« Comment défendre le vin comme boisson certes alcoolisée mais unique et culturelle ? La question s’impose à tous les membres de la filière… ». La rubrique “Vu d’ailleurs” de Pascaline Lepeltier, sommelière à New York, et Meilleur ouvrier de France.
«Mon grand-père voyait le vin comme un produit civilisationnel. Dès cette époque, il avait réuni des scientifiques, des journalistes, des artistes… pour faire évoluer le discours sur le vin. Ce n’était pas encore gagné à l’époque. » Carissa Mondavi, la petite-fille de Robert Mondavi, pionnier du renouveau viticole californien, me montre la contre-étiquette de The Reserve Cabernet Sauvignon 1987. « Wine has been with us since the beginning of civilization […]. Wine in moderation is an integral part of our culture, heritage and the gracious way of life. » (Le vin est avec nous depuis l’origine de la civilisation […]. Le vin avec modération fait partie intégrante de notre culture, de notre patrimoine et de la grâce de notre art de vivre.) Cinquante-quatre ans après la Prohibition, consommer du vin était encore vu avec réticence, et le pionnier de l’œnotourisme dans la Napa Valley savait qu’il fallait éduquer pour faire changer cette vision puritaine.
On pourrait croire que la situation a depuis changé. Le French paradox est passé par là. Les cours de dégustation, les voyages dans les régions viticoles se sont démocratisés. Les médias sociaux diffusent par milliers des vidéos où vin et culture gastronomique sont liés. Les formations se sont multipliées, la sommellerie a été reconnue. Pourtant, trente-sept ans après, un groupe de professionnels nord-européens et nord-américains tire la sonnette d’alarme. Constatant la déconsommation de vin et le moindre intérêt des jeunes, dont un nombre croissant perçoit l’alcool comme néfaste pour la santé, ils se sont penchés sur l’importance grandissante d’un nouveau discours puritain vis-à-vis des boissons alcoolisées.