vendredi 17 mai 2024
Jean Chouzenoux

Jean Chouzenoux

Jean Chouzenoux a travaillé 35 ans à la Société des alcools du Québec, y a occupé différents postes de gestion aux ventes, aux communications et à la commercialisation.
 
Membre de nombreuses confréries bachiques et gastronomiques et animateur de tournées viticoles dans le vignoble européen. Juré dans les concours internationaux de dégustations, fut chroniqueur sur les vins à la radio et collabore ponctuellement au magazine Prestige de Québec.
 
Installé à  Nice depuis 2010, où il continue d'entretenir sa passion pour le vin.
dimanche, 06 août 2023 10:36

Les charmes de la Côte-d’Or

Il y avait bien 7 ou 8 ans que je n’étais pas retourné en Bourgogne. Une trop longue trêve pour le passionné que je suis. L’occasion, cette fois était belle, arpenter la Côte-d’Or avec mon fils. Sachant cela, quelques amis niçois, avec qui je partage les honneurs du bien boire et du bien manger, ont voulu sauter dans notre caravane. D’ailleurs, comme le disait je ne sais qui, ne me raconte pas le vin, fais-le moi rencontrer ! 

D’abord les musées 

Quand on foule le sol bourguignon pour la première fois, un classique s’impose avant la tournée des vignobles, la visite des Hospices de Beaune. Cet ancien hôpital à l’architecture emblématique érigé au XVie siècle par le chancelier des ducs de Bourgogne, Nicolas Rolin, et son épouse Guigone de Salins, est aujourd’hui le siège de la vente de vins aux enchères la plus célèbre du monde. En effet, chaque année, la troisième fin de semaine de novembre, lors de la grande fête bachique baptisée les Trois Glorieuses, se tient dans l’immense salle située juste en face un encan haut en couleur au cours duquel les Hospices, qui sont aussi propriétaire de 60 hectares de vignes, soumettent leur production aux acquéreurs potentiels de toute la planète vin.

Dans l’après-midi qui a suivi, nous sommes allés visiter la toute nouvelle Cité des climats et vins de Bourgogne. La mission de faire connaître les mystères et les vertus de la Bourgogne est fort louable, les installations didactiques tout à fait pertinentes, mais disons que cela a besoin de rodage. Le personnel peut vulgariser l’art de la vigne devant le simple amateur, mais le connaisseur moindrement averti restera sur sa faim.

Domaine Gavignet, la Route des Grands Crus et le Domaine Michelot 

Le lendemain, sous les bons soins de notre chauffeur Philippe, la joyeuse bande s’est dirigée vers Nuits St-Georges, où nous étions attendus par Phillipe Gavignet et sa charmante fille Elodie pour la visite des caves. La propriété familiale depuis 5 générations possède 14 hectares de vignes regroupées sous 16 appellations. La lutte raisonnée passionne nos hôtes, qui recherchent avant tout l’authenticité du terroir pour chacune de leurs parcelles. J’ai souvent eu l’occasion de déguster les Nuits St-Georges blancs et rouges de Gavignet et l’expérience est toujours mémorable. Bâtis en tout respect des maîtres cépages que sont le chardonnay et le pinot noir, ces vins possèdent une richesse olfactive et gustative exceptionnelle, avec un potentiel de garde remarquable. M. Gavignet était fier de nous annoncer qu’il avait percé le marché du Québec ; soyez aux aguets !

Odile et Philippe GavignetOdile et Philippe Gavignet, à Nuits St-George

Vint ensuite la master class… comme disent les Français. Mes amis avides de connaissances, curieux de fouler le terroir bourguignon, de comprendre un peu mieux le principe des appellations, de voir de visu les domaines emblématiques de la Côte-d’Or, de prendre quelques clichés devant les propriétés aux noms prestigieux, je me suis alors improvisé professeur émérite, rien de moins ! Nous avons quitté Nuits en empruntant la Route des Grands Crus, qui serpente à travers une mer de vignes verdoyante en ce mois de juillet caniculaire. Premier arrêt, et c’est du sérieux, à Vosne-Romanée, devant la Romanée-Conti. Incroyable d’arriver devant le célébrissime vignoble, d’y garer la voiture et de faire quelques pas devant ou sur le muret qui ceint les 1,8 hectare de vignes. Jouxtant le côté nord, ce sont les ceps de Richebourg qui s’exposent au soleil. Suivent un arrêt incontournable au Clos Vougeot, un passage devant Georges Roumier à Chambolle-Musigny, et la fin du pèlerinage au Clos de Tart à Morey St-Denis avant de rebrousser chemin vers Meursault.

vignes de RichebourgLes vignes de Richebourg à Vosne-Romanée

Clos VougeotLe Clos Vougeot dans toute sa magnificience

Au Domaine Michelot, c’est mon bon ami Jean-François Mestre qui nous accueille pour une tournée qui marquera l’esprit des joyeux convives. Dans la cour, le soleil est éblouissant. Par conséquent, quand nous pénétrons à l’intérieur du nouveau chai, nos yeux ont du mal à s‘habituer à la pénombre ambiante. Or, quand Jean-François allume la lumière, nous sommes saisis par la beauté et l’élégance du lieu. D’immenses jarres en grès, des barriques de chêne et d’imposants globes de verre (wine globes !) se côtoient et offrent un écrin somptueux au vin qui ronronne avant sa mise en bouteille. Lors de l’assemblage, c’est un savant mélange des jus issus des trois types de contenants qui est concocté dans le but ultime de préserver au vin de Meursault un maximum de fraîcheur, en tout respect de la richesse et de l’authenticité du terroir. Ce qui s’avéra bien concrètement lors de la dégustation qui suivit.

Domaine MichelotLe chai du Domaine Michelot à Meursault

Enfin, ce court et intense périple allait se terminer autour d’un immense et festif bbq, alors que la France célébrait son anniversaire et que des feux d’artifice étaient lancés depuis la place de Meursault, entre la mairie et l’église au célèbre clocher devenu le véritable emblème du village.

les ChouzenouxLa joyeuse bande devant la célèbre enseigne du Clos de Tart, Gabriella Romanescu, Marlène Nourcy, Jean Chouzenoux, Eva Godfrin, Alex Chouzenoux, Philippe Labergère et Jan Arin. Derrière l’objectif, François Chouzenoux

vendredi, 21 juillet 2023 12:00

Ma relation avec le Clos de Tart

Pour des raisons qui sont propres à chacun on peut avoir une préférence, voire un attachement affectif, pour un vin en particulier. Ses qualités intrinsèques, l’émotion que l’on a ressenti à la première dégustation, était-ce pour un mariage, une naissance ou un anniversaire, avec qui étions-nous, était-ce chez le producteur ou dans un grand restaurant ? Cela fait en sorte que l’on garde un souvenir indélébile de ce moment et que chaque dégustation subséquente nous ramène à cette émotion. On s’attache à ce vin qui devient en quelque sorte… notre vin fétiche !

