Jean Chouzenoux
Le Club bachique franco-québécois
En 2011, après toute une vie passée au Québec, dont 35 ans de carrière à la SAQ, mon épouse et moi avons traversé l’Atlantique afin de planter notre fleurdelisé sous le chaud soleil azuréen. Que voulez-vous… hédonistes à souhait, nous avons choisi de construire notre paradis sur terre. Mon attachement au Québec est demeuré intact et graduellement ; je suis tombé amoureux de la France pour des raisons maintes fois évoquées ici. En fait, comme le chantait Joséphine Baker : «J’ai deux amours, mon pays et Paris ».
Cet exil volontaire ne devait en aucun cas me faire renoncer à mes passions, qui tournent autour du vin, de la gastronomie et des voyages. Surtout pas ici en Europe, berceau de l’agriculture, de la viticulture et où les capitales rivalisent de charmes architecturaux et de trésors historiques. Or, n’ayant surtout pas le verre solitaire, je me suis mis à la recherche de nouveaux copains avec qui partager les 600 bouteilles qui nous avaient suivies de Montréal à Nice. J’ai entrepris ma quête en arpentant les salons de vins régionaux, faisant la tournée des vignobles environnants et me joignant à titre de juré à divers concours internationaux de vins comme les Vinalies de Paris, le Mondial du Pinot Noir en Suisse ou Mundus Vini en Allemagne.
Mais c’est l’appel d’un ami de Québec, Pierre Pilon, que je salue, me suggérant de contacter une connaissance à lui, qui m’a permis de faire une première rencontre vineuse. Christine Hello, me dit-il, « est une amie niçoise qui, au surplus, adore la gastronomie et les voyages (douce musique à mes oreilles), tu peux la contacter de ma part ». Ce que je fis dès la semaine suivante et, après les présentations d’usage, elle me dit tout de go, « venez-donc manger samedi soir, j’inviterai des amis qui, comme vous, aiment bien le vin ». Chapeau pour l’accueil!
À la date convenue, nous avons gravi les marches menant au bel appartement de Christine et ses amis Madeleine et Tristan Ghertman nous ont rapidement rejoints. Quel ne fut pas mon étonnement quand notre hôtesse, me présentant à Tristan, qui incidemment est Commandeur à la Confrérie des Chevaliers du Tastevin du Clos Vougeot, j’entendis les flacons qui s’entrechoquaient dans le sac qu’il transportait. D’autant qu’il me demanda d’entrée de jeu « est-ce que tu aimes déguster à l’aveugle? ». La glace fut rapidement rompue et je me souviens très bien du premier verre de blanc qu’il m’a tendu et que j’ai décrit de façon suivante: « il a un côté beurré et un nez de noisettes, mais aussi des effluves de fruits exotiques… le seul vin blanc que je connaisse qui assemble ce qui paraît être du chardonnay et du viognier est le Mas de Daumas Gassac ». Pile dans le mille… une fois n’est pas coutume! Après cette prise de contact, nous avons remis le couvert assez rapidement et avons instauré la norme des dégustations à l’aveugle. Après deux ou trois ans, un peu pompeusement et à la rigolade, nous avons officialisé la chose en fondant (roulement de tambour) le Club bachique franco-québécois (CBFQ). Voilà de quoi se donner de la contenance et de s’enorgueillir! Seul artifice protocolaire, Tristan et moi nous sommes autoproclamés honorables coprésidents. Sacrée entorse à la démocratie!
Par ailleurs, au fil des ans, mon épouse et moi sommes assez fiers d’avoir constitué ici, à Nice, un pôle attractif où de plus en plus d’amis du Québec viennent nous rejoindre pour hiberner et profiter du climat et des atouts de la région. La convivialité étant notre moteur, nous avons incorporé cette ribambelle de Québécois au CBFQ et disons que la greffe a joyeusement réussi.
Entourés d’amis québécois, on retrouve Jean Chouzenoux, Christine Hello, Robert Gillet, Don-Jean Léandri, Tristan Ghertman (assis), Marlène Nourcy, Madeleine Ghertman et Richard Grenier
Ainsi, Christine et Tristan ont invité de leurs amis, j’ai fait de même en offrant un bristol à mes copains et nos tablées sont devenues aussi festives, gargantuesques, que multiculturelles. Ces heureux compatriotes devenus membres d’office du CBFQ sont Robert Gillet, Richard Grenier, Alicia Soldevila, Jocelyn Fortier, Andrée Ducharme, Don-Jean Léandri, Michèle Pérusse et quelques autres privilégiés qui nous gratifient à l’occasion de leur visite! Pour bien immortaliser ces moments de franche camaraderie, inscrire les plats savamment préparés par Christine, Marlène et Tristan, et surtout pour lister les bonnes fioles que mon coprésident et moi sortons de notre réserve, un menu souvenir est rédigé après chacun de ces dîners. Évidemment, les dégustations à l’aveugle nous appellent à beaucoup d’humilité et en prime, à bénéficier de certaines railleries des amis plus néophytes!!!
Les 50es agapes du Club bachique franco-québécois (CBFQ)
Donc, au bout d’une douzaine d’années, nous en avons déduit que nous en étions aux 50es agapes du CBFQ et qu’il ne fallait pas franchir cette étape sans y mettre les formes. Vous l’aurez compris, il s’agit plutôt d’un prétexte à célébrer goulûment et gaîment entre gens animés de la passion du bien boire et du bien manger. Par conséquent, ce dimanche 1er décembre, à notre appartement situé sur le boulevard de Montréal (ça ne s’invente pas!!) Marlène et moi avons reçu nos collègues Christine Hello, Don-Jean Léandri, lui aussi désormais établi à Nice, son frère Patrick Léandri, mon coprésident Tristan Ghertman et son épouse Madeleine, afin de souligner dignement ce cap des 50 rencontres du CBFQ. Pendant le service du Champagne (sur la terrasse, au premier jour de décembre), nous avons rendu hommage à notre entremetteuse en chef, Christine… celle par qui tout est arrivé. Ensuite à table, nous nous sommes sustentés allègrement et les vins ayant été décantés au préalable, nous avons levé nos verres à l’amitié franco-québécoise!
À la lecture du menu ci-joint, vous constaterez que nous n’avons pas fait dans la demi-mesure.

Natalie Richard: la musique, la gastronomie, le vin, ses passions… son métier!
