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Le rôle des douaniers contre la fraude dans le vin

Une petite explication de texte de La RVF sur le rôle des douanes en France et leur action à Bordeaux sur l’affaire du « Vin de Lune. » Cuves, barriques, palettes, bouteilles, capsules, parcelles de vigne: rien n'échappe aux douaniers qui mènent des contrôles quasi quotidiens dans les exploitations viticoles du Bordelais, dressant un inventaire méticuleux des stocks pour débusquer petits manquements à la réglementation ou fraudes de grande ampleur.

"Service des douanes, nous allons procéder à un contrôle des stocks", annonce Bertrand Bernard, chef du service viticulture des douanes de Libourne, en se présentant mercredi à la Cave coopérative de Lugon (Gironde).

Jean-Marie Estève, maître de chai depuis 1984, coopère volontiers: "Je n'appréhende pas particulièrement, il y a toujours une différence entre ce qui est déclaré et ce qui est constaté, mais sur les 40.000 à 45.000 hectolitres que nous avons, ce n'est jamais plus que quelques hectolitres", largement dans les limites admises par l'administration, assure-t-il.

"On sollicite assez souvent les douanes pour être sûr qu'on est dans les clous vis-à-vis de la réglementation", renchérit Jean-Luc Caboy, président-directeur de la coopérative qui fédère 110 viticulteurs exploitant au total quelque 750 hectares de vigne. Car la cave peut aussi stocker, voire vinifier, pour d'autres producteurs indépendants, à hauteur de 20% maximum, et il est parfois difficile de s'y retrouver.

UNE INSPECTION ULTRA-PRÉCISE DES STOCKS

L'inspection débute par les imposantes cuves en béton datant de la création de la coopérative, en 1937, où flottent d'entêtants effluves en cette période de vinification. Ouvrant un petit robinet, Jean-Marie Estève verse un peu de bordeaux rouge dans un verre et le tend à Christian Lafon, contrôleur principal des douanes. Celui-ci scrute la robe du breuvage, l'agite, le hume, puis le verse dans un seau, satisfait. "On essaie de voir si c'est bien du vin du millésime précédent et pas un mélange (...) Si on a un doute, on fait un prélèvement pour l'analyser", explique-t-il. Ce ne sera pas le cas à Lugon, où tout est conforme.

La visite se poursuit à l'étage supérieur, Christian Lafon ouvre le couvercle de chaque cuve pour en vérifier le remplissage, lampe-torche à la main. "C'est bien plein, pas de problème", lance-t-il à ses deux collègues qui reportent scrupuleusement, l'une sur une fiche-papier et l'autre sur un ordinateur, les volumes constatés cuve après cuve.

Dans un hangar voisin, il compte ensuite les barriques de vin, frappant sur chacune pour s'assurer qu'elles sont pleines, avant de passer au recensement des bouteilles stockées sur des palettes, à l'unité près. Car chaque litre compte dans l'inventaire des douanes.

"On compare les volumes déclarés par la cave avec ce qu'on trouve lors de l'inventaire. On soustrait les sorties et on regarde ce qui reste. S'il y a moins, c'est souvent des pertes liées à la vinification (évaporation, transvasement, etc.). S'il y a plus, ça peut être une mauvaise évaluation lors de la récolte", explique Christian Lafon.

"Il peut y avoir de petites différences, souvent des erreurs. Au-delà, ça peut révéler un système de fraude organisée", souligne-t-il.

FRAUDE AU "VIN DE LUNE" DÉCELÉE

C'est justement cette comptabilité ultra-précise des douanes qui a permis de mettre au jour une vaste fraude (8.000 hectolitres) au "vin de lune" pour laquelle 15 personnes ont été jugées au mois d'octobre au tribunal correctionnel de Bordeaux. Trois châteaux appartenant à un même propriétaire, François-Marie Marret, coupaient leurs vins d'appellation avec des crus de piètre qualité, qu'ils faisaient venir clandestinement de nuit par camion.

"Tout est parti d'incohérences constatées entre la vérification des stocks sur le terrain et les documents présentés par les châteaux", résume Jeff Omari, adjoint au directeur régional des douanes de Bordeaux.

Alertés, les douaniers ont épluché les mouvements de vin des propriétés concernées et analysé des échantillons "pour remonter progressivement la chaîne de la fraude et tous les acteurs impliqués: viticulteurs, courtiers, transporteurs, etc. (...) Plus de deux ans d'enquête au total", explique Jeff Omari.

François-Marie Marret a été condamné jeudi 3 novembre à deux ans de prison ferme et huit millions d'euros de pénalités pour cette fraude. Il va faire appel du jugement.

Source: La Revue du vin de France

À propos de l' auteur

Âgé de 45 ans, ingénieur agricole, diplômé de l’IHEDREA (Institut des Hautes Etudes de Droit Rural et d’Economie Agricole en 1995), j’ai poursuivi mes études par un master de Gestion, Droit et Marketing du secteur Vitivinicole et des Eaux de Vie dépendant l’Université de Paris 10 Nanterre et de l’OIV (Organisation Internationale de la Vigne et du Vin - 1997). Lire la suite...