Avec le titre qui coiffe cette rubrique vous savez maintenant que mon vin totem est le Clos de Tart grand cru de la commune de Morey St-Denis, en Bourgogne. Juste un mot pour vous dire que le Domaine fut fondé en 1141 par les Bernardines de l’Abbaye de Tart qui était une dépendance de l’Abbaye de Cîteaux. La famille Marey-Monges en fit ensuite l’acquisition avant de le revendre à la famille Mommessin en 1932. C’est l’homme d’affaires François Pineault qui a fait fortune dans l’industrie du luxe qui possède aujourd’hui les quelques 7,5 hectares de vignes du Monopole.

De mon côté, comme depuis 45 ans je collectionne les étiquettes des grands vins que je consomme et que j’annote la date et la circonstance de la dégustation, il m’est facile de retracer mon parcours auprès de cette marque que j’affectionne. Ainsi c’est pour la naissance de mon fils en 1981 que j’ai acquis mon premier flacon de Clos de Tart. J’étais alors Directeur de la Maison des vins de Québec (MDV) et je me souviens qu’il fallait débourser la rondelette somme de 42$ pour l’acquérir. Quelques années plus tard, toujours à la MDV nous avons proposé à notre clientèle une verticale du prestigieux vin. Une dizaine de millésimes issus des années 50, 60, 70 que j’avais bien sûr eu l’occasion de tous déguster. De quoi me construire un spectre de références assez large et de tisser davantage ma relation avec ce terroir. Par ailleurs, en d’autres circonstances c’est le vin qui me faisait des avances, comme cette fois où Pierre Fluet connaissant mon attachement pour le Clos de Tart et pour me remercier d’avoir reçu à la maison toute mon équipe de conseillers en vin, m’offrit une bouteille de 1979 que je dégustai quelques années plus tard. Salut mon Pierre sur ton petit nuage !  Au-delà de ces moments symboliques qui ont construit notre relation (entre le Clos et moi), évidemment  qu’à chaque dégustation j’étais transporté par l’élégance, la palette aromatique et la complexité gustative du divin nectar.

Puis en 1986, vint le temps sacré de mon premier voyage en Bourgogne, terre bénie des Dieux s’il en est une. Pour bien marquer le coup et afin de graver définitivement dans ma mémoire cette mosaïque qu’est le vignoble de la Côte de Nuits, je décidai de la parcourir à pied.  De Gevrey-Chambertin à Nuits St-Georges 4 heures durant, m’assoyant par moment sur un muret pour prendre quelques notes, déroulant des pellicules de films 35 mm, grapillant quelques baies de pinot noir ou arrachant une feuille au pampre d’un cep de Chambertin (qui me servit de marque-pages dans mon Encyclopédie du vin d’Alexis Lichine), je m’efforçai de retenir l’ordre des villages et l’emplacement de chaque cru. Quand soudain, halte-là ! me voilà devant le portail ouvert du saint sérail, le Clos de Tart. Affublé de tout mon attirail, appareil photo en bandoulière, grosse caméra VHS à l’épaule et sac sur le dos, je m’hasardai à franchir le seuil sur la pointe des pieds en quête du St-Graal. Oh là ! Mal m’en prit… deux molosses érigés en cerbères aux crocs acérés, aboyant et écumant dévalèrent la pente et se mirent hardiment à mes trousses. Chargé comme un mulet, je pris maladroitement jambes à mon cou et rebroussai chemin le souffle court et la peur au ventre. Allais-je finir comme engrais fertilisant au vignoble de mes rêves ? Heureusement par miracle, les quadrupèdes cessèrent net leur course dès que j’eu franchi le portail…j’en fut quitte pour une bonne frousse et une fichue anecdote à raconter ! Comme première visite, ça marque… mais cela allait contribuer à accroître mon lien indéfectible avec le Domaine.

Mon second passage fut heureusement plus serein et enrichissant. Ce fut en 1992, alors que Président de l’Amicale des Sommeliers de Québec, je pilotai un groupe d’une trentaine de d’amateurs avec Monsieur Jean-Gilles Jutras émérite Ambassadeur du vin au Québec. Nous fûmes reçus avec faste par le régisseur de l’époque, M. Henri Perrot et eûmes droit à la visite officielle des lieux ainsi qu’à la dégustation de quelques millésimes dont le vin le plus récent toujours en barrique que notre hôte nous servi à la pipette, comme il se doit.  Je répétai l’expérience en 2004 avec des amis et en 2006, nous fûmes dignement accueillis par le nouveau maître des lieux, M. Sylvain Pitiot.  Je revis ce dernier l’année suivante lorsqu’il fut invité à Montréal pour animer une dégustation verticale d’une douzaine de millésimes. Clos de Tart devint pour moi le grand cru de Bourgogne dont j’allais déguster le plus d’années différentes. Si je ne m’abuse j’ai dû l’apprécier sur plus d’une trentaine de millésimes au fil des ans.

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Lors de ma visite en 1992, reçu par le régisseur, M. Henri Perrot

jean photo2Mon épouse au Clos de Tart avec Sylvain Pitiot et le représentant de la maison Mommessin

jean photo3Avec Gilles Molleur, président de l’Amicale des Sommeliers de Montréal

jean photo4Votre chroniqueur devant le célèbre écriteau en 2006

Ensuite, j’ai ardemment souhaité transmettre ma passion à ceux que j’estime et qui assureront la suite ce cette quête, mon fils François et mon beau-fils Tarek, aujourd’hui directeur de succursale à la SAQ. Ainsi en 2013, lors d’un séjour mémorable en Bourgogne avec Tarek, nous avons sillonné le vignoble en plaine et en coteaux guidé par Patrick Mallard du Domaine éponyme. Comme j’avais initié Tarek aux vertus du célèbre cru de Morey St-Denis, c’était un devoir de s’y arrêter pour la photo habituelle devant la célèbre enseigne. Nous nous y sommes adonnés avec grand bonheur. Enfin, une décennie plus tard soit en ce mois de juillet 2023 c’est avec mon fils François que je suis retourné en Côte d’Or, en prime avec mon petit-fils Alex. Quelques amis s’étaient joints à nous pour cette virée mémorable.  Au premier soir de notre arrivée à Meursault, Jean-François Mestre du Domaine Michelot voulant m’honorer, et qui sait peut-être me piéger, m’a demandé de commenter un vin qu’il me servit à l’aveugle. Ne pouvant identifier la chose…je ne manquai cependant ni d’éloges ni d’expressions admiratives pour qualifier ce vin qui, vous vous en doutez bien, était un Clos de Tart 2001. Sublime et une de plus au compteur! C’est bien ragaillardis que le lendemain nous nous sommes lancés sur le circuit des Grands Crus de la Côte de Nuits, faisant halte à Nuits St-Georges, Vosne-Romanée, Vougeot, Chambolle-Musigny et…Morey St-Denis avec l’arrêt imposé devant mon Domaine fétiche. Nous voilà installés pour le rituel consacré… cette fois plus solennel et émouvant. Sous l’illustre écriteau, trois générations de Chouzenoux : Jean, François et Alex ont pris place sur le robuste banc de pierre devant nos amis médusés, pour la photo devenue traditionnelle. Elle est pas belle, la vie !