Après avoir complété ses études en journalisme et en communications, Natalie Richard, alors dans la jeune vingtaine, se joint à la dynamique équipe de MusiquePlus… la chaîne télé musicale la plus branchée au Québec, où défilent toutes les stars du moment. Maniant la langue de Shakespeare aussi bien que celle de Molières, elle fait ensuite le saut dans la capitale ontarienne et tient cette fois l’antenne comme VJ chez MuchMusic. Sacrée époque où les vidéos musicales ont relégué aux oubliettes les scopitones d’une ère jadis révolue… je vous parle d’un temps, que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître!! Ajoutons que la jeune Natalie possède la fibre artistique. Elle tire ainsi profit de ses leçons de chant et de piano et joignant un groupe de jazz, ce qui lui permet de côtoyer la faune musicale montréalaise. Voilà une première passion richement vécue à inscrire à son grand tableau de la vie.
Passons à la gastronomie, alors que Natalie rejoint la station de télé Canal-Vie, où elle coanime une émission culinaire avec le réputé chef du Château Frontenac, Jean Soulard. Forte de cette expérience, quelques années plus tard elle prend les rênes du blogue culinaire lancé par le magazine Châtelaine, avant de mettre elle-même en ligne ses propres vidéos culinaires… la cuisine de sa résidence faisant office de studio. Ne négligeant aucun aspect de la profession, notre surdouée des communications boucle la boucle en publiant deux livres de recettes qui feront fureur.
De la gastronomie au monde du vin… le pas sera franchi!
Il est bien évident qu’à force de fréquenter les grands chefs et de créer ses propres recettes que Natalie Richard soit appelée à s’initier au monde du vin… car tout bon plat requiert de justes épousailles avec le nectar approprié. Et pour se faire, autant savoir de quoi il retourne et s’inscrire à une formation en œnologie à Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec (ITHQ). Première étape brillamment franchie, alors que Natalie réussit haut la main l’examen qui clôt sa session. Toujours à l’ITHQ, elle entreprend la formation du Wine & Spirit Education Trust (WSET-3) et obtient la mention Diploma au prestigieux Center WSET de New York.
L’expertise acquise, doublée à son sens inné des communications, voilà que les rôles s’inversent quand Natalie devient à son tour animatrice de cours sur le vin, dispensés par la firme SAVORI (anciennement les Connaisseurs de la SAQ). Par ailleurs, elle anime divers ateliers pour Vins au Féminin, une agence de sommellerie fondée par Jessica Harnois, illustre sommelière dont la réputation n’est plus à faire au Québec.
À son riche CV, s’ajoute pour Natalie Richard le titre de chroniqueuse en vin pour les journaux de CNi2, soit La Tribune de Sherbrooke, Le Soleil de Québec, Le Nouvelliste à Trois-Rivières, Le Quotidien du Saguenay, La Voix de l’Est et Le Droit en Outaouais. En outre, elle organise des soirées thématiques de dégustation, anime des chroniques vins à la radio et a produit cet automne le premier Festival des vins de Saint-Jean-Port-Joli, dans sa région de Chaudière-Appalaches. Femme énergique aux multiples talents, imaginative et passionnée, par la force de son talent et son entregent, Natalie Richard fait désormais partie du cercle des initiés et des influenceurs du monde du vin et de la gastronomie au Québec. Mais ce n’est pas tout…

Le troisième tome de Routes des Vins, écrit par Natalie Richard
La sommelière aventurière sur La route des vins…
Deux autres réalisations notoires complètent le parcours professionnel de Natalie et viennent assouvir sa troisième passion. D’abord, on sollicite à travers le monde son talent de dégustatrice et son jugement lors de grands concours internationaux de dégustation. Montréal, Bruxelles, Mexique font entre autres partie des endroits où elle a officié comme jurée lors de ces compétitions, où les vins lauréats obtiennent de prestigieuses distinctions. Le plus récent concours étant les Sélections Mondiales du Canada tenu en octobre dernier, à Montréal.
Mais la palme de ses réalisations est la parution de trois tomes destinés au monde du vin, aux viticulteurs et aux pays producteurs du délicieux élixir. Intitulé La route des vins, paru aux éditions Ulysse, chaque album abondamment illustré nous fait découvrir d’une façon alléchante des régions viticoles exceptionnelles. Le vin, certes, mais aussi des parcours de rêve et de bonnes adresses gastronomiques pour chaque région explorée.
Le premier opus couvre 50 itinéraires à travers le monde, que ce soit en Turquie, au Liban, en Italie ou en Australie. Un second survole le continent nord-américain, les vignobles de Californie, du Mexique, de la Vallée du Niagara n’auront plus de secrets pour vous et bien sûr, toute une section met en valeur le vignoble québécois. Enfin, le dernier album, tout juste sorti des presses, fait la part belle aux vignobles espagnols et portugais. Toujours 50 parcours où vous découvrirez des vignerons andalous ou des producteurs de portos fabuleux; des excursions sur le mode de l’œnotourisme et de la gastronomie et où vous serez initiés aux différents cépages autochtones. Chaque ouvrage requiert deux ans de travail parsemés de recherches, d’entrevues, de dégustations, de rédaction et à la clé… d’inoubliables voyages. Un travail d’orfèvre pour un résultat à l’avenant.
D’ailleurs, lorsque je l’ai rejointe la semaine dernière, elle revenait tout juste de la Vallée du Rhône. N’est pas sommelière aventurière qui veut! Enfin, chaque livre est magnifié par de superbes photos de paysages bucoliques, de prestigieux vignobles ou d’éléments architecturaux exceptionnels faisant vagabonder notre esprit voyageur… sont à la manœuvre l’œil aiguisé et le talent indéniable de la pétillante Natalie Richard.
Sélections Mondiales des Vins du Canada, édition 2024
C’est du 10 au 12 octobre derniers que s’est tenue à Montréal la plus récente édition du concours international Sélections Mondiales des vins du Canada (SMV), à l’Institut du tourisme et d’hôtellerie du Québec (ITHQ).
Rompu à l’exercice, le président de l’événement, M. Réal Wolfe, était fier de soumettre les quelque 1600 vins et sakés provenant d’une trentaine de pays à la soixantaine de juges internationaux. À nouveau j’avais l’occasion de présider une commission avec 4 collègues provenant du Mexique, de la France et du Canada. Notre mission : déguster, analyser et noter sur une échelle de 0 à 100, 45 vins par matinée répartis en 3 séances de 15 produits. Début du service : 8 heures tapantes. La brigade de serveurs de l’ITHQ est au garde-à-vous…vaut mieux avoir l’œil clair et les papilles bien affûtées!
