
Jean Chouzenoux
Le pays de la Lavande
Au départ de Nice, empruntez l’autoroute A8 direction Marseille. Quittez à la sortie St-Tropez et remontez vers le nord en sillonnant sur une enfilade de jolies routes départementales, direction le Plateau de Valensole. Bien sûr, vous avez attendu le mois de juillet pour que la Lavandula, arbrisseau dicotylédone à fleurs mauves de la famille des Lamiaceae, soit en pleine floraison. Mais est-ce un songe ? Celui d’une vie antérieure à ce satané Virus ou un mirage ? Celui d’une vie post Covid-19 où les voyages auront un jour repris cours. Ce qui est sûr, c’est qu’ici en France, l’été sera comme au Québec, les vacances se prendront dans nos régions respectives. L’occasion pour moi de visiter l’arrière-pays provençal et de vous en relater quelques bribes.
Dans les Alpes de Haute Provence
Le Plateau de Valensole est une région des Alpes de Hautes Provence ceinte de deux plans d’eau, la rivière de la Durance et le majestueux Lac Ste-Croix. On y accède par des routes bordées de platanes haut de 20 mètres qui se rejoignent en leur cime, comme les ogives d’une cathédrale, formant un sublime toit ombragé. Les champs adjacents aux cultures variées sculptent une mosaïque et complète ce décor de charme, tel une toile de Monet. Valensole constitue en quelque sorte le grenier de la région tant la culture y est abondante et foisonnante. Les principaux éléments contributifs à cette terre nourricière sont bien évidemment le sol et le climat. La terre de gypse, cette roche saline sédimentaire, se conjugue harmonieusement au climat méditerranéen qui sait être parfois caniculaire en juillet et août. Poussent alors, blé, cerisiers, amandiers, vignes, melons, truffes et, en deux teintes dominantes, la lavande.
Chaque année, au moment de la floraison, les badauds abondent appareils photos en main fébriles à l’idée de clichés qui figeront leurs souvenirs et qu’ils relaieront via les technologies d’aujourd’hui. On n’y échappe pas, dès qu’une première étendue violacée se pointe à l’horizon on cabre les roues du véhicule qui prend appui sur le bas-côté de la route, on sort l’attirail, on pointe l’objectif et on enclenche l’obturateur. Bon avec un iPhone, c’est plus simple. Au-delà du panorama exceptionnel, s’ajoute le bourdonnement incessant des abeilles butineuses et les parfums exaltants de la lavande chauffée par le soleil, complétant ainsi cette totale expérience sensorielle. Tantôt vous avez une étendue horizontale à perte de vue, tantôt le champ est adossé à une falaise calcaire, ailleurs il jouxte une aire de tournesols, parfois c’est un simple carré au pied d’une montagne, or quand vous avez le village médiéval haut perché en arrière-plan, c’est l’apothéose, je dirais même plus c’est jubilatoire !
Ça sent bon et les abeilles bourdonnent sans cesse, au point d’enterrer le chant des cigales!
Les produits à base de Lavande
La transformation de la fleur de lavande se décline en une multitude d’options. Il y a bien sûr les produits cosmétiques allant des barres de savons en passant par les huiles essentielles jusqu’aux sublimes parfums. Mais en amont, il faut procéder à la distillation qui démarre généralement vers la fin août, après les récoltes. Celles-ci se font manuellement, à la faucille ou mécaniquement avec de gros tracteurs qui fauchent jusqu’à trois rangs en même temps. Les épis sont ensuite assemblés en ballots de 500 kilogrammes avant d’être déposés sur une grille au cœur d’un alambic. Une eau chauffée à 160 degrés fera remontée une vapeur qui passera à travers les ballots de fleurs. Cette vapeur chargée d’essences est acheminée vers des tuyaux réfrigérants qui lui redonne sa forme liquide sous forme d’huile de lavande. Vous obtenez ainsi la matière première utilisée pour la confection des dérivés cosmétiques.
Autre produit, alimentaire cette fois, produit au cœur de la Provence est le miel de lavande. Réputé pour ces vertus gustatives et médicinales ses arômes délicats et parfumés, sa couleur dorée, sa texture onctueuse et son goût délicat lui confèrent sa singularité. Conséquemment, on n’est guère surpris de voir disposées un grand nombre de ruches le long de certaines aires de plantation de lavande. Ce sont les abeilles ouvrières qui récoltent le nectar, d’où le bourdonnement continuel dans les champs, pour ensuite le transmettre par la technique du « bouche à bouche » à leurs consœurs demeurées au rucher et qui s’activent à transformer le délicieux nectar en miel unique et savoureux.
Enfin, souvenir indélébile d’un séjour provençal…qui n’a pas reçu un jour en cadeau ces petits sachets en tissus brodé embaumant la lavande et que l’on place au creux d’un tiroir pour donner bonne odeur ou pour chasser les mites ?
Alors, avec l’espoir qu’un médicament ou vaccin soit rapidement découvert afin de contrer cette souche du coronavirus, voilà un séjour à planifier lors d’un prochain séjour dans le sud de la France.
