vendredi 19 avril 2024
Homard: c'est la fête aux Îles-de-la-Madeleine

Homard: c'est la fête aux Îles-de-la-Madeleine

De la cérémonie entourant la mise à l'eau des cages à l'arrivée du crustacé dans l'assiette, le retour du homard en mai prend chaque année des airs festifs, autant pour les pêcheurs que pour les gourmands. Récit de pêche et recettes.

Partons, la mer est belle...

«J'ai hâte de goûter mon premier homard de l'année.» Stéphane Langford est tombé dans la marmite à homard quand il était petit. Né dans une famille où l'on devient pêcheur de père en fils, le Madelinot âgé de 44 ans est loin d'être blasé, il attend toujours le début de la pêche aux homards avec la même impatience et le même appétit.

Cette année, aux Îles-de-la-Madeleine, la très attendue mise à l'eau des cages a eu lieu le 5 mai. En Gaspésie, les premiers bateaux ont pris la mer à la fin du mois d'avril.

Bien avant que le signal ne soit donné par Pêches et Océans Canada, le pêcheur madelinot était prêt... et ses casiers aussi. Il a même effectué des travaux d'agrandissement sur son bateau. Stéphane Langford souhaite revivre une saison aussi exceptionnelle que celle de l'an dernier où la quantité de prises a atteint des records, soit 9 millions de livres de homards aux Îles. Du jamais vu, confirme Cédric Arseneau, directeur intérimaire du secteur des Îles-de-la-Madeleine de Pêches et Océans Canada. Une performance qu'il sera bien difficile à égaler cette année, selon lui.

Une journée en mer

Nous avons eu la chance de goûter à cette saison faste l'an dernier en prenant le large avec Stéphane Langford. Récit d'une journée de pêche.

Le rendez-vous avait été fixé à 2 h 30 du matin, au quai de Grande-Entrée. Nous étions en juin, mais le port de la tuque et des gants restait incontournable. Chaque année, de mai à juillet, plus d'une centaine de bateaux de pêche - sur un total de 325 aux Îles - quittent ce port, au beau milieu de la nuit, chargés de cages qui permettront de rapporter les homards.

Saison après saison, le modus operandi demeure le même. Avant de larguer les amarres, le capitaine Langford prépare les appâts et les cages en compagnie de son frère aîné Roland.

«Le homard, il faut que tu lui donnes des appâts frais. C'est comme quand tu vas au restaurant, si ce n'est pas frais, tu n'y retourneras plus.»

Voilà un pêcheur qui connaît bien sa proie. Il nous informe d'ailleurs dans la foulée que le convoité crustacé entre toujours dans le casier à reculons, comme résigné.

Stéphane Langford, moins bavard que son frère, donne le signal de départ. Sur l'eau, on distingue les lumières des bateaux qui se suivent comme dans une valse. Parfois, les équipages se parlent entre eux. Tout en conduisant, le capitaine, bombardé de questions, prend plaisir à raconter son histoire: ses études qu'il a terminées beaucoup plus tard, car il était «pressé» de partir en mer. «Il y avait de la compétition dans la famille», raconte celui qui a deux frères et trois soeurs. Son bateau, le Mathis and Friends - nom donné en l'honneur de son fils -, il le possède depuis 2007. Est-ce que son garçon, âgé de 8 ans, souhaite lui aussi un jour prendre le large? «Pour l'instant, il ne semble pas avoir un gros intérêt, dit-il. Mais moi, comme père, je veux qu'il aille s'instruire avant de s'embarquer sur un bateau.»

La conversation prend fin lorsque l'embarcation atteint finalement la première lignée de sept casiers. Il y en aura 38 autres par la suite. Les manoeuvres sont routinières, mais exigeantes. L'air est frais en ce matin de juin. Et l'eau entre de chaque côté du bateau. Le travail est exigeant.

Pendant que Roland sort énergiquement les cages remplies de homards, Stéphane, lui, mesure chaque crustacé. Ceux qui n'ont pas atteint 83 mm sont rejetés dans la mer, tout comme les étoiles de mer qui réussissent parfois à se faufiler à travers le grillage.

On remet de nouveaux appâts et les cages retournent dans l'eau. Le Mathis and Friends se dirige peu après vers la deuxième lignée de casiers et ainsi de suite. En chemin, les pêcheurs grignotent. Un fruit par-ci, un morceau de fromage par là. Sur l'eau, c'est connu, il faut toujours avoir quelque chose dans l'estomac, histoire de combattre le mal de mer.

Après avoir «visité» les 39 lignées, il est temps de rentrer au port avec la cargaison de homards. Il est près de midi. La peau brûlée par le vent et le soleil, on sent le besoin de mettre pied sur le plancher des vaches. Nos deux pêcheurs, eux, doivent sortir les homards, nettoyer le bateau... À 20 h, ils seront au lit, afin de se lever le lendemain pour une autre escapade en mer. Et grâce à eux, et à leurs confrères, nombreux sont ceux qui pourront déguster du homard encore une fois cette année!

Source: Lou White, via La Presse du 16 mai 2018