Le classement et les médaillés
Une note de 85/100 permet au produit et à son producteur d’obtenir la médaille d’Argent, 89/100 c’est l’Or et distinction ultime, le Grand Or, pour tout vin obtenant la marque de 93/100 ou plus. Un maximum de 30% de produits atteindront le podium, selon les règlements officiels de la Fédération des grands concours internationaux. Je joins en annexe la liste du Top 50, soit ceux ayant obtenus les meilleures notes. Dans ce catalogue, je reconnais mon coup de cœur de l’édition 2024 : un vin blanc du Portugal, Marquès de Marialva, Bairrada 2016. D’une richesse et d’une splendeur inouïes! Souhaitons qu’il se retrouve parmi les produits qui auront leur sauve-conduit automatique pour les tablettes de la SAQ!
La camaraderie, le liant essentiel
Sur une note un peu plus personnelle, vous dire que je pratique l’exercice des concours de dégustations depuis une quinzaine d’années. L’image est un brin glamour, mais le rituel est extrêmement rigoureux, et tout est millimétré. La température des vins au premier chef, la qualité, la forme ou l’étincelance des verres, le service aux jurés, la discrétion absolue pendant chaque séance, la luminosité et la température de la salle, bref, du professionnalisme à tous les niveaux. En cela, chapeau à Réal et à sa bande!
Évidemment, plusieurs des juges invités font également de panels dans d’autres villes du monde qui organisent ce genre de concours, que se soit à Paris, à Bruxelles, à Sierre, à Bordeaux, etc. Aussi, le plaisir de se retrouver autour de l’objet de nos passions, en des lieux différents et en échangeant généralement en français avec nos accents respectifs rend ces séjours fort chaleureux. Cette joie partagée entre nous est tout aussi réconfortante. Alors je vous salue, chers collègues!
J’ai eu grand plaisir à retrouver Jacques Orhon à ma droite et François Chartier à ma gauche
Le vignoble viennois joue sa partition!
J’ai jadis apprivoisé les vins autrichiens par l’entremise de mon bon ami Eugen Kedl, célèbre photographe et auteur de la région de Québec. Fier représentant de son Autriche natale, Eugen fut également le fondateur de la Confrérie Vin-Art International à l’époque où les toges chamarrées avaient largement droit de cité lors de rituels bachiques flamboyants. Monsieur Kedl et son épouse Gretl furent également les fondateurs du Grand Bal Viennois de Québec qui s’est longtemps tenu au Château Frontenac dans les années 2000. Ces souvenirs, je les ai ressassés cette semaine lors d’un séjour à Vienne berceau de la musique classique et seule ville au monde à posséder plus de 600 hectares de vignes en ses murs et sa banlieue contiguë.
Eugen Kedl photographe (décédé en 2008), fier représentant de son Autriche natale au Canada et particulièrement dans la ville de Québec
Les vins autrichiens
On trouve la trace d’une culture viticole en Autriche qui date d’environ 2500 ans avec l’apport des premiers ceps par les celtes. Puis pour mettre un peu d’ordre géographique dans tout cela, on subdivise le vignoble en quatre grandes régions viticoles que sont la Basse Autriche, Vienne, Burgenland et la Styrie. Enfin, on y produit toute la gamme des vins mais les blancs font généralement meilleure figure qu’ils soient secs, liquoreux ou mousseux. En fait, près de 80% de la production est le résultat d’une vinification en blanc. Bien qu’une trentaine de cépages soient autorisés en Autriche les blancs sont majoritairement issus des riesling, traminer, grüner-veltiner et chardonnay alors que pour les rouges on utilise les variétés autochtones comme le st-laurent et le zweigelt associés aux cépages nobles comme le pinot noir, le cabernet-sauvignon et la syrah. Le vignoble citadin est niché entre le Danube et la forêt viennoise forgeant ainsi un microclimat propice à la viticulture. Comme partout sur la planète l’amélioration qualitative des vins est en forte hausse grâce aux efforts déployés par la nouvelle génération de viticulteurs. Ces jeunes façonnent des vins qui se démarquent par leur authenticité et la singularité de leur terroir. La recherche d’une association avec la cuisine locale est un autre facteur d’émancipation pour ces vins frais, légers et délicats.

La Domaine Schlumberger
Ici, la production de vins mousseux est la norme. Pas étonnant quand on constate que le vignoble viennois est situé à la même latitude que celui de la Champagne. La méthode traditionnelle (seconde fermentation en bouteille) est principalement employée et on le constate lors de la visite des caves, en déambulant à travers les pupitres à champagne. Bon, ne soyons pas dupe, c’est un peu pour épater la galerie car de nos jours les gyropalettes ont largement compensé l’huile de coude des anciens remueurs.
La longue allée accueillant les pupitres à champagne
Pour l’élaboration, un juste dosage entre les cinq cépages autorisés contribue à la qualité des différents types de vins mousseux allant du brut au semi-sec. Vieillis séparément, le pinot blanc, pinot noir, grüner veltiner, chardonnay et welschriesling seront ensuite assemblés selon le style recherché. Chez Schlumberger la maison s’enorgueillit de produire une cuvée 100% chardonnay, lauréate de nombreuses médailles d’or lors de grands concours internationaux comme les Vinalies ou Mundus Vini. Les 130 hectares du vignoble sont situés en périphérie de la cité viennoise auxquels s’ajoute une large récolte achetée à d’autres producteurs locaux. Un savoir ancestral qui s’étale sur les 3 siècles d’histoire du domaine fait en sorte que le célèbre mousseux viennois était et demeure le vin de prédilection de la noblesse autrichienne. À la cour comme au bal, le Champagne viennois a la cote et fait tourner bien des têtes couronnées autant qu’il envoie valser gentes dames et damoiseaux.
Le Château de Schönbrunn, jadis résidence estivale de la famille impériale d’Autriche
Culture, agriculture et montagnes dans les Alpes-Maritimes
Sont souvent évoqués sous cette rubrique les vins de Provence, et plus précisément ceux issus des collines niçoises. Mais la région des Alpes-Maritimes ayant tant à offrir que certains écarts sont autorisés ici par l’éditeur, nous l’en remercions. Par conséquent, la vie culturelle ou d’autres sujets plus ludiques font parfois l’objet de l’attention du chroniqueur, nous l’espérons… pour votre plus grand plaisir. Or, cette fois, il sera quand même question d’agriculture pour la mise en bouche, avant d’aborder un élément touristique plutôt insolite. D’une pierre, deux coups !
Une sculpture d’agrumes au Carnaval de Menton
En effet, dans ce pays de cocagne tout pousse et chaque saison a de quoi garnir les étals des marchands. Au-delà de la vigne que l’on cultive sur les collines de Bellet, Bacchus a planté quelques ceps dans une petite bourgade du département, Villars sur Var. Les 20 000 bouteilles de Clos St- Joseph qu’on y produit annuellement sont issues des cépages grenache, mourvèdre et syrah pour le rouge et bien sûr le rolle officie en maître-roi pour le blanc. A chaque dégustation du Clos St-Joseph blanc, j’ai été agréablement surpris des qualités florales du bouquet et de la bouche ample, grasse et acidulée. Une pépite !