La vie au vignoble au temps de la COVID-19
Cette semaine j’ai parlé à quelques amis viticulteurs afin de les soutenir d’abord mais aussi pour connaître l’impact qu’a sur leurs activités ce satané virus. Bien sur les conséquences sont, comme pour tout le monde, plutôt personnelles que professionnelles. En ce sens, tous respectent les consignes de confinement. Mais dans ce métier, où une grande partie du succès est due à ce qui se passe dans le champ, il y a moyen de positiver en se disant que cette catastrophe sanitaire survient à un moment ou c’est plutôt calme dans les vignes. La nature suit donc son cours et les ceps se chargent tranquillement de leur feuillage sous l’impulsion des chauds rayons printaniers. Mais imaginez que la misère ait frappée en octobre en pleine vendanges !
Concrètement, entre les rangs de pinots noirs ou de chardonnay, « nos gens continuent à y aller et maintiennent une distance de deux mètres entre eux. Et on évite les attroupements, car la Police circule et nous a à l’œil » me dit Jean-François Mestre, de Meursault. Et d’ajouter qu’en ce moment comme il n’y a pas de session d’embouteillage les risques en cave s’amenuisent. Pour les livraisons, quand un camionneur arrive, la palette est déjà prête, il n’a qu’à la prendre, la charger et signer le bon de commande… aucun contact risqué là encore. Non, le vrai impact sera économique car les commandes pour la restauration, le marché local et surtout pour l’exportation est pratiquement tombé à zéro partout en France.
En Alsace, du pied de la majestueuse colline du Schlossberg, c’est Catherine Faller du Domaine Weinbach qui m’écrit : « nous avons suspendu nos activités de dégustation et fermé les ventes au caveau. Pour l’heure le travail viticole se poursuit afin de ne pas mettre en péril la récolte 2020. Nos équipes travaillent au plein air avec une distance de sécurité de plusieurs mètres entre eux. »
Pas de risque immédiat pour le millésime 2020 mais la situation évolue rapidement et il faudra suivre l’évolution de la crise et surtout sa durée. Dans la filière viticole, comme dans toutes les sphères d’activités commerciales, il y aura un lourd tribut économique à assumer. Le métier de vigneron et de producteur de vin est compliqué, soumis aux aléas climatiques changeant, aux normes sanitaires de plus en plus strictes et voilà qu’un ennemi aussi soudain qu’inattendu vient se poser au-dessus de leur tête comme une épée de Damoclès. Ils auront droit à notre support réconfortant quand l’accalmie adviendra. Nos caves et celliers nous devrons remplir !
Par ailleurs, en France et en Europe toute l’industrie du vin a été frappée ces dernières semaines et ce à différents niveaux. D’abord tous les salons, événements commerciaux ou concours de dégustations sont reportés ou carrément annulés. Prowein le plus gros salon commercial dédié au monde du vin, qui reçoit chaque année des milliers de visiteurs du monde entier en Allemagne, annulé. Le Salon des Vignerons Indépendants qui tourne dans plusieurs villes de France a interrompu sa tournée et les arrêts prévus à Nice et à Bordeaux, en mars et avril. Les Grands Jours de Bourgogne, événement qui fait rejaillir l’image de la Bourgogne et de ses appellations prestigieuses aux quatre coins du Globe : annulé. Un dur coup pour les organisateurs et leur travail de longue haleine qui vise à réunir chaque année sommeliers, restaurateurs, acheteurs professionnels du monde entier autour des étals des nombreux producteurs bourguignons.
Du côté des concours de dégustations, notons la plus que mise en quarantaine, des Citadelles de Bordeaux ou le Mondial du Rosé de Cannes, deux événements qui ont fait l’impasse sur l’édition 2020. Je me croise les doigts en pensant à mon ami Réal Wolfe qui pour l’instant a repoussé l’édition 2020 des Sélections Mondiales des vins du Canada, de la fin mai à la fin juin.
Alors chers lecteurs, pour surmonter la morosité ambiante, suivez les conseils de notre cher Samy Rabbat et innovez chaque soir avec une thématique apéritive différente et festive…dans le confort de votre foyer !
Du vin sur la Côte d’Azur !
Il n’y a pas que paillettes et strass sur la Côte d’Azur ! Outre voitures sport et yachts de milliardaires y pullulent aussi oliviers, citronniers ou mandariniers. Moins glamour, certes, mais autrement plus utiles au commun des mortels. Tenez, juste derrière chez-moi, sur les basses collines de Nice d’à peine 300 mètres de hauteur, braquet, rolle, folle-noire et grenache y poussent en rangs plus ou moins ordonnés, avec vue sur mer s’il vous plaît !
Soixante hectares de vignes bien comptés s’agrippent à ce sol de silice, de galets roulés, d’argile et de craie, une macédoine locale que l’on appelle dans le jargon du cru, le poudingue. Une dizaine de producteurs s’échinent à cultiver ces parcelles construites en terrasses afin de retenir la terre qui, vue la pente accentuée et la gravité conséquente, chercherait à fuir inexorablement vers la plaine du Var, juste en-dessous. Ah oui, le nom de cette minuscule AOC des Alpes-Maritimes ? Vin de Bellet.
L’autre facteur de réussite essentiel à la culture de la vigne est bien sûr le climat. Point de stress de ce côté, avec un ensoleillement généreux, vous vous en doutez bien, une température estivale moyenne de 25 ºC, ici même les raisins ont la farniente, caressés qu’ils sont par une douce brise marine. Enfin, le vignoble est correctement arrosé, comme l’indique une pluviométrie de 800 mm par an, mais cela demeure élément à risque au moment des vendanges et des fortes pluies d’automne.
