vendredi 26 avril 2024
Vivre l’expérience "Sentir pour voir Picasso" grâce à François Chartier

Vivre l’expérience "Sentir pour voir Picasso" grâce à François Chartier

L’univers du peintre et sculpteur Pablo Picasso inspire des créateurs de partout dans le monde… même le «créateur d’harmonies» François Chartier! Ce dernier a mis au point une façon tout à fait unique et originale de «voir» certaines des œuvres du maître, en sollicitant un sens qui est d’ordinaire peu exploité lorsqu’on parcourt une exposition : l’odorat.

Mais comment le sommelier québécois en est-il venu à élaborer cette expérience unique pour le Musée Picasso de Barcelone?

Une petite mise en contexte s’impose : François Chartier, reconnu mondialement pour ses recherches en «harmonies et sommellerie aromatiques» — discipline qu’il a lui-même créée — a collaboré au fil des ans à plusieurs projets en Catalogne, en Espagne. Il a notamment été consultant pour l’un des plus grands chefs au monde, Ferran Adrià du célèbre restaurant elBulli, où il a contribué à créer des plats grâce à sa science aromatique. C’est aussi à Barcelone que M. Chartier a trouvé l’amour, et c’est maintenant là où il vit avec sa conjointe et associée — la sommelière Isabelle Moren — et leur petite fille née il y a quelques mois.

L’auteur de Papilles et Molécules et de plusieurs autres ouvrages — qui lui ont valu des prix aux Gourmand World CookBook Awards en 2010, 2013 et 2016 — a été approché par le directeur du Musée Picasso, Emmanuel Guigon, afin qu’il mette au point une visite olfactive dans le cadre de l’exposition La cuisine de Picasso.

Cette exposition, qui se poursuit jusqu’au 30 septembre, rassemble quelque 300 œuvres du maître espagnol. Parmi celles-ci, François Chartier en a sélectionné 10 pour lesquelles il a élaboré une molécule aromatique les représentant.

Par exemple, devant la sculpture Copa de absenta (coupe d’absinthe), le visiteur pourra sentir l’odeur du fenouil, très proche de celle de l’absinthe, explique M. Chartier. Et devant Sepia, qui représente un calmar, c’est une odeur de brise marine que l’on pourra humer.

De l’Espagne au Japon

Pour «faire sentir» les œuvres aux visiteurs, le «créateur d’harmonies» — tel qu’il se désigne — utilise une technologie révolutionnaire développée par Sony au Japon : le Sony Aromastic. «Au Japon, l’aromathérapie est très populaire et Sony, qui est mon agent là-bas, a mis au point une cartouche qui contient des molécules aromatiques» qu’on extrait au moment souhaité, explique M. Chartier.

Les visiteurs qui prennent part à l’expérience Sentir pour voir Picasso ont donc chacun deux cartouches Aromastic avec eux, contenant chacune cinq molécules aromatiques qu’ils pourront sentir au moment opportun — une façon unique de (re)découvrir des œuvres tout en appréciant les explications de François Chartier.

Ce dernier, qui offre les visites sur réservation pour des groupes de 10 à 30 personnes, a aussi élaboré un menu en lien avec les 10 œuvres de Picasso pour le réputé restaurant Caelis de Barcelone, histoire de pousser encore plus loin l’expérience sensorielle.

Autres projets

Aussi dans la ville de Gaudí, François Chartier a récemment collaboré avec le restaurant du prestigieux hôtel Sofia, le Be So, pour créer une carte des vins aromatique. «Les clients n’ont qu’à sentir les cartouches en forme d’amphores [vases romains] et indiquer au sommelier quels arômes ils préfèrent. Selon leurs réponses, le sommelier saura quel profil aromatique leur convient le mieux et leur servir un vin qui sera à leur goût», signale M. Chartier.

Le Barcelonais d’adoption — désigné meilleur sommelier au monde en 1994 (Grand prix Sopexa) — confie que son concept de carte des vins aromatique fera prochainement une percée dans un restaurant au Japon (dont le nom est à confirmer) et qu’il a été approché pour développer une exposition aromatique sur Van Gogh au pays du soleil levant. Et au Québec? C’est à suivre…

Un vin contre le cancer

François Chartier était de passage à Québec à l’occasion du lancement québécois d’un vin bien particulier : le El Microscopi.

Ce vin catalan, qui fait partie des vins de l’agence d’importation privée Les Vignerons de Chartier, a été créé par l’œnologue Irene Alemany, de la bodega Alemany i Corrio, dans un but bien précis : contribuer à la recherche contre le cancer.

En tournée dans la province avec M. Chartier — ils se rendaient aussi à Montréal et à Saguenay —, Mme Alemany raconte que c’est en discutant avec son oncologue, alors qu’elle combattait un cancer du sein, que l’idée lui est venue de créer le vin rouge El Microscopi (le microscope), dont 100 % des ventes sont versées depuis quatre ans à la Fondation Vall D’Hebron, en Catalogne, afin de soutenir la recherche contre le cancer — en contribuant notamment au financement d’un microscope à la fine pointe de la technologie.

«C’est une amie illustratrice, qui a aussi eu le cancer, qui a fait l’étiquette», note fièrement Mme Alemany. «J’ai choisi de faire un vin rouge pour contrer un certain machisme en Espagne, le cliché que les femmes boivent surtout du vin blanc et les hommes du rouge», indique l’œnologue qui se débrouille très bien en français. «C’est un vin accessible : même celles qui d’habitude préfèrent le blanc m’ont dit l’apprécier.»

Et François Chartier d’ajouter : «C’est un vin racé, très aromatique, très complexe et très frais, avec des fruits et des épices». Ce vin du cépage Carignan s’ajoute aux deux autres rouges et deux blancs de la bodega Alemany i Corrio qu’importe Les Vignerons de Chartier dans la province. À la différence que les profits de la vente du El Microscopi chez nous seront versés à la Fondation de ma vie de Saguenay qui appuie des projets en santé — dans ce cas-ci les fonds iront à la recherche contre le cancer.

François Chartier sera d’ailleurs de retour à l’automne pour prendre part le 8 novembre à un événement-bénéfice à Saguenay pour le 10e anniversaire de la fondation. Il sera aussi au Salon des vins d’importation privée, à Montréal et à Québec.

«Signature forte»

Créée il y a un an et demi, l’agence d’importation de M. Chartier compte plusieurs produits d’Espagne et de France, et quelques-uns de Slovénie — «des vins avec une signature forte, de vignerons artisans». Commerçants et particuliers peuvent commander des bouteilles en caisse de six, et plusieurs restaurants font aussi affaire avec Les Vignerons de Chartier : dans la capitale, citons notamment le Bistro B, le Laurie Raphaël, Petits Creux & Grands Crus ou encore le bistro Le Sam du Château Frontenac.

Pour info : Les Vignerons de Chartier

Source: Le Soleil du 21 juillet 2018