D’autres cutures maraîchères dans l’arrière-pays et sur les hauteurs alpines
Il y a plus de 1800 exploitations agricoles dans les Alpes-Maritimes allant des producteurs horticoles aux plantations d’oliviers et d’agrumes en passant par les éleveurs ovins pour la plupart. De la fleur on en trouve abondement, en toute saison. Dès janvier le mimosa se pointe, au printemps sur les hauteurs le célèbre muguet de Nice embaume l’air des riverains, la lavande colore le plateau de Valensole en juillet et d’innombrables variétés de roses s’épanouissent à Grasse pour satisfaire les besoins du monde de la parfumerie. Un climat tellement favorable à la culture florale qu’ici à Nice il y le marché aux fleurs 6 jours par semaine douze mois durant. Les terres fertiles de la région favorisent également la culture d’arbres fruitiers et à Menton le citron règne en majesté. On lui organise même son carnaval ! L’auguste agrume ne fait pas qu’acidifier les plats locaux ou aider à la digestion sous forme de Limoncello, il fait bomber le torse des mentonnais derniers citoyens français au sud-est de l’Hexagone, juste avant la frontière italienne. Et le légume porte-étendard de la cuisine nissarde est la courgette. Au printemps l’on farcie à la viande la fleur de la cucurbitacée ou on la panne légèrement avant de la frire pour servir les délicieux beignets de fleurs de courgettes…un régal ! Enfin, on ne peut passer sous silence les oléiculteurs de la région. Ici, on l’aime petite l’olive niçoise, noire ou verte l’iconique Caillette possède sa propre AOC.
Un département qui porte bien ses deux identités
Bienvenue dans les montagnes alpines des Alpes-Maritimes.
Tel qu’annoncé, faisons un pas de côté et allons explorer d’autres avenues du département des Alpes-Maritimes.
Sachez d’abord que chaque département français tient sa dénomination des éléments géographiques qui le définissent soient les montagnes, les fleuves ou les rivières. Pour l’exemple, citons la Gironde, le Var, le Rhône, les Vosges. Or, la topographie contrastée du département 06 des Alpes-Maritimes répond parfaitement à ce critère étant traversé par la chaîne des Alpes qui vient choir dans la mer Méditerranée. La région est mondialement reconnue surtout grâce à son littoral, la bien nommée Côte-d’Azur et le faste de sa Riviera qui s’étend de Menton à Cannes avec une halte à Monaco. On évoque également les 3 corniches posées tels des belvédères d’où l’on admire le panorama offert par les caps, les baies et les jolies criques en bord de mer. C’est aussi la partie la plus densément peuplée du département. Mais qu’en est-il des reliefs alpins…premier élément descriptif des Alpes-Maritimes ?
En fait, à peine faut-il rouler 30 minutes pour un changement radical de décor. Dès que l’on s’engouffre dans la plaine du Var la route rétrécie, les falaises façonnent désormais le paysage, la végétation se transforme et se raréfie au fil de l’ascension. Dans la Vallée des Merveilles au nord-est du département le Mont Gélas culmine à 3143 mètres. Ailleurs, la neige s’invite en hiver et les skieurs sont comblés à Isola, Valberg ou Auron.

Les couleurs du Québec au sommet du col de la Bonette
Enfin, le point d’orgue de toutes balades en pays montagneux demeure le franchissement du mythique Col de la Bonnette pour en bout de course atteindre le charmant village de Barcelonette. Un parcours sinueux de 50 kilomètres, bordé de paysages époustouflants à une altitude atteignant 2802 mètres, ce qui en fait la plus haute route d’Europe. Les sites bucoliques et verdoyants alternent avec des passages arides, parfois lunaires. L’asphalte s’y déroule et serpente à l’ombre des caps abrupts et gare à ne pas se laisser hypnotiser par le panorama, le moindre écart de route et le ravin est apte à vous engloutir. Il est donc préférable de s’arrêter fréquemment avant de sortir la caméra pour capter des images saisissantes. Le cadre enchanteur et majestueux est prétexte tantôt à l’émerveillement, tantôt au recueillement. Nul ne peut rester insensible devant ce paysage unique et mystérieux…l’émotion nous submerge inévitablement. Par ailleurs, les randonneurs sont nombreux à sillonner ces sommets afin de contempler les très verts pâturages ou prendre une pause au pied des bourdonnantes cascades. La faune recense loups, sangliers, marmottes et espèces rares de volatiles, alors que la flore compte plus de 2000 espèces de fleurs différentes. Bref, que du bonheur !
Incidemment, les amateurs de la petite reine (le vélo) qui ont suivi à la télé le Tour de France 2024, ont pu apercevoir les images des cyclistes enfilant les nombreux lacets et grimpant à la force du mollet les 2802 mètres du Col de la Bonnette avant de redescendre jusqu’à Barcelonette. C’était l’une des dernières étapes avant l’arrivée triomphale des coureurs, à Nice.
Les lacets du col de la Bonette
En terminant, il est évident qu’au haut de ces montagnes alpines, il n’y a point de cultures maraîchères ni d’élevages ovins ou autres. En revanche, à quelques centaines de mètres en contrebas on peut y croiser les agneaux de Sisteron paissant paisiblement.
Bonne route !
Couleurs des sommets alpins
Win Le Phan et son Karibu!
Il y a 2 ans, alors que je présidais une commission au concours Sélections Mondiales des Vins Canada, j’ai fait la rencontre de Win Le Phan, qui était jurée sur mon panel. Faisant un peu plus connaissance au fil de la compétition, j’ai découvert une jeune femme à l’esprit entrepreneurial hors du commun. Récemment arrivée dans l’univers vitivinicole, Win Le Phan est à la fois vigneronne, sommelière, animatrice, agricultrice et surtout restauratrice. Boulimique de travail, touche-à-tout, sprinteuse dans ses méthodes d’apprentissage (tout apprendre rapidement), cette maman de 3 garçons semble vivre plusieurs vies à la fois… pourtant je ne lui connais aucun don d’ubiquité! Fille d’immigrants vietnamiens héroïques, tragiquement connus à travers les « boat people », ses parents ont inculqué à Win et sa sœur le sens de la débrouille et la forte valeur du travail.
