vendredi 29 mars 2024

Les vendangeurs en France sont bichonnés et rénumerés

A peine rentrée de l'école avec ses enfants, Delphine les installe à table dans la cuisine, vérifie la cuisson du rôti et s'assure que tout sera prêt aussi pour la trentaine de vendangeurs de son domaine du Beaujolais, qu'elle bichonne comme le veut la tradition.

Alors que Pôle emploi constate « une érosion » des offres de vendanges avec hébergement, le comte et la comtesse Amaury et Delphine d'Harcourt assurent toujours à leurs saisonniers gîte et couvert, avec le plus grand soin. « On leur coupe le pain, on leur met un grille-pain, ils ont du jus de fruit, ils ont plein de choses pour pouvoir démarrer la journée correctement. Le moral du vendangeur, il est dans l'assiette, assure Delphine. Ils récoltent le travail d'une année pour nous, donc on a besoin qu'ils soient en forme et motivés. »

Le repas fini, la maîtresse de maison soigne aussi les bobos : piqûre de guêpe, doigts coupés pour deux jeunes filles, genoux douloureux pour un costaud à tatouages. « Je te laisse les moribonds, je vais m'occuper des Américains », glisse-t-elle à Sandrine, l'employée qui gère l'équipe de vendangeurs. Cet après-midi, la comtesse reçoit un groupe d'outre-Atlantique venu visiter le château familial à Montmelas-Saint-Sorlin. Celle qui est commerciale pour le domaine le reste de l'année ne manquera pas de leur faire déguster le "Marquis de Montmelas", la marque maison.

"Souci de l'ambiance"

Une fois les bobos soignés, Sandrine met tout le monde dans le camion et monte sur un coteau qui domine le château médiéval. « Je ne veux voir que vos dos, pas vos têtes », lance-t-elle à ceux qui discutent. Et les dos de se courber vers les ceps taillés en bouquet, particulièrement bas. « Ils sont crevés aujourd'hui, ça se voit. Demain, on leur donnera la matinée ».

Alors que de plus en plus de propriétaires font travailler des groupes de Polonais ou de Turcs, au sein desquels la productivité l'emporte sur les relations humaines, les d'Harcourt ont le souci d'entretenir une ambiance conviviale. Pour motiver ses troupes, Sandrine entonne des chants du cru. Patrick et son fils Nicolas, qui viennent tous les ans de la Meuse, enchaînent blagues et calembours. Dans les caves, en contrebas, Amaury s'occupe des récoltes des jours précédents avec quatre jeunes - une apprentie en Bts et trois saisonniers. Les pieds dans une cuve, tête baissée, il pellette les grains vers les bords, pour un remplissage homogène. Benoit, un blond à lunettes qui vient de renoncer à la tâche, montre ses mains éraflées par les parois. « On est obligé d'y aller, parce que comme c'est des apprentis... ils savent pas travailler », lâche Amaury.

"Vodka et Beaujolais"

Après une douche et en civil, seuls le teint hâlé et les yeux rougis par le soleil trahissent l'activité de la journée. Vignerons et habitués s'attardent à table et relatent leurs souvenirs. « J'ai connu Amaury, il était pas plus haut que ça », se souvient Patrick, qui vendange ici depuis 35 ans. Amaury, lui, sait qu'il peut compter sur ses « Meusiens » tous les ans : Patrick conduit les tracteurs, sa femme Frédérique cuisine, et Nicolas, le fils, est porteur ou « jarlot », comme on dit dans le Beaujolais.

Donner des ordres à ceux qui l'ont vu grandir ? « On essaie plutôt d'influencer les habitudes », sourit le patron. Ça a l'air de fonctionner : Nicolas, dit « Chonchon », aura passé ses six semaines de congés annuels à travailler à Montmelas en 2014. Et pour Quentin, la vingtaine, « on se sent un peu comme à la maison. On a notre pause café, après on va faire une petite sieste. Tout est fait pour qu'on travaille dans les meilleures conditions ».

Dehors, les jeunes ont entamé la soirée sur la terrasse. Un grand brun vient demander s'ils peuvent remplir quelques bouteilles de la cuvée maison. Et quatre étudiants Polonais invitent à goûter une vodka de chez eux. En cas d'excès, les vendangeurs auront la matinée du lendemain pour se remettre. « Faudra qu'on leur laisse des seaux quelque part », anticipe Delphine. 

AFP
SourceAgrisalon.com du 28 septembre 2014

NOTE DE L'ÉDITEUR

Deux cultures differentes: Ici on fait payer les vendangeurs pour creer une expérience-client , en Europe on paye les vendangeurs. En parrallèle, la Mercedez est consideré ici en Amérique comme le symbole de la réussite, et  au Moyen Orient c'est la voiture des chauffeurs de taxis

À propos de l' auteur

Je suis un «réseauteur dans l’âme» et je suis en charge du développement des affaires dans les réseaux de l'agroalimentaire, des alcools et de l'hospitalité (HRI-HORECA). Mes objectifs sont de vivre en très bonne santé financière, en équilibre et en harmonie. Lire la suite...