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SAQ – Lettre ouverte du Raspipav à monsieur Éric Girard, ministre des Finances

SAQ – Lettre ouverte du Raspipav à monsieur Éric Girard, ministre des Finances

10 mai 2023 

Lettre ouverte à Monsieur Éric Girard, ministre des Finances 

Monsieur le ministre, le 3 mai dernier, vous déclariez que vous ne remettrez pas en question le monopole de la Société des alcools du Québec. Raison évoquée : les dividendes de 1,4 milliard de dollars sont trop précieux pour le gouvernement du Québec. « Ça paye des hôpitaux, puis des écoles, et ça permet au gouvernement d’assumer ses missions de l’État, » disiez-vous alors.  

En tant qu’agents dédiés à la représentation des vins et spiritueux, ces retombées positives pour la société québécoise sont un élément positif de notre travail quotidien. Toutefois, en particulier pour les agences spécialisées dans l’importation privée, force est de constater que la SAQ met actuellement des barrières indues à la croissance de cette contribution. La forte progression des importations privées est actuellement bloquée, ce qui nous semble une belle façon pour le monopole de se tirer dans le pied.

En effet, à la mi-mars, le monopole a imposé subitement de nouvelles règles, dans le secteur des commandes privées, avec des restrictions abruptes sur la capacité de commander des agences qui animent tout un segment de ses ventes. Résultat des courses : la grande majorité des agences sont soit dans l’impossibilité de commander des vins d’importation privée pour plusieurs semaines, soit fortement limitées par rapport à leur volume d’affaires habituel. Les possibilités de croissance, pour les agences performantes, se retrouvent également limitées, dans l’approche de gestion des stocks proposée actuellement par la SAQ.  

Étant en dialogue constant avec le monopole, nous sommes bien au fait de leurs difficultés actuelles de gestion des approvisionnements et des stocks, en partie à cause des hauts et des bas des ventes de vins d’importation privée, fortement liées à la restauration, au cours des trois dernières années. Mais cette conjoncture a le dos large, alors que la Société des alcools du Québec n’a aucunement investi, depuis des décennies, pour soutenir une portion de marché qui est en très forte croissance et qu’elle impute des frais de plus en plus élevés aux agences, sans contrepartie particulière en termes de qualité de service.  

Entre autres, dans ce contexte où le monopole explique manquer de place pour les vins que les agents lui commandent, il est bon de rappeler que ces stocks sont traités dans le même entrepôt qu’il y a dix ou vingt ans, alors que le volume des importations privées a bondi fortement depuis cette époque.  

De 2011-2012 à 2022-2023, selon les chiffres mêmes de la SAQ, le volume de vente des importations privées a plus que doublé (106,8% de croissance). Pendant la même période, le chiffre de ventes global de la SAQ a augmenté pour sa part de 35,8%. De plus, alors que le gouvernement demande une meilleure performance financière à sa société d’État, ces ventes sont fort profitables. Avec 186,6 millions de dollars de ventes, les importations privées représentent 5% des ventes totales du monopole, mais 10% des profits!   

Les agences à qui la SAQ cherche à faire porter la responsabilité de ses propres et nombreuses difficultés de gestion (délais excessifs dans le traitement des commandes, délais excessifs pour la mise en marché des commandes aux fournisseurs, gestion erratique des entrées et sorties de produits aux entrepôts) sont exaspérées par les restrictions actuelles et par l’impact qu’elles risquent d’avoir sur leur viabilité. Pour les agents, la pilule est difficile à avaler quand la SAQ peut mettre huit ou neuf mois à rendre disponible une commande qui devrait l’être en moins de trois mois, comme c’est fréquemment le cas depuis un an, pour ensuite lui signifier que le problème, c’est que l’agence ne vend pas assez vite. Il nous semble injuste que des entreprises qui contribuent aussi bien à la croissance des revenus du monopole (et de l’État) se retrouvent à craindre pour leur avenir, plutôt que d’être soutenues comme de vrais partenaires d’affaires.  

Tout en reconnaissant les difficultés que les montagnes russes des trois dernières années ont suscitées, pour la restauration, pour l’importation privée et pour les approvisionnements de la SAQ, nous croyons qu’il est grand temps que le monopole investisse de façon cohérente avec la croissance de ses segments de marché, plutôt que de mettre inutilement le couvercle sur la marmite pour soulager ses problèmes internes et de faire payer à des petites et moyennes entreprises qui contribuent activement à sa croissance le prix de ses difficultés de gestion.  

Depuis toujours – et depuis mars 2020 en particulier – le Raspipav a toujours cherché à trouver des solutions constructives et mutuellement bénéfiques pour la SAQ, pour les agences et pour le bonheur d’une clientèle qui apprécie grandement la diversité des produits offertes par l’importation privée. Ce que nous demandons aujourd’hui, c’est que la société d’État prenne une approche nettement plus productive et y mette les moyens nécessaires, comme le ferait toute entreprise visant à gérer un segment de marché en forte croissance. Malgré plusieurs propositions pour en modérer et moduler les impacts, la SAQ a malheureusement signifié aux agences, lors de récentes réunions publiques, qu’elle refusait tout changement à sa nouvelle politique. La reconnaissance des bénéfices du monopole ne devrait-elle pas se doubler d’une gestion bienveillante envers des partenaires d’affaires qui contribuent activement à sa réussite?  

Monsieur le ministre, nous serons très heureux de vous rencontrer à votre convenance pour discuter plus en profondeur des solutions gagnant-gagnant que nous espérons, tant pour la santé de nos entreprises que pour la croissance de ces revenus qui permettent à l’État québécois de remplir ses missions.  

Les Importations Privées représentent plus d’un millier d’emplois au sein de 400 PME qui craignent aujourd’hui pour leur pérennité. Ne serait-il pas plus productif de soutenir leur expertise et leur contribution à l’économie québécoise? La SAQ nous exprime souvent que nous sommes ses partenaires, nous aimerions que les actions se joignent à la parole.

Le conseil d’administration Regroupement des agences spécialisées dans la promotion des importations privées des alcools et des vins (RASPIPAV)

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