vendredi 29 mars 2024

Courvoisier à l’ombre de Napoléon


J'ai rencontré le directeur du contrôle de la qualité des spiritueux et ambassadeur mondial de la maison de Cognac Courvoisier, Monsieur Pierre Szersnovicz.

RH - Cela fait bientôt 40 ans que vous travaillez pour la maison Courvoisier. Votre famille est dans l'industrie du Cognac depuis quatre générations. Votre père a dirigé une des distilleries de Courvoisier pendant des décennies. Est-ce que le cognac a encore des secrets pour vous?
PS - Après 40 ans, je peux dire que le cognac a encore plein de secrets. À chaque fois que nous faisons des assemblages, des recherches sur des nouveaux produits, sur des qualités particulières, il y a toujours une grande part de découverte, c'est ce qui fait la magie de ce produit.

RH - Quels sont les cépages que vous employez dans la fabrication du cognac à part l'Ugni blanc?
PS - Nous utilisons toujours le porte-greffe américain qui est greffé en grande partie sur l'Ugni blanc, qui est à l'origine un cépage italien, le Trigano de Toscane. Il permet de produire des vins blancs relativement frais, un peu acides, pas trop forts en alcool et qui sont parfaits pour la double distillation. On peut faire du cognac avec des cépages comme le Colombard ou la Folle blanche. Le Colombard, néanmoins, est plutôt utilisé pour faire du Pineau des Charentes; ce n'est pas un cépage que l'on recherche spécialement chez nous, il est un peu lourd, pas vraiment le meilleur et la superficie est faible. La Folle Blanche est un très beau cépage mais il arrive souvent à maturité fin août et lorsque l’été est un peu pluvieux, il peut y avoir beaucoup de pourriture et la récolte sera alors très faible. On peut dire que 99,9% du cognac est élaboré chez-nous à partir de l'Ugni blanc, le reste c’est de la Folle blanche.

RH - Pour faire du cognac, il faut du vin. Qui fait les vins pour Courvoisier?
PS - La région de Cognac est bien structurée. Nous avons eu la chance d'avoir des grandes sociétés qui nous ont permis d’établir une organisation qui fonctionne bien. À l'intérieur de cette région de 73000 hectares de vignoble blanc, il y a environ 5000 viticulteurs qui sont des familles organisées autour de leur vignoble, dont la superficie varie de quelques dizaines à quelques centaines d'hectares. Ces familles ont des contrats avec les négociants. En ce qui concerne Courvoisier, on a établi une politique contractuelle pour créer un lien technique et affectif avec nos familles de viticulteurs. Ces derniers sont répartis sur les six principaux crus de cognac que sont: La Grande Champagne, la Petite Champagne, les Borderies, les Fins Bois, les Bons Bois et les Bois Ordinaires; Les 4 meilleurs crus sont appropriés par Courvoisier. Nous avons presque un millier de viticulteurs qui sont associés par des contrats pour fournir des vins. Certains peuvent les distiller eux-mêmes, ce sont des bouilleurs de cru qui ont un alambic chez eux; d'autres ne sont pas des bouilleurs de cru et vont faire distiller leur vin chez des bouilleurs de cru. Il y a trois étapes, le viticulteur qui produit sa vigne, le distillateur et le négociant que nous sommes, qui va choisir les vins des viticulteurs et faire le contrôle des vins avant la distillation.

RH - Le processus de fabrication et de distillation est complexe…
PS - Il est à la fois complexe et très logique. Au XVIe et XVIIe siècles, les vins étaient agréables à boire mais ne se conservaient pas très bien. Ils avaient une acidité intéressante qui était valorisée après une distillation. Ce hasard a fait que la distillation est devenue un passage obligé pour mettre en valeur les vins de la région de Cognac. La vinification est celle des cépages blancs, il n'y a donc pas de macération. La vendage se fait au mois d'octobre avec une rapidité optimale de façon à obtenir la maturité telle qu'on la souhaite. La vinification se fait chez le viticulteur, ce qui est un phénomène unique. En effet, le viticulteur charentais ne vend pas son raisin, il va opérer ses vendages puis les ramener chez lui pour procéder à la vinification qui comprend le pressurage et la fermentation. C'est seulement après la fermentation quand le vin est achevé qu'on va commencer la double distillation qui va s'étendre du début novembre jusqu'à la fin mars. Les vins sont naturellement vinifiés et distillés, il n'y a pas d'ajout de souffre ni de composés chimiques pour le conserver. C'est son acidité naturelle et le froid ambiant situé entre 5 et 10 degrés qui vont conserver parfaitement ces vins dans les chaix des viticulteurs avant d'être distillés. Dés l'arrivée du printemps, tous les vins de la récolte sont passés en chaudière pour devenir de l'eau-de-vie nouvelle. Ils sont soumis ensuite à un autre stade qui est celui du vieillissement et de l'assemblage.

