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Hommage à Claude Simoneau, l'inconnu célèbre Photographe: Raymond Létourneau, artiste portraitiste

Hommage à Claude Simoneau, l'inconnu célèbre

LES INCONNUS CÉLÈBRES 

Claude Simoneau a su appliquer les règles du réseautage  bien avant les sites sociaux, l’internet et le cellulaire. Il avait bien compris l’importance des liens émotionnels et avait mis en application les règles essentielles au développement de multiples contacts par le bénévolat et l’implication personnelle.

Il s’était constitué dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, une base de données de clients amateurs de vin qui disposaient d'importants moyens financiers et étaient prêts à dépenser. Cette base de données faisait l’envie de toute l’industrie de l’époque.
 
Nous rendons hommage à Claude Simoneau, qui  a su s’investir dans le monde du vin, avec une remarquable efficacité et une grande élégance.

Samy Rabbat
Éditeur
 
 
Roger Huet s’est entretenu avec Claude Simoneau, le 10 février 2011

 

R.H. – Claude Simoneau, vous êtes une personnalité montréalaise bien connue dans le monde du vin. Vous êtes partout et marcher à vos côtés dans un Salon c’est toute une expérience à cause de la qualité des personnes qui viennent vous dire bonjour. Est-ce qu’on peut dire que cette popularité est le fruit de toute une vie au service du vin?
C.S. – Détrompez-vous, je ne suis entré professionnellement au monde du vin qu’à l’âge de cinquante ans, quoique j’aie été membre de nombreuses associations d’amateurs de vin et de gastronomie bien avant.
 
R.H. – Parlez-nous de votre enfance.
C.S. – Je suis né en 1935 dans le quartier de Maisonneuve. Mon père Arthur  Simoneau était  dans la fabrication de chaussures avec mes oncles et mes deux sœurs aînées et leurs maris. Mon  père a été président de l’Association des manufacturiers de la chaussure pour l’Amérique du Nord. Il se retrouvait souvent des deux côtés de la frontière pour défendre les intérêts de ses membres. Nous étions quatre enfants : mes deux sœurs : Jeannine et Lucille et mon frère Jean. Je peux dire que j’ai eu une enfance heureuse car dans ces temps difficiles, nous étions à l’abri du besoin.

R.H. – Avez-vous été tenté de reprendre l’affaire de votre père à l’âge adulte?
C.S. – Non, mon père était aux premières loges pour savoir qu’il n’y avait pas d’avenir pour les manufactures de chaussures au Québec. La concurrence européenne et surtout asiatique commençait à prendre toute la place.

R.H. – Donc très jeune, vous saviez que vous deviez faire un choix de carrière.
C.S. – J’ai examiné toutes les opportunités qui s’offraient à moi. En ce temps-là la télévision démarrait vraiment et j’ai décidé d’étudier à l’Institut Teccart pour devenir électronicien. J’ai ouvert l’Atelier Simoneau TV Service  en 1956, un commerce de vente et de réparation de téléviseurs. Par la suite je me suis doté d’une formation en comptabilité administrative, en gestion des affaires et en gestion financière, et j’ai suivi des cours avancés de ventes. Mon commerce fonctionnait bien, il a duré trente-cinq ans. À cette époque les grandes chaînes n’existaient pratiquement pas et il y avait à Montréal profusion de petits commerces qui vivaient de ces services. Leurs propriétaires étaient à peu près tous, issus de l’Institut Teccart: Robert et Eugène Dumoulin, Louis Fillion, Paul Dubé, Claude Michaud et bien d’autres.

R.H. – C’était une école importante?
C.S. – Je pense bien, le Gouvernement du Canada envoyait les aviateurs pour recevoir une formation d’électronicien en radar, il y avait même une Association des anciens de Teccart dont j’ai été le président fondateur et mon secrétaire était Jean Meunier le président fondateur de l’Institut  Teccart. Par la suite j’ai aussi été le Président de la Corporation des Électroniciens du Québec.

R.H. – Est-ce que c’était une époque heureuse pour vous?
C.S. – Certainement, je me suis marié en 1957 avec Lise Lapointe, nous avons acheté notre triplex du boulevard Langelier en 1959 et mon commerce au sous-sol allait très bien. Nous avons un fils Bernard qui a aujourd’hui deux filles et ma fille France qui a un garçon. Nous avons filé le parfait bonheur jusqu’en 1980 lorsque nous avons appris que Lise à 45 ans était atteinte d’un cancer avancé. On en retire une très grande leçon de vie!