Vous voici au Château de Bellet, vignoble de la Côte d’Azur!
Le Château de Bellet
Ce n’est pas d’hier que la vigne pousse sur les collines niçoises. Il y en avait semble-t’il bien avant Jésus-Christ. Mais la culture domestiquée telle qu’on la connaît de nos jours remonte au détour du XVIIIe siècle quand les Barons de Bellet y ont planté leurs premiers ceps. L’appellation d’origine contrôlée Bellet remonte, quant à elle, à 1941. Aménagé sur ces hauteurs avec en toile de fonds les Alpes et la plaine du Var, on vinifie dans le chai du Château de Bellet les vins blancs, rosés et rouges. Ici, la culture bio s’impose. Juste au-dessus, dans une chapelle désacralisée, on peut y faire la dégustation et ses achats. D’abord le blanc avec une couleur jaune soutenue et des arômes alliant le fruit, la poire en l’occurence, et une touche épicée qui lui confèrent originalité et singularité. En bouche, un certain gras lui apporte de la rondeur et une douce amertume prolonge les sensations gustatives. Le rouge, souvent issu de baies bien mûres, recèle de parfums de prunes et de fruits confits. Ces particularités, on les retrouve en bouche en équilibre avec des saveurs poivrées et caramélisées.
C’est dans cette chapelle désacralisée et sur cette jolie terrasse que l’on peut déguster les vins du Domaine.
Il faut quand même débourser quelques écus pour se procurer ces vins si rares et peu exportés. Selon la qualité des vins du Domaine, cela oscille ici en France entre 20€ et 40€ (30 à 55$).
Pour l’anecdote, et comme on revient toujours au Star système sur la Côte-d’Azur, sachez que les vins du Château de Bellet ont été servis au mariage du Prince Albert et de la Princesse Charlène de Monaco. Vous l’aurez lu ici et… dans le Paris Match !
Le Limoncello de… Menton!
Une visite à la Fête du Citron de Menton, c’est une immersion au pays du citron ! Qui dit citron, dit tarte au citron, poulet au citron, cocktail au citron, thé au citron, mais aussi digestif au citron bien connu comme étant le Limoncello. Cette boisson exquise a ses racines en Italie, mais elle a migré à l’ouest, tout juste de l’autre côté de la frontière qui sépare l’Italie de la France. En effet, depuis plus de 650 ans l’agrume jaune fait la fierté d’une charmante petite ville sise au sud de la France, Menton. La plus italienne des villes françaises est aussi célèbre pour la célébration qu’elle organise tous les ans avec le citron comme tête d’affiche. Si d’aventure vous planifiez un séjour hivernal sur la Côte-d’Azur, prévoyez à la fin février d’assister au défilé des chars entièrement constitués d’oranges et de citrons. C’est féerique !
Un terroir adapté et une recette simple
Les premiers citronniers mentonnais ont été plantés vers l’an 1340 sur un terroir qui sied merveilleusement à cet agrume qui a également besoin de cures intensives d’ensoleillement. Situé à moins de dix kilomètres du bord de mer et à environ 350 mètres d’altitude, ces vergers du sud de la France donne des fruits à la pulpe riche et parfumée, au jus généreux et à la peau douce et épaisse. Et pas question ici de faire la grimace en croquant dans le fruit, il est si doux que l’on dévore tout du citron de Menton, sans même l’éplucher.
Le citron de Menton doit être cueilli avec la feuille selon les critères de l'IGP
Outre les nombreuses façons d’apprécier le rondouillet agrume, celle qui nous intéresse est sa déclinaison en boisson alcoolique digestive, le Limoncello. Bien que chaque producteur ait développé et raffiné sa propre méthode au fil des ans, un peu d’ordonnancement et d’encadrement ont été initiés avec l’apparition de l’Appellation Géographique Protégée (IGP), en 2015. Le cahier des charges définit un ensemble d’éléments visant à garantir qualité et traçabilité notamment, la culture en terrasse, l’irrigabilité, la densité de plantation, soit un arbre aux 16 mètres carrés, la taille saisonnière, les traitements contre les insectes et les maladies, et bien entendu, la récolte manuelle avec la feuille à la clé. Second chapitre du «code législatif» concerne la qualité et la mise en marché, alors que le tri départage les fruits selon leur taille et leur aspect et que la durée de stockage ne doit pas excéder sept jours avant la commercialisation dans un habillage spécifique à l’IGP. Voilà de quoi rassurer le consommateur!
Le logo de l’IGP bien en vue sur chaque fruit
Produire l’excellente liqueur Limoncello se révèle somme toute plus simple et sommaire que tout le processus lent et fragile de la vinification. À vos crayons: laisser macérer des écorces de citron dans de l’alcool, de l’eau et du sucre. Bon, je ne vous dévoilerai pas les proportions, mais je peux ajouter que le temps de macération pour obtenir le délicieux élixir est d’environ deux mois.
Petit territoire de production signifie peu d’exportation, par conséquent seuls les Limoncello italiens trônent sur les rayons de la SAQ. Voilà de quoi apporter un zeste de fantaisie à la fin de vos repas!