jean photo5Avec mon beau-fils Tarek en 2013

jean photo6Trois générations de Chouzenoux en 2023. De gauche à droite, François, Jean et Alex

jean photo7Ma réaction en découvrant le Clos de Tart 2001 que l’on m’a servi à l’aveugle et que je n’ai pu identifier

Pendant que nous prenions la pose je me remémorais ma première dégustation du Clos de Tart au début des années 1980, la première fois où j’ai franchi l’enceinte en 1986, les multiples moments d’émotions à déguster ce vin, mes visites privilégiées au Domaine, les formidables rencontres avec les œnologues et autres personnels de la maison Mommessin, pour m’y retrouver finalement quarante ans plus tard avec fils et petit-fils…la boucle est bouclée. 

Ce point d’orgue clôturait deux jours d’une virée dont je vous reparlerai.

Voilà, cette chronique un brin plus personnelle se veut un hommage aux hommes et aux femmes qui ont façonné au fil des siècles un vin de légende. C’est également un témoignage de ce que le vin doit être avant tout, un produit de partage et de convivialité.

Je termine en disant que parmi mes dernières volontés que j’ai communiqué à mon proche entourage, est celle d’entendre une dernière fois La Supplique de Georges Brassens, un verre de Clos de Tart à la main ou injecté sous perfusion. Bon… rien ne presse !

dimanche, 16 juillet 2023 10:32

La Sardaigne, une belle île en Méditerranée

L’an dernier, lors d’un voyage au sud de la Corse, à certains endroits on pouvait apercevoir la Sardaigne. Deux îles jumelles qui jadis, pour ne pas dire il y a des millions d’années, n’en n’étaient pas car rattachées au continent. Côté ibérique ou provençal, là-dessus les géologues se perdent en conjectures… va savoir !? Le mouvement des plaques tectoniques et l’irruption de volcans ont brutalement fait bouger les lignes et nous nous réjouissons bien évidemment de la situation actuelle de ces deux sites enchanteurs. Tout cela pour vous dire que cette année, c’est du nord de la Sardaigne que nous désirions apercevoir la Corse. Chose souhaitée, chose faite. Voilà pour l’entrée en matière !

Après la Sicile, sa cousine italienne, la Sardaigne est sur la seconde marche du podium des plus grandes îles méditerranéennes. Les phéniciens (syriens et palestiniens) furent parmi les premières peuplades de notre ère. Au fil des siècles, des guerres et des invasions l’île fut tantôt sous domination de Rome, puis de Byzance, puis de la Maison de Pise, puis celle de Savoie. Bref, pour faire court, à la fin de toutes ces guerres la Sardaigne fut rattachée à l’Italie et c’est la situation qui prévaut actuellement. Quand vous posez les pieds sur le sol sarde, vous vous joignez aux 1,6 million d’habitants insulaires.

Notre périple s’est limité au nord où semble-t-il beaucoup de charme s’y déploie. Des paysages parfois arides, beaucoup de reliefs entre plaines et montagnes, des côtes sublimes aux sables tantôt blanc, tantôt beige, tantôt… et plus rarement rose. Des plages somptueuses à l’eau turquoise et cristalline. Des milliers de lauriers bordent les routes et la façades des villas pour notre plus grand ravissement.

Au départ de Nice, à moins d’une heure de vol et au tarif abordable de 90€ (150$) par personne, aller/retour, nous n’allions pas lésiner. Olbia est le centre névralgique et économique de la partie septentrionale de l’île et c’est en ces lieux que sont basés l’aéroport et les installations portuaires essentielles au tourisme et au réapprovisionnement des biens et des denrées.   

La Jet set sera comblée en divertissements, en clubs de spectacles et de danse, en hôtellerie de luxe et en tables gastronomiques à Porto Cervo, petit St-Tropez de la côte sarde. Et oui, il y a un port avec ses gros yachts. En prime, l’architecture des villas aux contours arrondis et aux teintes différentes comble le regard et adoucit le panorama. En revanche, l’extraordinaire village médiéval de Castelsardo, considéré comme l’un des plus beaux villages d’Italie et du monde, propose une visite bien différente. Situé sur la Costa Paridiso, les maisons et le château dominant sont agrippés aux flans d’une colline qui surplombe la mer. Vous imaginez le tableau… voyez plutôt la photo… c’est cadeau ! Petites ruelles, escaliers, fortifications, placettes avec restos sympas… une virée à la fois historique et désaltérante. De grâce, ne faites pas comme nous et évitez de vous y balader en pleine chaleur l’après-midi et au surplus si vous sortez de table. Avec le soleil au zénith, l’ombre se fait rare.

Jean Chouzenoux3Village médiéval de Castelsardo

Bien sûr, un arrêt chez l’un des meilleurs producteurs de vins de la région s’est imposé. Le Domaine Sella & Mosca, dont nous trouvons à l’occasion des vins au Québec, est une immense propriété de 650 ha, ce qui en fait l’un des plus grands d’Europe. Un savant mélange de cépages locaux et de variétés continentales confèrent des saveurs et parfums bien singuliers aux vins sardes. La part belle revient aux cépages torbato et vermentino pour les blancs, alors que cammonau et carignano façonnent les vins rouges. En quittant, la propriété et à une dizaine de kilomètres se trouvent une autre perle du pourtour du nord de l’île soit le village d’Alghero, véritable forteresse où des vestiges de catapultes et de vieux canons témoignent des nombreuses guerres qui ont émaillées l’histoire de la Sardaigne.

Jean Chouzenoux4Domaine viticole de Sella & Mosca

Gardons le meilleur pour la fin…le palmarès des plages. Car ici il y en a tant et tant, qu’elles rivalisent de beautés dues aux sites enchanteurs et aux eaux turquoises, que beaucoup sont facilement accessibles et publiques, qu’on les a répertoriées comme on classe les restaurants dans tout bon guide touristique qui se respecte. On en recense environ 300 tout autour de l’île. L’eau chaude et limpide en été ajoute au plaisir de la baignade d’autant que vous vous trouvez déjà au cœur d’un tableau somptueux. Celle que j’ai choisi d’illustrer ici, est la Spiaggia del Principe, sur la côte Esmeralda. En français et pour l’anecdote…la plage du Prince car elle était la plage préférée du Prince ismalite Karim Aga Khan. Excusez du peu !

