samedi 4 mai 2024
Au Canada, à quel moment cesse-t-on de passer pour un étranger pour devenir Canadien?

Au Canada, à quel moment cesse-t-on de passer pour un étranger pour devenir Canadien?

À l’occasion de la Fête du Canada, le 1er juillet, un quotidien de Montréal s’est demandé à quel moment on cessait d’être (ou d’être appelé) étranger pour devenir canadien. Témoignages d’expats, d’immigrés, d’enfants d’immigrants.

Mélikah Abdelmoumen : “Je suis née ici !”

Mélikah Abdelmoumen est née d’une mère du Saguenay [ville de la région du Saguenay – Lac-Saint-Jean, au Québec] et d’un père d’origine tunisienne.

Mes parents m’ont élevée comme une Québécoise. Mon père a fait partie d’une génération d’immigrés qui ont vraiment voulu que leurs enfants soient du pays où ils sont nés. Je ne parle pas un mot d’arabe, ma culture arabe est malheureusement presque inexistante, bien que je commence à m’intéresser davantage à cette partie de moi.

Je me retrouve donc dans une drôle de position parce qu’on me renvoie tout le temps à la moitié de mes origines, à celle que je connais si mal. C’est très douloureux que mon identité québécoise soit ainsi niée. Ce qui me désole aussi, c’est qu’avec la discrimination positive, je me sens comme un porte-étendard de la diversité. J’ai hâte que vienne le jour où l’on n’aura plus besoin de ces quotas, parce que ça nous catégorise, ça nous donne l’impression d’être un trophée, une caution.

J’ai écrit un livre, paru chez VLB. Mon éditeur a dû surveiller son site sans cesse, parce qu’il y avait souvent des commentaires du genre : ‘Rentre chez toi, rentre dans ton pays.’ Mais quel pays ? La Musulmanie, je suppose ? Et que puis-je répondre ? Que je suis d’ici ? Je ne peux pas, ce serait comme de dire que si j’étais née ailleurs, ce serait compréhensible de me lancer de telles insanités. Et encore, je n’ose même pas imaginer ce que ce serait si j’étais un homme arabe. Ça me blesse personnellement, mais aussi pour mon père, qui a été professeur de français ici et qui a formé des générations de Québécois à la poésie de Gaston Miron.”

Au Québec, dès qu’on dénonce le racisme, les gens en prennent ombrage. On te dit que tu exagères. Mais si tu t’appelles Gérard et que tu es blanc, comment peux-tu savoir ce qu’il en est ? Ce qui me choque aussi, c’est quand on parle de moi comme d’une immigrante de deuxième génération. À la limite, on peut dire de moi que je suis une fille d’immigré, mais je ne suis pas une immigrante. Je suis née ici !

Lire l'article complet: Bruno Rivaillé, via Courrier Expat du 6 juillet 2020