lundi 18 mars 2024

La fête des vins de Bordeaux à Montréal!

J’étais invité le 29 octobre dernier à une dégustation de vins de Bordeaux de moins de 30 dollars à la SAQ. Elle était organisée par le Conseil interprofessionnel du Vin de Bordeaux. Je me suis dit que cette limitation devait restreindre grandement le choix des vins, mais j’ai été surpris d’apprendre qu’il n’y avait pas moins de 160 produits, et qu’ils seraient tous proposés en dégustation au Marché Bonsecours. Cela se passait dans la grande salle de bal. Les tables étaient pleines de bouteilles, et les représentants des agences, derrière, prêts à nous faire goûter et à nous parler de leurs produits. 

Il y avait un séminaire que devait animer Nick Hamilton, le bouillonnant animateur du Voir et que je ne voulais pas manquer, mais je me suis dit que j’avais le temps de visiter quelques tables et de serrer les mains de plusieurs amis. Justement mon ami Claude Simoneau n’était pas loin et il m’a présenté aux frères Sylvestre qui m’ont parlé avec enthousiasme de leur La Terrasse de La Garde 2006 qui a gagné une médaille d’or et une autre d’argent cette année. À la table de Philippe Dandurand j’ai contemplé les Mouton Cadet blancs, rosés, rouges et rouge réserve, le Château Greysac Médoc cru bourgeois 2005, le Château Peyre-Lebade, Haut Médoc Cru bourgeois 2006. À LCC Vins et Spiritueux ils avaient aussi de très bonnes choses dont un rouge : Les Contreforts de Beau-Site, St-Estèphe a.o.c. que j’adore. À la table de l’Agence Benedictus, mon ami Benoît Lecavalier m’a présenté son Château Mylord 2005 cuvée Milady Bordeaux AOC dont paraît-il l’élégance en bouche est remarquable et ne coûte que $ 19,80. A ce moment on est venu m’appeler car le séminaire de Nick Hamilton allait commencer. Nick nous a brossé un tableau très intéressant du Bordelais et de ses vins et nous a donné une folle envie de commencer la dégustation.

Comme la SOPEXA fait bien les choses, ils avaient prévu que les médias nous allions avoir une salle de dégustation assise, pour nous tous seuls, avec service aux tables. Tandis qu’on préparait la salle je me disais que les vins de Bordeaux sont les vins préférés des Montréalais, mais qu’ils se perdent parfois dans les dénominations, et pour cause :

La région de Bordeaux présente deux plateaux différents, à l’Est, un plateau ondulé, mais sans grandes côtes, et à l’Ouest, un autre plateau qui descend doucement vers le littoral. Le climat est océanique, adouci par l’influence du Gulf Stream et tempéré par la forêt des Landes ce qui fait que le Bordelais soit agréable en tout temps. Il y a des printemps plus ou moins humides, des étés ensoleillés, des automnes harmonieux et d’assez doux hivers. Les sols très diversifiés sont favorables à la culture de la vigne, ils sont bien irrigués par la Garonne, la Dordogne et leurs affluents.

Et les cépages ?

- Pour le vin rouge le cépage le plus présent est le Merlot, qui est un cépage précoce, bien adapté à la diversité des sols bordelais. Vient ensuite le Cabernet Sauvignon qui lui, est un cépage tardif, avec un excellent rendement dans les sols graveleux qui se trouvent à l’Ouest de la Garonne. Le Cabernet Franc est cultivé dans la région du Libournais. Il y a finalement les cépages auxiliaires : le Carmenère, le Petit Verdot et le Malbec qu’on appelle Cot à Bordeaux.

Pour le vin blanc on trouve généralement du Sémillon qui donne des vins dorés et onctueux, le Sauvignon blanc, riche en sucre, et des cépages auxiliaires blancs comme la Muscadelle, le Merlot blanc, le Colombard et l’Ugni blanc.

Le vignoble bordelais produit une gamme étendue de vins fins : vins rouges, vins rosés, vins blancs secs, vins blancs moelleux et liquoreux, et vins effervescents.

Six grandes familles forment le terroir bordelais : au sein desquelles on distingue 57 appellations officielles.

carteVinsBordeaux2

• Les terroirs de l'AOC Bordeaux et Bordeaux Supérieur, présents sur toute la zone viticole de Bordeaux.
• Les terroirs de Médoc & Graves : la vigne est plantée dans des sols de galets et graviers bien drainés, sur des terrasses ou des croupes qui emmagasinent la chaleur et la restituent durant la nuit.
• Les terroirs des vins liquoreux autour de Sauternes.
• Les terroirs des vins blancs secs entre Garonne et Dordogne.
• Les terroirs des Côtes de Bordeaux, accrochés aux coteaux ensoleillés près des fleuves, et
• Les terroirs de Saint-Emilion-Pomerol-Fronsac.