Jean Chouzenoux2La Spiaggia Del Principe

vendredi, 07 juillet 2023 15:24

Les apéritifs anisés… la suite !

Il y a quelques semaines, je vous ai fait part des résultats d’une dégustation d’apéritifs anisés internationaux. Le Liban, la Turquie, la France et la Grèce concouraient avec leur alcool blanc. Aujourd’hui, on reste concentré sur le sud de la France avec… le p’tit jaune. Vous l’aurez deviné, il est ici question de pastis.

Le pastis est élaboré à partir d’un alcool agricole auquel on ajoute différentes composantes dont l’anis étoilé (ou badiane); c’est le point commun. Ensuite, chaque région ou chaque producteur y va de sa recette secrète, qui inclut bien souvent de la réglisse ou du fenouil. Ensuite, c’est un savant mélange d’herbes, de plantes et d’épices qui viendra personnaliser le goût recherché par le concepteur.

Notons tout d’abord qu’à l’origine, le pastis a été créé pour suppléer à l’interdiction de la vente de l’absinthe. Cet alcool, dont on disait qu’il rendait fou ou aveugle, a en effet été prohibé en 1915. Pour contrer cela, quelques années plus tard, Jules-Félix Pernod a déposé un brevet déposant la marque Anis Pernod, devenant ainsi l’inventeur officiel du pastis tel qu’on le connait aujourd’hui.

Pour notre compétition du jour, nous avons formé le panel constitué de :

  • Messieurs Don-Jean Léandri, père et fils. Plusieurs connaissent le papa, détenteurs des titres de meilleur sommelier du Canada, ambassadeur du vin au Québec et professeur de sommellerie
  • Monsieur Alain Brunet, président directeur-général de la SAQ de 2011 à 2016
  • Madame Chantal Ouimet
  • Jean Chouzenoux, votre chroniqueur et ex-gestionnaire à la SAQ

Les marques qui ont eu l’honneur de se soumettre aux palais des dégustateurs :

  • Ricard, le pastis de Marseille
  • Henri Bardouin, le pastis de Provence (produit à Forcalquier)
  • Pastis de Nice
  • Casanis, pastis d’origine corse

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Un mot sur ces alcools anisés. Ricard est bien sûr une marque bien connue. On obtient d’abord une huile essentielle à partir de l’anis étoilé et de la réglisse, auxquelles sont incorporés des extraits naturels des diverses plantes locales macérées dans les 24 heures.

Le pastis provençal Henri Bardouin est issu de la macération de 65 variétés d’herbes, plantes et épices. Parmi les ingrédients soigneusement récoltés à la main, notons l’anis étoilé, la cannelle, la cardamone, la réglisse, la muscade, le thym ou la fève de Tonka.

C’est le père Gil Florini, véritable alchimiste, qui a créé en 1981 le Pastis de Nice à base de 26 plantes et épices de sa région méditerranéenne. Il s’agit d’une production artisanale et il faut savoir où le dénicher.

Emmanuel Casabianca a quant à lui confectionné le premier pastis corse dans son village de Bastia, en 1925. L’anis vert domine dans l’élaboration du Casanis, lui conférant sa couleur jaune pâle et son arôme léger et floral. Notons qu’aujourd’hui ce pastis est élaboré à Marseille et les deux blasons de Bastia et Marseille ornent l’étiquette.

Et maintenant, roulement de tambour… voici les résultats de notre dégustation tenue de manière rigoureuse et conviviale. Une once et demie d’alcool, à laquelle chacun a ajouté la même quantité d’eau et un glaçon. Nous connaissions les produits présentés sans savoir dans quel ordre ils étaient servis. Les jurés devaient répondre à deux questions, lequel est lequel ? mon ordre de préférence ?

  • Quatre des cinq dégustateurs ont reconnu le Ricard
  • Les cinq dégustateurs ont reconnu qu’on avait servi deux fois le même pastis (eh oui, il y avait un piège !)
  • Quatre des cinq dégustateurs ont identifié correctement le pastis Henri Bardouin de Provence
  • Trois dégustateurs ont bien identifié le Pastis de Nice

Au niveau des préférences

  • Le pastis Henri Bardouin de Provence l’emporte haut la main, avec 4 votes sur 5. Sa complexité aromatique et sa longueur en bouche ont ravi les jurés.
  • Le Casanis corse récolte la seconde palme grâce à ses saveurs herbacées et quelque peu médicinales
  • Suit le Ricard à la robe plus foncée et son côté franchement désaltérant
  • Le Pastis de Nice ferme la marche, principalement à cause de sa trop grande légèreté et sa courte présence en bouche

Bref, vous l’aurez deviné, cette expérience était plutôt un prétexte à souligner l’ouverture de la saison estivale, le plaisir de se retrouver entre copains et de partager une belle tranche de vie !

C’est au nord-ouest de la Sardaigne que deux piémontais, Erminio Sella ingénieur et Edgardo Mosca avocat, ont poussé leur passion commune pour le vin en faisant l’acquisition d’une terre agricole afin d’y planter les premiers pieds de vigne. C’était en 1899 et aujourd’hui ce vaste domaine de 650 hectares est devenu l’un des plus grands domaines viticoles d’Europe. À titre d’exemple Domaine Cazes au sud de la France comporte 220 Ha et les terres du Château Lafite à Bordeaux s’étendent sur un peu plus de 110 Ha. Aucun descendant des deux fondateurs n’est aux commandes aujourd’hui au Domaine Sella & Mosca, mais l’entreprise est entre bonnes mains et les affaires sont florissantes.

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Six millions de bouteilles sortent chaque année des chais de la propriété sarde, sous une vingtaine d’étiquettes différentes. Un judicieux mélange de cépages autochtones et de raisins italiens ou français composent la palette ampélographique. En blanc c’est le torbato aux racines bien locales qui domine la plantation et apporte aux vins un nez d’agrumes bien net et  une fraîche vivacité en bouche. Alors que le bien nommé vermentino issu des terres continentales de l’Italie vous donne un peu plus de gras et de rondeur au palais. Les porte-étendards en rouge sont le cannonau et le carignano auxquels s’associent le sangiovese et le cabernet-sauvignon. Maître cépage en Sardaigne, le cannonau que notre hôte agronome, Salvatore, qualifie de « sugar maker », produit des vins d’un rouge léger, au caractère de fruits rouges très intense et à une bouche légèrement tannique et aux pointes épicées.

