vendredi 26 avril 2024

La divine sommelière

Roger Huet s’entretient avec la Sommelière Élyse Lambert.

Le 25 novembre dernier un événement important s’est déroulé dans les locaux de l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec. La Fondation de l’ITHQ et Relais & Châteaux ont remis une bourse de 50 000 dollars à la Sommelière Élyse Lambert, lauréate du prix du Meilleur Sommelier des Amériques en 2009. Cette bourse est destinée à l’aider à se préparer pour le Concours du Meilleur Sommelier du Monde qui se tiendra au Chili en avril 2010. 

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De gauche à droite : Mme Lucille Daoust, directrice générale de l'ITHQ, M. Jacques Parisien, président du conseil d'administration de la Fondation de l'ITHQ, M. Jean Saine, Mme Élyse Lambert, M. Robert Gagnon , vice-président international Relais & Châteaux et président du conseil d'administration de l'ITHQ et M. René-Luc Blaquière, directeur général de la Fondation de l'ITHQ."

Je me suis entretenu avec Madame Lambert.

Madame Lambert, vous détenez un Majeur en Communication de l’Université de Montréal, vous êtes Diplômée en Techniques de gestion hôtelières de ITHQ, vous détenez une attestation de spécialisation professionnelle en sommellerie de l’École Hôtelière des Laurentides depuis 1999 et vous étudiez pour obtenir un Master Sommelier actuellement.

Comment a commencé votre histoire d’amour avec le vin?

- Lorsque j'étudiais en gestion hôtelière à l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec (ITHQ), dès mon premier cours de sommellerie, j’ai eu la piqure. Je me suis par la suite perfectionnée en sommellerie à l’École Hôtelière des Laurentides. Une de mes grandes écoles a été aussi l’Auberge Hatley, à ce moment, un des établissements les plus prestigieux au Canada, membre de Relais et Châteaux et des Relais gourmands. Le chef Alain Labrie y a remporte cinq diamants CAA et l’Auberge Hatley est le seul restaurant qui a obtenu deux tables d’or consécutives. J’ai commencé au bas de l’échelle comme commis, et j’y ai acquis une expérience de service haut de gamme qui me sert aujourd’hui, tant dans mon métier de sommelière que pour les concours. Les règles de l’art de la table sont strictes. Le vin ne se déguste pas tout seul, il faut savoir le marier avec les mets, en tenant compte des goûts de la clientèle.

À cette époque la cave à vins de l’Auberge Hatley avait près de 15000 bouteilles. Le sommelier était Ghislain Carron, une sommité : meilleur sommelier du Canada 2002 et candidat au concours du meilleur sommelier du monde. Avec lui j’ai appris vraiment le vin dans toute sa diversité. À Hatley il y avait un groupe de passionnés avec lesquels nous faisions des dégustations, ma passion du vin c’est vraiment confirmée à ce moment.

J’ai quitté l’Auberge Hatley, pour prendre de l’expérience ailleurs et j’ai travaillé à l’Eau à la Bouche de Sainte Adèle et au Manoir Hovey.

Ma passion est telle qu’en 2004 je remporte le concours de Meilleur Sommelier du Québec. 

Ma sœur Maude Lambert qui est également sommelière a exercé à son tour le métier à l’Auberge Hatley. Un jour elle m’annonce qu’elle est enceinte. Je lui propose de la remplacer durant sa maternité, ce qu’elle accepte avec l’accord du grand patron. Nous avons par la suite travaillé en tandem après son retour de maternité. En 2006 l’Auberge flambe. Maude et Stéphane (son conjoint et maître d’hôtel à l’Auberge Hatley) continue en restauration ouvrant le Restaurant Le Bouchon à Sherbrooke. De mon côté, je reviens à Montréal et travaille en restauration et comme consultante. Je fais de la consultation en restaurants et des animations pour des individus et des corporations. Ça fait un peu plus de 10 ans que je suis dans le métier et je suis toujours aussi mordue. Chaque jour je découvre de nouveaux produits, je fais de nouvelles dégustations, de nouvelles rencontres. 

Vous êtes aussi une divulgatrice. Vous avez initié à la découverte du vin le public montréalais à l’occasion des Plaisirs Gourmands de l’ITHQ et vous étiez la Porte-parole du Salon des Vins de Montréal en 2008. 

Oui j’ai animé pendant quelque temps les Plaisirs Gourmands qui étaient des ateliers d’initiation aux vins et fait quelques contrats en collaboration avec l’ITHQ.

Quelles sont aujourd’hui vos préférences en vins et en régions vinicoles?

- Ma relation avec le vin est celle d’une passionnée. C’est un produit de plaisir que je traite avec respect et humilité. Il m’est très difficile de dire mes préférences car elles sont déterminées par beaucoup de facteurs, les saisons par exemple : quand la saison froide arrive, j’aime le Zinfandel de Californie, riche, charnu, confituré, pour moi c’est vraiment un vin d’hiver. Il y a évidemment d’autres facteurs comme les mets avec lesquels on boit et les célébrations. Pour mes préférences je reste néanmoins du vieux monde : les Bourgognes blancs et rouges, le pinot noir, capricieux et digeste qui n’alourdit pas le palais. J’aime aussi les vins blancs d’Autriche particulièrement le Gruner Veltliner. J’aime les Grenaches, les Sangiovese, les Nebbiolos. À Bordeaux j’aime les vieux Moutons, les Château Latour mais aussi des vins plus accessibles... J’aime aussi le Tempranillo et particulièrement le Vega Sicilia, ce vin Espagnol qui n’a pas son pareil.

