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Les propriétaires de Château Smith Haut Lafitte frappent fort en acquérant un domaine dans la Napa Valley, en Californie

Les propriétaires de Château Smith Haut Lafitte frappent fort en acquérant un domaine dans la Napa Valley, en Californie

« L’Amérique est un gros client pour nous. Nous n’avons pas fait cet investissement pour réagir aux secousses du marché mais nous nous doutions que les taxes risquaient d’augmenter et que les relations pouvaient se compliquer. Être sur place nous permet d’intervenir au quotidien. » Par cette déclaration Daniel Cathiard justifie l’important investissement que lui et sa famille viennent de faire aux États-Unis.

Depuis 1990, Smith Haut-Lafite est la propriété de Daniel Cathiard, qui est tombé sous le charme des lieux et des vins qui y sont produits. Les vignes couvrent aujourd'hui 67 hectares en rouge et 11 en blanc, avec les principaux cépages bordelais : merlot, cabernet sauvignon, cabernet franc, petit verdot, sauvignon et sémillon.

Outre un domaine viticole à la pointe, la famille Cathiard a développé une marque de cosmétiques, Caudalies, essentiellement issus du produit de la vigne et en particulier du pépin de raisin. De même, la famille a créé un hôtel restaurant étoilé dans l’enceinte de la propriété, venant compléter une offre viticole reconnue.

Mais l’histoire de Smith Haut-Lffitte est ancienne : déjà en 1365, la maison noble du Bosq donne naissance au vignoble. Au 18e siècle, l'Écossais George Smith achète le domaine, accole son nom, construit la chartreuse et exporte le vin vers l'Angleterre, contribuant ainsi à sa renommée. Le classement de 1959 pour les vins de Graves vient conforter cette réputation en classant les rouges en Grand Cru Classé.

Et puis, parce que peut-être un peu à l’étroit en France, l’information est tombée en début de semaine, le lundi 20 janvier, et a été reprise massivement par la presse. Une famille française investit fortement en Californie et pas n’importe laquelle, les Cathiard.

Depuis longtemps, la Napa Valley, au nord de San Francisco, fait rêver les Français. De nombreux propriétaires de châteaux et de grands groupes (Moët Hennessy et Pernod Ricard, entre autres) y ont investi dans des domaines de premier plan.

Aujourd’hui, la politique protectionniste de Trump, qui vise essentiellement le vin français, constitue un premier motif valable d’acquisition aux États-Unis pour qui veut profiter du formidable marché du vin local. Sur place, les tarifs des bouteilles plus élevés qu’en France, l’importance de la vente directe et des clubs mis en place par chaque marque sont d’autres atouts. Dans ce contexte, trente ans après l’acquisition de Smith Haut-Lafitte Florence et Daniel Cathiard annoncent leur première acquisition à l’étranger avec l’achat aux familles Komes et Garvey d’un domaine situé à Rutherford, au sud de St. Helena.

Au-delà des motifs conjoncturels, la famille explique ses motivations : « Nous avons un temps prospecté en Toscane, mais acquérir un domaine en Italie est vraiment très compliqué. Alors nous avons cherché en Napa Valley, où la viticulture est proche de celle que nous connaissons. En outre, nous avons des affinités familiales avec les États-Unis », a précisé Daniel Cathiard.

Les voilà donc à la tête du ranch de Rutherford. Il compte 25 hectares de vignes entourés de 110 hectares de forêt primaire, explique Florence Cathiard. Comme la plupart des propriétés perchées sur les coteaux de la vallée, la propriété est composée de plusieurs parcelles. Et cerise sur le gâteau, le domaine pourra être agrandi de 5 à 10 hectares sans difficultés, a-t-il été précisé. L’encépagement est majoritairement bordelais, Cabernet Sauvignon et Merlot. Ce sont des vignes en coteaux avec un ensoleillement modéré, ce qui est un point très important, l’ensoleillement trop important en Californie étant souvent un problème pour la vigne.

La famille n’a pas repris la marque, ni les stocks Flora Springs, conservés par le vendeur. L’image actuelle du domaine ne correspond pas aux ambitions des Cathiard, semble-t-il, qui souhaitent revoir la gamme du domaine. Jusqu’à présent, 600 000 bouteilles y étaient produites chaque année, ce qui est un rendement que l’on n'imagine pas sur un domaine traditionnel en appellation en France. Néanmoins, le prix des vins se situe aujourd’hui sur le marché américain entre 30 et 50 dollars, ce qui est déjà une somme rondelette. Pour ce qui est du future nom du domaine, rien est encore arrêté, mais les initiales de Smith Haut-Lafitte pourraient ête rappelées sur l’étiquette.

Dès les vendange 2020, la première récolte devrait descendre à 200 000 cols. Le vin est appelé à progresser avec des rendements plus faibles, une agriculture bio, une approche plus précise du terroir... « Nous voulons retrouver l’esprit l’origine des pionniers, celui des frères Rennie qui ont créé l’exploitation en 1885. Nous allons installer sur place un jeune ingénieur agronome œnologue formé à Château Smith Haut-Lafitte », précise la famille.

Comme premier projet, un très gros chantier de construction d’un nouveau cuvier devrait voir le jour afin d’adapter la vinification à la recherche de précision souhaiter. Autre programme à court terme, profiter de l’œnotourisme très développé dans la vallée. « Nous disposons d’autorisations pour recevoir un grand nombre de personnes au domaine », ajoute Florence Cathiard. Mais pour le moment il n’est pas envisagé de créer un hôtel ou un restaurant haut de gamme comme en France. La famille souhaite au départ se consacrer au vignoble et à la vinification.

D’ordinaire, nous indiquons que le montant de l’opération n’a pas été communiqué à la presse. Néanmoins, cette fois-ci, le site Lefigaro-Vin, dans son article paru le lundi 20 septembre, s’est risqué à donner un chiffre : la transaction serait proche de 100 millions d’euros. Et compte tenu des investissements prévus, la note finale devrait être salée. Rappelons que ni la marque, ni les stocks n’ont été rachetés. Mais le prix des prochaines bouteilles devrait s’envoler, compte tenu du futures coûts de production...

Il sera intéressant de suivre ce projet de longue haleine sur un secteur en perpétuelle transformation et où d’autres investissements en 2020 ne devraient pas manquer d’avoir lieu.

Source: McViti

À propos de l' auteur

Âgé de 45 ans, ingénieur agricole, diplômé de l’IHEDREA (Institut des Hautes Etudes de Droit Rural et d’Economie Agricole en 1995), j’ai poursuivi mes études par un master de Gestion, Droit et Marketing du secteur Vitivinicole et des Eaux de Vie dépendant l’Université de Paris 10 Nanterre et de l’OIV (Organisation Internationale de la Vigne et du Vin - 1997). Lire la suite...