Par conséquent, sur une si grande surface la nature du sol varie sensiblement allant de terroirs sablonneux, calcaires à ferrugineux. Changeant à l’avenant le caractère des vins élaborés sur tel ou tel autre terroir.  L’âge moyen du vignoble est d’une vingtaine d’années et les plus vieux ceps atteignent l’âge vénérable de 35 ans. Nous sommes en plaine, ne cherchez autres côteaux ou reliefs sur la propriété. En outre, le vignoble est drôlement bien irrigué car il bénéficie, si je puis dire, de sa propre nappe phréatique l’eau s’y écoulant comme une source à peine quelques mètres sous terre à l’intérieur même du chai. Puisque nous y sommes, notons que l’on cherche avant tout des barriques de chêne français à préserver les parfums et les saveurs des différents jus de fermentation qu’à apporter le caractère gras ou vanillé du bois. Démarche fort louable. Enfin, la gamme de vins du Domaine inclue des mousseux, spumente blanc ou rosé, et un vin passerillé bien costaud et charnu. Un portefolio bien complet, en somme.  

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Avec mon copain et ex-collègue de la SAQ Alain Brunet et en compagnie de nos épouses, nous nous sommes récemment rendus en Sardaigne pour un séjour touristique et avons joint l’utile à l’agréable. Comme les vins de Sella & Mosca sont disponibles occasionnellement au Québec, nous souhaitions en connaître davantage sur les origines de la propriété. En fait, le Canada, principalement le Québec, est les 3iè pays en importance où leurs vins de sont exportés. Ainsi, après la tournée du site, du chai et de la cave nous avons eu droit à la dégustation de quelques crus de cette Sardaigne que nous découvrions. Baignés par les charmes de la vaste demeure et sous les bons auspices de notre hôte, nous avons pu mesurer la variété et la complexité des vins produits sous les trois appellations DOC et DOCG de Sella & Mosca. Une différence environnementale et de style notables d’avec l’Italie du continent !

dimanche, 04 juin 2023 10:18

Les alcools anisés

À l’aube de la saison estivale et alors qu’une première canicule a déjà frappé le Québec, rendons hommage aux boissons alcoolisées les plus désaltérantes qui soient : les apéritifs anisés. Rafraîchissantes à souhait, ces boissons sont d’excellents remèdes aux coups de chaleur quand l’heure de l’apéro a sonné.

L’angle pour vous en parler aujourd’hui est celui d’un match entre le Liban, la Turquie, la Grèce et la France. Uniquement des alcools blancs ; les autres Pastis, Ricard ou Pernod… j’y reviendrai.

Il y a quelques jours, j’ai organisé, en compagnie de quelques amis, une dégustation à l’aveugle afin de départager l’arak libanais, le raki turc, l’ouzo grec et l’anisette française. Deux enjeux se dessinaient, lequel est lequel ? Quelles sont mes préférences, dans l’ordre ?

Mais avant, un petit mot sur l’élaboration de ces boissons porte-étendard de leur pays respectif. Bien que le dénominateur commun soit l’anis, dans ce quatuor on distingue deux familles. L’arak et le raki sont élaborés à partir de moût de raisins distillés qui donne l’eau de vie de raisin à laquelle sont ajoutées des graines d’anis. Si au Québec ces boissons sont généralement servies à l’apéritif, au Liban et en Turquie, on les servira tout au long du repas, particulièrement s’il s’agit d’un mezzé, avec sa ribambelle de plats. En revanche, l’anisette et l’ouzo sont principalement élaborés à partir d’un alcool obtenu par la macération et la distillation de plantes ou de céréales. La badiane (ou anis étoilé) est le composant majeur qui donne ce goût et cette sensation de fraîcheur. Sont incorporés selon les recettes propres à chacun, fenouil, réglisse et autres plantes locales. Évidemment, la meilleure façon de consommer ces produits est d’allonger avec de l’eau fraîche et d’ajouter 2 ou 3 glaçons à la toute fin, pour évier les grumeaux dans votre verre.

J’en reviens à notre dégustation. D’abord le comité était composé d’une libanaise, Marlène Nourcy, de deux turcs, Madlen et Jan Arin, une franco-polonaise, Eva Godfrin, et deux pieds-noirs, Jean-François Guillaume et votre serviteur. La dégustation s’est déroulée sur les hauteurs de Nice, qui borde le bassin méditerranéen, qui est le berceau de ces boissons exaltantes. La seule règle de dégustation était de servir une dose égale de chaque alcool avec la même proportion d’eau dans les 4 verres. Le résultat est éloquent, la majorité a identifié et préféré la boisson de son pays. Cinq des six participants ont d’abord reconnu dans l’ordre l’ouzo, l’arak, l’anisette et le raki. Deux votes de première place ont été décernés à l’arak et au raki, un vote pour l’anisette et un vote pour l’ouzo.

  • Arak : 2 points (reconnu par la libanaise)
  • Raki : 2 points (reconnu par les turcs)
  • Anisette : 1 point (reconnue par les pieds-noirs)
  • Ouzo : 1 point (reconnu par la franco-polonaise qui arrive de Grèce !)

La typicité de chaque boisson est à ce point remarquable qu’on a tous décelé la légèreté de l’ouzo, le goût beaucoup plus accentué de l’arak et du raki et la fraicheur de l’anisette.

Pour bien faire honneur à ces saveurs anisées d’Europe et du Proche-Orient la soirée s’est poursuivie par un excellent mezzé, composé d’une douzaine de plats.

Bon été et large soif à tous !

Sur les hauteurs de Nice se dresse un superbe château baroque aux teintes rouges qui surplombe carrément la colline de Bellet. Dans le nuancier des couleurs, ce rouge sarde est la couleur emblématique de la ville de Nice, rappelant son rattachement à la Maison de Savoie aux influences italiennes. Niché au cœur de l’une des plus petites AOC de France, le Château Crémat étend ses vignes sur une quinzaine d’hectares sur les 55 que totalisent l’appellation Bellet. De ces hauteurs on aperçoit la mer qui se déploie du Cap Ferrat jusqu’au massif de l’Estérel et l’on imagine fort bien que les embruns portés par le vent, laisseront leur empreinte sur les grappes. De l’autre côté, les montagnes alpines se hissent faisant barrage au mistral et stoppant net les nuages dans leur course vers le large. C’est au cœur de ce microclimat, sur un terrain accidenté et pentu, un sol pauvre appelé poudingue que l’on cultive la vigne depuis l’époque romaine.

Les vins de la propriété

C’est en 1906, qu’un marchand d’huile d’olive fait ériger le Château et replante de la vigne. Le sol composé de galets roulés, d’argile, de silices et de calcaire, le fameux Poudingue, favorise un bon drainage du vignoble où le soleil plombe 300 jours par an et où le mercure dépasse les souvent les 30 degrés en période estivale. La quinzaine d’hectares est morcelée en plusieurs parcelles et favorise la culture et une vinification parcellaire. Le mariage judicieux entre les cépages autochtones et les cépages nobles confèrent aux vins de toute la palette de couleurs une harmonie d’arômes et de saveurs.