Carnet bourguignon
Ma dernière virée en Bourgogne se fit en plein milieu de la saison estivale, au moment où les collines de la Côte d’Or se pavent d’un vert étincelant. J’y avais réquisitionné un chauffeur particulier pour me guider à travers les sinueux chemins qui quadrillent le vignoble. Jean-François Mestre copropriétaire du Domaine Michelot à Meursault, vint me quérir dans la matinée et avant que le soleil ne tape trop fort sur nos têtes et sur les baies nous avons entamé la randonnée.
Jean-François Mestre du Domaine Michelot dans ses vignes de Meursault-Charmes
Je lui avais demandé au préalable de débuter par la tournée du proprio en arpentant chacune de ses parcelles réparties de Meursault à Puligny-Montrachet. En quelques minutes, nous voilà au Clos St-Félix situé juste derrière la maison de feu Bernard Michelot, personnage mythique de la Bourgogne et le beau-papa de Jean-François. Puis nous roulons à travers les Meursault villages du Domaine Michelot, Sous la Velle, Limozin, Narvaux, Grands-Charrons, puis aux abords des Premiers Crus que sont Charmes, Genevrières, Poruzot, Perrières. Jean-François me parle des tailles qui viennent d’être faites, de son approche en Bio, des greffes récentes et de la vendange à venir. Remontant dans le 4x4 on se dirige vers Puligny-Montrachet où la famille possède quelques rangs de vignes, puis à Santenay où le jeune vigneron d’alors, a appris les rudiments du métier de vigneron sur la propriété familiale. C’est d’ailleurs ici, que l’on vinifie le seul rouge produit par le Domaine Michelot.
Genevrières, premier cru à Meursault
Parlant de rouge, il faut vite remballer car nous avons rendez-vous à Ladoix, au Domaine Chevalier. C’est au autre illustre personnage bourguignon qui nous y attend, Claude Chevalier aussi connu de ce côté de l’Atlantique, car celui-ci connaît le Québec à en faire rougir certains Québécois de souche! Notre hôte guilleret dirige la marche dans le chai, pipette en main. Et qu’il est bon d’humer le fruité exaltant de la vendange récente, les pinots noirs aux parfums de griotte ou de framboises bien mures ; de mirer la robe chatoyante, vous savez ces rouges clairs inhérents à la Bourgogne; de goûter, que dis-je, de croquer avec gourmandise dans ce jus au fruité enivrant. Suivant la tendance actuelle, Claude a souhaité que l’on déguste ensuite les blancs et c’est vrai que le choc en bouche est moins brutal ainsi. Surtout que l’opulence des Ladoix et… du Corton-Charlemagne en impose drôlement. Riche, onctueux, juste la pointe d’acidité qu’il faut pour une parfaite symbiose. Le bonheur est dans le chai ! De quoi rendre fier le papa qui a passé la main à ses trois filles, dont Chloé qui travaille à la vigne et à la vinification depuis 2008.
Claude Chevalier, du Domaine Chevalier à Ladoix et à l’arrière plan, Nicolas Mestre, qui incarne la relève au Domaine Michelot.
La Côte de Beaune
S’étirant sur une vingtaine de kilomètres de Ladoix à Santenay, parfois sur des plateaux qui bordent la N 74 mais aussi sur des coteaux pouvant atteindre 400 mètres de hauteur, le terroir de la Côte de Beaune est composé d’une mosaïque de sols différents alliant surtout les marnes et les calcaires. Pas moins de 84 appellations sur ce petit territoire révèlent de la diversité régionale. Car ici, comme en Côte de Nuits, la diversité est seule maitresse. Le sol, ou climat comme on dit en Bourgogne, joue de toutes ses nuances pour apporter le caractère, la finesse ou le charme qu’il se doit au pinot-noir ou au chardonnay. Mais le chef ultime demeure le vigneron, doublé du titre d’oenologue et maître de chai. C’est lui qui par son art révèle le mystère bourguignon. Il crée sa propre partition selon la tradition familiale, les aléas climatiques et le style qu’il veut obtenir pour ses vins. Ne vous étonnez donc pas de déguster des Pommard ou des Cortons tantôt légers et délicats, tantôt robustes et tanniques, c’est le terroir et le patron qui en ont décidé ainsi.
En ce beau pays de France
Il y a aura bientôt 10 ans que je suis installé en France. Merci à mes parents de m’avoir gratifié de la double nationalité. Bien sûr qu’une fois à la retraite, c’est le climat qui a dicté mon choix, mais pas que ! En effet, j’ai d’abord découvert les régions viticoles de France lors de mes voyages personnels ou d’affaires du temps de mes années à la SAQ. Les Châteaux du Médoc ou de la Loire ; les doux vallons d’Alsace ; les pentes abruptes de la Vallée du Rhône ; les coteaux de la Champagne ; la route des Grands Crus de Bourgogne et depuis peu, les collines de Bellet bien sûr, car nous résidons à Nice. Au gré de mes pèlerinages et d’une connaissance plus approfondie des autres régions, je suis devenu profondément francophile, épris de la grande histoire de ce pays ; admiratif de sa richesse patrimoniale et architecturale ; ébloui par la beauté et la diversité de ses paysages, des falaises de Normandie à la côte méditerranéenne, en passant par les massifs des Alpes; gourmand devant ses vins de Bourgogne, sa Tomme de Savoie, son bœuf du limousin, son poulet de Bresse ; pantois devant la valorisation du travail des artisans et des agriculteurs ; fier de la réussite internationale des professionnels de l’industrie du luxe Chanel, Dior, St-Laurent, LVMH, Cartier ; passionné de sa culture musicale Brassens, Piaf, Montand, Barbara. Tout ça je le goûte, ici, sous le soleil et en français!
