vendredi 26 avril 2024

Un vignoble en or : l’Orpailleur

J’ai rencontré Charles-Henri de Coussergues qui est le propriétaire d’un domaine vinicole qui porte un bien joli nom, l’Orpailleur.

vignoble de lorpailleur btiment

RH. – Vous avez un des domaines vinicoles les plus beaux et les plus performants de la région de Dunham, dans les Cantons de l’Est.
CHC. – En 2011 on fête les 30 ans du vignoble, sur un joli terroir, caillouteux.

RH. – On dit que le nom de l’Orpailleur a été trouvé par Gilles Vigneau.
CHC. – Frank Furtado, mon associé me présente Gilles Vigneau et lui dit que nous cherchons un nom pour notre vignoble, qui nous enracine dans la région où on est. Quelques mois plus tard monsieur Vigneau lui revient et lui dit : vous êtes dans une région où autrefois il y avait beaucoup de chercheurs d’or dans les rivières, je trouve que vous devriez appeler votre vignoble le Vignoble de l’Orpailleur.

RH. – Quels sont les cépages que vous cultivez?
CHC. – Le principal cépage, que nous avons planté, il y a trente ans, c’est le Ceyval blanc qui est un vieux cépage européen qui a eu ses heures de gloire en France dans les années trente. Aujourd’hui il s’en plante surtout dans des régions fraiches : en Angleterre, dans l’État de New York, en Ontario aussi. Sa caractéristique c’est qu’il mûrit rapidement, de sorte que dans les années fraiches, on a quand même la garantie d’avoir un raisin mûr pour faire du vin.

De plus le Ceyval a une grande qualité, et c’est qu’il est assez résistant aux maladies.

RH. – À part le Ceyval, cultivez-vous d’autres cépages?
CHC. – Après le Ceyval nous avons planté du Vidal blanc, qui est un cépage qui a été créé dans les années 1910, 1920. Il et aussi bien résistant aux maladies et il murît plus tard que le Ceyval. On peut le ramasser en décembre ou en janvier, sans qu’il soit attaqué par la pourriture noble; il va se dessécher simplement sur la branche. Il est donc idéal pour les vendanges tardives et les vins de glace.

RH. – Êtes-vous en agriculture biologique?
CHC. – Nous ne sommes pas encore en agriculture biologique mais en agriculture raisonnée. J’ai été le premier vignoble du Québec à être en agriculture raisonnée, en 1996.

RH. – Le climat du Québec vous force à prendre certaines précautions dans la culture de la vigne.
CHC. – Quand on est arrivé en 1982 notre première surprise c’était qu’on a au Québec des étés qui sont aussi chauds que dans bien d’autres régions du monde. On peut avoir des 33, 34 degrés Celsius avec une bonne humidité, ce qui est favorable à la croissance des plants. Donc la saison végétative n’est pas un problème. Ce qui a toujours nui au Québec c’est qu’en hiver la température peut descendre au-dessous de moins vingt-cinq. La vigne peut supporter des températures jusqu’à moins vingt-cinq mais en dessous la vigne ne résiste pas.

La neige est une protection naturelle contre le froid extrême, malheureusement l’abondance de neige est de moins en moins importante au Québec. Avec les changements climatiques on peut avoir un redoux qui fait fondre la neige et le grand froid arrive par la suite et vous n’avez plus aucune couverture pour protéger vos plants. Nous avons été forcés de trouver autre chose pour protéger les vignes : nous avons implanté le «renchaussage». Lorsque le mois de novembre arrive, avant que la terre ne gèle, on taille les vignes de façon assez basse et on les recouvre de terre mécaniquement. Cela permet à la vigne de passer l’hiver à l’abri des grands froids. Le plus froid qu’on a relevé dans la butte de terre c’était du moins six, moins sept. On n’a jamais eu des dommages à cause du froid en trente ans.

vignoble de lorpailleur champs

RH. – Lorsqu’on visite votre domaine on voit dans les champs des espèces d’éoliennes qui sont des régulateurs de température?
CHC. – Dans les nouveaux phénomènes de changement climatique, les saisons végétatives se rallongent. Les printemps commencent plus tôt, au niveau des raisins cela nous permet d’avoir une meilleure maturité; par contre, le côté pervers c’est qu’on a souvent des gelées au mois de mai. Pour peu qu’on ait un mois d’avril un peu chaud, la culture est en avance et là elle est exposée à des risques de gel. C’est pourquoi on a installé d’immenses ventilateurs qui ressemblent à des éoliennes et qui créent du vent. On sait que les gelées blanches du printemps arrivent à trois ou quatre heures du matin et qu’il n’y a pas un brin de vent. Il y a le froid qui descend et la chaleur qui remonte et qui se tient à trois ou quatre pieds dans les airs. Avec ce système nous brassons l’air pour chasser l’air froid et pousser l’air chaud qui est plus haut. Cela nous permet de gagner deux à trois degrés ce qui est énorme car la température au sol lorsqu’il gèle est à zéro ou moins un. Donc cela nous permet de préserver nos bourgeons.

RH. – Ce qui vous a permis de sauver plusieurs récoltes.
CHC. – Dans les cinq dernières années nous avons sauvé deux fois la récolte, ce qui est énorme.