Pour les blancs, c’est le maître cépage provençal Rolle (aussi appelé Vermentino) qui apporte avec ses 90% de contenu, la rondeur et la finesse alors qu’avec ses 10%, le Chardonnay dépose un soupçon de minéralité. En rouge, c’est la Folle noire au mûrissement tardif qui donne sa singularité gustative au Château Crémat alors que le grenache apporte la touche aromatique et beaucoup de rondeur.  

La culture agrobiologique est l’approche retenue par le maître viticulteur de la propriété, Alain Vallès. De plus, dans ce vignoble aux pentes abruptes et escarpées toutes les actions liées à la viticulture, de l’effeuillage aux vendanges, sont faites manuellement. Pour la vinification et la fermentation, les baies sont égrappées, triées à la main et déposées entières dans les cuves conformément aux pratiques de la macération pelliculaire. Vingt-cinq mille bouteilles verront ainsi le jour à chaque millésime.

Lors de notre passage au caveau sous la houlette d’Emmanuel Da Rocha, nous avons dégusté le blanc 2020 à la robe dorée et soutenue. Le nez ample et généreux révélait des arômes de fleurs blanches avec une touche miellée et épicée. En bouche, on retrouve une texture onctueuse aux saveurs de fruits exotiques et de romarin, le tout en équilibre entre le gras et l’acidité et une fin de bouche riche et parfumée. Le rouge du millésime 2016 à 75% de Folle noire et 25% de grenache se dévoile sous des arômes de baies rouges, de menthol et de cacao pour éclore sur des saveurs à la fois fruitées et animales. De quoi rehausser les grillades estivales ou le gibier automnal.

Château Crémat 1

Après deux années où les organisateurs du plus grand concours de vins en Amérique ont galéré à cause de la pandémie de COVID-19, les voici confrontés à différentes crises mondiales liées aux conflits en Europe, à l’inflation préoccupante et aux conditions climatiques dévastatrices. Mais malgré des vents contraires, ils réussissent le tour de force d’obtenir un fort taux de participation pour l’édition 2022 de SMVC qui se mettra en branle le 12 octobre prochain, à l’Institut du tourisme et d’hôtellerie du Québec (ITHQ), à Montréal. C’est un total de 1700 vins qui sont inscrits au registre du concours et que les 65 jurés internationaux, provenant d’une vingtaine de pays devront évaluer en fonction de critères bien précis.

Jamais deux sans trois !

Depuis que la nouvelle organisation a pris les rênes en 2020, sous la présidence de monsieur Réal Wolfe, les calamités n’ont eu cesse de se dresser devant elle. D’abord deux fois reportée pour cause de confinement, l’édition de 2020 a pu finalement se tenir à Québec selon un protocole sanitaire rigoureux et sans la participation des jurés étrangers que toute interdiction de voyager empêchait d’entrer en territoire canadien. Puis en automne 2021, déjà mobilisé par le transfert du concours vers la métropole, voilà que les organisateurs se retrouvent une nouvelle fois embourbés par les tracasseries pandémiques. Cela n’impacte en rien le nombre de produits inscrits aux épreuves de dégustation, au contraire, le  record d’inscriptions est fracassé… une douce revanche.

Qu’en est-il alors de l’édition 2022 qui s’amorce jeudi prochain? Eh bien, la guigne continue de s’acharner sur le monde viticole en général. Cette fois ce sont les incidents climatiques que nous avons connus au cours des derniers mois qui perturbent tout le monde agricole et viticole, particulièrement en Europe. Chaleurs extrêmes, canicules, sécheresses, orages violents, tous ces phénomènes climatiques extrêmes ont mis à rude épreuve le travail des vignerons et de toute la filière vinicole. À cela s’ajoute la guerre en Ukraine qui, on l’a vu, perturbe mondialement l’économie, les exportations internationales et provoque une forte poussée inflationniste. Conséquence directe, le nombre d’inscriptions qui fléchit cette année pour une rare fois. En revanche, sur l’autre face de cette médaille, nous assisterons pour cette édition au retour des experts dégustateurs venant des quatre coins du globe et qu’aucune règle sanitaire ne viendra perturber le bon déroulement du concours. De quoi enfin se réjouir !

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C’est bien beau les médailles… 

La consécration ultime pour les producteurs qui soumettent le fruit de leurs labeurs aux palais de juges expérimentés est certes la reconnaissance de la qualité de leurs vins, mais surtout l’obtention d’un précieux sésame, à savoir la Médaille d’Or ou d’Argent qu’ils accoleront sur leurs bouteilles. Au moment de l’achat, le consommateur hésitant se voit ainsi rassuré sur la qualité potentielle d’un vin par rapport à un autre. Cependant, à l’échelle planétaire, beaucoup de concours de vins s’organisent et il y a prolifération de médailles sur les bouteilles. Chaque organisation développe alors ses propres créneaux. Avec Sélections Mondiales du Canada, c’est bien sûr le marché nord-américain que les producteurs cherchent à atteindre. Le Québec, bien sûr, mais pas que… Les autres provinces canadiennes et les États-Unis sont également dans le viseur. À ce propos, le Président de SMVC, M. Réal Wolfe, ajoute : « Nous intervenons alors auprès d’organismes de promotion de divers pays producteurs pour les inciter à participer à notre concours. Par exemple, cette année, cela donne une représentation des vins de Moldavie, de Sicile, de régions espagnoles comme Le Rioja ou Castilla de Leon, de Tejo Alentejo au Portugal et bien d’autres encore ».

SMV Canada jouit d’une forte reconnaissance internationale qui tient à la rigueur des séances de dégustations, la vaste sélection de vins, les origines très diversifiées des produits présentés et la longue expertise de l’organisation acquise au cours des trente dernières années. Encore là, M. Wolfe précise : « Nous travaillons également en étroite collaboration avec des organismes reconnus, comme le regroupement des Crus Bourgeois du Médoc, ce qui nous permet d’inscrire des vins de qualité sur nos différents panels de dégustation. Cette montée en gamme nous permet de nous distinguer et d’accroître notre notoriété ».

Nous reste qu’à souhaiter un franc succès à l’édition 2022 de Sélections mondiales des vins du Canada !

mardi, 06 septembre 2022 15:28

La SAQ un fleuron national !?