Par ailleurs, me réclamant de l’effort que doit faire l’immigrant qui arrive au Québec pour connaître un tant soit peu l’Histoire de sa terre d’accueil, je me suis astreint à ce devoir dès mon arrivée à Nice, en 2010. Cela continue de passer par la lecture des journaux, l’écoute des bulletins de nouvelles et des (nombreuses) émissions politiques ou la mémorisation du nom des ministres. De plus, il me faut connaître le parcours des personnalités qui ont façonné l’histoire de ce pays, d’où mon abonnement à la bibliothèque municipale à la recherche des biographies de Louis XIV, François 1er, Napoléon, Victor Hugo, Zola et de l’actualité plus récente avec les écrits de Sarkozy ou de Macron. Bref, réussir mon intégration en m’instruisant. N’y voyez aucune rupture avec mon Québec, j’y retourne deux fois l’an et garde un contact quotidien grâce aux technologies modernes.
Voilà ! tout ça pourrait s’arrêter là. Mais non, car… il y a la France détestable dont on parle trop souvent quitte à en devenir une risée internationale ! Vous l’aurez deviné, je fais référence à ce pays constamment paralysé par les grèves, les manifestations ou autres mouvements sociaux. Tout un lexique pour décrire que l’on prend la rue ! Conséquemment, la France est bonne première des pays de l’OCDE au chapitre du nombre de jours de grèves, avec 123 jours par an. À titre comparatif, c’est 21 au Royaume-Uni et 16 en Allemagne. Un exemple parmi d’autres, les contrôleurs aériens français se sont tapé 254 jours de grève lors de la dernière décennie, suivis par les contrôleurs grecs avec… 46 jours ! Si au Québec c’est le prix de l’essence qui monte à l’aube des grands congés, en France ce sont les cheminots de la SNCF qui débraient à la veille des vacances estivales ou de Noël. Dans ce pays des 35H par semaine, des multiples jours fériés, des banques et des bureaux de poste fermés entre midi et quatorze heures, tout devient une cause pour paralyser le quotidien des gens, ralentir l’économie et ternir l’image de la France à l’international. Aucune réforme ne devient possible, qu’elle soit économique (et justifiée) comme la révision de l’âge de la retraite ou sociale, comme le mariage pour tous. En outre, ce sont souvent les employés les mieux nantis qui font subir aux travailleurs indépendants et aux petits commerçants les conséquences dramatiques de leurs revendications, ces derniers devant congédier du personnel ou carrément déclarer faillite. Or, quand les grandes entreprises réfléchissent à investir en Europe, elles hésitent à privilégier l’Hexagone. De toute façon, cette habitude bien ancrée chez nos cousins touche toutes les sphères d’activités. Actuellement les avocats tiennent des journées de grève, France-Télévision est ponctuée de journées de débrayages et Radio-France, la Radio-Canada d’ici, en est à son troisième mouvement de grève en 9 ans. Les gouvernements ont beau être de gauche, de droite, du centre, rien n’y fait au Pays du mécontentement perpétuel et des crises à répétition. Le plus troublant est l’infiltration de casseurs professionnels dans ce qui est devenu un cirque hebdomadaire, avec la crise des Gilets jaunes. Les initiateurs de ces grandes manifestations, qui de surcroît prétendent parler au nom du peuple, ne se sentent nullement responsables du vandalisme dans les institutions, du saccage sauvage des monuments emblématiques, de la destruction du mobilier urbain et même des blessés qu’occasionne leur mode de revendication datant d’une autre époque. En ce sens, les chaînes d’info qui tournent en boucle (et nous font tourner en bourrique), n’aident en rien, mais contribuent plutôt à échauffer les esprits et faire monter la mayonnaise ! Y’a rien qui rend plus fier le matamore que de se voir à la télé après avoir fracassé une vitrine ou mieux, cassé du flic !
Violente manifestation des Gilets jaunes, devant l’Arc de triomphe à Paris/Crédit photo: le Journal Sud-Ouest
En terminant, la résilience des français impactés par ces soubresauts ne cesse de m’étonner. Dans tous les bulletins de nouvelles où l’on présente des microtrottoirs, la grande majorité des gens interrogés se range derrière les manifestants qui mettent à mal leur quotidien. Ils rongent leur frein et prennent leur mal en patience. À la limite, je dirais que cela n’entache en rien leur joie de vivre car, que vous entriez à la boulangerie ou aux Galeries Lafayette, on vous reçoit avec le même égard et une élégante courtoisie dont seuls les Français savent faire preuve.
Jean Chouzenoux
Nice
De la grogne à Bordeaux
Les États-Unis, sous l’impulsion de leur impétueux président, ont commencé en 2019 à taxer d’avantage les vins français. Par conséquent, selon la Revue du vin de France, les exportations de vin de Bordeaux ont diminué de 46% en novembre dernier. Cela ne fait qu’accentuer une tendance lourde qui voit non seulement fléchir l’exportation des crus bordelais depuis quelques années mais, aussi une baisse de la consommation des vins de bordeaux chez l’amateur français. En fait, il y a même une mode vers le « tout sauf Bordeaux » dans quelques restaurants parisiens ou certaines terrasses de la capitale. Sont sources de mécontentement, les prix élevés et le goût jugé uniforme des médocs ou autres vins de graves. Il y a aussi que Bordeaux a désormais de la compétition depuis l’essor qualitatif constaté dans toutes les autres régions de France, depuis une dizaine d’années.