RH - Combien de types de Cognac proposez-vous aux amateurs?
PS -Depuis la dernière Guerre Mondiale, le Bureau National qui chapeaute toute la réglementation de la profession, a mis en place des catégories de cognac qui ne correspondent pas à un cru ni à un cépage mais à un minimum de compte d'âges. Les VS correspondent à une catégorie d'entrée de gamme avec un minimum de 2 ans, les VSOP sont une autre catégorie avec au minimum 4,5 ans d'âge, Napoléon et autres XO supérieures peuvent aller jusqu'à 10 années. Il s'agit de la réglementation minimum. Courvoisier fait des qualités qui sont bien au-dessus de ces minimums. Pour les XO, nous sommes sur des eaux-de-vie de 30 ans, pour les VSOP, c'est une douzaine d'années et nous proposons des VS, qui ont jusqu'à 7 années de vieillissement. Dans la gamme standard, nous avons environ sept qualités que nous proposons dans le monde entier. Nous avons maintenant d'autres qualités comme le 12 ans et le 21 ans qui viennent compléter notre offre en apportant d'autres nuances qui n’étaient pas proposées au consommateur auparavant.

carte de cognac 1

RH - Que veulent dire les dénominations de Grande Champagne; Petite Champagne; Borderies et Fins Bois?
PS - Ces dénominations sont très simples. Elles ont été délimitées en 1906 par différents décrets et correspondent parfaitement à des zones géologiques. Le cognac ne s'assemble pas par rapport à des cépages mais par rapport à des âges et à des crus. Chez-nous la dénomination Champagne ne fait pas référence à la région de Reims au Nord-est de Paris ni à son vin mousseux. Nous sommes situés au Sud-ouest de Paris où la région est très calcaire. Il s'agit d'un vieux mot latin «campagnus» utilisé dans les deux régions. Grande Champagne et Petite Champagne sont des terres calcaires dont l'enracinement des vignes est très profond, ce qui confère aux eaux-de-vie une capacité de vieillissement très long. Ces deux dénominations se trouvent en périphérie de la ville de Cognac. Il y a aussi une petite région très agréable appelée les Borderies, qui occupe 4000 hectares. Région vallonnée et boisée donnant des rendements un peu plus faibles avec des notes très florales avec un peu de gingembre que l'on trouve sur le 12 ans et même l'Exclusif. Puis, il y a les Fins Bois, région entourant les trois autres régions, elle est un peu plus argilo-calcaire, permettant d'obtenir des eaux-de-vie très fruitées qu'on va utiliser surtout dans le VS car elles ont la capacité de vieillir un peu plus vite. Cette notion de cru est essentielle car elle va déterminer les bases d'assemblage en y rajoutant la notion d'âge.

RH – Il y a encore les Bons Bois et les Bois Ordinaires qui correspondent à des zones éloignées de Cognac dont les vins sont rarement utilisés pour le Cognac.

Pierre Szersnovicz nous avait apporté plusieurs bouteilles à déguster : Le VS Courvoisier, le VSOP fine champagne, l'XO, et deux nouveautés, le 12 ans d’âge et le 21 ans de Courvoisier.

PS – En matière de dégustation, le verre est important. À Cognac, nous utilisons le verre «tulipe» qui a l'avantage d'avoir une base relativement large mais pas trop, ce qui permet de prendre le verre dans sa main et de la réchauffer quand la température n'est pas idéale. Il ne faut pas trop chauffer le cognac qui se déguste à la température de la pièce. L'idéal est entre 20 et 22 degrés. Si les verres sont froids, il est bon de les réchauffer mais sans excès. Je ne suis pas pour l'utilisation de petites chandelles ni de percolateur. Dès qu'on met un peu de cognac dans le fond d'un verre, on a naturellement la viscosité du cognac liée au vieillissement et au contact prolongé avec le bois de chêne. Cette viscosité va créer des larmes ou des jambes. Ce qui est aussi intéressant, c'est la couleur ambrée du cognac.

RH – Chez Courvoisier, vous êtes très attachés à la sélection des bois.
PS – Nous sommes les seuls à aller choisir dans les forêts françaises des grandes futées et des chênes que nous allons laisser vieillir pendant 3 ans avant de faire les barriques dans lesquelles les eaux-de-vie seront stockées, en fûts neufs puis en fûts anciens.

Dans un VS, on va d'abord trouver des arômes primaires, des notes de fleurs d'été, des notes de bois de chêne puisque ce cognac a passé quelques mois voire quelques années en fûts de chêne. On retrouve donc à la fois l'eau-de-vie et le bois qui vont donner de la légèreté au Fin Bois. Après une première gorgée, on doit porter une attention particulière sur l'attaque. Quand le cognac arrive en bouche, il ne doit pas être agressif, il doit se fondre, s'assouplir, se réchauffer au contact du palais. Le moment le plus révélateur apparait quand on a avalé la première gorgée, il doit alors y avoir une prolongation du goût qui doit se révéler.