Les Appellations d’Origine Contrôlée représentaient 98,5% de la production bordelaise, les principales sont :

Barsac
Bordeaux
Bordeaux Clairet
Bordeaux côtes-de-francs
Bordeaux haut-benauge
Bordeaux rosé
Bordeaux supérieur
Cadillac
Canon-fronsac
Cérons
Côtes-de-blaye
Côtes-de-bordeaux-saint-macaire
Côtes-de-bourg
Côtes-de-castillon
Crémant-de-Bordeaux
Entre-deux-mers
Entre-deux-mers-haut-benauge
Fronsac
Graves
Graves-de-vayres
Graves supérieures
Haut-médoc
Lalande-de-pomerol
Listrac-médoc
Loupiac
Lussac-saint-émilion
Margaux Médoc
Montagne-saint-émilion
Moulis-en-médoc
Pauillac
Pessac-léognan
Pomerol
Premières côtes-de-blaye
Premières côtes-de-bordeaux
Puisseguin-saint-émilion
Sainte-croix-du-mont
Sainte-foy bordeaux
Saint-émilion
Saint-émilion grand cru
Saint-estèphe
Saint-georges-saint-émilion
Saint-julien
Sauternes

2005 et 2009 sont deux millésimes d’exception pour les vins de Bordeaux.

photo salle de presse BdxFinalement la salle de dégustation assise était prête. Les bouteilles posées sur des tables autour des fenêtres avaient des couleurs magiques. Je pris place, mon amie Cynthia Joyal vint me saluer, je lui dis que pour la dégustation j’allais me limiter aux vins de Saint-Émilion, là où le Merlot est roi ! Nous avons regardé la liste ensemble, il y en avait neuf. Cynthia s’esquiva, la fête allait commencer.

Saint-Emilion tire son nom de la ville du même nom qui a la fois le tient de l’ermite Saint-Emilian qui vécut au Huitième siècle. Louis XIV donna à ce vin ses lettres de noblesse en l'appelant le « Nectar des Dieux ».

La juridiction de Saint-Emilion est classée Patrimoine mondial de l’Humanité par l’UNESCO. Elle a 5 400 hectares qui s’étendent sur les communes productrices de Saint-Émilion, Saint-Christophe-des-Bardes, Saint-Hippolyte, Saint-Étienne-de-Lisse, Saint-Laurent-des-Combes, Saint-Pey-d’Armens, Saint-Sulpice-de-Faleyrens, Vignonet, et une partie de la commune de Libourne.

Le vignoble de Saint-Émilion a les mêmes caractéristiques que celui de Pomerol, de Fronsac et de Lussac, même climat et même type de sol graveleux. Plusieurs vignobles ont le droit d’accoler le nom de Saint-Emilion à leur propre patronyme. Ce sont les appellations: Montagne-Saint-Emilion, Lussac-Saint-Emilion, Puisseguin-Saint-Emilion, et Saint-Georges-Saint-Emilion.

Les Saint-Émilion sont des vins d’assemblage de Merlot, de Cabernet franc et de Cabernet sauvignon; des vins généreux, corsés, chaleureux et somptueux. Je demandai qu’on s’assure de les servir à 18°.

On m’a d’abord présenté un Château des Laurents, Puisseguin-Saint-Emilion 2006, représenté par Sélections François Fréchette (SAQ 20,30).

Ce vignoble de 40 ha a été acheté par le Baron Benjamin de Rothschild en 2003 et avec les conseils de l’œnologue Michel Rolland il souhaite en faire une référence de qualité de la région.
C’est un vin d’assemblage 80% merlot noir et 20% cabernet franc.
Belle robe intense, un premier nez de fruits murs, un deuxième nez dévoile une palette complexe d’épices fumées et de framboise. Belle attaque en bouche, souple, ronde, qui dévoile en longueur sa belle structure tannique.

On m’a présenté ensuite un Château Guibeau, Puisseguin Saint Emilion 2005. Il est représenté par Sélections François Fréchette (SAQ 20,45).
Un vignoble de 6 ha, dont la production ne dépasse pas les 30 000 bouteilles.
70% Merlot, 15% Cabernet Franc, 15% Cabernet Sauvignon.

Beaucoup d'harmonie et d'élégance pour ce vin boisé, rond, aux tannins soyeux, avec la puissance du 2005, un millésime de garde qui atteindra son apogée dans dix ans.

On m’a apporté un Château Tour du Pas Saint Georges St-Émilion 2005. représenté par Réserve et Sélection (SAQ $ 23.25)

Cette propriété de 14 ha est située sur un des plus beaux coteaux de la région de Saint Emilion. Le vin 50% Merlot, 35% Cabernet Franc et 15% Cabernet Sauvignon. L’appellation est depuis longtemps reconnue comme la plus prestigieuse des satellites de Saint-Emilion et la plus confidentielle aussi, chasse-gardée de quelques vignerons passionnés. Vieille propriété familiale des Dubois-Challon, qui appartient aujourd'hui à Pascal Delbeck, qui se dit convaincu que : "Le bois doit garder ses distances, être un écrin et non un cercueil, c'est la monture du diamant." Il conduit son domaine suivant des préceptes biodynamiques, en vendanges manuelles avec un rendement de 50 hl/ha. Un fleuron de l'appellation ! Cet opus 2005 a un nez mûr et intense, une jolie matière, de l'élégance, de la finesse, un équilibre parfait... Du grand art !