Votre chroniqueur et Win Le Phan,
jurés au concours Sélections Mondiales des Vins Canada
Un parcours éloquent
Comme beaucoup de nouveaux arrivants au Canada, c’est dans la restauration que se sont lancés les parents de Win, en débarquant au Québec. La jeune Win scolarisée de narrer : « J’apprenais mes leçons en faisant la plonge ou en épluchant les carottes pour les rouleaux impériaux ». Elle poursuivra ses études jusqu’à l’obtention de son BAC en finances. Désormais conseillère dans une institution financière, elle garde cependant intact son intérêt pour la gastronomie. La passion est si dévorante qu’elle ajoute : « En 2008, lors du 400e anniversaire de la ville de Québec, je lâche la banque et reprend le restaurant familial, alors que je suis enceinte de mon premier fils ». Un aller/retour qu’elle fera plus d’une fois entre ses deux passions, la finance et la restauration. Un exemple : en 2015, elle délaisse à nouveau le monde des banques pour ouvrir un deuxième restaurant et oui, encore enceinte. En 2018, nouveau virage, Win et son conjoint font l’acquisition d’une fermette en Beauce et la voilà maintenant agricultrice, avec son potager de légumes et quelques bêtes à nourrir. Pas nonchalante pour deux sous, elle se donne une mission à la clé : faire connaître le sirop d’érable, véritable fleuron beauceron, à ses compatriotes asiatiques. La voilà partie pour des séjours fréquents au Vietnam, à arpenter les foires alimentaires, ses pots de sirop d’érable en bandoulière! C’est lors de ces salons qu’elle visite les sections vins et alcools et se découvre une passion pour cet univers, où « Les experts ont une approche fascinante et un langage envoûtant pour décrire les vins et parler des accords vins et mets. J’étais subjuguée et j’ai décidé d’approfondir mes connaissances en la matière ».
Win plante son premier cep à son vignoble, en Beauce
Bienvenue, Win Le Phan, dans le microcosme viticole québécois
Sévèrement atteinte du syndrome « j’veux tout savoir », notre nouvelle recrue québécoise dans la filière vinicole québécoise s’inscrit en 2018 à la formation en ligne intitulée WSET (Wine & Spirit Education Trust). Il s’agit d’une série de 4 certifications que les étudiants doivent acquérir et qui couvrent tous les aspects de la dégustation et de la fabrication des vins et spiritueux. Ce concours est d’ailleurs le prérequis pour tout prétendant au célèbre Master of Wine. Win a déjà en poche ses 3 premiers diplômes et est en voie de réaliser son quatrième exploit. Sitôt investie, la candidate cherche à partager ses connaissances et à propager la bonne parole. Elle se découvre un créneau et son thème de prédilection devient la viticulture québécoise. Là encore, elle y va à fond. D’abord, un stage chez le pape québécois de la viticulture, Charles-Henri de Coussergues, au Vignoble de l’Orpailleur, où elle s’initie à la vinification. « Six mois chez Charles-Henri, c’est 3 ans d’université. »
Autodidacte accomplie et performer efficace, elle approfondit sa connaissance des cépages, des terroirs et des méthodes de production bien particulières au Québec. Alors que la pandémie nous frappe en 2020, Win Le Phan, qui fuit l’oisiveté, entreprend de faire une étude de sol sur sa petite ferme en Beauce. Conséquemment, avec son conjoint, ils déboisent une partie de leur terre, fertilisent les sols et… plantent 4656 ceps. Et une nouvelle corde s’ajoute à son arc, la voilà viticultrice. Dans 2 ans, elle devrait vinifier sa première vendange! Bien sûr, à travers cela, elle veille sur ses trois garçons, participe à quelques émissions de radio et de télé, anime des conférences ou des ateliers de dégustation pour des entreprises ou lors des différents salons des vins qui se tiennent un peu partout au Québec. Mais pas que… elle veut encore partager ce savoir avec les compatriotes de son continent d’origine. Là voilà repartie au Vietnam pendant deux longues périodes de six mois en 2022 et 2023, où ses connaissances fraichement acquises et sa capacité à communiquer en français, en anglais et en vietnamien sont des atouts indéniables pour former de futurs serveurs en restauration et en sommellerie dans un pays qui s’éveille aux arts de la gastronomie à la française.

Et voilà, le Karibu !
Le mardi 23 juillet, j’ai un rdv téléphonique pour réaliser une entrevue en vue de rédiger cette chronique. Elle prend 45 minutes de son temps, alors qu’elle est en pleine ouverture de son nouveau concept, Karibu, un économusée des vins et des alcools du Québec. Situé sur la rue St-Jean à Québec, artère touristique au cœur de la cité reconnue au patrimoine mondiale de l’UNESCO, notre Win Le Phan trouvait que l’on faisait trop peu de place aux vins du Québec auprès des touristes qui visitent la capitale nationale. « Quand je vais en Bourgogne ou dans la Loire, j’aime bien boire les vins locaux. Je pense que les gens qui visitent le Québec veulent faire la même chose, même si notre industrie est jeune. Moi je veux m’employer à cela, c’est ma mission dans ce nouveau projet. »
Sur les vieilles pierres de cet édifice, on retrouve des affiches murales qui présentent les cépages québécois et détaillent les étapes de la viticulture bien singulière au Québec. Des vidéos s’ajouteront pour démontrer les méthodes de vinification et de distillation. Des objets de viticulture commencent à orner les lieux et la panoplie prendra de l’ampleur au fur et à mesure. Elle a imaginé une salle polyvalente où des producteurs québécois viendront donner des conférences et animer des sessions de dégustation. Il y a un comptoir où le quidam peut s’attabler pour déguster des charcuteries et des fromages québécois, accompagnés d’un vin issu de nos terroirs. Une sélection d’une centaine de vins et d’alcools figure à la carte. Enfin, le chaland pourra repartir avec son plat à emporter et la bouteille de son choix. Pour les artisans, les viticulteurs, les distillateurs, et les sommeliers, comment ne pas être fiers d’une telle ambassadrice de notre patrimoine viticole québécois?! Amis de la profession, lors de votre prochain passage à Québec, un arrêt incontournable s’impose chez Karibu, 1124, rue St-Jean, Québec.
Ces stars françaises qui font du vin
Après ma chronique du mois dernier dans laquelle je vous parlais de ces stars hollywoodiennes qui se sont lancées dans une carrière de vigneron, je reprends le clavier pour vous parler cette fois de cinq étoiles françaises qui se sont aussi mises au service de la vigne. Actrice, acteur, producteur ou chanteur, voici un bref survol de leur implication viti-vinicole.
