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L'agriculture n'est plus une priorité pour la France

L'agriculture n'est plus une priorité pour la France

Dans une note détaillant la position française sur le budget de l’Union européenne après 2020, le Gouvernement renonce à maintenir la Pac et l’agriculture comme sa première priorité pour l’Europe. Ce changement inédit de position, qui conforte la perspective d’une baisse sensible du budget de la prochaine Pac, fait réagir, aussi bien en France qu’à Bruxelles.

Dans une «note des autorités françaises» rendue publique le 9 janvier 2018 par le site d’information en ligne Contexte, le Gouvernement français explicite ses attentes pour le prochain cadre financier pluriannuel de l’Union européenne. Dans ce document, comme l’explique le site, l’exécutif français assume implicitement de revoir à la baisse le budget de la Pac post-2020.

Dans cette note, la France détaille ses priorités pour l’Europe pour la période 2021-2027. Et force est de constater que l’agriculture, la première politique européenne, n’est plus la priorité. «L’ambition qui doit être la nôtre (…) est de faire de l’Europe une puissance mondiale, qui garantit la sécurité de ses concitoyens et leur assure un avenir prospère.» Et les autorités françaises de citer les « nouveaux défis collectifs» auxquels l’Europe doit répondre : «sécurité et défense, compétitivité économique et numérique, éducation, développement social, transition énergétique, migrations.»

La politique de cohésion et la politique agricole commune, les deux principales politiques européennes, concentrant environ 70% du budget, ne sont évoquées qu’en deuxième partie du document de trois pages. «La mise en œuvre de ces nouvelles priorités devra s’accompagner d’une réforme en profondeur de la Pac. (…) Cette future Pac devra renforcer la compétitivité des secteurs agricoles et agroalimentaires, tout en relevant les défis liés au changement climatique, à l’environnement et à la concurrence internationale.»

Pour financer les nouvelles politiques prioritaires que sont la sécurité, la défense et les migrations, il faudra bien récupérer des fonds utilisés pour les politiques menées actuellement, l’agriculture et l’alimentation, et la cohésion. Il faudra d’autant plus taper dans les enveloppes de la Pac que «l’UE ne pourra pas continuer à payer à 27 ce qu’elle finançait jusqu’à présent à 28 Etats membres».

À elle seule, cette évidence résultant du Brexit met à mal le budget de la Pac post-2020. Rappelons que le Royaume-Uni est contributeur net au budget européen. Sa contribution net est de l’ordre de 5 Mds€, hors mesures d’ajustement budgétaire.

«Épisode révélateur de la méthode d’Emmanuel Macron»

La France, premier bénéficiaire des aides de la Pac, avait, jusqu’à présent toujours défendu la Pac comme première priorité de l’Europe et le maintien de son budget. Cette position française inédite fait réagir.

«La France porte de grandes ambitions pour le projet européen et nous nous en félicitons », a ainsi réagi la FNSEA. (…) L'agriculture a toute sa place, plus que jamais sa place, dans ce projet. La Politique agricole commune ne saurait donc être sacrifiée dans ce débat. Elle mérite bien au contraire un budget à la hauteur de ces enjeux et que chacun comprenne ce qu'elle représente pour chaque citoyen comme pour les enjeux géostratégiques de la France et de l'Europe.»

Et c’est surtout à Bruxelles que la position française fait grincer des dents. «L’agriculture n’est clairement plus une priorité pour la France», fustige Angélique Delahaye, députée du groupe PPE. «Malgré tous les efforts de communication déployés par le Président, la France s’oriente en faveur d’une diminution du budget de la Pac au profit d’autres politiques de sécurité et de défense aux contours encore très flous. Cet épisode est révélateur de la méthode d’Emmanuel Macron. Des beaux discours à Rungis, aux États généraux de l’alimentation ou aux diverses conférences organisées par le ministère de l’agriculture, sans cohérence, ni avec les actes, ni avec ses promesses».

Et l’élue de poursuivre : «Nous nous dirigeons vers un démantèlement de la seule et unique politique véritablement européenne. La fin de la Pac marquerait le début de la fin de l’Union européenne et nous en sortirions tous perdants», a conclu Angélique Delahaye.

«Je dénonce le refus français de vouloir incarner un leadership en faveur du budget agricole, poursuit Michel Dantin, également député PPE. Si le gouvernement a fait le choix d'enterrer définitivement les espoirs de ceux qui pensaient encore que la France se voulait un pays agricole et le premier et traditionnel défenseur de la Pac, ce n'est pas le mien!»

Source: Lou White, via Agrisalon.com du 10 janvier 2018