mercredi 24 avril 2024
La pandémie au jour le jour en Europe racontée par Cristina Comencini, auteure de livres

La pandémie au jour le jour en Europe racontée par Cristina Comencini, auteure de livres

La romancière romaine, qui publie «Quatre amours» mercredi, raconte le quotidien dans un pays en quarantaine.

Chers cousins français,

Si on arrive à survivre, le problème, en Italie, sera de comprendre si les couples, avec ou sans enfants, les femmes et les hommes seuls, résisteront à l’enfermement dans leur maison, s’ils réussiront à rester ensemble, à jouir encore de la compagnie réciproque ou de la solitude choisie, après une convivance forcée et ininterrompue d’un mois entier. Le décret du gouvernement dit que nous pouvons sortir pour faire une promenade, mais seulement avec ceux qui vivent déjà avec nous, pas d’amis ou d’amies, pas même de visites à des parents qui vivent dans d’autres maisons. Seule la famille proche, ou personne si nous sommes seuls. Pas de cinémas, pas de théâtres, pas de concerts, musées, restaurants, bureaux, écoles, universités. Seul un membre de la famille peut aller faire les courses. Devant les supermarchés, il y a des queues silencieuses de gens portant le masque, chaque personne doit être à 1 mètre de distance d’une autre, qui attend la sortie de quelqu’un pour pouvoir entrer à son tour. Même chose devant les pharmacies. Dans la rue, on fait un écart quand on croise un autre passant.

Beaucoup d’entre nous ont pensé au Décaméron de Boccace. Vers l’an 1350, fuyant la peste, un groupe de jeunes, sept femmes et trois hommes, se réfugient hors les murs de Florence, et, pour passer le temps, se racontent des nouvelles, substituent un monde imaginé au monde réel, en train de s’écrouler. D’autres relisent la Peste d’Albert Camus ou les pages des Fiancés d’Alessandro Manzoni qui décrivent une autre épidémie de peste, celle de 1630, au cours de laquelle tous les nobles qui pouvaient le faire fuyaient Milan, comme cela s’est passé ces jours-ci, dès que la ville a été classée «zone rouge». Comme si on pouvait fuir sans apporter les dégâts dans les lieux où l’on se réfugie, ou en considérant que le sort des autres nous est indifférent.

Lire la suite: Libération du 12 mars 2020