Pierre Richard en Corbières

Ce grand blond quelque peu distrait a fait l’acquisition du Domaine de l’Evêque, dans le sud de la France, en 1986. Il s’agit d’une propriété viticole d’une cinquantaine d’hectares dans un secteur peu favorable à la culture de la vigne, situé au cœur de l’appellation Corbières. Sur cette parcelle rebelle, l’acteur et comédien Pierre Richard en a tiré le meilleur pour produire dans la palette complète de couleurs… des blancs, des rosés et des rouges fort agréables. En effet, sur cette terre aride tapissée de garrigue et baignée d’embruns méditerranéens, il y cultive grenache, syrah, mourvèdre ou carignan, que des assemblages judicieux feront éclore harmonieusement. Tout comme pour le cinéma, l’acteur dit vouloir faire du vin pour créer des émotions! Incidemment, juste avant la pandémie, j’ai eu l’occasion de voir Pierre Richard sur les planches d’un théâtre, où seul sur scène pendant près de 2 heures, il nous a raconté des dizaines d’anecdotes avec force gestes sur ses tournages épiques… un régal et bien des émotions!
Carole Bouquet sur son île
Crédit photo : MAXPPP /MAXPPP Sandro Michahelles
La célèbre comédienne, connue pour ses rôles au théâtre et au cinéma, a voulu se mettre à l’abri des projecteurs en faisant l’acquisition d’une propriété sur l’intime île de Pantelleria, au large de la Sicile. En Méditerranée, près des côtes tunisiennes, sur cette île aux parfums enchanteurs, au fil de ses balades gourmandes, Carole Bouquet est tombée sous le charme des vins de Passito. Ce sont des vins passerillés, c’est-à-dire que l’on fait sécher les raisins au soleil afin de les déshydrater et de concentrer les sucres avant la fermentation. Poussée par cet élan, elle s’est portée acquéreuse d’un petit vignoble où elle produit depuis un vin grandiose, le Sangue d’Oro. Élaboré à base de muscat d’Alexandrie en très faible rendement, cet exquis vin de dessert dégage une puissance aromatique d’écorce d’orange et de mangue. Il se déploie ensuite en bouche avec onctuosité, des saveurs d’agrumes et de caramel, et on n’en finit plus de compter les caudalies.
Gérard Depardieu dans la Loire et ailleurs…
C’est au Château de Tigné, en Anjou, que l’acteur s’est fait vigneron, en 1989. Il avait découvert les vins gouleyants de Loire lors d’un tournage avec son ami Jean Carmet, passionné des Chinon et autres Bourgueil ou Sancerre. Gérard Depardieu, ce monstre sacré du cinéma devenu ce monstre qui fait sacrer, a acquis cette magnifique propriété érigée au XVe siècle. Sur une superficie de 110 ha sont complantés cabernet-franc et sauvignon, cépages souverains de la Loire. Dévoré par la passion du vin, Gégé est également propriétaire, en partenariat avec Bernard Magrez, de vignobles à Lussac St-Emilion, dans le Languedoc, et s’est aussi associé à des viticulteurs sur d’autres continents, soit en Algérie, au Maroc et en Argentine. Il y a quelques années, l’acteur avait fait part de son intention de vendre toutes ses parts dans ces propriétés… il semble que rien ne soit encore concrétisé.
Luc Besson sur les plateaux calcaires
Domaine Alquier
Le cinéaste qui a classé huit de ses films au top 100 du cinéma français à l’étranger, le réalisateur du Grand bleu, du 5e Élément, de Lucy, arpente désormais, au-delà des plateaux de cinéma, les plateaux calcaires et argileux du Languedoc. Dans cette immense région viticole, pays du carignan, du cinsault et du grenache, Luc Besson s’est établi au Domaine Alquier, à Faugères, et au Domaine de Senaux, dans l’Hérault. Avec ses collaborateurs, il élabore des vins blancs charnus et des rouges robustes qui se marieront à la cuisine locale, à la fois côté mer, grâce aux poissons de la Méditerranée et dans les terres avec le gibier, les légumes variés, les charcuteries et les fromages.
Francis Cabrel dans le Lot et Garonne
Crédit photo : DR
C’est au Domaine du Boiron que le célèbre chanteur a pris racine dans l’aventure viticole. Grand amateur de vin depuis sa jeunesse, Francis Cabrel et son frère Philippe ont acquis cette propriété située dans le Lot et Garonne, entre Bordeaux et Toulouse, en 1988. Originaires de la région, un palais de dégustateur formé à la rusticité du tannat, ils en ont planté sur la propriété de 10 hectares en l’associant au merlot pour la finesse et au cabernet-sauvignon pour les arômes. Leur vignoble, classé sous l’AOC Brulhois, est entièrement mené sous culture biologique et toutes les opérations menées à la vigne se font manuellement. La vinification des blancs et des rouges s’effectue en cuve béton, avant un passage en barrique pour les rouges pouvant aller de 10 à 12 mois.
Veiller sur elle, de Jean-Baptiste Andrea – Prix Goncourt 2023
Voyager sans contraintes…
Voyager peut prendre plusieurs formes. La dégustation d’un grand vin est une odyssée au pays des sens et nous ramène à son terroir d’origine. Cependant, l’expression de voyage la plus intériorisée, dont les contours et les paysages demeurent flous, dont nous imaginons et créons les visages, celle qui nous guide et nous transporte sans nous déplacer est la lecture. Surfer de pages en chapitres, s’envoler vers des destinations fictives, déambuler en des lieux imaginaires, être émerveillé par une histoire ou ébloui par un style d’écriture, voilà la gamme de sensations que peut procurer une traversée littéraire.
Une histoire envoûtante et une écriture romanesque
Dès les premières lignes de Veiller sur elle, j’ai été happé par le style emporté et romanesque de l’auteur, Jean-Baptiste Andrea. Son histoire débute par la fin, avant de faire un bond arrière de quelques décennies, à la genèse de cette épopée. Mimo et Viola sont les principaux protagonistes du roman dont l’aventure s’étend sur les 80 premières années du XXie siècle.
Mimo, de son vrai nom Michelangelo Vitiliani, est sculpteur de son état, un clin d’œil à peine voilé à un autre AngeMichel, bien réel celui-là. Cette fresque transplante sa galerie de personnages du sud de la France aux terres du Piémont et de la Toscane, jusqu’aux gisements de marbre de la montagne de Carrare. Le lien empreint de mysticisme qui unit Mimo à Viola est jalonné de longues périodes de silences et parsemé de grands moments de désespoir, comme dans les opéras tragiques. Leur liaison, proche et distante à la fois, s’étendra sur toute une vie et restera gravée dans la pierre pour l’éternité.
