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Mon nom : Huynh

Mon nom : Huynh

Je suis arrivé au Québec il y a bien longtemps déjà. Au temps où il n'y avait pas encore plein de pharmacies-à-la-nguyen ou de dépanneurs asiatiques pour valider notre Lotto Max. Lorsque je suis arrivé ici, j'ai été bien impressionné par l'immensité du pays, et je voulais aller voir où s'arrêtaient les étendues de neige. Alors je me suis rendu jusqu'à Matane ou Percé et je crois bien que c'est la première fois que le monde en région découvrait ce dont a l'air un asiatique.

J'ai refait ma vie dans ma nouvelle terre d'accueil, le Québec, et je me suis fait des ami(e)s et parmi l'un d'eux, celle qui est devenue ma première blonde. Lorsqu'elle m'a présenté à son père et à sa mère, j'ai redouté qu'ils ne comprennent pas mon nom et qu'ils aient de la difficulté à le prononcer. Je m'efforçais à trouver un moyen pour mieux présenter mon nom et je sautais de joie lorsque j'ai découvert une chanson du répertoire traditionnel québécois : le Rapide Blanc d'Oscar Thiffault (allez sur YouTube pour redécouvrir cette célèbre chanson. Il y a aussi une version plus moderne par Beau Dommage).

Ainsi, la première fois que j'ai rencontré les parents de ma blonde: «Bonjour Monsieur Gilles, bonjour Madame Reine, mon nom est Cong-Bon Huynh et Huynh ça se prononce comme... et je me suis mis à chanter la toune de Le Rapide Blanc : «ll vient frapper à la porte, awing-nahan, awing-nahan-ha...». Alors Huynh, ça se prononce comme dans awing-nahan!

C'est comme ça que je me suis présenté et les parents de ma blonde ont tout de suite compris comment prononcer mon nom. Ils trouvaient que je n'avais pas pris de temps pour m'adapter à la culture québécoise et ils m'ont accueilli à bras ouverts, comme si j'avais frappé à leur porte. Comme c'est une explication simple et rapide pour mon nom, c'est alors devenu comme un réflexe quand je me présente à une nouvelle personne : «Bonjour mon nom est Huynh, comme dans awing-nahan.»

Les années passent...  Maintenant, avec mes classes d'élèves en cuisine, lorsque je me présente : «Bonjour, je suis chef Cong-Bon Huynh, comme awing-nahan.» Ce que je reçois comme réactions en retour, ce sont de gros yeux incompréhensifs de leur part et je les entends penser «Yo man, c'est quoi ce vieux chef chinois un peu cinglé?». Et en constatant la situation, même si je sors un violon et je chante la toune Le Rapide Blanc en dansant country, ils ne vont pas plus comprendre le awing-nahan.

Alors, maintenant lorsque je vois la liste des noms des élèves de ma classe avec la plupart des noms aussi complexes à prononcer comme le mien, je me rajuste en me présentant avec une touche de culture neutre, en m'inspirant de Star Wars: «Bonjour à vous, ma classe, mon nom est chef Huynh, et Huynh ça se prononce comme Obi-Huynh Kenobi!»

Mes élèves partent à rire instantanément et j'en profite pour leur préciser immédiatement la matière en cuisine: «Oui, chef Huynh, comme Obi-Huynh Kenobi, j'ai un sabre laser et gare à celui qui a l'intention d'aller dans le côté obscur en s'absentant ou en étant en retard aux cours!»

Cong-Bon Huynh
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#seulaubaravecunebière

À propos de l' auteur

Il a été chef exécutif, chef corporatif, et maintenant chef enseignant. Mais il préfère se présenter tout simplement comme un cuisinier. Car pour lui, c'est le vrai titre pour quelqu'un qui vit avec la passion de la cuisine, dans son sens le plus large qui allie l'action de se nourrir avec les dimensions culturelles et sociologiques. Maîtrisant la cuisine occidentale aussi bien que la cuisine orientale, il est depuis les 15 dernières années, enseignant dans différentes grandes écoles hôtelières à Montréal, s'occupant minutieusement de la relève pour la cuisine au Québec. Lire la suite...