vendredi 29 mars 2024
SCANDALE EN EUROPE - Des milliards d’œufs empoisonnés détruits

SCANDALE EN EUROPE - Des milliards d’œufs empoisonnés détruits

Le Figaro fait le point sur ce scandale qui touche désormais quinze pays de l'Union européenne, dont la France.

Des millions d'œufs ont été contaminés au fipronil, insecticide dont l'usage sur les animaux destinés à la consommation est pourtant interdit. Interrogé sur RMC ce vendredi matin, Stéphane Travert, ministre de l'Agriculture, a indiqué qu'en France, «le risque pour la santé humaine est écarté». La Commission européenne convoquera une réunion sur la crise, a annoncé ce vendredi à l'AFP le commissaire à la Santé Vytenis Andriukaitis. Voici ce que l'on sait de ce scandale qui touche de nombreux pays européens.

Combien de pays sont désormais concernés?

La liste s'est encore allongée ce vendredi. La Pologne, l'Irlande, l'Italiefont désormais partie des pays touchés par la crise des oeufs contaminés, a indiqué la Commission européenne. Au total, quinze pays de l'Union européenne, ainsi que la Suisse et Hong Kongsont désormais affectés. Même si la présence de fipronil n'a pas encore été révélée, l'Autriche a également rappelé des lots suspects, destinés aux restaurants.

Et la France?

Cinq usines hexagonales ont été identifiées comme ayant importé des oeufs de Belgique et des Pays-Bas. En outre, un élevage de poules pondeuses du Pas-de-Calais s'est vu confirmer une contamination au fipronil, a indiqué le ministère de l'Agriculture, mercredi dernier. Plus de 200.000 oeufs contaminés au fipronil, importés de Belgique et des Pays-Bas, ont été «mis sur le marché» en France depuis avril. Interrogé sur RMC ce vendredi matin, Stéphane Travert, ministre de l'Agriculture, a indiqué que l'Autorité nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation (Anses) lui avait transmis ses conclusions sur les lots contaminés parvenus en France. S'appuyant sur les données recueillies lors d'«études nationales de consommations alimentaires», l'Anses estime, dans un avis publié sur son site internet, que «la quantité maximale d'oeufs pouvant être consommés varie de un (pour un enfant de 1 à 3 ans) à dix par jour (pour un adulte)», «sans s'exposer à un risque aigu».

«L'avis que rend l'Anses sur les risques pour la santé humaine constitue une bonne nouvelle: le risque est très faible au vu des niveaux de fipronil constaté et au vu du niveau de consommation [des Français]», a soutenu le ministre. «Le risque pour la santé humaine est écarté». Stéphane Travert a néanmoins spécifié que les investigations se poursuivaient. Celles-ci ont notamment permis d'identifier deux établissements, en Vendée et en Moselle, qui ont reçu des lots d'oeufs contaminés.

Stéphane Travert a précisé qu'un premier lot de 196.000 oeufs de Belgique a d'abord été mis en circulation entre le 16 avril et le 2 mai. Un second a été mis en circulation en le mois dernier, provenant du lot 0NL43651-01, a-t-il spécifié. Il s'agit de «48.000 oeufs mis en vente par Leader Price entre le 19 et 28 juillet».

Le ministre de l'Agriculture écarte ainsi l'idée d'un scandale sanitaire en France, dans la mesure où «les niveaux de contamination ne sont pas alarmants», mais évoque une véritable fraude. La veille, il avait fustigé la lenteur du Réseau d'alerte sanitaire européen sur l'alimentation humaine et animale (RASFF). La Commission européenne convoquera une réunion sur la crise, a-t-on appris, a annoncé vendredi à l'AFP le commissaire à la Santé Vytenis Andriukaitis.

De son côté, Christiane Lambert, patronne du syndicat agricole FNSEA a assuré ce vendredi que la France était «irréprochable» en matière sanitaire. Elle dénonce une «crise sanitaire en Belgique, aux Pays-Bas, en Allemagne, liée à beaucoup de laxisme et de laisser-faire inacceptables», qui «ne se serait pas produite en France». «Nous avons une politique sanitaire beaucoup plus rigoureuse, que les agriculteurs trouvent parfois trop pointilleuse, mais n'empêche que pour le coup, on est bien meilleurs que les autres au plan sanitaire», a-t-elle ajouté.

Où en est l'enquête?

Dans les faits, trois enquêtes distinctes ont été ouvertes: en Belgique, aux Pays-Bas et enfin, en Basse-Saxe en Allemagne. Objectif affiché, retracer les circuits de commercialisation des lots contaminés. Plusieurs perquisitions ont ainsi été menées jeudi, lors d'une opération concertée entre les autorités belges et néerlandaises. Elles ont permis l'arrestation de deux dirigeants d'une des entreprises incriminées dans cette affaire, ChickFriend, aux Pays-Bas, selon les médias locaux. L'enquête cible désormais 26 personnes et entreprises suspectes, selon le parquet d'Anvers.

En Belgique, les premières perquisitions ont été menées le mois dernier. Au total, «près de 6000 litres de produits interdits» avaient alors été saisis dans une société belge, selon le parquet. Pour rappel, l'affaire a pris de l'ampleur à partir du 4 août dernier, lorsque la chaîne de supermarchés Aldi retire brusquement tous ses œufs de la vente en Allemagne.

Sous le feu des critiques de ses voisins européens, le gouvernement néerlandais a reconnu jeudi que «des erreurs» avaient été commises dans la gestion du scandale. Il réfute toujours toute accusation de négligence. «Dans toute crise, des erreurs sont commises. C'est absolument le cas pour celle-ci», a reconnu la ministre de la santé Edith Schippers sur un plateau télévisé jeudi soir.

Quelles sont les mesures sanitaires mises en place par ces trois pays?

En Allemagne, aux Pays-Bas, et dans une moindre mesure en Belgique, les supermarchés concernés par des lots contaminés ont vidé leurs rayons de plusieurs millions d'oeufs, la semaine dernière. Des inquiétudes existent sur les produits transformés contenant des oeufs, comme la mayonnaise. Les autorités sanitaires nationales imposent aux producteurs de faire détruire les oeufs contaminés par une entreprise spécialisée et ont bloqué toutes les ventes des fournisseurs potentiellement touchés. En Belgique, outre les oeufs, les animaux et le fumier sont «bloqués» dans les exploitations encore sous surveillance.

Et au fait, qu'est-ce que le fipronil?

Le fipronil est considéré comme «modérément toxique» pour l'homme, par l'Organisation mondiale de la santé (OMS). En revanche, il reste dangereux pour les reins, le foie et la thyroïde s'il est absorbé en grande quantité. De son côté, l'UE estime qu'il n'y a aucun risque pour le consommateur s'il ingère moins de 0,009 mg/kg au cours d'un repas ou d'une journée. Pour une personne pesant 60 kg, cela représente 0,54 mg, soit environ huit des oeufs présentant la plus forte concentration de fipronil.

Dans les faits, les faibles concentrations mesurées dans les oeufs contaminés rendent le risque d'empoisonnement très faible. Les poules contaminées le restent pendant six à huit semaines. L'utilisation du fipronil est interdite sur les animaux destinés à la chaîne alimentaire dans l'UE. Elle reste néanmoins courante dans de nombreux produits antiparasitaires pour animaux de compagnie et dans des produits à usage domestique, comme les anti-termites ou les anti-fourmis.

Source: Le Figaro du 10 août 2017