vendredi 29 mars 2024
Merci Anthony Bourdain

Merci Anthony Bourdain

Depuis le décès tragique du célèbre chef et communicateur Anthony Bourdain, on évoque beaucoup son désir pour la découverte, son amour de la bouffe et son franc-parler.

Pour ma part, c’est sa persévérance face aux échecs professionnels et son rapport à l'argent qui m’ont marqué.

À l’ère de l’instantanéité, des milliardaires à la Zuckerberg et des jeunes célébrités fortunées, la pression de «réussir» avant l’apparition de son premier cheveu gris est immense.

Plusieurs personnes de ma génération angoissent à l’idée de ne pas déjà avoir mené à terme toutes leurs ambitions, même si leur vie ne fait que commencer.

Ils n’ont pourtant qu’à se tourner vers Bourdain pour réaliser qu’il n’est jamais trop tard et qu’on ne doit pas se définir par ses échecs.

Avant la parution de son livre culte «Kitchen Confidential», il avait publié deux romans, qui malgré de bonnes critiques, ne lui avaient pas permis d’échapper à la galère des cuisines new-yorkaises.

«Jusqu’à l’âge de 44 ans, je n’avais jamais eu de compte épargne. Je vivais constamment dans l’insécurité. Je devais toujours de l’argent», a-t-il confié en entrevue.

Ce n’était pas là une glorification de la précarité financière, mais plutôt un hommage à l’échec, formateur et fortifiant.

Un argument de plus permettant de déboulonner le mythe du succès hâtif et à tout prix.

D’ailleurs, saviez-vous que...

  • Le fondateur de Walmart avait 44 ans lorsqu’il a ouvert son premier magasin.
  • Ray Croc, qui a fait de McDonald’s le restaurant le plus connu au monde, vendait des mélangeurs à milkshake jusqu’à sa cinquantaine.
  • Tout juste après avoir découvert Céline, René Angelil a dû déclarer faillite et repartir à zéro.
  • La dragonne Danièle Henkel a fondé son entreprise à l’aube de la quarantaine.
    Ces exemples ne sont pas des exceptions, ils sont la règle. Une étude américaine a dévoilé que sur 2,7 millions de nouvelles entreprises, celles avec la plus haute croissance avaient un fondateur âgé en moyenne de 45 ans.

En excluant les métiers exigeant une condition physique que seule la jeunesse peut soutenir, ce constat sur la réussite pourrait également se transposer à la grande majorité des professions.

Bourdain nous a aussi mis en garde sur ce qu’on raconte sur la fortune des autres. «Les rumeurs sur le montant de ma valeur nette sont environ 10 fois trop élevées.», a-t-il avoué.

On peut donc s’inspirer de certains modèles de succès, mais évitons de nous comparer, l’exercice est futile et souvent biaisé.

Si sa situation financière est devenue fort enviable avec les années, il comprenait que l’argent n’est pas une fin en soi.

«L’argent ne m’excite pas. Pour moi, l’argent représente la liberté face à l’insécurité, la liberté de bouger, ou du temps si vous choisissez de tirer profit de votre temps.»

Avec ses voyages dans les coins les plus pauvres de la planète, il a démontré qu’un plat préparé avec les moyens du bord pouvait régaler autant qu’un 7 services dans un étoilé Michelin.

De son vivant, et malheureusement aussi par son décès, Bourdain nous a rappelé le vieux cliché «l’argent ne fait pas le bonheur».

Anthony, merci.

L'article complet: Le Journal de Montréal du 12 juin 2018