Ce qui étonne ici, ce sont les pressions qui émanent déjà de la filière viticole bordelaise pour réclamer l’aide de l’État afin de compenser les pertes encourues! Mais de quoi parle-t-on? De diminutions d’exportations qui affectent le dividende ou de manque à gagner significatif qui porte certains domaines à la banqueroute? Car la baisse d’exportation, jumelée à une baisse d’intérêt du consommateur pose une toute autre question à savoir comment Bordeaux peut se rendre de nouveau attractive chez l’amateur? Car on a plutôt l’impression que, la région porte-étendard du vignoble français est actuellement victime d’un retour du boomerang!
Le Prix Le Montrachet
Le Prix Le Montrachet récompense chaque année des sommeliers qui œuvrent dans des capitales gastronomiques du monde entier. La carte des vins des établissements où officient ces professionnels doit faire la part belle aux produits de la Bourgogne. Une fois la ville sélectionnée par les organisateurs, les sommeliers peuvent s’inscrire au concours et faire étalage de leur expertise. Ils devront répondre à un questionnaire rigoureux mettant au défi leurs connaissances sur la Bourgogne, présenter la carte des vins du restaurant et savoir élaborer sur l’harmonie des vins proposés en fonction des plats listés au menu. Conséquemment, un jury international, sous la présidence de monsieur Jean-Pierre Faraut, copropriétaire du restaurant Le Montrachet en Côte-d’Or, entouré de journalistes, de restaurateurs, de producteurs ou d’autres professionnels du monde viticole, évaluera leur prestation et attribuera les prix aux lauréats.
L’édition 2019 mettait en vedette la sommellerie de Monaco et les résultats ont été dévoilés ce 27 novembre au prestigieux restaurant Louis XV, créé par Alain Ducasse en 1987. Sous le patronage du prince Albert de Monaco, neuf récipiendaires ont été honorés lors d’un événement à la fois protocolaire et formateur. Trois catégories avaient été constituées au préalable, soit établissements de prestige, établissements d’excellence et, pour cette édition, une catégorie spéciale afin d’honorer le meilleur caviste du réputé Rocher.
Par ailleurs, en guide de préambule, les convives avaient le privilège de rencontrer une trentaine de viticulteurs bourguignons qui avaient fait le déplacement pour représenter dignement les couleurs de leur terroir d’exception. Quel plaisir en effet de déambuler dans la somptueuse salle du Louis XV, verre en main, afin de déguster le Meursault-Charmes du Domaine Michelot, le Chassagne-Montrachet de la Maison Pillot, le Rully du Domaine Michel Briday, le Puligny-Montrachet de Thierry Amiot, le St-Aubin de Nathalie et Sylvain Langoureau, et bien d’autres encore.
Une trentaine de producteurs bourguignons ont fait le déplacement à Monaco, pour l’édition 2019 du Prix Le Montrachet. J’avais l’honneur de représenter le Domaine Michelot, de Meursault
Après les éditions de Londres, Moscou, Shangai, Los Angeles et Monaco, verrons-nous bientôt une édition du Prix Le Montrachet au Québec? Ce ne sont certainement pas le talent de nos sommeliers, ni le vaste choix de nos tables d’exception qui feront défaut.
La première fois…
Il y a toujours une première fois, son souvenir indélébile à la clé! Pour l’amateur de vin, ce sera de poser le pied à Romanée-Conti, trembler en humant Pétrus voire, verser une larme quand Yquem tapisse sublimement son palais. À chacun sa petite histoire. Pour le « boomer » que je suis, ayant plus de chemin parcouru qu’à parcourir sur le sinueux chemin viticole, les moments à inscrire d’une pierre blanche foisonnent. En ce temps de réjouissances de fin d’année, me reviennent à l’esprit mes premières fois champenoises.
…EN CHAMPAGNE!
C’est de pierre et de mortier qu’est fait mon premier souvenir champenois. Il s’agit de mon inoubliable face à face avec la Cathédrale de Reims. J’avance sur un trottoir étroit à l’ombre des vétuste demeures, guide Michelin en main; le plan m’indique que je la verrai poindre sur ma gauche au prochain virage, j’y arrive et tourne la tête, je lève les yeux et… mon cœur s’arrête! Elle m’apparaît, là, bienveillante, figée dans son histoire, sa spiritualité et dans son immensité. Les arcs-boutants, les statues, les gargouilles. Tout est magnifié. Je l’ai arpentée, escaladée, contemplée sous des reflets changeant au gré de la lumière du jour. Le top, vers 17h, au moment de l’apéro, verre de champagne à la main, au moment du coucher du soleil, la cathédrale se pavant d’orange et de rose. J’y suis retourné et ce fut tout aussi mémorable. Le hasard a fait que notre visite coïncidait avec la célébration des fêtes johanniques remémorant l’arrivée de Jeanne d’Arc à Reims, le 17 juillet 1429, pour le sacre du Roi Charles VII. Nous avons assisté à la messe, où les gens en costume d’époque reconstituaient le rite sacré du couronnement. Seconde réussite sans même en avoir exaucé le vœu!