Ce fut ensuite un Thomas Barton, Saint-Émilion Réserve 2006, représenté par Charton Hobbs (SAQ 24,70). Le vin 80% Merlot et 20% Cabernet Franc. Le vignoble est situé à droite de la Dordogne entre Pomerol et Libourne. Robe profonde, premier nez intense dominé par des arômes de baies noires confiturées. Deuxième nez complexe, notes d’épices toastées. Soyeux en bouche, longue finale épicée et élégante.

On m’a présenté un Château Montlabert, Saint-Émilion 2005, représenté par Mosaïq (SAQ $ 24,35). Assemblage à 80% Merlot et 20% Cabernet Franc. Robe rouge orangée intense. Premier nez de poivre et de griotte ; deuxième nez : effluves subtils de sous-bois et de torréfaction. En bouche une agréable fraîcheur et des tannins soyeux. Texture souple et complexe. Finale longue et élégante. Le groupe Pierre Castel a acquis Château Montlabert, en 2008. C’est un vignoble de 12,5 ha. Ce Saint-Emilion Grand Cru est situé sur la route de Libourne à 3 km à l’est de Saint-Emilion.

On m’a apporté ensuite un Saint-Émilion de Jules Lebegue 2007, représenté par Select Wines (SAQ $ 19,95) 60% Merlot, 20 % Cabernet Franc, 20% Cabernet Sauvignon.
Antoine Moueix et Lebegue est à la fois négociant et distributeur exclusif de 30 propriétés, assurant l’assistance technique au vignoble pour environ 20 châteaux.
Le vin que j’ai dégusté avait une belle robe pourpre avec des reflets violines, arômes d’épices et de fruits rouges. Équilibré et complexe en bouche, belle finesse au début, rond, se montrant puissant en finale.

On m’a présenté le La Fleur Anne Saint-Émilion 2005, représenté par Sélections François Fréchette (SAQ $ 19,30)
Robe couleur grenat intense. Nez puissant qui exhale des arômes, de prune et de baies rouges, des effluves de papaye et de fougère. À cela s'ajoutent de subtiles essences de cerise. En bouche, il est sec avec une bonne acidité et des tannins fermes. On retrouve des saveurs de poivron vert et rouge, d’épices et de bois brûlé. Il tapisse vos papilles d’un velours souple et élégant, une finale bien soutenue.

On m’a apporté ensuite un Château Haute-Nauve, Saint-Émilion Grand Cru 2006, qui comme La Fleur Anne est produit par l’Union des Producteurs de Saint-Émilion, représenté également par Sélections François Frechette (SAQ $ 26,95).
Assemblage classique : 60% Merlot, 30% Cabernet Franc et 10% Cabernet Sauvignon. Belle couleur intense, nez vif, boisé, baies rouges, muscat. En bouche une bonne acidité, mais des tanins ronds et agréables. Une certaine fraicheur, qui se prolonge avec élégance.

Quelle joie lorsqu’on m’a présenté le Château Gaillard Saint-Émilion, Grand Cru 2004. Il est représenté par le Réseau International Global (SAQ $ 29,30). Ce vin a obtenu la médaille d’or au Challenge International 2008 et la Coupe d’or des Nations à Québec en 2008.
Couleur grenant intense, un premier nez délicatement boisé, notes de poivre rouge et de poivre noir, pain grillé. Deuxième nez de vanille, de kaki. En bouche saveurs de fruits noirs, un excellent équilibre, des tanins onctueux et un très beau fini, très long et élégant. Un vin qui m’a définitivement conquis.

C’était la dernière bouteille. La grande salle était maintenant pleine de monde. Ce n’est pas pour rien que les Bordeaux sont les vins les plus renommés de la Terre !

En quittant la dégustation je me suis souvenu de ce vers de Voltaire :
« Il faut, le soir, un souper délectable,
Où l'on soit libre, où l'on goûte à propos
Les mets exquis, les bons vins, les bons mots;
Et sans être ivre il faut sortir de table. »

Roger Huet
Chroniqueur,
Président du Club des Joyeux
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À propos de l' auteur

Roger Huet - Chroniqueur vins et Président du Club des Joyeux
Québécois d’origine sud-américaine, Roger Huet apporte au monde du vin sa grande curiosité et son esprit de fête. Ancien avocat, diplômé en sciences politiques et en sociologie, amoureux d’histoire, auteur de nombreux ouvrages, diplomate, éditeur. Il considère la vie comme un voyage, de la naissance à la mort. Un voyage où chaque jour heureux est un gain, chaque jour malheureux un gâchis. Lire la suite...