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France - Les professionnels du HRI (HORECA) dans la rue pour protester contre l'élimination de leur profession

France - Les professionnels du HRI (HORECA) dans la rue pour protester contre l'élimination de leur profession

Lundi 14 décembre à Paris, le monde de la restauration dans toute sa diversité s’est retrouvé aux Invalides pour mettre la pression au gouvernement avant les fêtes. S’ils ne nourrissent guère d’illusions quant à l’hypothétique réouverture du 20 janvier, ses acteurs réclament davantage de transparence et un soutien économique à long terme pour ne pas sombrer.

La communication politique est un art qui, mal maîtrisé, peut produire des effets néfastes à long terme. Pris de court comme l’ensemble des dirigeants du monde par l’irruption soudaine du coronavirus il y a un an, le gouvernement français traîne le choix rhétorique du « commerce non essentiel » pour qualifier le monde de la restauration comme un boulet. Désemparés par la crise sans précédent qui les frappe, les professionnels croisés aux Invalides ressassent ce qu’ils ressentent comme une injure. « Lorsque les commerces non essentiels ont rouvert, nous n’en faisions pas partie, ce qui veut dire qu’on est encore moins essentiels que les non essentiels. Ça fait un peu mal au cœur », se désole ainsi Christophe Duprez, patron du Quai à Amiens et président de l’UMIH Somme.

De fait, cette catégorisation offre un boulevard aux professionnels pour mettre la pression sur le gouvernement en insistant sur leur rôle social et économique. « Ces derniers temps, on a parlé de séparatisme. Or, dans un bistrot, tout le monde est ensemble, tout le monde partage », distille Alain Fontaine, patron du Mesturet (2e arr. de Paris) et président des Maîtres Restaurateurs. Frédéric Zacklad fait partie de ces extras sans travail depuis le mois de mars dernier. Au-delà de son cas personnel et de la souffrance de certains de ses collègues « qui ont lâché leur appartement pour retourner chez leurs parents », ce chef indépendant s’attend à une catastrophe économique en chaîne. « 30% des restaurateurs toutes catégories confondues sont menacés de faillite dans les mois qui viennent – et encore, je pèse mes mots – , sans compter leurs milliers de fournisseurs et prestataires », assure-t-il. Et lorsqu’on lui demande des précisions sur ce chiffre qui circule, l’homme ne se démonte pas : « J’évolue dans toutes les sphères du milieu, du petit restaurant à l’Élysée. M’informer fait partie de mon métier. Il faut savoir écouter le terrain ».

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S’ils réclament le droit de travailler, les professionnels veulent avant tout être entendus et pouvoir se projeter. « Nos équipes sont en souffrance et veulent savoir quand elles pourront reprendre », réclame Fabrice Galland, propriétaire de deux hôtels en Gironde et président des Logis Hôtels. Il s’inquiète de la fin programmée du chômage partiel, dont la prolongation lui semble indispensable, car la reprise l’inquiète. « Seul un volume d’activité suffisant pourra nous permettre de reprendre du personnel. Si l’État ne nous aide pas, on sera obligé de licencier et ce sera un drame social », poursuit Alain Bekaert, hôtelier-restaurateur à Bort-les-Orgues (Corrèze).

Dans la foule flottent de nombreux drapeaux bretons, dont celui de Pascal Raffray, propriétaire de La Table du Marais à la Fresnais (Ille-et-Vilaine). « Notre première maison, c’est notre restaurant. On veut pouvoir y vivre de façon normale, aucune étude ne justifie qu’on soit fermé ». Un flou règne en effet sur ce point, comme le rappelait France Info fin octobre. Pascal Raffray regrette également qu’une étude menée aux États-Unis publiée dans la revue Nature fasse autorité en France. En attendant l’éclaircie, ce fin connaisseur des produits de la mer tente de résister avec la vente à emporter mais « ne gagne rien ». « Pour moi, cela fonctionne relativement bien du lundi au mercredi puis cela se calme et s’arrête le week-end », explique Olivier Blanc, à la tête de deux hôtels-restaurants en Touraine. S’il constate néanmoins une amélioration en la matière par rapport au premier confinement, Alain Bekaert note pour sa part un fléchissement lié à une augmentation de l’offre à proximité de son établissement.

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« Nous attendons des dates précises, de la cohérence et souhaitons être estimés à notre juste valeur. Nous sommes essentiels, et ce depuis des décennies, et nous le resterons », résume Alain Fontaine, qui craint pour l’avenir de la restauration indépendante. « Beaucoup de ceux qui ont un niveau de charges élevé lié à la qualité des produits, des prestations et à l’embauche de personnel qualifié vont disparaître au profit de la malbouffe », anticipe le patron du Mesturet, qui considère la vente à emporter comme un acte de « survie »  pour ne pas tout perdre après 45 ans de métier. Dans sa ligne de mire : les plateformes de livraison à domicile. « Ces entreprises font des bénéfices sur notre absence. Il va falloir demander à l’État de réagir », juge-t-il.

Entamé comme ses compagnons d’infortune, Christophe Duprez n’entend pas pour autant baisser les bras et se projette sur les défis à venir pour préserver la restauration française. « Restauration et traiteur vont se fondre dans les années à venir, d’autant que les nouvelles générations ont pris pour habitude de commander à manger avec leur smartphone. Nous sommes les maîtres du marché, à nous d’être force de proposition et constructifs », exhorte le syndicaliste, qui voit aussi en cette crise un potentiel « accélérateur pour l’avenir ». Alain Fontaine, lui, n’a qu’une certitude : « La seule richesse qui va nous rester à la sortie de cette crise est en nous, c’est notre savoir-faire et notre passion ».

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