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Le cri du coeur d'un professionnel de la restauration sur sa passion pour la cuisine

Le cri du coeur d'un professionnel de la restauration sur sa passion pour la cuisine

Endettement, conditions de travail pourries, problèmes de santé mentale : la situation dans les cuisines est si critique que c’est tout le milieu qui risque de sombrer, affirme l’étoile montante de la haute gastronomie québécoise Antonin Mousseau-Rivard.

Je viens de rouvrir Le Mousso, le restaurant que je porte à bout de bras depuis sept ans avec ma mère, Katerine Mousseau, après une pause pour le rénover. Et je l’avoue, un combat se livre à l’intérieur de moi : par moments, je suis super content, mais certains jours, je me coucherais en petite boule.

Mon secteur, celui de la haute gastronomie, qu’on appelle aussi les « nappes blanches », est extrêmement touché par plusieurs crises — pas que la COVID. Pour y remédier, j’ai décidé de changer mon modèle d’affaires. Et ce virage implique une forte augmentation de mes prix. Ça me stresse, parce que je sais que des gens vont critiquer. Je prends tout de même le risque. Je le fais pour ma gang, mais aussi pour moi, pour ma santé mentale et physique.

J’avais 16 ans quand j’ai commencé à travailler en restauration, et deux ans plus tard, je faisais un burn-out, le premier d’une série. C’est un milieu qui peut être très malsain, au point de briser des gens. Je n’ai que 37 ans, mais je me sens usé. Comme si mon corps avait vieilli prématurément. J’ai l’impression de porter un poids immense sur mes épaules.

Le milieu de la gastronomie va tellement mal que le Québec risque de perdre un pan pourtant essentiel de son économie culturelle. Bien des gens ne réalisent pas que des restaurants comme Le Mousso, Joe Beef ou Au Pied de Cochon attirent plein de touristes qui font le voyage expressément pour venir manger à nos tables. Ces visiteurs, qui représentent au moins 35 % de ma clientèle, achètent aussi des billets de spectacles, louent des chambres d’hôtel, vont voir les baleines… Les retombées sont énormes. C’est sans compter les maraîchers, les éleveurs, les cueilleurs de champignons sauvages et les propriétaires d’agences de vins d’importation privée qui vivent en bonne partie grâce à nous. Cet écosystème est menacé, faute d’appui des gouvernements. La métropole profite à fond de la renommée de ses grands restaurants, sans pour autant leur apporter du soutien financier. Pourtant, les festivals reçoivent des subventions, eux.

Lire la suite: L'Actualité du 3 novembre 2021