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SANTÉ PUBLIQUE - La « punaise diabolique » prolifère sur le Plateau

SANTÉ PUBLIQUE - La « punaise diabolique » prolifère sur le Plateau

La punaise marbrée, appelée également « punaise diabolique », prolifère dans l'arrondissement du Plateau-Mont-Royal. Bien qu'inoffensif pour les humains, cet insecte, qui devrait encore migrer dans d'autres régions du Québec, pourrait causer de nombreux ravages pour l'agriculture de la province.

Originaire d’Asie, cette punaise marbrée est « sous surveillance » à Montréal depuis plusieurs années. Après avoir notamment envahi le nord-est des États-Unis puis le sud de l’Ontario, elle a été repérée une première fois sur le Plateau en 2014.

« Un couple avait pris sa voiture pour aller visiter Niagara, en Ontario. Ils ont acheté plusieurs caisses de vin et en rentrant, ils ont découvert ces punaises cachées dans les caisses et nous ont contactés; depuis, ils ont tous les ans des punaises sur leur galerie », raconte Jacques Brodeur, biologiste de l’Université de Montréal.

Voyageant principalement par la route, dans les bagages ou les véhicules, cet insecte ravageur a ensuite envahi le parc La Fontaine et les résidences des alentours. Sur place, l’animal a retrouvé un environnement « qui lui permet de se nourrir et de se reproduire », affirme le chercheur.

Grosses comme une pièce de 25 cents

Cette punaise – dont la longueur au stade adulte peut atteindre 2,5 centimètres, soit la taille d’une pièce de 25 cents – a pour habitude d’établir son foyer en zone urbaine.

À London, en Ontario, l’insecte, transporté dans les rames des trains, s’est établi autour de la gare ferroviaire, au début de l’actuelle décennie, explique Jacques Brodeur. Ensuite, l’animal a migré en périphérie.

Au Québec, on craint un scénario identique. « On surveille de près toute la Montérégie, car cette punaise pourrait causer d’énormes dommages dans les champs », reprend le biologiste, précisant que la bête se nourrit dans les cultures fruitières et peut s’attaquer aux laitues, au soja, au maïs et aux plantes en général.

Pour prendre la mesure de leur expansion, 25 pièges ont été installés cette année dans des parcs, des jardins communautaires, des ateliers municipaux et des cours arrière de l'agglomération, a fait savoir la Ville de Montréal. Un piège a même été installé à l'aéroport de Montréal.

«On est au début de l’invasion. D’ici quelques années, le milieu agricole sera complètement envahi. Tout est là pour accueillir cet insecte.» - Jacques Brodeur, biologiste de l’Université de Montréal

En revanche, cette punaise – qui ne pique pas – ne présente aucun risque pour la santé humaine ou animale. Munie de glandes sécrétant des substances malodorantes, elle peut toutefois se faire fort incommodante lorsqu’elle envahit les logements.

« C’est laid, c’est sûr, mais si on ne les manipule pas, si on ne les effraie pas, elles ne dégageront pas d’odeur », assure l'agronome et entomologiste Gérald Chouinard, de l’Institut de recherche et de développement en agroenvironnement (IRDA).

À l’intérieur pour hiberner

Aux États-Unis ou encore en Europe, des cas montrant des punaises ayant investi, par milliers, des résidences ou des dépendances extérieures ont été rapportés. Au Québec, en revanche, une telle invasion n’est pas encore à l’ordre du jour.

Même si la Ville de Montréal, qui collabore avec le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ), affirme que « les récentes observations confirment le fort potentiel de dissémination » de cet insecte, les experts se veulent rassurants.

« Au pire, ici, on peut voir quelques dizaines d’individus », confie Jacques Brodeur.

C’est en automne, mentionne-t-il, qu’il est essentiellement possible d’en trouver dans son logement. Afin de se protéger contre l’hiver, ces bêtes se regroupent et se réfugient à l’intérieur pour hiberner.

« On ne vit pas du tout la même situation que dans certains États américains. On n’a pas le climat favorable [pour l’expansion] de la punaise marbrée, car on est à la limite nordique », ajoute Gérald Chouinard.

Le chercheur craint cependant l’évolution du réchauffement climatique. « D’ici 20 ou 30 ans, ça pourrait devenir inquiétant, car cette population fluctue vraiment en fonction du climat », spécifie-t-il.

Les aspirer

Pour limiter les risques, les experts conseillent de bien vérifier chaque porte et fenêtre.

« Il faut s’assurer que les habitations soient bien hermétiques, souligne Gérald Chouinard. Comme pour les coccinelles asiatiques , on recommande de boucher les crevasses autour des fenêtres, vérifier les moustiquaires, les tuyaux qui sortent de la maison... Il faut bien sceller les interstices pour empêcher l’entrée des insectes. »

Mais que faire en cas de présence massive de ces punaises? « La technique la plus simple, c’est de prendre un aspirateur et de les aspirer, conseille Jacques Brodeur. Ensuite, on peut mettre ce sac au congélateur et les bêtes vont rapidement mourir. »

M. Chouinard indique par ailleurs que des recherches ont été entreprises pour trouver un moyen de limiter leur expansion.

« Ces punaises sont arrivées d’Asie sans leurs ennemis naturels. Elles peuvent proliférer sans parasites, sans prédateurs. Il faut donc recréer un milieu hostile et c’est ce que tentent de faire des chercheurs américains en collectant des parasites provenant du Japon, de la Corée et de la Chine. »

D’ici 2019, espère-t-il, de tels parasites pourraient être relâchés dans la nature.

Source: Lou White, via msn.com du 31 juillet 2018