Souvenir bien charnel celui-là, ma première fois dans un restaurant de la prestigieuse chaîne Relais & Châteaux, également triple étoilé au Guide Michelin, Les Crayères, à Reims. Magique sensation de lévitation en gravissant l’escalier bordé d’une haie d’honneur formée des serveurs en tuxedo. C’est le chef de l’époque, Gérard Boyer, qui nous accueille dans son majestueux domaine et nous mène jusqu’à notre table. Décor somptueux, d’un raffinement extrême, c’est tout l’Art de vivre à la française… présage à de joyeuses agapes! Le repas sera fastueux, accompagné d’élixirs divins : champagne blanc, rosé, brut, extra-dry, vin rouge de Bouzy et de Marc de Champagne. L’impression exquise pendant quelques heures de toucher au firmament.
Mais revenons sur terre et sous terre! La première fois que j’ai déambulé sur l’Avenue de Champagne à Epernay, j’ai ressenti l’étrange sensation de l’enfant qui rêve éveillé à Disneyland. Sur moins d’un kilomètre on défile sur l’avenue, dite la plus chère du monde, devant les enseignes les plus prestigieuses de la Champagne : Perrier-Jouët, Mercier, De Venoges, Castellane et sa tour, Moët & Chandon et sa statue du moine Dom Pérignon. Sont érigés sur l’avenue des palaces à l’architecture éclectique, préservés par des grilles de fer forgé sur lesquelles sont apposés en lettres dorées, les noms des illustres propriétaires des lieux. Du chic et de la classe! Puis c’est la descente en cave. Il faut emprunter d’immenses escaliers, qui d’une cave à l’autre rivalisent de formes et d’audace dans leur conception, pour descendre dans ces anciennes crayères devenues les écrins des maisons champenoises. La première galerie que je visiterai sera celle de la Maison Mumm et ainsi va le remuage, le dégorgement, la seconde fermentation, le vieillissement et l’assemblage. Apprentissage garanti.
La célèbre avenue, dite la plus riche du monde, à Epernay
Enfin, qui n’a pas sillonné le vignoble champenois sans apercevoir le Moulin de Verzenay? Cette construction bien singulière, jadis propriété du meunier Boudeville, ayant par ailleurs servi d’observatoire pendant la seconde guerre mondiale, est aujourd’hui dans l’escarcelle de la maison Mumm. Le badaud y réalisera la photo symbolique, mais le professionnel du vin que je fus eut l’opportunité d’y prendre son premier et unique repas à vie dans un moulin emblématique, de surcroit classé Monument historique de France. Symbiose parfaite que de déjeuner (à midi en France) dans une atmosphère à la fois feutrée et bucolique. C’est gravé à jamais sur mon disque dur.
ET LA DERNIÈRE FOIS?
C’était il y a deux ans, après une intensive session de dégustation lors des Vinalies de Paris. Après ce marathon de cinq jours, les jurés étrangers furent conviés à une pause éducative et désaltérante en Champagne sous les bons auspices de l’ineffable Thierry Gasco, ancien chef de cave de la maison Pommery. Thierry nous y a reçus dans l’une des demeures les plus originales de Reims. En effet, quand dans les années 1860 madame Louise Pommery a pris les destinés du Domaine Pommery en main, elle a procédé à un agrandissement de la propriété et demandé aux architectes d’innover. Défi relevé avec brio! Bien qu’à contre courant, le résultat s’avère spectaculaire dans sa forme et surtout dans ses couleurs. L’ensemble, d’un bleu pastel orné de briques rouges, est d’une audace sans pareil. L’escalier monumental de 116 marches, illuminé de blanc et de bleu, nous mène vers 18 kilomètres de galeries qui recèlent à la fois de millions de bouteilles de champagne, mais aussi d’œuvres d’art uniques et sublimes. Des expositions souterraines permettent ainsi à des peintres, des sculpteurs et des concepteurs d’arts visuels variés d’y faire démonstration de leurs multiples talents. Un pur ravissement que notre hôte clôture de façon tout aussi exceptionnelle, par une présentation des crus effervescents de la Maison Pommery.
Joyeuses Fêtes à tous!
Jean Chouzenoux
Manger dans le meilleur restaurant du monde !
L’année 2019 sera à inscrire d’une pierre blanche dans la jeune histoire du chef Mauro Colagreco, propriétaire du restaurant Mirazur à Menton, sur la Côte-d’Azur. En effet, il s’est vu octroyé coup sur coup sa troisième étoile au Guide Michelin et son établissement, investi du titre de Meilleur restaurant du monde par le Magazine britannique Restaurant. Ce classement est basé sur la consultation de 1000 experts culinaires à travers le monde. Depuis, toutes réservations à ce restaurant d’une quarantaine de places sont momentanément suspendues, car on affiche complet pour les six prochains mois. Eh bien, figurez-vous que j’ai eu la chance d’y déjeuner (le repas du midi en Europe) au printemps dernier, invité par des amis québécois envers qui je suis extrêmement reconnaissant.