R.H. – En 1976 pendant les Jeux Olympiques de Montréal vous avez été agent de liaison pour l'Allemagne de l'Est. Parlez-vous allemand?
C.S. – J’ai été agent de liaison pour l’Allemagne de l’Est à charge des relations protocolaires et de l’asile politique sans parler allemand, mais j’avais des secrétaires trilingues. Quelle belle expérience!

R.H. – La télévision vous a amené à la photographie?
C.S. – Ce sont des mondes connexes. Je me suis tout de suite intéressé à la photographie. En 1964, j’étais membre de l’American Press Association Photographer. Petit à petit, j’ai commencé à prendre des photos d’événements  Expo 67, les Jeux Olympiques de 1976, des congrès d’électronique et des associations vineuses et gastronomiques. C’est ainsi que j’ai été initié au monde du vin.

R.H. – Un drôle de parcours, racontez-nous.
C.S. – Très tôt, je suis entré en contact avec des associations et des groupes d’amateurs de vin qui évoluaient la plupart du temps autour d’un gourmet connaisseur. C’était une époque riche, avec des personnalités aussi intéressantes que cultivés, comme Gérard Delage, Prince de la gastronomie, Roger Champoux, gastronome journaliste, Jacques Lacoursière, historien et secrétaire de la Presse gastronomique et hôtelière, Pierre Bougain,  gastronome émérite et Chevalier de l’Ordre du Mérite Hôtelier, Francis Cabane, de l’Ordre de Bon Temps, Jean-Gilles Jutras, Ambassadeur du vin au Québec, Mario Dumesnil, de la Commanderie des Vinophiles, Me Robert Poulin, de Ordre Illustre des Chevaliers de Méduse, Max Rupp, des Amis d’Escoffier, Jules Roiseux,  premier sommelier en 1963, Michel Busch, de la Confrérie de la Chaîne des Rôtisseurs, Jean-Louis Dufresne, de l’Hôtel la Sapinière, Robert Beauchemin, chroniqueur resto, Enzo Angelini, René-Luc Blaquière, un des bâtisseurs de l’ITHQ, Ghislain R. Laflamme, de la Commanderie des Costes du Rhône, Robert Henry, des Amis de Curnonsky, Thomas B Green, de la Société des Chefs Cuisiniers et Pâtissiers de Québec, André Caron formateur à la SAQ  Il y avait aussi des femmes très passionnées par le vin et très informées. Je vous cite le cas de ma sœur Jeannine Delli Colli présidente de l’Amicale des Sommeliers du Québec en 1979, Rollande DesBois Présidente de la Commanderie des Cordons Bleus de France. Il y avait aussi Émily Martin, Lucille Coté Collette, Lyse C. Coffin, Huguette Hardy de l’Ordre des Dames de la Duchesse Anne et Sylvette Péfaud de Sopexa.

R.H. – Est-ce que c’était des sortes de gourous du vin?
C.S. – Je dirais plutôt que c’était des sommités.  En parallèle il y avait des techniciens qui travaillaient brillamment. En 1981 paraît le premier Guide Phaneuf que je possède depuis 30 années, en 1985 paraît le Guide Debeur, que je possède également depuis 25 années,  Michel Phaneuf a fait la pluie et le beau temps dans le monde du vin avec Jules Roiseux. Ensuite brillent les chroniqueurs des grands médias : Roger Champoux journaliste et gastronome,  Jacques Benoit à La Presse, Marc Chapleau rédacteur au Voir  et aujourd’hui Rédacteur en chef de Le Cellier de la SAQ, Claude Langlois, au Journal de Montréal, Jean-François Demers, au Devoir, Malcolm Anderson à The Gazette, Jean Gilles Jutras, au Soleil. Patrick Rémond, éditeur de la revue Flaveurs. Il y avait aussi des femmes journalistes très influentes,  Rollande DesBois, Françoise Keller à La Presse, Claire Plante Lambin du magazine La Barrique, et Nicole Barrette Ryan qui l’a remplacée et qui a changé le nom du magazine pour Vins & Vignobles.

Il y avait tant d’autres. C’était l’époque des fameux  Jules Roiseux sommelier : Jacques Orhon, Maître sommelier, Don Jean Léandry,   et Jean Yves Bernard, il y avait également Claude Alain Cagny et Normand Bélanger tout les deux aujourd’hui professeurs au Collège La Salle en sommellerie.
 