Avez-vous goûté le Vega-Sicilia 1942? Mon père qui l’aimait beaucoup disait qu’il fallait le boire à genoux.

- Oui, dernièrement. Votre père avait raison ce vin est divin.

On vous voit périodiquement au Show du Matin de la chaine V, avec Gildor Roy et Roxane Saint-Gelais, un programme intéressant quoiqu’un peu matinal pour le vin. Beaucoup d’artistes ont animé ou animent encore des shows de vins, sans en avoir la formation. Le public québécois est de plus en plus connaisseur et exigeant, seriez-vous éventuellement intéressée à animer un programme de télévision sur les vins?

- Absolument, je travaille sur un projet qui est encore à l’état d’ébauche, mais je ne peux prendre aucune décision avant la fin du Concours du Meilleur Sommelier au Monde en avril 2010 pour lequel je me prépare intensément.

Quels conseils donneriez-vous aux sommeliers en herbe qui étudient pleins de rêves dans les écoles de sommellerie ?

- Je leur dirais que c’est un métier fascinant, qui nous permet d’apprendre constamment et de découvrir le monde. C’est un métier exigeant, où il ne suffit pas seulement de bien connaître les vins, car notre travail consiste à apporter un moment de bonheur à nos clients, en leur faisant partager notre savoir et les faire voyager à travers les vins. Il faut finalement être à l’écoute du client, de ses besoins et de ses goûts.

Votre carrière est parsemée de prix obtenus dans des Concours prestigieux : Médaillée d’or à la Coupe Gérard-Delage en 1997, Première au Concours ACSP, Meilleur Sommelier du Québec en 2004, Troisième au Concours ASCP Meilleur Sommelier du Canada en 2006. Vous obtenez une bourse de la Fondation de la Maison des Gouverneurs en 2009, et vous remportez la Première place au Concours APAS & ASI Meilleur Sommelier des Amériques à Buenos Aires, cette année. Votre prochain objectif c’est d’être sur le podium au Concours de Meilleur Sommelier du Monde qui aura lieu au Chili en avril 2010 comment vous préparez-vous?

- Le nerf de la guerre c’est l’argent et les livres. Présentement je consacre six heures par jour à ma préparation et ce sera ainsi pour les dix-huit prochaines semaines. La bourse que j’ai reçue me donne la possibilité de moins travailler, alors que lorsque que je préparais mon concours de meilleur sommelier des Amériques je devais en plus travailler 40 heures par semaine. Se rendre à un concours international coûte très cher. Pour être bien préparée, il faut déguster chaque jour. L’apprentissage du vin ne s’arrête jamais, en plus le vin évolue d’année en année, même pour une seule région. 

Qui organise le concours et quelles seront les épreuves à passer?

- Le concours est organisé par l’Association de la Sommellerie Internationale (ASI). Il y aura deux étapes. La demi-finale va se passer à huit-clos devant un jury formé de sommeliers de calibre international. Il y aura une épreuve écrite, une dégustation à l’aveugle où la démarche est extrêmement importante, et un examen de service qui comprend l’art de la table, le choix de verres et des carafes et le mariage mets-vins en interaction avec les jurés qui sont assis comme des clients d’un restaurant. L’épreuve finale se fera devant public. À la finale il y aura un examen de service, une dégustation et un examen d’accords vins et mets. Le plus important à cette étape c’est la gestion du stress. Personnellement je suis à l’aise devant le public, je me laisse porter par la compétition et j’agis comme j’agis toujours avec mes clients. Il y aura cette année une quarantaine de candidats. Je suis une passionnée, une Gauloise, une gourmande finie, une curieuse qui adore échanger et je vais m’efforcer de faire voyager les membres du jury et le public, à travers les vins.

Quelle est la part de sacrifices que votre vie professionnelle exige de votre vie privée?

D’ici au concours, pas de sorties, pas de loisirs. Du travail et de la concentration. Heureusement j’ai un conjoint formidable qui est lui-même sommelier, il s’appelle Nico Smyman et il me supporte pleinement.

Merci Élyse Lambert, tous mes vœux de succès pour le Concours de Meilleur Sommelier du Monde en 2010 !

Roger Huet
Président du Club des Joyeux
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À propos de l' auteur

Roger Huet - Chroniqueur vins et Président du Club des Joyeux
Québécois d’origine sud-américaine, Roger Huet apporte au monde du vin sa grande curiosité et son esprit de fête. Ancien avocat, diplômé en sciences politiques et en sociologie, amoureux d’histoire, auteur de nombreux ouvrages, diplomate, éditeur. Il considère la vie comme un voyage, de la naissance à la mort. Un voyage où chaque jour heureux est un gain, chaque jour malheureux un gâchis. Lire la suite...