RH. – Vous avez une production diversifiée.
CHC. – Aujourd’hui on arrive à onze produits différents. On a commencé par les vins blancs, qui sont la spécialité de l’Orpailleur. On fait quatre vins blancs différents. Le premier c’est l’Orpailleur classique qui est un Ceyval 100%, avec fermentation en inox. Nous en avons un autre qui vieillit un certain temps en fût de chêne pour lui donner de la complexité, dernièrement on a sorti la cuvée Natashquan qui vieillit complètement en fut de chêne et on a notre cuvée spéciale, notre vin gris, qui est fait de Ceyval et un peu de muscat pour lui apporter une belle complexité. C’est un vin semi-sec.

Tu as oublié les interlignes avant et après cette ligne Charles-Henri de Coussergues avait apporté trois vins de son crû à déguster.

CHC. – Nous allons commencer par l’Orpailleur brut. Un vin effervescent méthode champenoise. Dans le domaine de la Vigne il y a beaucoup d’échanges franco-québécois. Il y a une quinzaine d’années, pendant trois années de suite j’ai eu des stagiaires, deux filles et un garçon qui étaient des enfants vignerons champenois. Ils m’ont initié à la vinification méthode champenoise qui est assez complexe avec sa deuxième fermentation en bouteille. On a au Québec un climat qui se prête bien pour faire des blancs destinés aux méthodes traditionnelles. Le vin que je vais vous faire goûter passe trois ans en bouteille car il faut laisser au temps faire son œuvre.

RH. – Je vois déjà qu’il a une robe très jaune, des bulles très petites, abondantes et joyeuses.
CHC. – J’en fais depuis 91 et chaque année on raffine nos méthodes.RH. – Il a une persistance au nez, propre au Ceyval.
CHC. – Des arômes de fruits blancs très subtils, ce qui est important dans un mousseux.

RH. – En bouche un très bel équilibre. Délicieux vraiment!
CHC. – On a l’effervescence festive qui apporte beaucoup de fraîcheur. Il est un peu grillé, un peu biscuit. On fait des petites quantités, donc il est disponible au vignoble et aussi au Marché des Saveurs qui se spécialise en produits du terroir, au marché Jean Talon.

RH. – Quel est le deuxième vin?
CHC. – Je vous ai apporté le bébé de l’Orpailleur, un vin non-effervescent de la Cuvée Natashquan. Nous vendons une bonne partie de notre production au vignoble et nous avons des clients qui nous suivent année après année et qui me disaient qu’ils aimeraient que je fasse un vin en fût de chêne, un vin plus gras et plus rond. J’ai donc décidé de les suivre et j’ai sorti ma première cuvée Natashquan le premier septembre 2009 avec la récolte de 2007. Ce matin je vous ai apporté le millésime 2008. C’est un vin blanc 100% Ceyval qui se marie avec bonheur avec le bois.

RH. – La robe est magnifique et cristalline. Des arômes de vanille, d’épices. C’est un vin complexe, en bouche, il est subtil, plein d’équilibre, sec, sans sucre résiduel, mais tout en finesse. C’est un vin caressant.
CHC. – On fait fermenter notre vin blanc en barrique, on l’enlève pour soutirer les lies grossières, on lave les barriques et on remet le vin. Il se forme alors tout au long de l’hiver, une deuxième couche de lie, très fine que nous remettons en suspension par bâtonnage pendant quarante-cinq jours, pour donner du gras au vin.

RH. – Quel est le dernier vin?
CHC. – Le dernier vin est un peu un fleuron de la production québécoise. On n’aurait jamais pu penser, il y a trente ans, qu’on pouvait produire un vin capable de concurrencer les grands de ce monde. Le Vidal nous permet de faire du vin de glace, mais pour cela il demande du froid, et nous au Québec nous avons du froid à revendre. Il faut surtout en novembre et en décembre du gel et du dégel, ce qui amène le raisin à devenir très liquoreux.

vignoble de lorpailleur 8

RH. – La robe est encore plus jaune.
CHC. – Il y a une concentration de couleur.

RH. – Les arômes sont concentrés également, on a du miel, de la mangue, de l’abricot, de fruits confits. En bouche c’est un régal.
CHC. – Il est difficile de ne pas se laisser charmer par le vin de glace. D’abord on le prend en petites quantités.

RH. – Il a une acidité bien présente mais non pas excessive, donc il est agréable bien qu’il soit liquoreux. Ce vin a un équilibre extraordinaire! J’invite les amateurs à visiter votre vignoble et à déguster dans une ambiance bucolique les merveilles que vous produisez.
CHC. – Merci.

Vins de l’Orpailleur taxes incluses:

Orpailleur Classique 14.70
Élevé en fût de chêne 16.00
Apérid’Or 15.95
Orpailleur Brut 25.00
Rosé 14.00
Rouge 14.50
Cuvée Spéciale 15.00
Marquise 21.85
Part des Anges 21.00
Vin de glace 32.50
Brut Magnum 50.00

Roger Huet
Chroniqueur et animateur de radio.
Président du Club des Joyeux.
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514-637-7545

À propos de l' auteur

Roger Huet - Chroniqueur vins et Président du Club des Joyeux
Québécois d’origine sud-américaine, Roger Huet apporte au monde du vin sa grande curiosité et son esprit de fête. Ancien avocat, diplômé en sciences politiques et en sociologie, amoureux d’histoire, auteur de nombreux ouvrages, diplomate, éditeur. Il considère la vie comme un voyage, de la naissance à la mort. Un voyage où chaque jour heureux est un gain, chaque jour malheureux un gâchis. Lire la suite...