Le sculpteur précoce qui attaque ses premiers blocs de marbre dès l’âge de 6 ans a été touché par la grâce artistique qui transcende son handicap. En effet, on l’appelle aussi Gulliver, évoquant le célèbre voyageur de conte féérique en sa période où il fut petit, tout petit. Orphelin de père et abandonné par sa mère, l’artiste s’échine dans l’atelier de son oncle, qui le tyrannise et l’exploite. Mais le talent l’habite et devant un bloc de marbre de Carrare, là où l’oncle voit une masse en pierre qu’il aura à sculpter selon la commande des clients, Mimo le jeune apprenti songe à l’ourse qui s’y cache ou à la vierge qu’il fera émerger à coups de burin et de ciseau avant de polir la pierre inerte pour enfin lui donner vie.
Par ailleurs, l’écrivain semble également touché par la grâce, pour le plus grand bonheur du lecteur. Son style est romanesque, sa plume est gracieuse, fine, élégante et émouvante. Au cours de ce voyage littéraire, le passager est bercé par une pléthore de métaphores, de poésies ou d’allégories… lisez plutôt :
« Une lumière venant d’on ne sait où, sauvait son visage de la voracité de l’ombre. »
« Nous avons beaucoup pleuré en glissant vers l’aube, car nos nuits étaient en pente. »
« La ville de Florence est si belle que quitter chaque rue est un renoncement. »
« Ses yeux étaient un portail ouvert sur un autre monde. »

Un mot sur Jean-Baptiste Andrea
Incidemment, l’auteur français de 53 ans réside à Cannes.
En plus du Goncourt pour Veiller sur elle, il a reçu le Prix Femina pour son premier roman, La Reine, paru en 2017.
Il est également réalisateur et scénariste… bref, il possède quelques échappatoires pour son imagination débordante!
Des stars d’Hollywood en quête de palmes viticoles
En cette période du Festival de Cannes qui bat son plein, j’ai pensé vous pondre une petite chronique sur ces stars d’Hollywood qui se sont mutées en vignerons.
Des marches du Palais des festivals à Cannes aux restanques des côteaux varois il n’y a qu’un pas, que l’on peut franchir en un long plan séquence. Tous, moult fois auréolés de la divine palme de laurier qu’ils arborent sur les affiches de leurs blockbusters, ont déserté momentanément les plateaux de tournage pour des plateaux en extérieurs, non pas éclairés par des projecteurs, mais tout naturellement par l’astre solaire. Alors, qui sont ces trois mousquetaires? Brad Pitt, Georges Clooney, Georges Lucas et Ridley Scott. Tiens donc, ils sont quatre… tout comme la bande originale. En effet, ces dernières années, nos quatre stars hollywoodiennes sont devenues de réels gentlemen farmers; le vignoble varois situé au sud de la France est devenu leur nouveau décor.

Brad Pitt et Angelina Joli au Château de Miraval
En 2011, après une énième apparition sur le tapis rouge du Festival de Cannes, les deux tourtereaux de jadis ont survolé en hélicoptère la plaine du Var à la recherche de la Bastide provençale de leurs rêves. Apercevant un vaste domaine se détachant à l’horizon, ils ont demandé au pilote de voler en rase-motte pour y voir de plus près. Y voyant de plus près, ils lui ont carrément ordonné de se poser… bienvenue au paradis! Un domaine de 500 hectares, complantés d’oliviers, d’orangers, de citronniers et 50 ha de vignes en prime. La maison du XVIIe siècle trônant au cœur de l’immense propriété n'était pas en reste, abritant même un studio d’enregistrement. Brad et Angelina ont tellement aimé le Mas de Miraval qu’ils l’ont acquis, ont restauré la demeure, construit une chapelle au cœur des dépendances et s’y sont mariés. Le coup de foudre était total! Par la suite, deux enfants naîtront au début de cette union et ils verront le jour ici, à Nice. Je potine… après tout, on parle de stars!
Novice en la chose viti-vinicole, le couple s’est associé à la Famille Perrin, du Château Beaucastel, en Châteauneuf-du-Pape, pour gérer entièrement le vignoble. Sur ces terres rôties par un soleil ardent, c’est toujours Marc Perrin qui veille au bon développement des cépages grenache, cinsault ou rolle… pour lui, c’est le « rolle » de sa vie, s’cusez-là! Cent cinquante mille bouteilles sortent annuellement des chais sous l’appellation contrôlée Côte de Provence ou Côteaux varois en Provence. Conséquemment, les vins du Château de Miraval se sont vite imposés, surtout le rosé, qui s’affiche sur toutes les bonnes tables de la Riviera méditerranéenne.

>Georges Clooney propriétaire de vignes dans le Var
C’est en 2022 que l’acteur et son épouse Amal ont acquis une vaste propriété à Cotignac, dans le Var. Le Domaine de Canadel s’étend sur près de 800 hectares, où s’épanouissent de multiples essences végétales et d’innombrables arbres fruitiers, dont quelques hectares de bons ceps de rolle et de grenache blanc. Toute l’opération viticole est gérée en fermage (i.e. le propriétaire loue l’exploitation de ses vignes) par l’œnologue Laurence Berlemont, qui officie sur d’autres propriétés de la région. Les vins sont vendus sous le nom de Ferme St-Georges, AC Côteaux du Varois, et on y produit majoritairement du blanc et du rosé… What else!
L’immense bastide de 800 M2 où résident le Amal et Georges Clooney lors de leurs séjours en France, comporte une bonne dizaine de pièces, est entourée d’une piscine, d’un terrain de pétanque et de fontaines sculptées dans la pierre. Lors des fortes chaleurs estivales, l’après-midi il est agréable s’assoupir dans le somptueux jardin à l’ombre des oliviers et bercé par le chant des cigales.

Georges Lucas n’est plus en guerre contre les étoiles
Au contraire, car loin de l’agitation de la ville, bien en retrait dans l’arrière-pays provençal, le soir venu on peut admirer une myriade de constellations d’étoiles au firmament et la paix y règne sereinement. En 2017, Georges Lucas, l’immense réalisateur de la saga de La guerre des étoiles, s’est aussi octroyé sa vie de gentleman farmer. C’est à Châteauvert qu’il a déposé ses pénates, au Château Margüi, où la culture de la vigne remonte à 600 ans avant J.-C. La culture des abricots, des amandes et des melons a ensuite été privilégiée avant que l’on replante de la vigne au début des années 2000. Bien irrigués par les nombreuses sources qui dévalent des collines environnantes, les plants de grenache, de cinsault et de rolle ont de quoi s’épanouir malgré les chaleurs suffocantes. Les vins sont vendus sous l’appellation de Château Margüi ou de Cuvée de la Bastide et chaque automne, c’est toute une armée de Jedi qui s’active au moment des vendanges.