C’est reparti, un aspirant au poste de premier ministre du Québec promet la privatisation du monopole de la Société des alcools du Québec (SAQ). Sous le fallacieux prétexte d’offrir plus de choix au consommateur. Le candidat, ignore ou feint d’ignorer, que c’est au Québec que l’on retrouve la plus grande sélection de vins et spiritueux au monde. Aux 10 000 produits offerts s’ajoute le fait que par son service d’importation privée, l’amateur de vin averti peut se procurer n’importe quel vin, d’où qu’il provienne sur la planète. Populisme, calcul électoraliste sont-ils les vrais motifs de tout prétendant au poste de PM ? Ou faut-il plaider l’ignorance de ces candidats en période électorale ? Si c’est par l’idéologie, tout à fait légitime, voulant que le gouvernement n’a pas à se mêler de la vente d’alcool, soit, qu’ils assument et qu’ils le disent. Mais qu’ils dénigrent l’offre des produits, les prix ou le service, c’est insulter les 6000 employés qui travaillent à la SAQ et sous-estimer l’intelligence des électeurs. Car une fois au pouvoir, ces pourfendeurs dogmatiques se voient contraints de fouler du pied leur promesse construite sur des préjugés. Concrètement, une fois au pouvoir, ce sont les faits qui dictent les décisions gouvernementales.

Une mise en contexte

Le choix du Québec d’opter pour un monopole d’État a été pris en 1921, ce qui était avant-gardiste en cette ère de prohibition. C’était un choix social et économique, car les taxes et les profits étaient récupérés par l’État québécois. Aujourd’hui centenaire, la SAQ a développé une expertise unique et est devenue le plus important acheteur de vins au monde. C’est aussi un pourvoyeur de fonds majeur pour le Québec et tous les Québécois.

Les faits d’abord

Avant de sabrer dans le monopole, il faut avoir quelques données en tête, ce que se font rappeler les nouveaux élus une fois au pouvoir.

À savoir :

1) Que quiconque a voyagé hors du Québec sait qu’il n’y a pas un endroit au monde où il y a autant de choix de vins et spiritueux. Je vis en France depuis 12 ans, j’ai voyagé dans plusieurs pays d’Europe et du monde pour pouvoir l’affirmer. Essayez de trouver des vins du Liban, de la Hongrie, d’Argentine ou du Québec chez un caviste à Paris, Bordeaux, Londres ou Berlin. Au rayon vin des grandes surfaces, sur les 1000 produits référencés, vous trouverez 90% de vins français, 10 vins italiens, 5 vins espagnols, quelques étiquettes portugaises, américaines ou australiennes. Oui, je caricature, mais à peine.

2) Autre point de vue des producteurs étrangers qui visitent les succursales de la SAQ. Il faut voir leur mâchoire se décrocher quand ils sont devant les rayons de la SAQ garnis d’autant de choix, d’autant de pays, dans des magasins superbes, cela que vous soyez à Montréal ou à Fermont.

3) En ce qui a trait au prix, en Bourgogne on vous proposera des vins de Bourgogne souvent plus chers qu’au Québec, quelques Bordeaux ou Côtes-du-Rhône; bonne chance pour le reste. Idem à Bordeaux ou à Nice, avec priorité quasi exclusive aux vins de leur région respective. Et ce sera pareil à Barcelone, Lisbonne et Rome. Bien sûr, vous pourrez acheter un petit rosé de Provence à 5$ ou un petit vin de table du sud de la France à 6$ à l’épicerie de Nice. Il me semble que c’est normal, ils sont produits à quelques kilomètres du point de vente. Oui, j’exagère, c’est à seules fins de discussion.

4) Les œillères rangées au vestiaire, le nouveau premier ministre se fera aussi dire : « À qui profite le crime monopolistique !? » Autrement dit, où vont les profits engendrés par le mal-aimé monopole ? Rappelons qu’outre la décision de créer le monopole en 1921, les élus ont choisi de taxer l’alcool, un bien de luxe faut-il le rappeler, afin de financer le filet social. Ainsi, 100% des profits restent au Québec et au Canada. Par conséquent, la question se pose en ce temps de mondialisation où les grands consortiums, souvent américains, engrangent des profits mirobolants qui sont pompés hors du Québec. Car il arrivera quoi si le marché de l’alcool se libéralise au Québec ? Qui aura les moyens de supporter un lourd inventaire afin d’offrir une vaste sélection aux Québécois de toutes les régions ? Oui, quelques petits cavistes offriront des trouvailles aux amateurs de Montréal, Québec et autres grandes villes du Québec.  Un chef en campagne a déclaré la semaine dernière : « Un producteur chilien qui veut vendre ses vins au Québec pourra ouvrir son propre magasin ». La SAQ a commercialisé 462 produits chiliens l’an dernier. Et vous croyez qu’un producteur ira s’ouvrir une succursale au Cap-de-la-Madeleine ? (Pour faire jeu égal avec le candidat, j’ironise un brin !) D’ailleurs, en région, ce sera la loi de l’offre et de la demande, c’est-à-dire les 100 meilleurs vendeurs se retrouveront à l’épicerie. Que faire de la promesse d’offrir plus de choix aux consommateurs ?!  Enfin, facile d’imaginer que les  Walmart, Costco et Sobeys de ce monde pigeront dans le plat de bonbons. Avec leur pouvoir d’achat, ils offriront plus de produits à bas prix et les profits fileront hors du territoire québécois, grevant d’autant le budget de la Belle Province. Ça nous fera une belle jambe !

ll y a le monde fantasmé et la réalité. Conséquemment, une fois ceci intégré, le champion candidat déchante face à son propre discours électoraliste !

Conclusion : Inversons des mentalités

En terminant, je comprends ceux qui critiquent tout ce qui est gros, gouvernemental, monopolistique. Je sympathise avec ceux qui sont dans le métier du vin (les agents promotionnels) qui trouvent que la machine SAQ est lente. Bien sûr que la SAQ n’est pas parfaite, mais mettons-nous d’accord sur une chose : le consommateur québécois est choyé. Je peux aussi fantasmer : mon souhait serait que les Québécois développent un sentiment de fierté face à leur SAQ. Pourquoi toujours ériger en tragédie les lacunes d’une entreprise, au point de vouloir tout saborder ? À l’international, du point de vue consommateur, la SAQ est vue comme un leader, un paradis pour les amateurs. Comme disait un ancien premier ministre du Québec : « Quand je me regarde, je me désole ; quand je me compare je me console ». Il me semble qu’il y a plus d’éléments qui concourent à nous réjouir et à être fiers qu’une entreprise québécoise réussisse chez elle et dans le monde. Voilà pourquoi je confirme que la SAQ est un fleuron québécois !

P.-S. : L’auteur est un ancien cadre de la SAQ, totalement biaisé, mais il a au moins l’avantage de connaître le sujet qu’il aborde.

dimanche, 19 juin 2022 10:11

La Corse, une montagne à la mer !

Il y a plus de 20 millions d’années, une large plaque continentale s’est détachée de l’Espagne et a dérivée en Méditerranée pour se stationner à environ 160 km du sud de la France. Cette bande de terre, un peu comme un Iceberg, a deux parties émergeantes que l’on dénomme aujourd’hui la Corse et la Sardaigne. Conséquemment, cette montagne corse, dont la base est sous la mer, culmine à 2700 mètres au-dessus du niveau de l’eau. Historiquement, l’Île de Beauté a relevé pendant plus de quatre siècles de la république de Gênes (1260-1768) avant que le peuple, en quête d’autonomie, ne se soulève une première fois en 1755 pour finalement être rattachée à la France en 1768.