Le Chef Mauro Colagreco
D’un père italien, Mauro Colagreco est né en Argentine il y a 43 ans. Il traverse l’Atlantique en 2001 pour y faire ses études au Lycée hôtelier de La Rochelle. Suit un apprentissage auprès de chefs réputés tels Bernard Loiseau, Alain Passart et Alain Ducasse, avant de voler de ses propres ailes. C’est en 2006 qu’il ouvre le Mirazur et son talent capte rapidement l’intérêt des spécialistes en gastronomie, car six mois après l’ouverture de son restaurant à Menton, il obtient une mention au Gault&Millau comme Révélation de l’année. En 2013, il est nommé Grand Chef par la prestigieuse Relais&Châteaux. Mauro Calagreco se démarque par un don naturel, celui de créateur de recettes imaginatif et spontané. Son restaurant ne propose que deux menus, l’un de 160 € et l’expérience ultime qu’est son menu dix services, à 260 € par personne. Or, seulement cinq plats sont fixes sur ces deux cartes. Les autres sont imaginés et conçus quotidiennement dès le retour en cuisine du chef, qui a dès l’aurore arpenté le marché, rendu visite à son fromager ou est monté à bord du chalutier de son poissonnier y quérir les trésors de la pêche de la nuit conservés depuis leur prise, sur de la glace d’eau de mer. Le flair et l’inspiration deviennent ensuite les principaux ingrédients de ce qui se retrouvera dans l’assiette des convives. Entouré de sa brigade, il tâte les produits, les hume, les découpe, invente des méthodes de cuisson et surtout ose des associations gustatives inédites… comme du foie gras au navet et sirop d’érable ! Une exception que ce produit de chez-nous, car Mauro Colagreco s’enorgueillit de n’utiliser presque qu’exclusivement des produits locaux. Chez-lui, point d’ananas qui devraient franchir les océans pour arriver à sa table… empreinte carbone beaucoup trop lourde. Sa fierté, son magnifique potager en escalier, calé entre les restanques sises à l’arrière de son restaurant… en prime la vue sur la Grande Bleue au moment des récoltes !
Le chef triplement étoilé, Mauro Colagreco
L’expérience ultime
Emprunter la corniche qui relie Nice à l’Italie ouvre le premier chapitre de cette expérience sensorielle inoubliable… vous vous en prenez plein la vue ! Niché sur un flan escarpé des Alpes doté d’une végétation luxuriante, une vue panoramique sur la Méditerranée et la Baie de Menton, à cent mètres de la frontière italienne, votre arrivée au Mirazur vous projette aux portes de l ‘éblouissement et du ravissement. L’accueil y est chaleureux et contraste, ce sera le seul point négatif, avec l’ambiance figée et le décor plutôt froid de la salle. Pris en charge par l’équipe de 35 personnes (pour 42 clients), vous êtes « cernés », guidés à votre table, traités aux petits soins et tous vos besoins sont anticipés. Unanimement, nous optons pour le menu dix services, la Totale quoi ! Nous avons bien sûr ouvert les hostilités avec un verre de champagne et quelques canapés tout aussi spectaculaires en bouche, qu’à l’œil. La Rose de loup suit alors que, le filet du poisson cru est tranché et disposé en pétales de rose dans votre assiette, le serveur vient y verser un jus d’agrumes qui acidule et relève le plat, juste comme il se doit. Succulent ! Parmi les étonnements de notre parcours gastronomique, il faut que je vous parle de La betterave en croûte de sel et sa sauce de caviar Oscietra. Une betterave que le chef cultive dans son jardin et qu’il récolte au bout de six mois avant de l’emballer dans un sac en papier et la placer délicatement en cave, pour une hibernation de six autres mois. Au printemps, on remet ladite betterave en terre pour une autre année. Il en résulte un fruit d’un kilo, qu’on nous présente à table, dont les saveurs sont concentrées à l’extrême, la richesse en sucre multipliée et la texture transformée. Le spécimen est tranché à la mandoline, joliment déposé dans l’assiette et le tout nappé de la sublime sauce au caviar. Jouissif ! Décrire totalement le menu serait fastidieux, mais je prie l’éditeur du site de le joindre à cette chronique, question de vous mettre l’eau à la bouche !
La carte des vins
Ici, point de carte de cinquante pages où s’affichent les super stars bordelaises, bourguignonnes ou toscanes, aux prix stratosphériques. Le sommelier a plutôt opté, avec un soucis méticuleux, d’offrir aux clients une palette d’environ 200 crus sciemment sélectionnés, délicieux, choisis dans des millésimes prêts à la consommation et surtout, à des prix raisonnables. Bien sûr, la France y est à l’honneur avec ses régions phares de la Champagne à la Provence; j’y ai noté ce cru classé de Bordeaux, Cos d’Estournel 2002, à 290 € ou ce superbe Chablis Les Vaillons 2008 de Ravenau, à 110 €. Fleurissent aussi sur la carte quelques trésors italiens et argentins… origines obligent ! Par conséquent, nous n’avons pas boudé notre plaisir et mes amis m’ayant intimé de procéder à la sélection de ce que nous allions déguster, j’ai exploré la section des Châteauneuf-du-Pape où ma foi, le rapport qualité/prix m’apparaissait encore plus satisfaisant. Je me suis arrêté sur un Château La Nerthe 2008 à 90 €, en blanc et un Château Beaucastel 2003 à 155 €, en rouge, taxes et service inclus. Une aventure inoubliable en tous points !
« Elle n’est pas belle la vie » !
Amitiés québéco-niçoises,
Jean Chouzenoux