mai dernier, près de 9000 personnes ont déboursé 180 $ pour mettre la main sur six bouteilles du précieux élixir.

Visionnez la vidéo du Dark Lord Day 2017

Le phénomène ne se limite pas à l'Indiana. Au Vermont, les gens font la file pour faire remplir leurs cruchons (growlers) chez Hill Farmstead Brewery (désignée meilleure microbrasserie en 2013 par RateBeer) ou acheter quelques canettes de Heady Topper chez The Alchemist, ou encore rivalisent d'ingéniosité pour dénicher la Sip of Sunshine de Lawson's. Même phénomène au Massachusetts, où les canettes houblonnées des microbrasseries Tree House, Trillium et Night Shift s'envolent à vitesse folle.

Le phénomène gagne le Québec

La vague de popularité des bottle releases et l'engouement pour les bières rares ou produites à petits volumes a, depuis quelques années, gagné le Québec. En mai 2013, la Brasserie Dunham a été l'une des premières à organiser de tels événements rassembleurs afin de vendre de petits brassins.

«Nous voulions trouver un moyen de commercialiser certaines bières aux quantités extrêmement limitées, et le bottle release était la solution idéale. L'inspiration est clairement américaine», explique Simon Gaudreault, copropriétaire de la Brasserie Dunham.

Même son de cloche chez Dieu du ciel!, qui organise des releases depuis l'hiver 2015, comme le Péché Day pour le lancement de la Péché mortel en fût de bourbon et le Marché d'hiver. «Je suis moi-même surpris de l'ampleur que ça prend. Pour le Marché du 9e anniversaire, il était possible de réserver sa place sur le web pour éviter le chaos. En 10 minutes, les 500 billets étaient vendus», raconte Jean-François Gravel, maître-brasseur et copropriétaire, avouant du même coup que de tels événements sont très rentables pour l'entreprise, même s'ils sont un peu essoufflants.

C'est pour pouvoir offrir une double IPA à bon prix que Les Trois Mousquetaires a lancé sa journée annuelle de vente à la porte en août 2013. «On voulait en brasser une, tout en assurant la distribution. Mais sans qu'elle coûte 6 ou 7 $ chez le commerçant, le houblon étant cher. En la vendant à la brasserie, on peut l'offrir à 3 $», indique le maître-brasseur Alex Ganivet-Boileau.

Même Les Brasseurs du Nord (produits Boréale), soucieuse de reconquérir la clientèle des beer geeks, s'y est mise. Au début du mois de mai, 355 caisses de 12 canettes d'IPA du Nord-Est (non offerte en magasin) ont été vendues en 1 h 40 min directement à la brasserie de Blainville. Quelque 280 amateurs ont patienté sous la pluie, certains dès 7 h 30, avant l'ouverture de la vente à 11 h.

La rareté en magasin

Si les brassins rares font courir les foules dans les microbrasseries, il en est de même dans les magasins spécialisés. Certaines bières sont produites en trop petites quantités (en raison de la capacité de brassage, de la longue durée de fabrication ou de la volonté des brasseurs) par rapport à la demande. C'est notamment le cas de la Brasserie Auval de Val-d'Espoir, en Gaspésie, qui suscite un tel engouement depuis son démarrage en août 2015 que ses produits se vendent sitôt qu'ils sont libérés.

«On met les caisses sur le plancher et ça part en quelques heures», raconte Pierre-Luc Gagnon, conseiller responsable de la section bière au Dépanneur Peluso, à Montréal. Maintenant, quand on a une livraison d'Auval, on ne l'annonce plus à l'avance. On ne peut pas avoir 60 personnes qui attendent dans le magasin.»

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Source: Lou White, via La Presse du 8 juin 2017