Au printemps 2022, un groupe de vignerons québécois chevronnés s’est déplacé dans le Kamouraska pour prêter main-forte à un des siens. Samuel Lavoie, de la ferme Le Raku, était confiné à un fauteuil roulant après un grave accident. L’histoire qui suit en est une de grande résilience, mais aussi de solidarité dans un milieu qui a choisi l’entraide plutôt que la rivalité.
La dernière fois que j’avais arpenté les vignes du Raku, c’était il y a cinq ans exactement, au lendemain d’un repas festif tenu au sommet du vignoble avec l’équipe du restaurant Côté Est. Samuel m’avait entretenue sur la particularité de chacun des cépages avec lesquels il expérimente depuis plus de 15 ans, tout en démontrant sa connaissance intime de l’effet du fleuve sur son bout de territoire et en parlant de sa passion pour l’escalade.
Cette fois-ci, à la mi-août, c’est dans le camion du vigneron que nous explorons le « recul » (le nom, Raku, fait référence à ses terres reculées), lui et moi. Dans les rangs, la petite équipe du Raku, dont la jeune paire de bras droits nouvellement embauchés, Paul Liboï et Flavie Rivard, s’affaire à effeuiller les vignes pour une meilleure maturation des baies. Samuel a retrouvé une certaine liberté depuis qu’il a pu reprendre le volant de son véhicule adapté. Il est même allé livrer du vin jusqu’en Gaspésie, question de se dépayser un peu.
« Le fleuve est le boss ici, me rappelle Samuel. Il fait un effet tempéré. On n’a pas de pics de chaleur ni de froid. Et sur une vigne, cette stabilité paraît beaucoup. Je n’ai presque pas de gels printaniers et à l’automne, ça gèle tard. Je peux donc vendanger jusqu’à la fin d’octobre sans problème. Ça compense le fait que nos étés ne sont pas très chauds. »