R.H. – Parlez-nous des grandes confréries du vin.
C.S. – Je suis entré au Conseil des Échansons de France avec l’appui de ma sœur Jeannine Delli Colli en 1983. Plus tard j’ai été Maître Échanson et Grand Ambassadeur. J’ai aussi été responsable du souper-dégustation gastronomique annuel et photographe officiel pendant 25 ans. Une conférence thématique était donnée par un des membres. Elles étaient célèbres celles de  Gérard Delage, de Jules Roiseux, de Don Jean Léandry et de François Chartier à ses débuts.

R.H. – Il y a eu d’autres associations auxquelles vous avez participé activement.
C.S. – Certainement j’ai été officier chargé de presse de la Chaîne des Rôtisseurs, dont faisait partie l’honorable Normand Grimard, Sénateur et son Excellence Fulgence Charpentier était Bailli  délégué pour le Canada. C’était un vrai gourmet et un gentilhomme.  Michel Busch  qui est toujours le Bailli pour le Québec, nous accueillait dans de célèbres restaurants. J’ai été également Commandeur de la Commanderie des Cordons Bleus de France, Chevalier du Tastevin de l’Amicale des Sommeliers du Québec et aussi membre du bureau organisateur pour le 20ième  anniversaire de la section de Montréal en 1982, Chevalier de la Commanderie des Costes du Rhône. J’ai une tendresse particulière pour l’Association Canadienne de la Presse Gastronomique et Hôtelière que j’ai rejoint en 1990, elle réunit des chroniqueurs et des journalistes gastronomes prestigieux.

R.H. – Comment êtes-vous devenu représentant et conseiller en vins?
C.S. – Les grandes chaînes avaient accaparé le marché de la vente de téléviseurs  et il était devenu moins dispendieux d’en acheter un neuf que de faire réparer. J’ai vendu mon entreprise mais à cinquante ans j’étais trop jeune pour être retraité. J’ai donc commencé et à me chercher un nouveau débouché. Comme j’avais de nombreux contacts dans le monde du vin et de la restauration j’ai été approché par Sylvestre frères, qui m’ont offert un poste de représentant et de conseiller pour la restauration.
J’aime les gens et j’aime la vente, j’ai donc exercé mon nouveau métier jusqu’a  l’année 2000 avec passion. Je m’étais alloué un budget personnel substantiel pour être membre de toutes sortes d’associations, dans le but d’avoir un maximum de contacts. J’avais compris l’importance du réseautage et des bonnes relations publiques,  même avec les confrères des autres agences qui sont devenus des amis comme Serge DesMarchais, Patrick Coulibeuf, Jean Louis Archat André Girouard, Samy Rabbat, Claude Marotte, Carol Lafontaine, Roland A. Fortin, Michel Gagnière, Mady Létourneau, la petite marchande de vin.

À l’époque il n’y avait pas l’internet, tout se faisait par représentation en personne avec les restaurateurs et les hôteliers, qui devenaient des amis avec le temps comme Claude Beausoleil du Citrus – l’endroit ou Normand Laprise a commencé comme chef – comme Philipe Mollé du Saint-Honoré aujourd’hui Journaliste gastronomique et consultant en alimentation, Michel Gillet des Chenêts, Claude Violette de Chez Queux, Micheline Delbuguet de Chez la Mère Michel,  Alain Monod du Neufchatel aujourd’hui au Club Universitaire de Montréal, Christian Lévêque du Ritz-Carlton  aujourd’hui à l’hôtel Inter-Continental, Bernard Ragueneau de l’hôtel de la Montagne et Patrick Tréard du restaurant Le Lutecia.

Aujourd’hui je me plais à dire que je suis Pensionné du vin, mais je suis encore et toujours un  Passionné du vin.

R.H. – Claude Simoneau, je vous souhaite de profiter des bonnes rencontres gastronomiques et bachiques. Vous avez de belles années devant vous pour parfaire cette belle retraite, et vous savez que c’est un autre métier à plein temps.
C.S. – Merci.

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À propos de l' auteur

Roger Huet - Chroniqueur vins et Président du Club des Joyeux
Québécois d’origine sud-américaine, Roger Huet apporte au monde du vin sa grande curiosité et son esprit de fête. Ancien avocat, diplômé en sciences politiques et en sociologie, amoureux d’histoire, auteur de nombreux ouvrages, diplomate, éditeur. Il considère la vie comme un voyage, de la naissance à la mort. Un voyage où chaque jour heureux est un gain, chaque jour malheureux un gâchis. Lire la suite...