La fastueuse demeure, incluant ses dépendances, occupe une superficie de 3600 M2. Entièrement rénovée au moment de l’acquisition, le monstre sacré du cinéma semble n’y séjourner qu’assez rarement car, pour qui en a les moyens, la bastide est surtout offerte à la location. À bon entendeur, salut!

Ridley Scott dans le Luberon
En fait, c’est lui le pionnier, car le réalisateur du Gladiateur et du récent Napoléon s’est fait vigneron dès 1992, en faisant l’acquisition d’une propriété à Oppède, dans le Luberon. Et Ridley Scott fait cela sérieusement, au point où on peut lui attribuer le titre de vigneron sans froisser les professionnels de la filière viticole. Car, soigneusement, il a appris les rudiments de la viticulture avant de maîtriser les techniques de vinification, au point de réaliser lui-même son premier millésime en 2020.
Il pousse la maîtrise de tous les éléments de la production d’un bon vin, allant jusqu’à dessiner lui-même ses propres étiquettes et les vins signés le Mas des Infermières se déclinent en blanc, rosé et rouge. Par ailleurs, jouxtant la Vallée du Rhône, ici ce sont les cépages rhodaniens qui ont préséance. Adossés au pied du massif du Luberon qui fait écran (s’cusez encore) au mistral dominant, les ceps portants syrah, roussanne ou grenache produisent à foison. Enfin, comme ses collègues du 7e Art, il a totalement rénové le domaine situé au cœur d’un immense parc naturel. La demeure, le chai, la cuverie, tout y est passé. De surcroit, il imaginé et conçu le tout lui-même… comme quoi son imagination et son instinct créatif ne se limitent pas qu’au seul monde du cinéma.
En terminant, notons que d’autres vedettes du cinéma français se sont installées au creux de vignobles du Sud de la France. Citons Pierre Richard et Luc Besson ; à suivre…
Clap de fin, envoyez le générique!
Michel Côté, muséologue québécois de réputation internationale
De plus en plus de compatriotes troquent la blancheur hivernale du Québec pour les teintes bleutées et verdoyantes de la Côte-d’Azur. Le bouche-à-oreille agissant comme une caisse de résonnance, ce sont souvent les amis des amis que se pointent année après année sur la célèbre Promenade des Anglais. J’en ai déjà fait écho ici, l’occasion m’est offerte d’en fréquenter plusieurs et parfois de vous les présenter comme c’est le cas aujourd’hui avec Michel Côté, ancien directeur du Musée de la civilisation de Québec. Ce dernier revient régulièrement en France, oui à Nice mais aussi à Paris et surtout à Lyon… voyons voir !
L’aventure française
Originaire de Victoriaville, Michel Côté fait carrière dans le monde de la muséologie et devient directeur des expositions au Musée de la civilisation de Québec dans les années 1990. À la fin du millénaire, les administrateurs du Musée d’histoire naturelle de Lyon sont à la recherche d’un nouveau directeur qui pourra à la fois coordonner les opérations muséales en apportant de nouvelles collections mais surtout développer l’intérêt de la population et accroître sensiblement la fréquentation au musée de Lyon. C’est au québécois Michel Côté qu’est confié la mission et le voilà qu’il débarque avec épouse, armes et bagages au bord du Rhône, en 1999. Alors qu’en ce pays aux 1200 musées, au patrimoine historique riche et diversifié, aux multiples centres d’interprétations civilisationnels, sociaux ou culturels, en cette France qui regorgent d’historiens, de muséologues, de conservateurs ou régisseurs de patrimoine, pourquoi solliciter les lumières et l’expertise d’un muséologue québécois?
Monsieur Côté, de me répondre : « En France, l’expertise muséologique est surtout axée sur les collections alors qu’au Québec nous avons une forte préoccupation à faire vivre une expérience culturelle maximale aux visiteurs de nos musées. Nous voulons que nos différents publics se sentent accueillis et passent de spectateurs à acteurs, qu’ils vivent une expérience totale et que tous les sens soient interpellés ». En fait, cela confirme un trait reconnu de plus en plus à travers le monde : le sens de l’hospitalité, est un gène québécois ! « Ma volonté de vouloir un musée plus accessible à un plus grand nombre de gens, cette forme de démocratisation de la culture, bref cette ouverture et cette expertise bien québécoise sont les éléments qui ont plu au comité de sélection », d’ajouter Michel Côté.

Le Musée des Confluences de Lyon
Bien en selle à la direction de son musée le dirigeant québécois et les élus lyonnais rêvent cependant de plus grand et d’ajouter un élément majeur à l’offre muséale de la ville car après tout, Lyon n’est pas qu’une capitale gastronomique où seul Paul Bocuse a droit de cité. C’est ainsi que débute la fabuleuse aventure de la conception d’un musée de Sciences et Sociétés qui deviendra au bout de d’une décennie de labeur, le Musée des Confluences de Lyon. Incontournable et véritable signature architecturale à l’entrée de la ville, ce spectaculaire édifice tire son nom de son point d’ancrage au confluent des deux cours d’eau qui se croisent à Lyon, le fleuve Rhône et la rivière Saône. Voilà comment on le décrit sur le site officiel du musée : en plus du Socle, sur lequel il repose comme un pont sur ses piles, deux éléments distincts le composent. Baigné de lumière, le Cristal, son hall monumental, s’ouvre vers la cité en invitant à venir le visiter. Le Nuage abrite le parcours permanent et les expositions temporaires.
« J’ai toujours prétendu que pour expliquer la complexité du monde, on avait besoin de plusieurs disciplines. On avait besoin de la science, on avait besoin de l’histoire, de l’archéologie, de la philosophie, des beaux-arts. On ne peut pas se contenter d’une seule discipline. » Pour Michel Côté, un musée doit conjuguer trois éléments : le plaisir, la connaissance et la réflexion.

Retour au Québec
La vie nous réserve parfois de curieuses surprises. Lors d’une visite officielle à Lyon de Jean-Paul l’Allier, alors maire de Québec, ce dernier croise Michel Côté lors d’un événement et lui susurre à l’oreille qu’on aurait bien besoin de lui au Musée de la civilisation de Québec, mais cette fois comme directeur général. Cela sonne comme un rappel des troupes auquel toute la famille Côté consent et ce beau monde rentre au bercail en 2010. Monsieur Côté supervisera le fabuleux musée de la capitale pendant cinq ans avant de tirer sa révérence. Non sans gloire car il se voit décerner le prix ICOM du rayonnement international pour sa carrière et son implication qui démontrent une excellence de calibre supérieur en matière de muséologie canadienne Rassurez-vous Michel Côté demeure actif et partage son expertise à l’écrit en signant différents articles dans des revues sociétales et scientifiques.

Cher Michel, au plaisir de vous revoir à Nice prochainement !