Terre de contraste, la Corse offre des paysages saisissants. Ses contours sont bordés d’eau turquoise et de sable fin, de criques cachant des plages paradisiaques, de falaises abruptes parfois blanches par le calcaire, tantôt grise par le granit ou rouge par l’argile. En terre intérieur, ce sont les majestueuses montagnes qui plantent le décor. Sculptées par le vent, Eole a ici réalisé un réel travail d’orfèvre tant les sommets s’apparentent à de la dentelle. Les Aiguilles de Bavella situées dans la partie sud de l’île en sont un illustre exemple, le panorama est magnifique et le sommet atteint les 1200 mètres. Il y a aussi les vastes plaines verdoyantes traversées par de petites routes qui serpentent et d’où l’on peut apercevoir des sangliers en liberté. Image d’épinal s’il en est, mais souvenir indélébile pour le touriste à la chasse aux sensations fortes.

Aiguilles de BavellaLes Aiguilles de Bavella

Quelques destinations phares en Corse du sud.

Située à la pointe sud de l’île, Bonifacio est sans doute la ville qui déploie le plus de merveilles, oscillant entre mer et montagne.  Il y a d’abord la ville haute adossée à la citadelle à laquelle on accède par l’imposante porte de Gênes, ses rues étroites à l’ombre des remparts et surtout son point de vue exceptionnel du haut de ses falaises sur un mer d’un bleu profond et aux blancs moutons. Puis la ville basse et son port où mouillent les barques de pêcheurs, les yachts des plaisanciers mais d’où partent également les bateaux qui permettent aux touristes de longer les côtes en route vers des excursions fabuleuses. L’incontournable de votre séjour, ce sont les deux heures que vous passerez à voguer sur une eau cristalline, au pied d’imposantes falaises où sont juchées les habitations le tout proposant un paysage à couper le souffle. Vous serez portés par les flots jusqu’à l’archipel des îles Lavezzi. L’endroit recèle à la fois d’un territoire préservé à la faune locale mais aussi d’îles pour milliardaires en quête de quiétude pour autant que ce soit dans un palace doté d’une piscine débordante à l’eau de mer ! Au retour, vous serez encore une fois ébahis quand le bateau pénétrera dans des grottes creusées naturellement dans la falaise de calcaire. Sur l’eau d’un vert émeraude le pilote coupera le moteur pour vous permettre d’admirer en silence les parois escarpées, parfois ouvertes sur le ciel pour que la lumière s’engouffre. Par ailleurs, de retour sur le plancher des vaches si les plages sublimes vous laissent indifférents et que la randonnée qui vous interpelle, vous n’aurez pas à rouler longtemps pour atteindre les routes menant aux passages montagneux.

Dans un registre plus typique et si vous voulez vraiment ressentir l’âme de la Corse, il faut faire une halte à Sartène. Comme c’est généralement le cas, la ville est nichée au sein d’une imposante forteresse construite à l’époque des génois. Moins envahie par le tourisme de masse, les marchands du temple ne rythment par ici l’activité économique. Vous pouvez déambuler simplement dans les rues étroites, admirer les vieilles maisons de pierres auxquelles les résidents accèdent par des escaliers fortement pentus et des jolies portes de bois sculptées. Enfin, vous humerez le parfum du jasmin qui s’agrippe à la plupart des devantures d’habitation ou sentir l’odeur alléchante du civet de sanglier qui mijote dans la cuisine du resto de la Place.

Ajaccio, la capitale corse sise sur le flanc ouest de l’île, a comme mérite d’avoir enfanté deux illustres personnages. L’un Caporal puis Empereur a conquis une vaste partie du monde par les armes, l’autre chanteur et acteur a conquis les cœurs de sa voix ténorisante. Au centre de la ville vous aurez en effet accès à la Place d’Austerlitz ou trône une immense statue de plein pied de Napoléon Bonaparte ou vous pourrez passer devant la maison de sa naissance quelques rues plus loin. Parti de sa Corse natale il a rejoint le continent, pris la tête des armées françaises et conduit ses hommes en conquérant sur les terres italiennes, prussiennes, autrichiennes, égyptiennes, et bien d’autres encore. Aux commandes de l’état français on lui doit de grandes réformes civiles et sociales et un grand ordonnancement des institutions. Bref, Ajaccio voue un culte sans discernement à son célèbre fils, grand militaire et réformateur visionnaire pour certains, général sanguinaire aux visées colonialistes pour d’autres. L’autre fils célébrissime de la ville n’est nul autre que le chanteur de charme Tino Rossi, le plus grand vendeur de disques à son époque. Il a parcouru le monde, joué dans nombre de films et repose aujourd’hui au cimetière des sanguinaires à un jet de pierre de la célèbre Plage Marinella que jouxtait sa résidence.

NapoléonL’Empereur Napoléon surplombe sa ville natale d’Ajaccio

Les vins corses

Terre baignée de soleil avec des sols riches et variés, la Corse recèlent de trésors viticoles et gastronomiques. Outre les vins d’appellation IGP (Indication géographique protégée) neuf AOC (appellations d’origine contrôlées) regroupent la majorité de la production viticole corse. Selon qu’ils proviennent de sol calcaire vous obtiendrez des vins ronds aux saveurs plutôt minérales ; d’un sol granitique vous aurez des vins puissants et de longue garde ; d’un terroir à domination argileuse ce sont des vins plus doux et harmonieux que vous dégusterez ; enfin d’une terre volcanique vous obtiendrez des vins à la fois puissants et d’une grande finesse. Une trentaine de cépages apportant chacun leurs caractères spécifiques façonnent la panoplie des vins corses. Il y a bien sûr des cépages continentaux tels le grenache, la syrah ou le mourvèdre mais se sont les cépages autochtones qui qui forment la colonne vertébrale de la viticulture corse. Citons les vermentinu, sciacarellu, niellucciu et barbarossa. Qu’ils soient des environs d’Ajaccio, de Figari ou de Patrimonio nul n’est meilleur mariage que de déguster ces vins avec les nobles produits de la gastronomie locale : le Brocciu célèbre fromage de brebis ; la Coppa fine charcuterie d’échine de porc salé ; la terrine de sanglier ; le civet de sanglier.   Comme le plaisir du vin n’est pas dans le luxe mais dans le partage, à mon retour de ce pays de Cocagne c’est avec le plus célèbre des corses montréalais et sommelier émérite, le bien nommé Don-Jean Léandri,  que nous avons de larges rasades de vins corses et de fortes rations de Brocciu.

« Elle est pas belle la vie ! »

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