Lorsqu’on passe au VSOP, c’est un assemblage de Fines Champagnes. La Fine Champagne est une règlementation très précise où on doit associer au moins 50% de Grande Champagne et le reste de Petite Champagne. À l'œil, on va observer les petites larmes autour du verre, une couleur ambrée qui va s'accentuer puisqu'on est entre 7 et 10 années de vieillissement. Au nez, on va avoir des arômes plus complexes dues à l'oxydation naturelle du chêne. On obtient des notes vanillées, un peu florales, avec beaucoup de longueur aromatique. Il ne faut pas oublier que dans le cognac il y a une troisième distillation naturelle qui se fait par évaporation. Chaque année, nous perdons l'équivalent de 20 millions de bouteilles en raison de l'évaporation, la fameuse part des anges. Le cognac continue à se concentrer à travers le bois. C'est le prix à payer pour la qualité.

L'XO est un produit très supérieur où on a fait un assemblage de Petite et Grande Champagne avec de la Borderie allant jusqu'à 35 ans de vieillissement. C’est un produit très rond, très harmonieux, voluptueux même, avec une grande persistance aromatique et une grande souplesse. On y retrouve les notes florales de la Borderie avec un peu d’iris. L'oxydation nous donne des notes d'orange confite, le côté du bois va apporter des notes vanillées, associées à la crème brûlée. Avec une seule goutte, on a un feu d'artifice dans le palais, le cognac fait la queue de paon, il s'ouvre.

Nous avons deux nouveaux produits sur le marché. Ce sont des eaux-de-vie avec mention d’âge. La première est une eau-de-vie de 12 ans, la deuxième une eau-de-vie de 21 ans. Pour le 12 ans, Courvoisier est la première maison à proposer des cognacs avec des assemblages de différents crus dont l'âge est d'au moins 12 années. C’est un produit constitué à base d'une centaine d'eaux-de-vie qui ont toutes 12 années et plus. Nous nous sommes concentrés sur un cru qui n'est pas exclusif mais qui provient en grande majorité des Borderies. Elles lui confèrent des arômes florales, un peu de gingembre, des épicées, voire un peu de cannelle. Lors de l'assemblage, nous avons cherché à faire des cognacs qui vont créer entre eux cette magie du 12 ans.

Pour le 21 ans, nous avons pris uniquement un assemblage de Grande Champagne qui, à ce grand âge, peut donner toute sa finesse au cognac!

RH - La robe est très ambrée avec une touche d'acajou!
PS - Chez Courvoisier, notre politique consiste à chercher l’harmonie entre le bois et l'eau-de-vie. Nous ne voulons pas que le bois domine les arômes initiaux du cognac.

RH - Le corps est velouté, voluptueux....
PS - C'est la magie du vieillissement. Nous allons perdre 2 à 3 degrés d'alcool à travers la barrique mais cette respiration lente du bois va permettre d'arrondir et d'assouplir, pour obtenir un produit très agréable.


courvoisierRH - La finale est très douce avec une profondeur exquise. Est-ce que le 12 ans et le 21 ans sont déjà à la SAQ?
PS - Le 12 ans et 21 ans sont arrivés en septembre à la SAQ. Le 12 ans est disponible dans tous les magasins au prix de 89,75$. Par contre, le 21 ans est seulement disponible à la SAQ Signature pour 349,95$

Voici les cognacs de la Maison Courvoisier disponibles à la SAQ :

1925 RA Courvoisier Cognac V.S. 56,75 $
9902 RA Courvoisier Fine Champagne Cognac V.S.O.P. 75,50 $
158865 SL Courvoisier Cognac X.O. 199,75 $
11339253 SL L'essence de Courvoisier Cognac 3 200,00 $
11443317 SL Courvoisier L'Initiale 700ml 449,25 $
11532723 SL Courvoisier cognac 12 ans 89,75 $
11532731 SL Courvoisier cognac 21 ans 349,75 $
11585024 SIG L'Esprit de Courvoisier Cognac 5 500,00 $
11585104 SIG Courvoisier Succession J.S. Le Cognac 4 467,50 $

Pierre Szersnovicz
Ambassadeur de Marque de Courvoisier
16200 Jarnac, France
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Représentés au Québec par
Nicole Paradis
Tél: 514-768-0071
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Roger Huet
Chroniqueur vins
Avec la collaboration d’Isabelle Barelli

À propos de l' auteur

Roger Huet - Chroniqueur vins et Président du Club des Joyeux
Québécois d’origine sud-américaine, Roger Huet apporte au monde du vin sa grande curiosité et son esprit de fête. Ancien avocat, diplômé en sciences politiques et en sociologie, amoureux d’histoire, auteur de nombreux ouvrages, diplomate, éditeur. Il considère la vie comme un voyage, de la naissance à la mort. Un voyage où chaque jour heureux est un gain, chaque jour malheureux un gâchis. Lire la suite...